La pollution en Afrique de l’Ouest : état critique

 

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Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, la pollution est, avec la crise climatique et le recul de la nature, l’une des trois menaces auxquelles notre planète fait face (1). L’Afrique de l’Ouest est l’une des régions connaissant un grand problème de pollution de l’air, mais aussi du plastique. En effet, en 2019, lors du Séminaire international sur la qualité de l’air dans les villes de l’Afrique de l’Ouest francophone, plusieurs chercheurs, décideurs et spécialistes sont venus à la conclusion que l’Afrique de l’Ouest subit une pollution croissante. Une croissance vécue par tout le continent africain qui, d’ici 2030, pourrait représenter la moitié des émissions de pollution dans le monde (2).

Le problème de la pollution

Le problème de la pollution en Afrique de l’Ouest est connu depuis longtemps, cependant on croyait qu’il n’était pas alarmant. Ainsi, pendant plusieurs années, peu de mesures efficaces ont été mises en place afin de combattre la pollution. Au lieu de cela, les États d’Afrique de l’Ouest mirent l’accent sur le développement rapide de leur économie, ce qui a grandement affecté la situation dans la région. Ce ne fut qu’en 2019, et grâce aux chercheurs du CNRS et de l’université Clermont-Auvergne1, en collaboration avec l’Institut Mines-Télécom Lille-Douai et l’Université Felix Houphouët-Boigny, qu’une étude menée sur place permit de déterminer que les émissions de polluants organiques volatils en Afrique de l’Ouest étaient 100 à 150 fois supérieures aux estimations dans cette région (3).

À la suite de cette étude, plusieurs chercheurs se sont penchés sur le sujet de la pollution en Afrique de l’Ouest. En effet, plusieurs études ont été produites entre 2019 et 2021 sur la croissance de la pollution dans cette région et sur ses effets sur les populations locales (4). Selon une étude de la Dynamics-aerosol-chemistry-cloud interactions in West Africa (DACCIWA), la pollution de l’air en Afrique de l’Ouest a déjà atteint des niveaux qui sont dommageables pour la santé (5). De plus, l’Afrique subsaharienne subit une pollution croissante, renforcée par une démographie et une densité urbaine accrues. Si la tendance se maintient, les gens d’Afrique de l’Ouest perdraient en moyenne 1,2 année d’espérance de vie, pour un total annuel de 677 millions d’années perdues par an (6). Il faut aussi prendre en compte qu’entre 1990 et 2013, les décès prématurés causés par la pollution atmosphérique ont connu une hausse de 36 % en Afrique (7). Selon une autre recherche faite par le gouvernement américain, près de 780 000 Africains meurent chaque année à cause de la pollution de l’air (8).

La pollution de l’air en Afrique entraîne plusieurs conséquences autres que la mort. Dans le long terme, les effets de l’exposition à la pollution peuvent différer avec l’âge. Chez l’adulte, ils sont responsables des pathologies cardiovasculaires et chez l’enfant ils peuvent être à l’origine de l’incidence des crises d’asthme (9). Cela reflète le gros problème de pollution en Afrique de l’Ouest dont les mesures sont deux à trois fois supérieures aux normes de l’Organisation mondiale de la santé (10). Une autre conséquence de la pollution de l’air est la réduction de la pluie. En effet, la concentration de particules dans l’air amène une baisse du niveau de pluie (11). Cela est un gros problème au sein d’une région dont la population vit encore grandement de l’agriculture.

Toujours est-il qu’il n’y a pas seulement la pollution de l’air qui est néfaste pour l’Afrique de l’Ouest. Les pays de cette région bordant l’océan Atlantique subissent les ravages du plastique. La pêche, qui est un secteur économique important et, surtout, un moyen de survie pour une partie des populations locales, a vu un océan vierge devenir une marée de sacs en plastique, d’emballages alimentaires, d’équipements médicaux, de bouteilles et de bouchons d’eau, de déchets provenant de cargos, et encore plus (12). Au Sénégal, le poisson compte pour 70 % des besoins en protéines animales de la population (13). Ainsi, une partie des 11 millions de tonnes de détritus en plastique se trouvant dans les océans se retrouve finalement dans le corps de plusieurs humains (14).

Des initiatives prometteuses

Afin de combattre ce problème grandissant, plusieurs initiatives ont été prises dans les grandes villes ouest-africaines. L’une des plus prometteuses est le programme européen DACCIWA. Lancé en juin 2016, DACCIWA, qui intègre des chercheurs africains, s’est penché sur une zone couvrant quatre pays de la sous-région, soit le Togo, le Ghana, le Bénin et la Côte d’Ivoire (15). Malgré le fait que le programme européen n’a seulement fait qu’une étude, les données réunies par celle-ci ont permis de mettre au clair la situation actuelle en Afrique de l’Ouest. En démontrant notamment que la pollution de l’air en Côte d’Ivoire dépassait largement celles de tous les pays européens réunis, cette initiative a permis d’alerter les gouvernements concernés sur la situation alarmante de leur pays.

