Quel avenir pour le peuple palestinien ?

-Par Rima Najjar

La Cisjordanie est maintenant menacée d’annexion par Israël.
Les Palestiniens de base dans leur cage de Gaza réclament le droit de retourner dans leur maison et sur leur terre à quelques kilomètres de là en Israël, conformément à la Résolution 194 de l’ONU, et sont repoussés avec brutalité. L’ «accord du siècle» se profile sombrement à l’horizon. Aussi, qu’est-ce qui attend maintenant le peuple palestinien ?
Cela devrait être clair comme de l’eau de roche, mais curieusement, ce ne l’est pas pour les médias, que plutôt que de dissuader les Palestiniens de poursuivre leur lutte de plusieurs décennies pour libérer la Palestine, la collusion entre l’administration Trump et certains gouvernements arabes pour imposer « l’accord du siècle » aux Palestiniens radicalisera l’ensemble de la population palestinienne et précipitera la lutte, à tout le moins, dans une autre intifada (soulèvement).

« Fillettes palestiniennes participant à la Grande Marche du Retour. (Ph: via Réseaux Sociaux) »


Au cœur de la question se trouve la lutte pour les droits collectifs du peuple palestinien dans son ensemble. Ce qui intéresse les Palestiniens, c’est la question de savoir qui est capable d’annuler les effets désastreux des Accords d’Oslo ; qui peut demander des comptes à Israël ; qui peut construire des stratégies populaire pour résister avec détermination plutôt que simplement « gouverner » ?
Mais la réalité est que les Palestiniens doivent faire face aux complexités et aux défaillances des structures politiques dont ils disposent déjà. Quel bloc politique est susceptible de s’imposer comme le plus fort, une fois que tous les dés seront jetés ?
Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP)
Aujourd’hui, outre le Fateh (également orthographié Fatah) et le Hamas, le parti politique le plus susceptible d’émerger comme un concurrent de poids dans le vide que laissera la disparition de Mahmoud Abbas (83 ans) de la scène politique est le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), dont la stratégie révolutionnaire pour la libération de la Palestine publiée en février 1969 se distingue de celle du Fateh et de son approche pragmatique fondée sur les concessions.
Comme l’écrit Khaled Barakat :
« La stratégie du FPLP souligne que nous ne partons pas de zéro. Il n’y a pas de point zéro dans la pensée, l’histoire et la lutte, et le Front est un parti révolutionnaire démocratique avec une riche expérience historique d’un demi-siècle. Il a vécu une expérience permanente et continue au milieu de combats et d’affrontements. La marche d’un demi-siècle de bon et de mauvais, faite de réussites et de reculs, et nous voulons que cette situation reste conforme aux objectifs généraux du parti révolutionnaire, condition nécessaire au progrès et à la croissance. »
Le secrétaire général du FPLP, Ahmad Sa’adat, est prisonnier politique d’Israël depuis 13 ans maintenant, mais lui et ses camarades continuent leur résistance inébranlable.
Une autre dirigeante, Khalida Jarrar, récemment libérée de détention administrative israélienne, est également inébranlable.
Ce qui se passe aujourd’hui dans la politique palestinienne est lamentable, mais il y a de l’espoir.
En 2012, l’ONU a reconnu » le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans son État de Palestine « , mais ce qui advient sur le plan politique en Palestine se produit non pas dans un État palestinien indépendant ; c’est en Cisjordanie occupée et dans la cage de la Bande de Gaza que cela a lieu.
Les Palestiniens ont un nouveau Premier ministre, Mohammad Shtayyeh, politiquement affilié au Fatah, le parti qui contrôle l’Autorité palestinienne. Ce parti est fidèle à Mahmoud Abbas, qui a peu de soutien populaire ou d’importance, et est dirigé par les hommes forts du Fatah connus pour être corrompus et pour tirer profit de leur poste.
