Moscou répond au chef de l’Otan qui dénonce la menace russe

 
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La porte-parole de la diplomatie russe a conseillé au secrétaire général de l’Otan de se pencher sur les problèmes urgents des pays de l’Alliance au lieu de dénoncer la menace russe.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a répondu au secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg, lequel pointe du doigt la Russie, en lui conseillant de s’occuper plutôt des problèmes des pays de l’Alliance.

 «Ils [les problèmes, ndlr] demandent une intervention urgente: la vaccination, la crise, les droits de l’Homme dans les pays de l’Otan», a-t-elle indiqué.

«Dès qu’ils sont résolus, nous procéderons à l’étude de votre expérience. À condition qu’elle soit réussie», a ajouté Mme Zakharova.

Elle répondait ainsi aux propos tenus par le secrétaire général de l’Otan au cours d’une conférence de presse. Celle-ci avait été tenue à l’issue de la réunion du Conseil de l’Alliance consacrée à la Russie.

Jens Stoltenberg avait déclaré que l’Otan était préoccupée par «des actions agressives» de Moscou.

«Comportements répressifs et agressifs»

«Nos relations avec la Russie restent très difficiles […]. La Russie a intensifié ses comportements répressifs dans son pays et ses comportements agressifs à l’étranger», avait-il affirmé.

Il avait accusé la Russie de réprimer de manière violente la dissidence politique et, à l’étranger, de saper et déstabiliser ses voisins, notamment l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie.

«La Russie poursuit son vaste développement militaire de la Baltique à la mer Noire, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et de la Méditerranée à l’Arctique», avait avancé le secrétaire général.

Selon lui, la désinformation et la propagande de Moscou, ainsi que la situation avec Navalny avaient été dénoncées pendant la réunion du Conseil.

Contenir la Russie

Il avait également appelé l’Union européenne à conjuguer ses efforts avec l’Otan pour faire face à la Russie.

«Et nous continuerons à travailler avec l’UE et nos proches partenaires pour nous assurer que nous répondons ensemble aux actions de la Russie

Moscou considéré comme une menace

Certains pays occidentaux ont déclaré à maintes reprises qu’ils considéraient la Russie en tant que menace. Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell l’a qualifiée de «voisin dangereux».

La stratégie britannique en matière de sécurité, de défense et de politique étrangère à l’horizon 2030, publiée la semaine dernière, fait état de l’intention de faire face à toutes les menaces venant de Moscou.

Début mars, le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait cité la Russie parmi les pays représentant une menace dans son discours de programme en matière de politique étrangère.

Les bonnes relations ne vont pas à sens unique

Le Kremlin souligne, pour sa part, sa volonté de bâtir de bonnes relations avec tous les États, mais fait savoir que cet objectif ne peut pas être atteint si les efforts en ce sens ne sont déployés que par une seule partie.


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La conférence de l’ OTAN sur la sécurité et la Bundeswehr engagées

                                                                dans une confrontation accrue avec la Russie

           par Karl-Jürgen Müller

Dans son discours du 27 janvier 2021 au Forum économique mondial de Davos (Suisse),1 le président russe Vladimir Poutine a mis en garde l’audience internationale contre les dangers d’un conflit majeur. Ce n’était pas la première fois. Apparemment peu impressionnés, les grands médias occidentaux – y compris en Suisse – ont poursuivi leur campagne journalistique antirusse  – assurés qu’ils sont du soutien des milieux concernés, politiques, économiques et sociaux. Dans ce domaine, l’OTAN est certainement un agent provocateur de premier ordre et en a donné une fois de plus la preuve ces derniers temps au travers de la publication d’un document de près de 70 pages en date du 25 novembre 2020, intitulé «NATO 2030: United for a New Era. Analysis and Recommendations of the Reflection Group Appointed by the Nato Secretary General»2 (OTAN 2030: Unis pour une èrenouvelle. Analyses et recommandations du groupe de réflexion nommé par le secrétaire général de l’OTAN). On y décrit la  Russie comme «la principale menace pour l’Alliance au cours de cette décennie». Le co-président du «groupe d’experts» est l’ancien ministre allemand de la défense, M. Thomas de Maizière. 

ll est évident, dès que l’on tente d’examiner sur le fond la masse des innombrables griefs portés à l’encontre de la Russie et surtout de son président, qu’il s’agit d’une image de «croquemitaine» à la réalité déformée. Cela vaut également pour les accusations «officielles» de l’OTAN, depuis celles touchant à l’Ukraine jusqu’à l’affaire Alexeï Navalny, et on n’y reviendra donc pas ici. Il est à espérer que la formule énoncée il y a maintenant plus d’un siècle par Gustave Le Bondans son livre «Psychologie des foules», selon laquelle n’importe quel mensonge devient crédible s’il est répété assez souvent et avec assez d’insistance, il faut espérer, disions-nous, que cette affirmation aura peut-être, de nos jours, l’effet inverse sur les gens: c’est-à-dire qu’elle amènera à s’interroger sur de nombreux points vis-à-vis du «croquemitaine russe», qu’on nous rabâche sans répit.