Suivant la réussite du programme DACCIWA, plusieurs recherches ont été faites afin de connaitre les causes et les impacts de la pollution. Le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), en coopération avec plusieurs chercheurs et organismes locaux, a permis de déterminer les sources majeures de la pollution dans les grandes villes d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit de la combustion de bois pour la cuisson des aliments, du brûlage des déchets à ciel ouvert, du trafic routier, des industries agroalimentaires et chimiques, des feux de forêt et des poussières de sable du Sahara, qui sont grandement responsables de la situation actuelle en Afrique de l’Ouest (16). Ainsi, le ECMWF a recommandé aux pays concernés de réduire les émissions provenant des foyers domestiques et de collaborer avec les pays d’Afrique centrale afin de diminuer leurs importantes émissions dues aux incendies (17).

Après les découvertes des recherches européennes, les pays d’Afrique subsaharienne ont décidé de joindre leurs forces à celles de l’Agence américaine de protection de l’environnement afin de combattre la pollution qui affecte la santé des populations locales (18). Plusieurs projets ont été effectués afin de combattre la pollution. Ils visent à éliminer la peinture à plomb, à permettre un accès à de l’eau propre, à créer un bureau d’analyse de l’air au Ghana et à diminuer les émissions de méthane (19).

En plus du combat contre la pollution de l’air, le Ghana s’est penché sur le problème de la pollution plastique de l’océan Atlantique. En effet, celui-ci est à l’origine d’un appel à un traité mondial sur le plastique, afin de démontrer au monde que celui-ci affecte énormément l’environnement en Afrique (20). Ce traité vise aussi au développement et à d’adoption de systèmes d’élimination des déchets et de solutions réutilisables.

L’arrivée récente de données sur la situation critique en Afrique de l’Ouest a permis à plusieurs acteurs locaux et internationaux d’agir afin de tacler le problème. Cependant, les efforts des gouvernements se font toujours attendre dans une région où l’inefficacité des politiques et le manque de fonds sont monnaie courante (21).

Médiagraphie

(1) Traoré, Awa, « Pollution : vers un traité mondial pour contrer le plastique ? », Jeune Afrique, 19 septembre 2021, URL : [hyperlien] (consulté le 22/3/2022)

(2) Darame, Mariama, « En Afrique de l’Ouest, une pollution mortelle mais d’ampleur inconnue », Le monde, 29 novembre 2019, URL : [hyperlien] (consulté le 21/3/2022)

(3) Agullo, Alexiane et Agnès Borbon, « Afrique de l’Ouest : une pollution atmosphérique d’origine humaine plus importante que prévue », CNRS, 24 septembre 2019, URL : [hyperlien] (consulté le 21/2/2022)

(4) Benedetti, Angela et Peter Knippertz, « The air that West Africa breathes », ECMWF, 12 mars 2019, URL : [hyperlien] (consulté le 21/3/2022)

(5) Loc. Cit.

(6) Shagun, « Air pollution as serious a threat as communicable diseases in Africa: Report », Down to Earth, 28 juillet 2020, URL : [hyperlien] (consulté le 22/3/2022)

(7) Darame, Mariama, Op. Cit.

(8) Bourzac, Katherine, « Air pollution kills 780,000 people in Africa each year », Chemical and Engineering news, 23 avril 2019, URL : [hyperlien] (consulté le 21/3/2022)

(9) Niang, Momar, « Sénégal : cet air toxique dans vos poumons », Ouest Af News, 1 novembre 2015, URL : [hyperlien] (consulté le 22/3/2022)

(10) Darame, Mariama, Op. Cit.

(11) Deutsche Welle, « West Africa struggles with rise in pollution », 9 août 2019, URL : [hyperlien] (consulté le 21/3/2022)

(12) Traoré, Awa, Op. Cit.

(13) Loc. Cit.

(14) Loc. Cit.

(15) Benedetti, Angela et Peter Knippertz, Op. Cit.

(16) Loc. Cit.

(17) Loc. Cit.

(18) EPA, « EPA Collaboration with Sub-Saharan Africa », 21 novembre 2021, URL : [hyperlien] (consulté le 22/3/2022)

(19) Loc. Cit.

(20) Traoré, Awa, Op. Cit.

(21) Deutsche Welle, Op. Cit.


Dernière modification: 2022-04-05 07:59:36

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