Quatre ans de massacre génocidaire au Yémen dans l’indifférence internationale

Que reste-t-il du Yémen ? Ruines et désolation.

Par Mesloub Khider – Dans le sillage des «printemps arabes» qui ont commencé en 2011, les forces houthies, à la faveur des manifestations antigouvernementales et anticorruption, ont conquis une grande partie du pays en 2014. De guerre civile opposant les rebelles chiites houthis aux partisans d’Abd Rabbo Mansour Hadi, le président du Yémen, exilé en Arabie Saoudite en 2015, le conflit a pris une dimension internationale en mars 2015. En effet, c’est à cette date que la coalition sunnite des pays arabes dirigés par l’Arabie Saoudite s’est constituée pour intervenir militairement au Yémen en vue de rétablir Abd Rabbo Mansour Hadi dans ses fonctions. Des potentats moyenâgeux des Emirats arabes unis, du Koweït et du Qatar figurent parmi les membres de cette coalition génocidaire, de même que le dictateur égyptien Al-Sissi et le président islamiste soudanais récemment congédié, Al-Bachir. Tous ces tyrans criminels sont appuyés par les puissances impérialistes, la France notamment, par leur soutien logistique et militaire. L’Iran n’est pas en reste, elle qui tisse sa toile autour de l’Orient et de l’Afrique.

Précisément, c’est pour contrer l’influence grandissante de l’Iran dans ces régions stratégiques, notamment au Yémen, que l’Arabie Saoudite a décidé de lui couper l’herbe sous les pieds, avant de la décapiter bientôt en la supprimant de la carte géographique avec l’aide des Etats-Unis, résolus à engager une guerre exterminatrice contre l’Iran. En effet, l’Arabie Saoudite craint surtout l’encerclement de son territoire par l’Iran, dont l’emprise s’étend des frontières turques jusqu’au Liban, en passant par la Syrie et le golfe d’Aden au Yémen. L’accroissement des intérêts et de l’influence régionale de l’Iran inquiète au plus haut point l’Arabie Saoudite. En effet, l’Iran contrôle désormais un corridor terrestre s’étendant de Téhéran à la côte méditerranéenne, «lui donnant accès à un port maritime très éloigné à l’ouest et loin des eaux du Golfe persique fortement surveillées par les patrouilles». De fait, dans le même temps où les Etats-Unis déclinent sur tous les plans, l’Iran renforce ses positions. Notamment en Syrie. D’après certaines sources, l’Iran aurait expédié des armes sophistiquées aux houthis. Elle aurait également dépêché des conseillers militaires au Yémen, y compris ses mercenaires afghans aguerris pour suppléer les troupes houthies. Avec les Houthis, l’Iran, dans sa stratégie de renforcement de son influence, tente ainsi de réitérer son expérience triomphante avec le Hezbollah, devenu son tête de pont contre Israël.

Le houthisme est une nébuleuse chiite revivaliste apparue dans les années 1990, baptisée Forum des jeunes croyants. Les Iraniens le désignent sous le nom d’Ansar Allah (les partisans d’Allah). Le mouvement houthi est très proche de l’Iran et du Hezbollah. Les Houthis, ces seigneurs de la guerre sainte, sont réputés pour leur «sagesse belliqueuse». En décembre 2017, quand l’ancien président Ali Abdallah Saleh s’est détourné de l’Iran et des Houthis pour se rallier à l’Arabie Saoudite, il a été religieusement assassiné. Rappelant ainsi les exécutions de la CIA dans les années soixante, méthode très employée également par le Hezbollah.

De fait, après la Syrie, le Yémen est devenu le dernier territoire d’affrontements inter-impérialistes, notamment à travers les rivalités entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, leurs «alliés» respectifs et les superpuissances.

Ironie de l’histoire : dans ce panier à crabes impérialiste du Moyen-Orient, hier encore, les forces militaires américaines et iraniennes combattaient ensemble en Irak, dans des batailles militaires conjointes, contre l’Etat islamique (Daech).

Ainsi, dans ce pays, le Yémen, déjà meurtri par l’extrême pauvreté, peuplé de 28 millions d’habitants, au territoire d’une importance géostratégique, la coalition génocidaire saoudienne a déversé une tempête de bombes américaines et anglaises (et françaises ?). Bilan provisoire : selon l’ONU et les ONG humanitaires, le conflit a fait plus de 10 000 morts, en majorité des civils, tués par les bombardements et les frappes aériennes. Ces bombardements ont causé des dommages considérables : des hôpitaux, des écoles, des mosquées, des quartiers résidentiels ont été détruits. Plus de trois millions de maisons ont été pulvérisées, des sites antiques anéantis. Outre ces bombardements, l’Arabie Saoudite a également imposé un blocus sur l’aide d’urgence et les importations commerciales, engendrant des milliers de morts supplémentaires. Au reste, des millions de Yéménites n’ont pas accès à l’eau potable, à l’assainissement et aux sanitaires, provoquant l’apparition du choléra. En raison de la malnutrition, de multiples maladies mortelles se sont également propagées.

Aujourd’hui, au Yémen, les conditions de survie – car on ne peut parler de conditions de vie – sont catastrophiques. D’après l’ONU, il s’agit de la «pire crise humanitaire au monde». Sur une population de 28 millions d’habitants, plus de 22 millions nécessitent une aide alimentaire, dont 8,4 millions sont dans une situation de «famine imminente». Situation aggravée par la fermeture par l’Arabie Saoudite des ports, aéroports et axes routiers à destination du Yémen. Outre les horreurs de la guerre, la population exsangue yéménite affronte, en plein 21e siècle, la résurgence de l’épidémie de choléra, propagée à la suite de la dégradation des conditions de vie.

Ainsi, réduits à vivre comme des bêtes, dans l’indifférence de la bonne conscience universelle toujours prompte à s’émouvoir de la disparition de quelques richissimes célébrités musicales ou cinématographiques, à quelques encablures des pays musulmans du Moyen-Orient les plus riches au monde, de nombreux Yéménites succombent à la mort, certains parviennent à se réfugier dans les pays limitrophes, d’autres tentent leur chance en Europe après un long périple périlleux africain.

Ainsi va ce monde abject. Un génocide contre les Yéménites est perpétré quotidiennement depuis quatre ans maintenant, et aucun pays, à travers sa population, ne proteste contre les responsables de cet holocauste, ne manifeste sa solidarité pour le peuple yéménite mutilé.

Tous les jours, dans toutes les écoles et sur de nombreuses chaînes de télévision, ont fait verser des océans de larmes aux enfants et aux téléspectateurs pour le génocide des juifs commis au siècle dernier, mais l’holocauste des Yéménites perpétré à notre époque ne suscite qu’indifférence. A croire que la vie d’un Yéménite vaut moins qu’un shekel.

M. K.

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