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui est censée représenter tous les Palestiniens, y compris ceux en exil, est dominée par le Fatah, son Conseil national ayant élu Abbas président du Comité exécutif de l’OLP (4 mai 2018).
Il faut gardez à l’esprit que ni le Hamas ni le Fatah (sous la forme de l’AP) ne jouissent d’aucune autonomie politique. Sur le plan économique également, Israël exerce un contrôle exclusif sur les frontières extérieures et perçoit les taxes à l’importation et la TVA pour le compte de l’Autorité palestinienne, taillant à volonté dans ce qu’il remet à l’Autorité palestinienne.
Historique et contexte de la représentation palestinienne :
Il est important de comprendre que le gouvernement palestinien en territoire occupé tire sa légitimité de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).
L’OLP a été créée le 28 mai 1964 pour unir les mouvements politiques palestiniens de l’extrême droite à l’extrême gauche dans une seule organisation et approuver la Charte nationale palestinienne, qui proclamait dans son article 2 que « la Palestine, dans les frontières qu’elle avait sous le mandat britannique, est une unité territoriale indivisible ». La Charte nationale palestinienne a légitimé le soutien à la lutte armée en tant que stratégie de résistance contre Israël et affirmé sa moralité.
La création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a été motivée par la volonté des Palestiniens de prendre ses distances avec d’avec l’approche politique et militaire conventionnelle désastreuse du Haut Comité arabe de 1948. L’OLP s’est rapidement orientée, comme l’a dit Isam Sakhnini en 1972, vers » une action palestinienne autonome par laquelle le peuple palestinien ne laissera défendre sa cause par d’autres, mais la prendra directement en main. »
Au début, les groupes palestiniens qui ont épousé la guérilla contre Israël sont devenus les nouveaux dirigeants de l’OLP. Moins d’un an plus tard, Yasser Arafat, le chef du Fatah, est devenu son président alors que le Fatah et le Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) faisaient des gains politiques substantiels.
Tout cela a changé lorsque les Accords d’Oslo ont été signés entre le Gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). L’OLP a fait d’énormes concessions avant même d’entamer des négociations afin d’être reconnue par les Etats-Unis, après avoir obtenu la reconnaissance des Nations Unies et de la Ligue arabe, comme » le seul représentant légitime du peuple palestinien « .
Et comme le montre Osamah Khlalil dans Les Racines d’Oslo : Kissinger, l’OLP et le processus de paix – Al-Shabaka,
« Les dirigeants de l’OLP, en particulier les personnalités clés du Fatah, ont cherché à établir des relations avec Washington aux dépens des autres factions palestiniennes. »
En 2017, Al-Shabaka, le Palestinian Policy Network, a organisé une table ronde entre Palestiniens sur l’OLP et la représentation palestinienne, pour débattre des trois questions suivantes : Réforme de l’OLP, Représentation sous occupation, une Direction à Quelle fin ? Al-Shabaka est une organisation indépendante, non partisane et à but non lucratif dont la mission est d’éduquer et de favoriser le débat public sur les droits humains et l’autodétermination des Palestiniens dans le cadre du droit international.
Le Fatah domine aujourd’hui l’OLP parce que le parti de « l’approche pragmatique » de la lutte de libération palestinienne est depuis Oslo le parti dominant et de plus en plus autoritaire de l’administration de l’Autorité palestinienne.
Maintenant que les Accords d’Oslo, qui les avaient bridés pendant plus de deux décennies, sont caduques, la réforme de l’OLP ou la création d’une nouvelle organisation pour représenter tous les Palestiniens est inévitable.

29 avril 2019 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB

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« Qu’on nous débarrasse d’Israël ! »

« Scène de l’apartheid – Traversée du checkpoint 300 en Cisjordanie occupée –
Photo : WCC/Sean Hawkey »

