Rapport de la banque mondiale de juin 2020 : une situation socio- économique préoccupante en 2020/2021 pour l’économie mondiale

    11.06.2020

        CRISE ECONOMIQUE

Rapport de la banque mondiale de juin 2020 : une situation socio- économique préoccupante en 2020/2021 pour l’économie mondiale et l’Algérie et urgence de prévoir des stratégies d’adaptation

Selon le rapport de la banque mondiale de juin 2020, la croissance de l’économie mondiale sera négative de moins 5,2% avec des répercussions négatives pour 2021 , un taux de croissance négatif en To 2020 , le taux de croissance prévu en 2021 de 4,2% est un taux de croissance faible, se calculant par rapport à la période précédente, en 2021 donnant en terme réel, entre 1 et 2% , avec pour conséquence une baisse du revenu moyen d’environ 3,6% et d’importants poches de pauvreté au niveau mondial . Cela impacte l’économie algérienne fortement dépendante de l’économie mondiale, où le taux de croissance sera négative d’environ moins 6,4%, plus du double que celui prévu par la loi de finances complémentaire 2020 ce qui risque d’accroitre les tensions sociales (voir notre interview Radio Algérie Internationale en arabe/français 09 juin 2020). D’où l’importance de prospectives coller à la réalité et éviter de naviguer à vue par l’approfondissement des réformes dont les enjeux passent par une évaluation à son stade actuel et ses environnements politiques, économiques, sociaux et internationaux, une identification des acteurs, une analyse des stratégies développées ou qui risquent d’être développées par les acteurs interne/externes hostiles et une série de contre-mesures à mettre en œuvre par les acteurs favorables afin d’ anticiper les risques d’échec.

1.-Les recettes prévisionnelles selon la loi de finances complémentaires 2020 devraient reculer à 5.395,5 milliards DA contre 6.289,7 milliards de dinars dans la LF initiale dont 1.394,7 milliards DA de fiscalité pétrolière et 4.001,1 milliards dinars de fiscalité ordinaire. Les dépenses du budget ont été revues à la baisse de près de 6% passant ainsi à 7.372,7 milliards dinars contre 7.823,1 milliards dinars dans la LF initiale dont 4.752,4 milliards dinars pour les dépenses de fonctionnement et 2.620,3 milliards dinars pour les dépenses d’équipement. Les dépenses de fonctionnement baissent (en dehors des salaires et transferts sociaux) de 141 milliards de dinars (près de -3%) par rapport à la loi de finances préliminaire de 2020, en raison de la baisse de 150 milliards de dinars des dépenses courantes, contre une hausse de 9 milliards de dinars destinés à couvrir la hausse du Salaire national minimum garanti (SNMG). Les dépenses d’équipement ont été réduites de 309 milliards de dinars (-10,5 %) pour passer à 2.620,3 milliards de dinars, contre 2.929,7 milliards de dinars dans la loi préliminaire. Toujours dans le cadre des restrictions, il est prévu une baisse de la valeur courante des importations de marchandises de 4,7 milliards de dollars, pour atteindre 33,5 milliards de dollars, plus la baisse de la valeur courante des services de 2,3 milliards de dollars qui ont fluctué entre 2010/2019 entre 9/11 milliards de dollars par an ( appel aux compétences étrangères). Cette situation complexe a été aggravée par l’épidémie du coronavirus.

2.-. La croissance en Algérie devrait selon le dernier rapport de la banque mondiale de juin 2020 à moins 6,4% (le FMI prévoyant moins 5,2%) contre une moyenne pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient) de moins 4,2% et pour les pays exportateurs de pétrole (baisse des prix et mesures de réduction de la production décidée par les pays OPEP/Russie, un manque à gagner entre ¾ milliards de dollars pour l’Algérie) de moins de 5% alors que la loi de finances complémentaire 2020 prévoit un taux négatif de 2,63% soit plus du double ce qui se répercutera forcément sur le taux d’emploi ( voir notre interview en arabe et français à Radio Algérie Internationale le 9 juin 2020. Cela est la conséquence donc de la baisse des exportations d’hydrocarbures à 17,7 milliards de dollars, contre 35, 2 milliards de dollars prévus dans l’ancienne loi de finances. Il faut dire la vérité , évitant les discours démagogiques , en n’oubliant jamais que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel dont le prix sur le marché mondial a chuté de plus de 70% (moins de 2 dollars le MBTU sur le marché libre) et ayant perdu entre 2019/2020 des parts de marché notamment au niveau de l’Europe qui représente plus de 60% de ses exportations, fortement concurrencé par les USA, le Qatar et la Russie. Comme impact, avec le prix fiscal à 30 dollars et le prix du marché à 35 dollars, prévision réaliste du gouvernement , (la moyenne annuelle devant tourner autour de 35 dollars), la loi de finances complémentaire 2020 prévoit un déficit budgétaire de -1.976,9 milliards de dinars, soit -10,4% du Produit intérieur brut (PIB) (contre -1.533,4 milliards de dinars, soit -7, 2% du PIB dans la loi préliminaire), la balance des paiements enregistrant un solde négatif de -18,8 milliards de dollars, contre 8,5 milliards de dollars dans la loi de finances préliminaire et que le niveau des réserves de change devrait reculer plus fortement que prévu d’ici à la fin 2020 pour atteindre 44,2 milliards de dollars contre une prévision initiale de 51,6 milliards de dollars.