Décisions stratégiques fondamentales du gouvernement américain

Citons simplement pour mémoire, trois décisions stratégiques fondamentales prises par les états membres de l’OTAN et surtout par leur puissance dominante, les Etats-Unis, au cours des 30 dernières années.

  • En 1991, la guerre contre l’Irak3 – avant même la dissolution de l’Union soviétique et quelques semaines seulement après la Charte de Paris de novembre 1990, laquelle allait encore dans une autre direction, a été le prélude manifeste à la tentative d’imposer un «Nouvel ordre mondial» dominé par les Etats-Unis. Tout s’est passé comme lors du largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, censé démontrer au monde entier la puissance des Etats-Unis ainsi que leur détermination à agir et à recourir à l’emploi de celle-ci pour servir leur quête d’hégémonie mondiale.
  • En 1999, la guerre de l’OTAN contre la Fédération de Yougoslavie a montré que les Etats-Unis et leurs alliés n’étaient plus disposés à respecter le droit international et la Charte des Nations unies. Les dirigeants politiques de la Russie – à l’époque encore gouvernée par Boris Eltsine– furent ouvertement ignorés.4
  • En 2003, la deuxième guerre des Etats-Unis contre l’Irak prouva que les dirigeants des Etats-Unis et leurs alliés étaient carrément prêts à diffuser des mensonges pour justifier leurs propres intérêts stratégiques (domination du Moyen-Orient et de ses réserves de matières premières) prônant ouvertement qu’ils «prenaient par cette guerre la défense des intérêts humains» (lutte contre la menace des armes de destruction massive, fin des dictatures, mise en œuvre de la démocratie et des droits de l’homme).

Au cours des 30 dernières années, beaucoup de choses ont été écrites et rapportées sur ces divers points et bien d’autres – y compris dans ce journal – mais en fait il n’y a pas eu d’amélioration. Bien au contraire: les Etats membres de l’OTAN continuent à s’armer (en dépassant, et de loin, le réarmement de la Russie – ainsi que celui de la Chine), la propagande médiatique sur le croquemitaine tourne à plein régime, et l’opposition éventuelle aux manœuvres militaires ainsi que toute tentative à visées pacifiques se retrouvent aujourd’hui plutôt affaiblies que renforcées – mis à part quelques courageuses exceptions.

La Bundeswehr pressentie pour prendre la direction militaire de l’Europe

Pour le moment, presque tout indique que les états-membres de l’OTAN et leurs alliés, avec Joe Biden, le nouveau président américain, vont accentuer le processus de confrontation. C’est aussi ce qui ressort actuellement du «Positionspapier: Gedanken zur Bundeswehr der Zukunft» (Document de synthèse: réflexions sur les futures orientations de la Bundeswehr),5 un document officiel allemand du 9 février 2021, ainsi que de la conférence de l’OTAN sur la sécurité qui s’est tenue en ligne à Munich dans l’après-midi du 19 février 2021.6
Dans ce document de synthèse de la Bundeswehr, rédigé par Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre allemande de la défense, et M. Eberhard Zor, Inspecteur général de la Bundeswehr, figurent par exemple, à la rubrique «Risques et menaces», des affirmations comme celle-ci: «La Russie se définit en tant que contre-puissance à l’Occident.
Ces derniers temps, Moscou a de plus en plus intensifié ses menaces militaires et politiques et a sciemment violé des traités internationaux. Ces dernières années, la Russie a utilisé la force militaire à l’encontre de son voisinage immédiat en s’engageant à fond dans le réarmement, aussi bien conventionnel que nucléaire.»
Bien que cette représentation reflète la réalité de manière très déformée et sans réel contexte, elle constitue apparemment la justification essentielle de la revendication d’un réarmement accru et d’une armée allemande qui devrait être prête à entrer en guerre.
Toujours selon ce document: il faut «la volonté ainsi que la capacité de se tenir prêt au combat». Ou encore: «Nos partenaires s’attendent à juste titre à de plus vastes ambitions allemandes […].» Parmi les états-membres de l’OTAN, l’Allemagne est appelée à jouer, à l’avenir, un rôle particulier en tant que «plaque tournante de l’alliance», aux côtés des forces américaines. L’Allemagne doit assumer le «rôle d’une nation-support» («Anlehnungsnation»), d’une «nation de référence pour les compétences et les structures de nos alliés, en particulier ceux dont les capacités militaires sont comparativement plus faibles.» Il est donc «nécessaire de donner à la Bundeswehr une très large assise afin qu’elle puisse s’arrimer à nos partenaires dans tous les domaines militaires.» Dans ce contexte, l’Allemagne devrait assumer «le rôle de premier intervenant» devant, «en raison de sa position centrale, être sur place plus rapidement que tout autre intervenant en cas de crise, notamment aux frontières extérieures de l’OTAN et de l’UE». Cela vaut «tout autant pour les Etats baltes que pour les Balkans et aussi bien pour la Méditerranée que pour la mer du Nord et la Baltique». Pour autant, c’est-à-dire pour «une Bundeswehr moderne et pleinement opérationnelle», elle est «encore trop peu financée» et «pas encore assez préparée». A la fin du document, il est donc précisé: «Maintenant, il n’y a plus de temps à perdre.»

