Le post-11 Septembre : pour un monde du partage et non un partage du monde

   

 

 

    Par Pr. Chems-Eddine Chitour
École polytechnique, Alger

«Le spectacle du monde ressemble à celui des Jeux olympiques : les uns y tiennent boutique ; d’autres paient de leur personne ; d’autres se contentent de regarder.»
(Pythagore)

Vingt ans après la stratégie du 11 Septembre, il m’a paru utile, en honnête courtier, de rapporter les conséquences induites par cette tragédie qui a frappé les États-Unis. La version officielle nous dit, quelques heures après la chute des 3 tours du WTC (World Trade Center), que 19 terroristes ont détourné des avions et les ont fait écraser sur les tours et sur le Pentagone occasionnant la mort de près de 3 000 personnes. Cet événement a eu des répercussions dans le monde entier et va structurer encore ce nouveau siècle pendant de longues années. Pour la première fois de son existence, l’Empire n’est plus sanctuarisé ; il est, selon la version officielle, attaqué sur son sol. Le professeur Gilles Kepel donne corps à la version officielle du 11 Septembre. Il explique que « Ayman Zaouairi et Ben Laden voulaient frapper l’imagination des musulmans en portant un grand coup au cœur des États- Unis».(1)

Y a-t-il eu complot ?
Pourtant, des doutes se sont fait jour malgré l’enquête officielle sur les causes et les commanditaires de ces attaques. L’un des premiers à écrire sera Thierry Meyssan. Ce qui est vrai c’est que deux avions ont percuté les tours du WTC, mais ces tours sont-elles tombées sous le choc et l’incendie ou ont-elles été aidées dans leur chute par une autre cause ? Justement, deux énigmes ont retenu l’attention. Les explosions et la chute inexpliquée du bâtiment 7, non touché par les impacts des avions. En août 2006, le Professeur Graeme MacQueen publiait une étude complète sur les témoignages recueillis auprès du département incendie de New York (Fdny). Au travers des témoignages venant de 503 pompiers et secouristes, et en appliquant une méthode de pointage rigoureuse, il a extrait 177 témoignages provenant de 118 témoins soutenant l’occurrence d’explosions au World Trade Center. Si des explosions ont joué un rôle critique dans ces chutes, la version officielle avec Al Qaïda en son centre pourrait devoir être révisée de manière radicale, voire complètement abandonnée.(2)
Il semble qu’une partie de l’État profond  — le complexe militaro-industriel ?­— aurait fomenté l’attentat. On a beaucoup parlé du PNAC (Program for New American Century) dans le but est de reformater le monde, nous dirions maintenant re-initialiser le monde. «Il n’y a pas de livre d’Histoire, écrit Ariane Walter, professeur de philosophie, plus passionnant, plus riche, plus indispensable, pour comprendre les secrets du 11 Septembre que  La route vers le nouveau désordre mondial  de Peter Dale Scott. Oui, le 11 Septembre a aussi été un coup d’Etat d’une partie du gouvernement américain. L’habileté de Scott est de nous dire : ne croyez pas que le 11 Septembre soit, dans l’histoire des États-Unis, un événement soudain et unique. 50 ans de politique l’ont amené, préparé, construisant une situation monstrueuse qui ne pouvait que le produire.
«Le 11 Septembre doit être envisagé comme le point culminant d’un mécanisme à l’œuvre depuis un demi-siècle, conduisant à des décisions prises en secret par de petites coalitions, à la militarisation du maintien de l’ordre, échappant au contrôle de nos représentants, et enfin par la gouvernance de ceux qui financent les partis politiques plutôt que par ceux qui s’y impliquent.» Mais les maîtres réels des États-Unis seront Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Brzezinski. Qui a monté l’attentat ? Al Qaïda ? Les US ? Le Mossad ? L’Arabie Saoudite ? Le Pakistan ? Al Qaîda, en particulier, est l’enfant de la CIA.(3)

