Noam Chomsky : «Liberté, démocratie et justice pour le peuple algérien»

Il est l’un des intellectuels américains les plus engagés contre la «main de fer impériale». Le philosophe, linguiste du MIT, assurément le plus écouté au monde. A 91 ans, il est le témoin «gênant» de son siècle, durant lequel il enfourchera bien des causes et dénoncera des chapelets de barbaries. Recherché, l’avis de Noam Chomsky tranche, ses théories font polémiques et ses mots comptent.

Dans un bref entretien accordé à El Watan (entretien sollicité en décembre dernier mais réalisé début mars, ndlr), il apporte son soutien franc aux luttes des Algériens pour leur autodétermination. «Le peuple algérien souffre depuis trop longtemps d’un système politique corrompu et répressif», nous écrit-il. Ce même «système algérien» qu’il dénoncera à maintes reprises, le qualifiant d’un des «plus vicieux» de la région MENA.

Un régime incubateur et exportateur net du terrorisme. Comme les Etats-Unis d’Amérique d’ailleurs, que le cérébral en rupture de ban gratifiera de l’épithète sinistre d’«Etat terroriste». Sans concession. Sans faiblesse. «La tentative du président Bouteflika et de ses associés de se (le) maintenir au pouvoir, (lui) ainsi que le système, aurait été burlesque si ce n’est les conséquences aussi graves qui vont en découler», réagit d’emblée Chomsky.

La question était de savoir ce qu’il pensait de candidature annoncée du président Bouteflika, 82 ans, pour un 5e mandat à la tête de l’Etat. Socialiste libertaire, anarchiste, Noam Chomsky se dit en admiration face à la vitalité de la société algérienne. «C’est très encourageant de constater l’accroissement, ces dernières années,(du nombre) d’organisations populaires, dynamiques, cherchant à provoquer les changements politiques, sociaux et économiques que les Algériens méritent tant.»

Tout comme il se dit «impressionné» par la mobilisation populaire en Algérie, en référence notamment aux imposantes manifestations des 22 février et 1er mars derniers. Les manifestations en cours dans le pays sont, d’après Chomsky, sont la «démonstration impressionnante de la lutte (du peuple algérien) pour sa liberté, la démocratie et la justice». Et «on ne peut qu’espérer que ces manifestations soient couronnées de succès. Et sans délai».

A la question de savoir si le «printemps arabe» autour duquel a fleuri toute une littérature, théories, tentative d’analyse et explication, n’avait débouché, après déboulonnage des régimes autocratiques que sur la ruine de pays entiers et l’hypothèque de leur souveraineté, Chomsk dit ne pas partager le constat. «Ça ne me semble pas être la bonne façon de voir les choses.»

Autre question : «Quel est, d’après vous, le degré d’implication des puissances impérialistes, les USA en tête, dans la manipulation de ce processus historique (printemps arabe) et à quels objectifs répond-elle (manipulation) ? Cache-t-elle une guerre d’influence et d’hégémonie ? Contrôle des ressources ? Etc.» Réponse du philosophe : «(Implication) substantielle. Suivant les cas.» Venezuela. Un pays sous un déluge impérialiste.

Monsieur Chomsky a signé récemment, avec une palette d’intellectuels, une lettre ouverte, dénonçant l’interventionnisme et la politique du «va-t-en guerre» des Etats-Unis et de l’administration Trump au Venezuela. «Qu’est-ce qui justifierait, selon vous, cette énième guerre contre un Etat et un peuple souverain ?»

«Les Etats-Unis sont en guerre avec le Venezuela depuis pratiquement le jour où Chavez a pris le pouvoir», rappelle le militant, allant jusqu’à «soutenir ouvertement et fièrement un coup d’Etat militaire» contre le président Maduro. Lequel coup d’Etat est «prestement mis en échec pour un soulèvement populaire». «La guerre livrée au Venezuela, à son peuple, conclut-il, peut s’expliquer par l’impérialisme et la haine de classe, mais elle ne demeure pas moins une guerre non justifiée.»

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