Par Mersiha Gadzo
Un plan économique ne résoudra pas le problème principal qui bloque l’économie de la Palestine, à savoir l’occupation israélienne, disent les experts.
Les analystes ont reproché au volet économique du plan de paix des États-Unis pour le Moyen-Orient de ne pas vouloir résoudre le principal problème qui a fortement handicapé l’économie palestinienne : l’occupation militaire israélienne de 52 ans sur les territoires palestiniens.
Le plan économique a été publié par la Maison Blanche samedi et devrait être présenté lors d’une réunion organisée par les États-Unis à Bahreïn du 25 au 26 juin.
Lorsque le document a été rendu public, beaucoup ont remarqué que le plan de 40 pages était dépourvu de tout contexte politique, sans les mots « occupation », « liberté », « égalité », « blocus ».
« L’absence de ces termes est en fait assez flagrante et très révélatrice de l’enjeu », a déclaré à Al Jazeera Diana Buttu, analyste basée à Haïfa et ancienne conseillère juridique des négociateurs de paix palestiniens.
« Ils ont mis en place un plan qui plaira à toute personne impliquée dans le développement économique, mais il ne s’applique pas à la Palestine car il a supprimé tout contexte politique ».
Au cœur du plan apparaît une proposition de fonds d’investissement de 50 milliards de dollars, qui serait divisé entre les Palestiniens des territoires occupés (plus de la moitié du montant total) et ses voisins : l’Égypte, le Liban et la Jordanie.
Le fonds servirait à financer 179 projets d’infrastructures et d’entreprises, notamment le renforcement du secteur du tourisme palestinien.
Cependant, il ne résout pas les obstacles à la liberté de circulation auxquels sont confrontés les Palestiniens vivant sous le blocus israélo-égyptien vieux de 12 ans sur la bande de Gaza, ou sous occupation en Cisjordanie, entourés de colonies israéliennes, toutes illégales au regard du droit international.
L’Autorité palestinienne, qui exerce un pouvoir limité dans certaines zones de la Cisjordanie occupée, et le Hamas, qui administre Gaza, ont fermement rejeté le plan.
« Israël autorisera-t-il la circulation des marchandises ? Non. Israël autorisera-t-il la mise en œuvre de ce plan ? Non. Peut-il y avoir un développement économique sous occupation ? Encore une fois, la réponse est non », a déclaré Buttu.
Beaucoup ont déploré que le plan réutilise d’anciennes idées telles qu’un projet de corridor de transport – d’un coup de 5 milliards de dollars – qui relierait la Cisjordanie à la bande de Gaza assiégée.
L’idée d’un corridor de transport est apparue vers 2005 lorsque l’organisation de recherche RAND a proposé de construire la ligne de chemin de fer « The Arc » reliant Gaza à d’autres villes de Cisjordanie, dans le but de maintenir un espace commun pour les Palestiniens et de créer les conditions d’une croissance économique et d’une croissance démographique.
Le projet ne s’est jamais concrétisé en raison de multiple complications.
« Cruelle ironie »
« [Le plan économique de Kushner] est un mélange de vieilles idées, pas de nouvelles idées. [Le plan] a été présenté comme une nouvelle perspective, ce qui n’est tout simplement pas le cas », nous dit Yara Hawari, spécialiste des questions relatives à la Palestine à Al-Shabaka.
« Vous remarquerez que les photos qu’ils utilisent dans le document sont des photos de personnes des programmes de l’USAID, les programmes mêmes qui ont été annulés par l’administration Trump, ce qui est d’une cruelle ironie. »
« Pour ce qui est de convaincre les Palestiniens, cela revient à les persuader d’accepter des avantages économiques en échange de leurs droits », a déclaré Hawari.
Un rapport des Nations Unies de 2016 a révélé que l’économie des territoires palestiniens occupés pourrait atteindre deux fois sa taille actuelle si l’occupation militaire illégale par Israël était levée.
Selon le rapport, « l’occupation coûte très cher », citant « les restrictions israéliennes à la circulation des personnes et des biens; l’érosion et la destruction systématiques de la base productive; les pertes de terres, d’eau et d’autres ressources naturelles »… comme certains des obstacles qui impactent lourdement la croissance des territoires.
Les Palestiniens ne peuvent exercer un contrôle souverain et total sur leur économie en raison de la fragmentation du marché intérieur, de leur isolement par rapport aux marchés internationaux, du blocus de Gaza, de l’extension des colonies de peuplement israéliennes illégales, de la construction de la barrière de séparation [mur d’apartheid] sur le territoire palestinien et de l’isolement de Jérusalem-Est, dit encore le rapport.