11 Septembre 2001: le jour où le XXIe siècle a commencé
Le 11 Septembre a été vu comme une injure des moins que rien, de la merde, dirait Trump contre l’Occident omnipotent. Comment des gueux peuvent-ils s’attaquer au sanctuaire constitué par les États-Unis ? Expliquant que le 11 Septembre est une sorte de fin d’un monde pour l’Occident, Cyrille Bret écrit : «Le XXe siècle meurt à Moscou le 25 décembre 1991, lorsque Michaël Gorbatchev met fin à l’URSS. Mais le XXIe siècle ne naît que dix ans plus tard, le 11 septembre 2001, à New York et Washington. (…) C’est surtout le début d’une nouvelle ère politique, l’âge de la terreur. Durant les années 1990, entre 1991 et 2001, les sociétés occidentales ont connu une euphorie politique : pour elles, la violence armée était cantonnée dans des zones marginales : ce sera les Balkans ou l’Afrique. Le 11 Septembre, la violence politique retrouve une place centrale dans l’espace public américain, puis européen et enfin mondial. (…) Le terrorisme, ses réseaux, ses objectifs, ses chefs et ses modes d’action deviennent, pour deux décennies, le phénomène politique majeur. La mondialisation a ouvert de vastes possibilités aux actions criminelles. Le terrorisme est la face sombre de la mondialisation».(4)

Les victimes du terrorisme en Occident et dans le reste du monde entre 1979 et 2021
Dans une étude qui nous paraît pour le moins incomplète, les rédacteurs s’en tiennent à un survol incomplet et «hémiplégique». Ils écrivent : «Entre 1979 et mai 2021, au moins 48 035 attentats islamistes ont eu lieu dans le monde. Ils ont provoqué la mort d’au moins 210 138 personnes. La série d’attaques du 11 Septembre 2001 est la plus meurtrière de l’histoire du terrorisme, avec 3001 morts et 16 493 blessés. En Europe (hors Russie), depuis 1979, on recense 197 attentats et 789 morts. La majorité des attentats islamistes (89,5%) touchent des pays musulmans et  la très grande majorité des morts provoquées par des attentats islamistes (91,7%) a été enregistrée dans des pays musulmans. Au sein de l’Union européenne, la France a été le pays le plus frappé, avec au moins 82 attentats islamistes et 332 morts.» (5)
Sans faire dans la concurrence victimaire, on remarque dans cette étude le deux poids, deux mesures. Classé à part, le terrorisme islamiste en Algérie est décrit ainsi : «Le cas algérien illustre particulièrement bien la difficulté à proposer une base de données exhaustive. Les Algériens nomment ‘’décennie noire’’ la période comprise entre 1991 et 2002 qui a vu divers groupes islamistes, le Front islamique du salut (FIS) et le Groupe islamique armé (GIA), s’opposer à l’État algérien (…)». Selon Fouad Ajami, «on ne connaîtra jamais avec précision le nombre d’Algériens qui ont péri dans la guerre civile (…) Les dirigeants algériens  ont reconnu, en 1999, un bilan de 100 000 victimes. Des estimations plus fiables fournies par les organisations civiques algériennes font état d’un bilan de 200 000 morts».(5)
Pour les Occidentaux, quand le terrorisme était cantonné dans les pays du Sud, ces derniers pouvaient continuer à s’entretuer sans faire bouger un cil des yeux des Occidentaux qui regardent ailleurs. C’est dans ce cadre, que l’Algérie a été seule à combattre l’hydre du terrorisme. Elle a beau s’égosiller, elle était aphone. C’était l’époque du «qui-tue-qui?». Et ceci pendant une dizaine d’années. 200 000 morts plus tard, on s’aperçoit soudainement que l’Algérie se battait contre le terrorisme. Malraux aurait écrit un jour : «Une vie ne vaut rien et que rien ne vaut une vie.»
Il n’empêche que toute mort, qu’elle soit blanche, de couleur ou autre, est une tragédie. Dans cet ordre, la destruction de six pays avec des millions de morts victimes du terrorisme et des conséquences (Syrie, Irak, Yemen, Libye, pays du Sahel), c’est quelque chose qui ne choque pas par contre les moins de 4 000 morts recensés en 40 ans qui font l’objet d’une attention particulière.