Les «quatre Grands» à Munich 

A Munich, ce sont quatre personnalités politiques qui se sont exprimées en ligne: tout d’abord Joe Biden, puis la chancelière allemande Angela Merkel, ensuite le président français Emmanuel Macron et enfin le Premier ministre britannique Boris Johnson. A présent que Donald Trump a été évincé, les quatre dirigeants ont tenu à faire preuve d’unité et à prendre des engagements envers l’OTAN et le «partenariat» transatlantique. Il ne s’agissait pas seulement d’échanges de politesses. Joe Biden a mis l’accent sur «la manière dont nous [!] parviendrons  à contrer les menaces en provenance de la Russie». Car: «le Kremlin s’attaque à nos démocraties, utilisant l’arme de la corruption pour tenter de fragiliser notre système de gouvernement.» Poutine, a-t-il dit, essaie «d’affaiblir l’Europe – le projet européen ainsi que notre alliance de l’OTAN». Il veut également «saper l’unité et la détermination transatlantiques», a-t-il déclaré. Angela Merkel ne l’a pas contredit, bien au contraire. Elle a en effet déclaré que «le partenariat transatlantique a [entre autres] deux tâches majeures pour lesquelles nous devons développer des stratégies communes». Cela concerne, d’une part, les relations avec la Chine et, d’autre part, celles avec la Russie. Il serait très important, a-t-elle dit, «que nous développions un agenda transatlantique commun sur la Russie».
Mme Merkel devrait savoir qu’un «agenda transatlantique commun pour la Russie» signifie avant tout que les états européens membres de l’OTAN – à l’exception de quelques poches isolées – devront s’adapter aux idées du gouvernement américain.

Le véritable enjeu: un changement de régime en Russie! 

Bien entendu, personne n’en parle ouvertement et en public. Cette question est laissée à d’autres. Par exemple à Gabriel Felbermayr, le président de l’Institut pour l’économie mondiale, basé en Allemagne. Dans une interview accordée à «Deutschlandfunk» le 11 février 2021, il a commenté les nouvelles sanctions (alors seulement envisagées et adoptées depuis) de l’UE contre la Russie. Il les a critiquées, non parce qu’il est contre les sanctions à l’encontre de la Russie, mais parce qu’elles ont eu trop peu d’effet jusqu’à présent: «Les objectifs que nous nous sommes fixés face à la Russie sont très importants. Ce que nous voulons, ce n’est rien de moins qu’un changement de régime en Russie […]. Si sur le plan économique, vous désirez vraiment mettre la Russie à genoux, il vous faut une vaste coalition de pays, l’Europe ne pouvant, à elle seule, réaliser tout ce qui serait nécessaire.» Il est très probable, en effet, que ce «projet» soit en cours de réalisation. Si c’est bien le cas, la question se pose alors de savoir qui, sur le plan international, se sent réellement menacé?
Alexander Rahr, expert allemand pour les questions touchant à la Russie, vient de sortir un nouveau livre dont la publication est prévue pour le mois de mars 2021. Il s’intitule: «Anmassung, Wie Deutschlancd sein Ansehen bei den Russen verspielt» (Arrogance – ou comment l’Allemagne compromet sa réputation auprès des Russes).•

1V. Horizons et débats, 4/5 du 02/03/21 V. https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/ pdf/2020/12/pdf/201201-Reflection-Group-Final- Report-Uni.pdf (en langue anglaise);

2V. également l’article de Manlio Dinucci, Horizons et débats, édition actuelle, p.3

3V. Horizons et débat sno3, éd. du 16/02/21

4Il ne s’agissait pas là d’une gaffe, mais tout au contraire d’un signal clair à l’adresse de la Russie pour lui signifier qu’à l’avenir elle n’aurait plus son mot à dire sur les questions de politique mondiale. Pour illustrer l’arrogance des Etats-Unis, il suffit de lire les remarques de Zbigniew Brezinski, ancien conseiller à la Sécurité nationale de Jimmy Carter, dans son livre «Die einzige Weltmacht. America’s Strategy of Domination» (original anglais 1997) et dans celui-ci le chapitre «The Black Hole». (Le grand échiquier, (sous-titré L’Amérique et le reste du monde, version française paru en 1997; version retravaillée

5V. https://www.bmvg.de/resource/blob/5028534/ 44dcd6d650e6c1f19ab2b82fe1f9510f/210209_ BMin%20%26%20GenInsp_Positionspapier-Bun- deswehr%20der%20Zukunft.pdf (en langue allemande)

6V. https://www.securityconference.org/msc-2021/


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