En droit international, Israël en tant qu’occupant est obligé de favoriser le développement économique des Palestiniens dont il occupe le territoire.
L’économie palestinienne ne faiblit pas à cause du manque d’investissements, mais à cause de l’occupation, selon les analystes.
« [Le plan est] une liste de toutes les choses sur lesquelles nous travaillons depuis 25 ans et qui ont échoué, à cause de l’occupation militaire israélienne que ce plan économique ignore totalement, comme s’il n’existait pas, » confie à Al Jazeera Sam Bahour, un consultant en affaires américano-palestinien.
« Nous n’avons pas besoin d’un atelier économique pour nous montrer de grands projets [qui peuvent aider] l’économie palestinienne. Nous savons déjà ce qu’il nous faut. Ce qu’il faut regarder, c’est comment nous pouvons lever les restrictions qui nous sont imposées par Israël avec le soutien total des États-Unis », ajoute Bahour.
Dans un article de blog, Bahour a répertorié 101 actions qu’Israël peut entreprendre pour réduire la tension créée par l’occupation sur le terrain. On y retrouve des idées telles qu’une nouvelle université et la fourniture de « services de télécommunication 5G » aux Palestiniens.
Il a fallu 12 ans pour introduire les fréquences 3G en Palestine, finalement l’an dernier, a déclaré Bahour.
L’analyste Nur Arafeh a expliqué en détail comment, depuis le début de l’occupation israélienne en 1967, Israël a en fait cherché à intégrer l’économie des territoires occupés à la sienne, tout en permettant une expropriation maximale des terres.
Buttu a expliqué à Al Jazeera que ce qui fait cruellement défaut, c’est la volonté politique de mettre fin à l’occupation.
« Ce qui manque depuis toutes ces années, c’est de faire pression sur Israël pour qu’il nous laisse réellement libres. Ils ont recyclé les mêmes concepts, les ont reconditionnés, mais ce qu’ils ne veulent pas faire, c’est s’attaquer à Israël. Et le seul moyen de nous libérer, c’est de nous débarrasser d’Israël », a ajouté Buttu.
Absence des Palestiniens
Plusieurs hommes d’affaires palestiniens connus ont décliné l’invitation des États-Unis à participer à la conférence.
L’Autorité palestinienne a déclaré qu’elle n’avait pas été consultée à propos de ce plan et qu’elle ny participerait pas non plus.
Les fonds collectés pour le plan économique seraient placés dans un fonds administré par une banque multinationale de développement et seraient gérés par un conseil d’administration nommé.
Quelque 15 milliards de dollars proviendraient de subventions, 25 milliards de dollars de prêts subventionnés et environ 11 milliards de dollars de capitaux privés.
Il n’est notamment pas fait mention de Palestiniens qui géreraient l’argent.
Le plan lui-même mentionne à plusieurs reprises « les autorités palestiniennes applicables« , a noté Bahour, plutôt que des entités établies telles que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Les États-Unis ont fermé le bureau de l’OLP à Washington DC en 2018, et ils ne reconnaissent pas l’État de Palestine.
Kushner a par le passé exprimé son opinion selon laquelle les Palestiniens méritent une « autodétermination » mais ne sont pas encore capables de se gouverner.
« C’est une approche très coloniale, les Palestiniens ne pouvant pas se gouverner eux-mêmes, il faudrait donc une entité distincte capable de gérer les fonds », nous dit Buttu.
« Habituellement, lorsque vous étudiez le développement économique, vous examinez le cadre et le contexte des États et pourtant, ils essaient de créer un plan qui ne concerne aucun État, ni l’Autorité palestinienne. En fait, [Kushner] veut les contourner. »
« Tout cela fait une très belle et jolie brochure de 38 pages, mais sur le fond, rien n’en sortira, car ils refusent de parler des circonstances politiques, de l’occupation et du déni de liberté. »

  • Mersiha Gadzo est journaliste et productrice en ligne pour Al Jazeera English. Avant de rejoindre Al Jazeera, elle travaillait en tant que journaliste freelance en Bosnie-Herzégovine et dans les territoires palestiniens occupés.
    24 juin 2019 – Al Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine En savoir plus sur https://french.palinfo.com/52787
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