Les conséquences du 11 Septembre dix ans après, en 2011
En 2011, le point était le suivant  : du côté américain, 5 000 morts en Irak et 1 500 en Afghanistan, 500 milliards pour l’Afghanistan et 1 000 milliards de dollars en Irak depuis le 7 octobre 2001, date des premières frappes. Sans beaucoup se tromper, on peut avancer que cette guerre faite aux talibans a fait et fait plusieurs milliers de morts principalement parmi les civils. En Irak, ce fut aussi la tragédie, on parle de plus d’un million de morts et des milliers de déplacés, un effondrement de l’État à qui il faudra une génération pour se remettre le jour où les attentats journaliers, qui font des centaines de morts par mois, cesseront. Certes, les Américains sont partis, mais les puits de pétrole sont bien gardés. Pendant ce temps, les Irakiens, atomisés, s’étripent.
«Dix ans après, écrit Alain Gresh, rédacteur au Monde diplomatique,  ‘’la guerre contre le terrorisme’’, qui visait à éradiquer toute menace, y compris celle des États dénoncés comme ‘’voyous’’, est un échec, et la rhétorique belliciste de Washington s’est atténuée. Les États-Unis devraient se retirer d’Irak d’ici à la fin de l’année, laissant derrière eux un pays détruit, avec un gouvernement divisé et corrompu, qui sera plus proche de Téhéran que de Washington. En Afghanistan, malgré les déclarations lénifiantes, la montée en puissance des talibans apparaît irrésistible, tandis que le Pakistan s’enfonce dans la crise. Quant à Al Qaïda, si son chef Oussama Ben Laden et nombre de ses hauts dirigeants ont été tués, elle a essaimé au Maghreb, au Yémen, au Nigeria, etc. Le prix de ces guerres, avant tout payé par les peuples qui en ont été les victimes, pèse aussi sur les États-Unis et plus largement sur l’Occident, de deux manières. Elles ont permis une remise en cause des libertés au nom de la lutte contre le terrorisme, légalisé la torture, les enlèvements, les écoutes illégales, les assassinats ciblés, etc., pratiques qui se sont étendues malgré l’élection du Président Barack Obama, comme le montre le maintien du bagne de Guantanamo ou l’utilisation sans restriction de drones.»(6)

Kaboul, vingt ans après le 11 Septembre 2001
Dans une sorte de  Blitzkrieg, les talibans, en moins d’un mois, ont tout balayé sur leur passage et sont rentrés à Kaboul sans combat. Interrogé en juillet sur le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, Joe Biden avait refusé d’y voir un parallèle avec le retrait du Vietnam en 1975. L’impact géopolitique global du départ des Américains de Saïgon semble limité. Emmanuel Dupuy, interviewé par le site atlantico, déclare : «Symboliquement, la situation de Kaboul et Saïgon en 1975 est appropriée. Néanmoins, on ne peut pas comparer les deux situations, notamment au vu de l’offensive éclair de ces dernières semaines qui s’est faite quasiment sans tirer de coups de feu. Les villages se sont rendus. Les Việt Minh, eux, sont arrivés les armes à la main. (…) Il y a une forme de désoccidentalisation du multilatéralisme.
Ce sont les acteurs orientaux qui ont les clés en main. Ce sont eux d’ailleurs que les talibans sont allés voir les premiers : la Chine, l’Iran, la Russie et leur voisin et partenaire, le Pakistan. le multinationalisme onusien est à bout de souffle.  (…) Et le Président élu en 2019 a reconnu que les talibans ont gagné. Le drapeau blanc a été hissé et le pays va redevenir l’Émirat islamique d’Afghanistan.  (…) la position de Biden est très inconfortable. D’où cette prise de parole  pour dire que les Américains n’auraient pas pu faire mieux, qu’ils ont déjà payé un lourd tribut humain (2 400 hommes) mais aussi financier. Également pour rassurer sur le fait qu’ils évacuent le plus de monde possible.»(7)
Pourtant, les Américains ont lâché les Européens même si, lors d’une réunion, des ministres de la Défense, en février, la délégation américaine avait en effet soutenu qu’elle n’était «pas prête» pour cette discussion, qui, finalement, n’aura jamais lieu, laissant les Européens à leurs questions. Le mantra otanien «in together, out together» – «tous ensemble au début, tous ensemble à la fin» – avait, apparemment, vécu.(8)

L’Islam, plus que jamais le bouc émissaire du néolibéralisme
Pour pouvoir comprendre les fondements de la tragédie du 11 Septembre, posons-nous la question : «À qui profite ces crimes, cette haine attisée ?» Une réponse possible est celle de Samuel Huntington qui parle d’un «un choc des civilisations». Pourtant, le vrai coupable, c’est cette mondialisation-laminoir et ce néo-libéralisme qui instrumente tout ce qui peut servir sa cause, à savoir la domination du monde par une poignée de puissants qui pousse le monde à sa perte en instrumentant l’Islam et les musulmans.
Joseph Messad remonte dans le temps pour décrire l’historique des manipulations des États-Unis qui voulaient briser l’Empire soviétique en se servant des pays musulmans. Il écrit : «Plutôt que de revenir sur la terreur contre-révolutionnaire que les États-Unis ont infligée à l’Afghanistan et au reste du monde depuis la Seconde Guerre mondiale, la presse libérale est occupée à se lamenter sur le déclin progressif de l’Empire. L’histoire de l’implication américaine en Afghanistan fait également partie de l’histoire particulière des efforts impériaux américains pour dominer les pays arabes et à majorité musulmane. L’histoire commence avec l’administration Truman qui s’est d’abord intéressée à «l’Islam» et s’est mise en quête d’un leader musulman qui serait le fer de lance d’une croisade contre les Soviétiques. Le Conseil de stratégie psychologique de Truman adopte un programme en février 1953, peu après l’entrée en fonction d’Eisenhower. Ce programme affirmait que «contrairement aux idées reçues en Occident […] l’Islam n’était pas une barrière naturelle au communisme. De nombreux réformateurs qui ont pris le pouvoir dans ces pays ont fait passer l’économie avant la religion ; cela a affaibli le rôle de la foi et rendu la région vulnérable au communisme».(9)
«Edward P Lilly, stratège en chef de la guerre psychologique pour Eisenhower, a rédigé un mémorandum intitulé Le facteur religieux en 1953. Il reconnaît que l’utilisation de l’Islam comme moyen d’atteindre les dizaines de millions de musulmans soviétiques serait à l’avantage des États-Unis. (…) En janvier 1957, le Président Eisenhower annonce la doctrine Eisenhower et déclare que les États-Unis viendront en aide à tout pays du Moyen-Orient menacé par le communisme. Lors de réunions privées avec Frank Wisner, de la CIA, et les chefs d’état-major interarmées, Eisenhower insiste sur le fait que les Arabes doivent s’inspirer de leur religion pour combattre le communisme et que ‘’nous devons faire tout ce qui est possible pour souligner l’aspect ‘’guerre sainte’’.

Eisenhower tenait à soutenir les Saoudiens en tant que contrepoids au Président égyptien de l’époque, Gamal Abdel Nasser. Le plan d’Eisenhower était que le roi ‘’puisse être érigé, en chef spirituel. Une fois cela accompli, nous pourrions commencer à insister sur son droit à devenir un leader politique.’’»(9)
«À cette fin, le prince héritier saoudien Faisal organise une conférence islamique internationale à La Mecque en 1962 pour combattre la popularité du nationalisme arabe, du socialisme et du ‘’sécularisme’’, et lance la Ligue musulmane mondiale. La conférence a
déclaré : ‘’Ceux qui renient l’islam et déforment son appel sous couvert de nationalisme sont en fait les ennemis les plus acharnés des Arabes, dont les gloires sont mêlées à celles de l’islam.’’ En réponse à la tentative de Faisal de remplacer l’unité arabe par l’unité islamique, Nasser accuse la nouvelle alliance islamique d’être une ‘’conspiration américano-britannique visant à diviser le monde arabe et à saper les espoirs arabes d’unité’’.»(9)
«À la fin des années 1970, les États-Unis, en partenariat avec les Saoudiens ainsi qu’avec le Président égyptien Anouar Sadate et son successeur Hosni Moubarak, recrutaient, finançaient et entraînaient déjà des islamistes de l’Afghanistan au Pakistan, dans le monde arabe, en Europe et aux États-Unis, afin de les préparer à la bataille finale contre les Soviétiques. Alors que l’implication des États-Unis et de la CIA en Afghanistan remonte aux années 1960, la presse occidentale a commencé, à partir de 1978, à parler en termes très sympathiques des ‘’insurgés musulmans farouchement anticommunistes’’ en Afghanistan et dans les camps d’entraînement au Pakistan. C’est cette politique américaine, encouragée par l’Arabie Saoudite et le Pakistan, qui a conduit à la création des talibans, d’Al-Qaïda et du groupe État islamique. Les talibans et Al-Qaïda ont combattu les États-Unis lorsque ceux-ci se sont retournés contre eux après la chute des Soviétiques, bien que les combattants d’Al-Qaïda et de l’État islamique aient été recrutés à nouveau pour les guerres en Irak, en Syrie, au Yémen et en Libye, parrainées par les États-Unis.» (9)
Après la chute de l’Empire soviétique, l’Islam est devenu le Satan de rechange. Pour Alain Gresh, «malgré les révoltes arabes et la marginalisation des groupes islamistes radicaux et violents, malgré l’affaiblissement d’Al Qaïda, les discours sur «la menace islamiste» ont profondément infiltré les sociétés et les mentalités en Occident et déstabilisé les minorités d’origine musulmane, entraînant un repli communautaire et la montée d’un climat islamophobe qui fait le lit d’une nouvelle droite radicale. Dix ans après les attaques contre le World Trade Center, c’est le relatif déclin des États-Unis, désormais confrontés à la montée en puissance de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud, etc., qui caractérise la situation mondiale. Le 11 Septembre n’aura été, finalement, qu’une étape dans ce basculement du monde».(9)
C’est le même constat que fait Fukuyama : «Les attaques ont marqué le début de la fin de l’hégémonie des États-Unis sur le monde de l’après-guerre froide. (…) Les attaques du 11 Septembre 2001 ont porté un coup d’arrêt dramatique à cette période. Elles ont ouvert une décennie catastrophique pour l’Amérique, sur tous les plans : diplomatique, militaire et économique. (…) Depuis dix ans, elle a perdu de sa superbe. Ses choix de politique étrangère et de politique économique se sont révélés erronés. (…) Une certaine islamophobie s’est développée au sein d’une partie de la droite américaine. C’est un sentiment latent chez certains Américains qui peut aisément être exploité par les politiciens car le thème demeure mobilisateur.»(10)

Les fiascos diplomatiques de la reconnaissance de Jérusalem et du Sahara Occidental 
Sans conteste, la mandature de Trump sera marquée par deux décisions lourdes de signification pour la paix du monde et qui n’incitent pas à la sérénité. D’une façon illégale et contre toutes les conventions-accords et relations internationales, bafouant des résolutions onusiennes notamment la 242 qui place Jérusalem avec un statut spécial pour les deux nations, Trump décide d’appliquer une promesse de campagne. Il reconnaît que Jérusalem est la capitale d’Israël. Pour René Backmann, en reconnaissant les faits accomplis de la colonisation israélienne de la Palestine, en prétendant transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, «Donald Trump viole le droit international et menace la région d’embrasement. Cette situation renforce les responsabilités politiques de l’Europe. Il est temps que l’UE prenne ses responsabilités, impose le droit, condition incontournable de la paix. Le 18 décembre  2018, Washington a dû recourir au veto, devant le Conseil de sécurité des Nations- Unies, pour s’opposer au vote d’une résolution qui réaffirmait clairement le consensus international sur Jérusalem et indiquait que «toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut, ou la composition démographique de la ville sainte de Jérusalem n’ont aucun effet juridique et sont nulles et non avenues».(11)
Il en sera de même, mettant par terre les conventions internationales. Il promet —comme le fit lord Balfour en novembre 1917, quand il offrit la Palestine aux juifs — au Maroc, le Sahara Occidental qui se bat pour son indépendance depuis 45 ans. Ce fut là aussi un tollé mondial. Trump terminera son mandat en amenant les pays arabes à normaliser leur relation avec Israël. Les Accords d’Abraham sont synonymes d’une reddition honteuse des pays arabes. Pendant ce temps, Israël continue à rendre irréversibles les constructions en Cisjordanie.
Dans un article percutant, René Exentus et Ricard Gustave nous expliquent l’hubris de Trump par sa conviction qu’il appartient à la race des élus. Nous lisons : «Un fait actuellement nous semble indéniable : Trump est le porte-parole, la figure emblématique du mouvement international de la suprématie blanche. Des hommes, des femmes, des évangélistes, qui ne jurent que par la race et par la religion (….) Trump  leur explique que le chômage, les crimes, la crise du logement, de l’éducation, etc. sont causés par cette multitude qui vient d’ailleurs, ces immigrants d’une autre humanité, venus de ‘’pays de merde’’ et qui viennent foutre ‘’la merde’’ dans son ‘’beau pays civilisé’’.»(12)

