Les nanoplastiques présents dans le sol nuisent aux plantes

Alors que la pollution des océans par les nanoplastiques n’est plus à démontrer, qu’en est-il de celle des terres agricoles ? Une étude menée en parallèle aux Etats-Unis et en Chine a permis de démontrer pour la première fois l’impact d’un sol pollué au plastique sur la croissance de végétaux.

Arabidopsis thaliana
L’Arabidopsis thaliana est très répandue dans l’hémisphère nord, et souvent utilisée en laboratoires de botanique. DAWID SKALEC

Comme le souligne le professeur Baoshan Xing, si la pollution des mers par du plastique fait l’objet de nombreuses études, « nous en savons très peu sur le comportement des nanoplastiques en environnement terrestre, notamment sur les sols agricoles ». C’est dans ce contexte que son équipe de l’école d’agriculture de l’Université du Massachussetts (Etats-Unis), en collaboration avec le département de Sciences Environnementales de l’Université de Shandong (Chine), a souhaité étudier l’impact de différentes particules de plastique sur la croissance de plantes.

Dans leur étude, publiée dans Nature nanotechnology, les chercheurs ont mené des expériences sur une seule espèce de plante, l’Arabidopsis thaliana, ou Arabette des dames, une variété très répandue en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et très souvent utilisée en laboratoires. “L’Arabidopsis possède des caractéristiques morphologiques distinctes, ce qui rend son phénotype facile à observer”, explique pour Sciences et Avenir Xiao-Dong Sun, co-auteur de la publication. “Ses racines sont petites et translucides, ce qui les rend idéales pour de l’imagerie par microscope. Ces caractéristiques sont très bénéfiques à notre recherche” ajoute-t-il.

Des nanoplastiques chargés électriquement dans les sols

Composant engrais, bâches et déchets en tous genres, le plastique est très présent dans le monde agricole. Le polystyrène en est d’ailleurs une des sources les plus abondantes, d’après l’étude. Celui-ci se transforme au cours de sa lente désagrégation en petites particules de nanoplastiques, qui intègrent alors les sols des récoltes. Dans le cadre de la recherche, des bases de polystyrène ont été “customisés” avec des radicaux d’acide sulfonique ou d’amine : ils permettent de doter d’une charge électrique négative ou positive la surface de ces microparticules.

Ces modifications ont été effectuées pour prendre en compte le fait que les plastiques présents dans la nature, du fait de leur dégradation et de leur exposition à de multiples intempéries et conditions différentes, voient souvent leurs charges électriques altérées. C’est l’une des premières études de cette envergure sur l’impact du plastique sur les plantes. Les chercheurs ont notamment pu conclure que les nanoplastiques s’accumulent dans les plantes à partir de la racine, de manière différente selon leur charge électrique, bloquant ainsi l’apport en eau et en nutriments.


LIRE AUSSI : DÉCOUVERTE EN COLOMBIE D’UNE PLANTE QUI SE RÉVÈLE ESSENTIELLE POUR LA PRÉSERVATION DE L’EAU


Le plastique inhibe le développement des plantes

« L’accumulation de nanoplastiques dans la plante peut à la fois avoir un effet direct sur l’écologie et des implications sur la viabilité de l’agriculture et de la sécurité sanitaire et alimentaire » déclare le professeur Xing dans un communiqué. Pour démontrer ceci, les chercheurs ont cultivé des pousses d’Arabette des dames dans plusieurs sols (un de contrôle, et plusieurs composés de nanoplastiques de concentration et de charge de surface différents). Des nanoplastiques fluorescents ont permis d’étudier le taux d’absorption des plantes et le chemin parcouru à l’intérieur de la plante. La biomasse (l’ensemble de la matière organique d’un végétal) et la taille des racines ont également été relevés sur une période de sept semaines. « Les nanoplastiques ont réduit la biomasse totale des plantes« , explique Baoshan Xing qui ajoute : « Réduire la biomasse, c’est mauvais pour la plante« .

Comparatif des différentes tailles de racines des arabettes après 7 semaines de croissance. De gauche à droite : une plante contrôle (non exposée aux plastiques) puis 3 plants exposés au polymère chargé négativement (PS-SO3H) en concentrations différentes (respectivement 10, 50 et 100 microgrammes par millilitre (µg/ml) de terre) et 3 arabettes exposées au polymère chargé positivement (PS-NH2) en concentrations différentes (10, 50 puis 100 µg/ml de terre). Crédit : Xiao-Dong Sun (Shandong University).

Au bout de sept semaines d’étude, les résultats sont flagrants. Les nanoplastiques inhibent la croissance des plantes et réduisent leur développement quasiment de moitié. On retrouve des particules dans une grande partie des racines, mais également plus haut le long de la plante, dans l’apoplaste, partie qui constitue le canal emprunté par les nutriments que la plante puise dans la terre. L’effet est d’autant plus souligné lorsque les nanoplastiques ont une surface de charge électrique positive. Ceci s’explique par une meilleure interaction de ces surfaces avec des molécules d’eau. Une analyse ARN des pousses dénote également d’un impact sur l’expression de certains gènes de la plante. Ainsi, l’expression des gènes de résistance aux maladies est largement réduite. Pour déterminer si ces altérations sont dangereuses, l’équipe sino-américaine prévoit de nouvelles expériences sur d’autres types de végétaux, notamment sur des cultures de racines (carottes, navets, panais, etc.).


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *