Algérie / L’appel du Président de la République à la diaspora pour participer au «Renouveau national» : Point de vue d’un membre de la diaspora

 

A l’occasion de la commémoration du 17 octobre 1961 (environ neuf mois avant l’Indépendance de l’Algérie), date à laquelle plus de 40 000 Algériens résidant en France avaient pacifiquement défilé pour à la fois dénoncer le couvre-feu imposé par la police de Maurice Papon aux Algériens de France et réclamer une «Algérie algérienne» et au cours de laquelle quelque 12 000 Algériens avaient été arrêtés et plus de 200 avaient trouvé la mort, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a lancé un appel à la diaspora pour participer à ce qu’il appelle le «Renouveau national».

Par Arezki Ighemat


Après avoir rappelé la contribution de la diaspora algérienne à la lutte de libération nationale, le Président l’a appelée à contribuer au projet de «Renouveau national» et à «l’édification d’une économie nationale prometteuse et à réaliser le développement durable».
Le Président a ajouté : «Notre diaspora est évidemment concernée par cette phase où nous nous attelons à l’édification de l’Etat et des institutions de droit et relevons les défis de la construction de l’Algérie nouvelle». Le Président poursuit, disant que la communauté nationale à l’étranger «est appelée à intensifier sa contribution à l’effort national d’autant que la révision de la Constitution lui a permis d’adhérer à la dynamique socioéconomique enclenchée dans l’Algérie nouvelle qui mise sur le potentiel de ses enfants, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, une Algérie forte, prospère, altière et ouverte sur le monde» (Reporters.dz, 18 octobre 2022).
En réaction à cet appel qui, il faut le dire, est le premier du genre fait à la Diaspora, trois questions principales peuvent être posées : (1) Que peut faire la diaspora pour participer au «Renouveau national» dont parle le Président ? (2) Comment et sous quelles formes concrètes cette participation pourra-t-elle se faire ? (3) Que demanderait la diaspora pour participer à ce Renouveau national ? Mais, auparavant, une question préliminaire doit être posée : qu’entendre par «Renouveau national» ? Commençons par la question préliminaire.

Que doit-on entendre par «Renouveau national» ?
Depuis son élection le 19 décembre 2019, le Président de la République avait mis l’accent sur le renouveau des institutions nationales et de la politique extérieure du pays. Une des premières actions qu’il avait entreprises était de refondre la Constitution pour lui permettre d’intégrer les nouvelles donnes algériennes et internationales et intégrer la dynamique insufflée par le Hirak du 19 février 2019 et du 19 février 2021 qu’il avait qualifié de «béni». Sur le plan institutionnel, il avait organisé les élections législatives et communales qui avaient conduit au renouvellement des représentants du peuple au niveau national, régional et local.
Tout cela dans un contexte qui n’était pas très favorable, la crise sociale résultant de la gouvernance autoritaire du défunt Président Bouteflika, la pandémie de la Covid-19 et, ultérieurement, la guerre en Ukraine et ses effets sur l’économie et la population.
Le «Renouveau national» consisterait donc, après cette phase de renouveau institutionnel, à consolider l’économie nationale en relançant la croissance économique en vue de créer de l’emploi pour la jeunesse et à intégrer la dimension environnementale pour réaliser les objectifs d’un développement durable. Le «Renouveau national» engloberait aussi la dimension inclusion sociale qui impliquerait la participation de la population algérienne dans la réalisation de ce Renouveau.
Cette inclusion, conformément à l’Appel du Président de la République, engloberait non seulement la communauté algérienne résidant dans le pays mais aussi la communauté algérienne résidant à l’étranger. Il faut dire que depuis l’Indépendance, soit plus de 60 ans après, en dépit des discours qui promettaient la participation de la diaspora au développement national, aucune action concrète et effective n’a été prise dans ce sens, en dehors de la création, pendant un certain temps, d’un «ministère-délégué chargé de la Communauté nationale à l’étranger». Il est donc temps que cette partie importante du corps social algérien contribue de façon concrète au développement durable auquel le Président de la République fait référence. Il faut rappeler aussi que la communauté nationale à l’étranger ne comprend pas seulement celle qui réside en France, même si celle-ci est de loin la plus nombreuse, mais aussi celle qui réside partout ailleurs dans le monde (le reste de l’Europe, le Canada, les Etats-Unis, etc.). Se pose alors une question importante : «Que peut apporter la diaspora algérienne au projet de Renouveau national ?

Que peut apporter la diaspora au projet de «Renouveau national» ?
Etant donnée sa grande diversité aussi bien sur le plan géographique que sur le plan de ses domaines de spécialisation, la diaspora algérienne peut apporter beaucoup au développement du pays. En effet, la diaspora algérienne est éparpillée sur tous les continents, même si une grande partie réside en Europe, et spécialement en France, pour des raisons historiques et de proximité. Cependant, au fil des années, l’immigration algérienne est en train de changer de destination, notamment en direction de l’Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis). Une telle diversification géographique ne peut qu’élargir le champ de participation de notre immigration en intégrant d’autres cultures que la culture française ou européenne.
Par ailleurs, la diaspora algérienne comporte une grande variété de professions, incluant des métiers manuels de qualité, mais surtout des métiers de haut niveau scientifique tels que médecine, ingénierie, aérospatial, management, économie, science politique, etc. Cette diversité et cette richesse des métiers, si elles sont utilisées de façon efficiente, pourraient être d’un apport considérable pour la consolidation du pays et son développement durable dans le cadre du Renouveau national voulu par le Président de la République et tant souhaité par la population.

Quelles formes cette participation peut-elle prendre ?
Comme il a été indiqué précédemment, en dépit du fait que le ministère des Affaires étrangères s’appelle désormais «ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger (MAECNE), et des quelques tentatives de sensibiliser la diaspora algérienne faites dans le passé et restées sans résultats, la communauté algérienne à l’étranger n’a pas reçu, jusqu’à présent, l’attention qu’elle mérite. Face à ce vide, le gouvernement algérien doit entreprendre un certain nombre d’actions pour mettre le projet de Renouveau national en œuvre.
La première tâche importante que le gouvernement —notamment par le biais du MAECNE— devrait entreprendre le recensement de la communauté nationale à l’étranger : sa localisation géographique, ses spécialités, ses diplômes et expériences, etc. Cette base de données pourrait donner une idée des potentialités de contribution de la diaspora au développement national.
La seconde tâche serait d’évaluer les besoins de l’Algérie dans tous les domaines (économique, scientifique, technologique, institutionnel, management, gouvernance, financiers, etc.). Une telle évaluation devrait donner une idée du nombre et des spécialités à mobiliser au sein de notre diaspora pour satisfaire les besoins nationaux dans le cadre du Renouveau national.
Une fois ces deux bases de données établies, la troisième démarche serait de créer un canal de communication entre le MAECNE et d’autres institutions du pays, d’un côté, et la communauté algérienne à l’étranger, d’un autre. Il serait probablement judicieux de créer une instance de relais qui jouerait le rôle de passerelle entre les deux parties. Cette instance aurait pour tâche de contacter les membres ou groupes de la diaspora qui répondent le mieux aux besoins de développement du pays et de les mettre en relation avec les institutions du pays qui en ont besoin.

Que demanderait la diaspora en contrepartie de sa participation ?
Etant consciente que son pays d’origine ne peut lui offrir les mêmes exactes conditions que leur offriraient d’autres pays pour ses services —une rémunération substantielle correspondant à ses titres et expertise, des conditions de travail stimulantes et d’autres avantages matériels et immatériels— et ayant un sens poussé du patriotisme et de l’amour pour sa patrie, la diaspora ne demanderait généralement pas que toutes ces conditions soient remplies pour contribuer au développement de son pays d’origine. Ce qu’elle demanderait, c’est une rémunération suffisante qui lui permette de vivre décemment et de subvenir aux besoins de sa famille, la possibilité de scolarisation des enfants dans des écoles ou universités d’un niveau acceptable, des conditions décentes d’hébergement et l’absence de contraintes bureaucratiques qui entraveraient leur contribution effective et efficiente au développement national. Si ces conditions minimales leur étaient offertes, les membres de la diaspora se feraient un plaisir et un devoir de contribuer à l’épanouissement de leur pays d’origine. La diaspora demande aussi que son travail de contribution ne soit pas entravé par des actes bureaucratiques volontaires ou involontaires et que ses idées et ses suggestions soient prises en considération par les institutions dans le cadre desquelles elle contribue. Il est bien entendu que la diaspora serait tenue de respecter le cadre juridique ainsi que le programme tracé par les institutions avec lesquelles elle collaborerait.

Conclusion
L’Appel du Président de la République fait à la diaspora à l’occasion de la commémoration du 17 octobre 1961 est, à notre avis, un acte d’une importance majeure dans la reconnaissance de cette communauté nationale comme une partie intégrante et stratégique de la nation algérienne et de son rôle vital dans ce que le Président appelle le «Renouveau national».
Cet appel demande maintenant à être concrétisé par des actions du côté du gouvernement et du côté de la diaspora.
Le gouvernement doit mettre en place les mécanismes nécessaires pour créer un véritable pont entre les deux parties, notamment par la création d’une instance mixte composée de membres désignés par lui et de membres de la communauté algérienne à l’étranger. Comme indiqué précédemment, le premier travail à faire serait d’établir une base de données des besoins de l’Algérie en matière de développement et une autre sur les capacités humaines que recèle la diaspora.
Du côté de la diaspora, ses membres volontaires devraient s’engager à contribuer dans le cadre du programme tracé par le gouvernement algérien et ses institutions spécialisées, évidemment, comme nous l’avons indiqué, dans le cadre des conditions minimales que le gouvernement devrait lui offrir. Si ces deux facteurs sont réunis, il y a de fortes chances que l’Appel du Président de la République pour la participation de la diaspora au Renouveau national soit entendu et connaisse un début de réalisation. /


Ph. D en économie, Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)


 

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