Les États-Unis de Biden ne veulent plus être les gendarmes du monde
Lors de la passation du 6 janvier 2021, les téléspectateurs ont été sidérés par les manifestations : la première démocratie du monde hyperpuissante se donne à ce spectacle de quasi-insurrection, cela a déconstruit le récit de l’American way of life. Sous Trump, les États-Unis avaient perdu ce qui restait de leur magister moral, celui de la nation indispensable, celle d’Armstrong foulant le sol de la Lune, mais une Amérique de Apocaplyse now en permanence, America first fut synonyme de la guerre aux faibles, voire de l’American way of war.  L’élection du Président Joe Biden a été vue comme un soulagement.
Joe Biden a compris qu’il fallait ne pas risquer la vie des Boys,  mais plus important, on sent que graduellement, l’Administration américaine change de logiciel et fait son aggiornamento pour de multiples raisons dont la plus importante est d’arrêter d’être le gendarme du monde : «Barack Obama l’a laissé entendre, mais c’est sans doute Biden qui, à l’occasion du retrait d’Afghanistan cette semaine, l’a exposé le plus clairement : les États-Unis ne veulent plus être les gendarmes du monde. “Il est temps de mettre fin à cette guerre éternelle” (…) Nous devons apprendre de nos erreurs», a-t-il dit. «Nous devons nous donner des missions avec des objectifs clairs et réalistes», et «nous devons nous concentrer clairement sur la sécurité des États-Unis» (…) Pour Joe Biden, la rivalité qui oppose les nations démocratiques aux régimes autoritaires tels que la Chine doit prendre le pas sur les grandes opérations militaires. (…) Plutôt que des sanctions, la Maison-Blanche a choisi l’approche diplomatique sur ce dossier délicat. Ailleurs qu’en Europe, Joe Biden «a peut-être bien baissé le rideau pour de bon sur l’interventionnisme militaire américain au Proche et Moyen-Orient au sens large».(13)

Les traités de paix et d’amitié entre l’État d’Alger et les États-Unis d’Amérique 
S’agissant des relations des États-Unis avec des pays émergents, il est à espérer que la nouvelle stratégie américaine amènera la sérénité dans le monde.  Ainsi, les relations de l’Algérie ne datent pas d’hier. Elles plongent dans l’histoire et remontent à 1795, moins de vingt ans après  l’indépendance des États-Unis. Bien plus tard, nous pouvons constater une similitude des luttes pour l’indépendance. Abdelkader Chanderli et M’hamed Yazid  ont joué un rôle prépondérant auprès de John Kennedy, alors sénateur, qui a prononcé un discours au Congrès américain pour plaider l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de l’ONU. L’Algérie a toujours été du côté des causes justes.  Ainsi l’Algérie a servi dans les négociations humanitaires entre les États-Unis et le Vietnam en guerre. Zeghar, conseiller de l’ombre de Boumediène, trouvera le moyen de servir de trait d’union entre les États- Unis et le Vietnam en guerre pour récupérer la liste des prisonniers. De même, il y a 41 ans, les 52 diplomates américains prisonniers à Téhéran étaient libérés à Alger. L’Algérie est aux yeux des Américains un pays rugueux mais qui a des principes et qui n’est pas versatile. C’est peut-être l’un des facteurs apaisants dans une région qui a grand besoin de stabilité.

Pour un nouveau siècle de paix 
La fin du XXe siècle et le début de ce XXIe siècle ont vu le monde changer à vive allure, malheureusement dans des directions qui risquent d’amener le chaos à la planète. Certes beaucoup de facteurs ont concouru à cette entropie, voire cette anomie. C’est d’abord la raréfaction des matières premières au premier rang desquels nous trouvons l’énergie. Cette énergie fossile qui a amené, à Dieu ne plaise, la planète à sa perte au vu de l’imminence et de la dangerosité des changements climatiques principalement pour les pays vulnérables qui n’ont pas la parade. Par ailleurs, la montée en puissance d’un certain nombre de puissances telles que la Chine, la Russie, l’Inde amène, par la force des choses, une nécessaire refonte de l’ordre international. Cette refonte est d’autant plus nécessaire qu’une calamité mondiale s’abat sur la planète. Le coronavirus fait journellement sa moisson ; en  déconstruisant ce que l’humanité à mis des millénaires à élaborer en termes de relations humaines. L’Amérique d’Armstrong, celle de l’American way of life qui nous a tant fait rêver, est devenue, au fil des ans, de plus en plus intolérante. Dans cette apocalypse annoncée, les grandes nations ont un rôle à jouer , un rôle non pas de rapine ou du droit de la force, comme par le passé, mais de partage.  Les États-Unis pourraient ce faisant retrouver leur magister moral qu’ils avaient sous Kennedy.  Dans ce cadre, les États-Unis devraient  promouvoir un dialogue dans le cadre d’un multilatéralisme fécond, inventer avec les nations leaders (Chine, Russie, Europe…) un modus vivendi qui nous permettra de vaincre ce nouveau fléau, conjurer les convulsions climatiques et respecter les peuples aussi faibles soient-ils. Ils devraient être considérés avec une égale dignité.(14)

Comment se présente le futur ?
Est-ce le monde du partage ou le partage du monde ? 

