Nouvelles violences contre les Peuls au Burkina Faso : 43 Civils tués dans plusieurs attaques

Le nord du Burkina est en proie à de fréquentes attaques terroristes. A l’instar du Mali, du Niger, du Nigeria et de la Côte d’Ivoire, les tensions dégénèrent périodiquement en violences entre communautés agricoles et Peuls éleveurs.

Les soldats burkinabés au cours d’un entraînement

Au moins 43 civils ont été tués dimanche au cours de plusieurs attaques contre des villages peul par des groupes d’autodéfense dans le nord du Burkina Faso, où les attaques terroristes récurrentes ont fait des centaines de morts. «Dimanche, des attaques ont été perpétrées dans les villages situés dans la commune de Barga, province du Yatenga (Nord). Le bilan provisoire fait état de 43 victimes (…) et 6 blessés», a déclaré lundi le ministre burkinabè de la Communication Remis Fulgance Dandjinou, dans un communiqué. Le président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré a décrété «un deuil national de 48 heures (…) en mémoire aux victimes de l’attaque perpétrée par des individus armés non identifiés dans des villages de Dinguila Peul, Barga Peul, Ramdola Peul». «Ce sont des groupes d’autodéfense qui agissent en représailles aux attaques terroristes», a indiqué une source locale, confirmant la version donnée par d’autres sources locales. «Les Forces de défense et de sécurité ont été immédiatement déployées sur les lieux pour sécuriser les villages attaqués», a précisé le ministre de la Communication.»Le gouvernement condamne avec la plus grande fermeté cette attaque odieuse. Tout est mis en oeuvre pour ramener le calme et la sérénité dans les villages touchés», a-t-il poursuivi, précisant que le procureur du tribunal de la ville de Ouahigouya avait été saisi. De plus, les ministres de la Défense et de l’Administration territoriale ont été envoyés «sur les lieux pour apporter le réconfort du gouvernement aux populations meurtries et faire le point de la situation», a ajouté M. Dandjinou. A l’instar du Mali, du Niger, du Nigeria et même de la Côte d’Ivoire, les tensions dégénèrent périodiquement en violences entre communautés agricoles et Peul éleveurs, souvent nomades, présents dans toute l’Afrique de l’Ouest. Certains Peul ayant rejoint les groupes terroristes, qui ont tué plus de 800 personnes depuis 2015 au Burkina, il est fréquent d’entendre des Burkinabè faire l’amalgame entre jihadistes et Peul. Selon des experts, les groupes jihadistes attisent ces tensions, et les représailles contre les Peul se sont multipliées en 2019.
En janvier 2019, des individus armés non identifiés avaient attaqué le village de Yirgou et tué six personnes, dont le chef du village. Cette attaque avait été suivie de représailles intercommunautaires faisant 46 morts, selon un bilan officiel. Beaucoup plus, selon des ONG. Les violences terroristes, souvent entremêlées à ces conflits intercommunautaires, ont fait quelque 4.000 morts en 2019 au Burkina Faso, au Mali et au Niger, selon l’ONU. Sous-équipées et mal entraînées, les forces de l’ordre burkinabè n’arrivent pas à enrayer la spirale de violences terroristes malgré l’aide de forces étrangères, notamment de la France, présente avec 5.100 hommes dans le cadre de l’opération antiterroriste Barkhane. En janvier, après une annonce du président en novembre, le Parlement burkinabé a adopté une loi permettant le recrutement de «volontaires» dans la lutte antiterroriste. Ceux-ci doivent être recrutés dans leurs zones de résidence, après approbation des populations locales, en assemblée générale, et seront placés sous la tutelle du ministre de la Défense nationale. Ils exerceront des missions de surveillance, d’information et de protection, après une formation militaire initiale de 14 jours sur le maniement des armes, de la discipline et des droits humains. Certains observateurs avaient émis des réserves sur cette mesure, craignant justement des débordements dans un pays où il existe déjà des milices rurales dans certaines régions. Les «koglewéogo» (gardiens de la brousse, en langue locale), ces milices rurales de défense, se targuent de remplacer les forces de sécurité et la justice, arrêtant voleurs et assassins. Mais leurs méthodes – ils sont accusés d’avoir recours à la torture – sont controversées.

L’Algérie condamne «avec force» les attaques «abjectes»
L’Algérie a condamné «avec force» les attaques «abjectes» qui ont ciblé, dimanche dernier, les habitants des localités de Dinguila et Barga dans le Nord du Burkina Faso, faisant plusieurs victimes parmi les civiles. «Nous condamnons avec force les attaques abjectes qui ont ciblé, dimanche, les habitants des localités de Dinguila et Barga dans le Nord du Burkina Faso, faisant plusieurs victimes parmi des innocents civiles», a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali Cherif. «Nous présentons nos condoléances aux familles des victimes de ces actes ignobles et nous assurons de notre entière solidarité le gouvernement et le peuple frère du Burkina Faso face à cet acharnement indicible», ajoute-t-il. M. Benali Cherif a souligné que «les agressions récurrentes dont font l’objet les populations isolées et sans défense au Burkina Faso prouvent encore une fois l’impasse dans laquelle se trouvent ces groupes sanguinaires qui, quelles que soient leurs motivations, cherchent, à travers cette violence inouïe, à s’assurer une visibilité en attentant à des vies humaines innocentes et en imposant la peur et le désarroi». «Nous demeurons convaincus que la détermination et l’unité du peuple du Burkina lui permettront de transcender ces épreuves», a-t-il poursuivi.


Après la nouvelle tuerie contre les Peuls au Burkina Faso

Terrorisme et violences ethniques au Sahel

Malgré de multiples alertes sur la situation explosive qui caractérise les pays du Sahel, où les groupes terroristes sont comme des poissons dans l’eau, l’ONU n’a pas les moyens de sa politique pour relever les défis de la région. à chaque tragédie qui affecte les communautés dont les différends sont attisés par les factions «jihadistes», des équipes d’enquêteurs sont diligentées dont la mission se limite au constat. L’an dernier, une tuerie barbare a eu lieu dans le village peul d’Ogossagou, au Mali, où 163 personnes dont des enfants ont été tuées par des assaillants dogons. Dimanche dernier, c’est au Burkina Faso que les Peuls ont de nouveau vécu une nouvelle tragédie. Les habitants de Dinguila et Barga, au nord du pays, ont en effet subi plusieurs attaques qui ont fait 43 victimes.
Depuis que le groupe jihadiste d’Amadou Koufa a investi le Mali et étendu ses actions dans les pays voisins, les antagonismes inter-ethniques se sont exacerbés. Partant d’amalgames, les Dogons ont accusé à tort la communauté Peul d’accointances avec le mouvement armé du prédicateur qui a, depuis un an, multiplié les alliances avec d’autres factions islamistes de la région sahélienne. Les mouvements terroristes ont surfé sur les rivalités ethniques qu’ils ont, en outre, encouragées, usant de subterfuges comme celui des chasseurs Dozo dont il s’avère qu’ils n’ont aucune attache avec l’ethnie du même nom. L’année dernière, il y eut des affrontements sanglants entre les agriculteurs Bissas et les éleveurs Peuls, dans la zone de Zabré, au Burkina Faso, preuve que la question ethnique est devenue la carte maîtresse des mouvements terroristes qui profitent de l’impuissance des Etats et de leur armée.
L’Afrique a souvent vécu de tels drames. On se souvient du génocide au Rwanda en 1994 ou des tueries qui ont opposé les Oromos aux Amharas, en Ethiopie, ainsi que les Kikuyus aux Luos au Kenya. C’est dire combien les leçons du passé semblent n’avoir servi à rien et le fait que les groupes jihadistes instrumentalisent les antagonismes ethniques ne constitue pas, à vrai dire, une surprise ou une nouveauté. Fort de toutes les expériences antérieures, on aurait attendu de l’Union africaine qu’elle consacre à ce défi majeur des études et des moyens efficaces pour contrecarrer le discours belliqueux des terroristes, aussi bien au Nigeria où Boko Haram et l’Iswap s’emploient à aggraver le fossé intercommunautaire que dans les pays du Sahel où les alertes sont au rouge, depuis quelques années.
Plutôt que de déployer après coup des forces de défense et de sécurité dont l’impact est plus symbolique qu’autre chose, les pays concernés devraient, avec le soutien de l’UA et de l’ONU, multiplier les actions auprès des groupes d’auto-défense de telle ou telle communauté afin de prévenir des attaques odieuses. Faute de quoi, la situation ira en s’aggravant à la grande satisfaction des mouvements jihadistes qui tirent un profit immédiat des représailles continuelles entre des ethnies prises au piège de la violence comme unique moyen de survie.


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