Peut-on continuer comme avant au vu  des perturbations multidimensionnelles que connaît le monde ? Peut-on confier notre sort à une mondialisation laminoir pour les faibles ? Peut-on continuer à se battre avec comme victimes les faibles ? Sartre a raison d’écrire que quand les riches se font la guerre, ce sont les faibles qui meurent ! Deux éléments majeures s’invitent dans le débat mondial : les changements climatiques et le Covid-19.  Partout dans le monde, l’été 2021 fut celui des calamités  avec une succession de catastrophes naturelles dont le nombre est supérieur à celui des dix ans précédents. La Sibérie, pourtant l’une des régions les plus froides du monde, n’a cessé de brûler. D’importants feux de forêt en Espagne, Grèce, Algérie ou en Turquie. En Californie, l’incendie Dixie a brûlé depuis la mi-juillet plus de 275 000 hectares de forêt. Le Covid-19, une autre apocalypse, a déconstruit les récits des civilisations humaines, cela ne semble pas émouvoir. Pour la techno-dictature, la crise étant le prétexte, pour accélérer et renforcer les mutations qui dépouillent l’homme de son humanité pour en faire une entité pucée. On prendra prétexte de la pandémie pour accélérer la cyborisation des humains. Le gourou du Davos Klaus Schwab parle de réinitialisation du monde.
Pourtant, le vrai défi pour tous les citoyens du monde est comment faire face à ce tsunami d’une mondialisation sans état d’âme, dimensionnée à la taille des nantis et qui broie les faibles du Nord comme du Sud, les identités et les espérances? La frontière n’est pas entre les États, elle est entre la technocratie oligarque qui continuera à dévaster la planète et les sans-grade de toutes les nations. Les États-Unis, qui se sont crus longtemps investis d’une mission de guider le monde au nom d’une supposée «destinée manifeste», décident, enfin, le pensons-nous, avec Joe Biden, de faire leur aggiornamento en ne faisant plus la guerre aux faibles. «Nous devons, écrivait Martin Luther King, apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.» Il a mille fois raison.
C. E. C.

1. https://www.arte.tv/fr/videos/105159-001-A/terrorisme-entretien-avec-gilles-kepel/
2. http//www.courrierinternational.com/article/2010/09 /16/le-11-septembre-et-la-culture-de-l-outrage
3. Ariane Walter: Les origines de l’attentat du 11 septembre 2001 Agoravox 10 09 2011
4. Cyrille Bret https:// www.lefigaro.fr/vox/histoire/le-11-septembre-2001-nous-a-fait-entrer-dans-l-age-de-la-terreur-20200918
5. https://www.fondapol.org/etude/les-attentats-islamistes-dans-le-monde-1979-2021/
6. Alain Gresh http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2011-09-09-11-Septembre
7. https://atlantico.fr/article/decryptage/saigon-est-tombee—-sans-grandes-consequences-pour-le-reste-du-monde–quid-de-kaboul-afghanistan-emmanuel-dupuy-1 17 aout 2021
8. https://www.lemonde.fr/international/article/ 2021/09/ 04/apres-la-debacle-en-afghanistan-l-otan-a-l-heure-des-doutes_6093364_3210.html?
9. https://www.middleeasteye.net/opinion/afghanistan-US-war-terror-really…
10. http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011 /09/ 09/ francis-fukuyama-l-amerique-a-perdu-de-sa-superbe_1569547_ 3222.html
11. https://www.mediapart.fr/journal/international/061217 /jerusalem-le-coup-de-force-de-donald-trump?
12. Renel Exentus, Ricard Gustave https://www.legrandsoir.info/de-quoi-trump-est-il-le-nom.html
13. https://www.reporters.dz/les-etats-unis-de-biden-ne-veulent-plus-etre-les-gendarmes-du-monde/5septembre 2021
14. https: //www. lesoird algerie. com/contribution/la-patrie-darmstrong-et-la-dignite-des-peuples-un-challenge-existentiel-55258

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