3.- Il faut être réaliste, avec moins de 40 milliards de dollars de réserves de change fin 2020,si l’on prend le récent bilan du déficit commercial du premier trimestre 2020 ; qui n’inclut pas les services sous certaines conditions, sinon les prévisions de la banque mondiale de cessation de paiement, se concrétiseront la mi 2021, le risque est l’épuisement des réserves de change ,le premier semestre 2022 . Pour éviter ce scénario , s’impose une lutte implacable contre la corruption en redynamisant la Cour des Comptes en léthargie depuis des décennies alors que dans tous les pays du monde, elle est l’institution qui permet de contrôler les dénier publics, tout en formulant des recommandations pour leur efficience. D’une manière générale face aux tensions financières et sociales 2020/2021 s’impose une mobilisation générale, plus de rigueur budgétaire , une profonde refonte politique, une stratégie économique basée sur nos capacités propres et des choix judicieux avec nos partenaires étrangers. Se mentir les uns les autres ou se cacher la réalité nous entraînera irrésistiblement vers d’autres épreuves tragiques qu’aucun algérien patriote ne souhaite. Car comment ne pas rappeler qu’avec une entrée de devises de plus de 1000 milliards de dollars entre 2000/2019 (98% provenant de Sonatrach) et des importations de biens et services de plus de 940 milliards de dollars, l’Algérie a connu un impact faible : taux de croissance moyenne annuelle entre 2/3%, alors qu’il aurait du dépasser les 9/10%. Cela impacte le taux de chômage, avec la forte pression démographique plus de 44 millions d’habitants au 01 janvier 2020 et plus de 50 millions horizon 2030, devant créer en plus du taux de chômage actuel ( 15% selon le FMI en 2021) , 350.000/400.000 emplois nouveaux par an et non des emplois rentes, quitte à faire exploser les caisses de retraite. Il ne peut y avoir de véritable relance sans une nouvelle gouvernance par la moralisation de la société, une lutte efficace contre la corruption passant par l’impérieuse réforme de l’administration, la bureaucratisation néfaste.

4.-Comprendre la crise actuelle implique de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente -Sonatrach et sa distribution à travers le système financier dont l »objectif stratégique est d’autonomiser la rente pour éviter son gaspillage et l’orienter vers les segments productifs. . Notamment les banques publiques qui canalisent plus de 85% des crédits octroyés expliquant que la réforme profonde du ministère des finances en profondeur n’a jamais été réalisée depuis l’indépendance politique, enjeu énorme du pouvoir assis sur la rente , réforme qui doit être couplée avec celui du ministère du commerce pour plus de cohérence, responsable de nombreuses licences d’importation et autres autorisations de complaisance. Sans sa réforme profonde autant que celle de des institutions (l’administration centrale/locale) et de la justice, il serait utopique de s’attaquer à l’essence de la corruption, se limitant à des actions conjoncturelles où les mêmes causes produiront les mêmes effets de corruption si l’on maintient les mêmes mécanismes de régulation. La réforme, étant une question de sécurité nationale, doit toucher donc toutes les structures du Ministère des finances où des audits poussés doivent être entrepris pour combattre les dysfonctionnements: toutes les banques publiques notamment les directions et sous directions de crédit , qui canalisent plus de 85% des crédits octroyés, les caisses de garanties octroyant parfois des garanties de complaisance comme cela a été constaté récemment, la DG de la fiscalité , avec des non recouvrements faramineux inexplicables les seuls pénalisés étant les salariés et fonctionnaires dont la retenue est à la source, les domaines, incapables d’avoir un registre cadastre transparent afin d ‘éviter le bradage du patrimoine national et la douane, sans tableaux de la valeur reliés aux réseaux tant nationaux et qu’internationaux, comme je l’ai préconisés entre 1982/ 1983 en tant que haut magistrat et DG des études économiques à la Cour des comptes qui n’a jamais vu le jour car touchant de puissants intérêts Face à tous ces dysfonctionnements et des dépenses monétaires sans corrélations avec les impacts économiques et sociaux , il y a crise de confiance et la majorité de la population des 48 wilayas, fait de moins en moins confiance aux partis et réseaux traditionnels Cela a été accentué récemment, par ces innombrables affaires de justice qui ont provoqué un véritable choc de rejet de l’ancienne classe politique par l’opinion publique ,face à l’ampleur des faits de corruption et de délits d’initiés reprochés aux hauts responsables auditionnées qui demandaient à la population de serrer la ceinture D’où l’importance de renouer les relations entre l’Etat et les citoyens pour redonner une confiance sans laquelle aucun développement n’est possible .

5.-. Le temps ne se rattrapant jamais en économie, le statut quo politique et la stagnation économique conduira à la régression sociale avec des réserves de change tendant vers zéro et le retour au FMI dans deux ans . Alors, quel dirigeant , pouvoir ou opposition, pourra alors parler d’indépendance économique, politique, voire sécuritaire? Or, tout projet social étant porté par des forces politiques, sociales et économiques, d’où l’importance d’une réorganisation profonde tant des partis politiques pouvoir/opposition que de la société civile. Le monde de demain subira de profondes mutations politiques, militaires, socio-économiques et énergétiques, déclin des hydrocarbures traditionnels , développement des énergies renouvelables, l’hydrogènes 2030/2040 , avec de nouveaux segments que Jacques Attali qualifient « d’activités de la vie » engendrant de la valeur ajoutée nouvelle, déclassant les activités traditionnelles, mais soyons réaliste, les nouvelles mutations prendront du temps, fonction de rapport de forces tant au niveau international qu’internes aux Nations. Aussi, face aux enjeux géostratégiques, la région africaine et euro-méditerranéenne, devant connaitre d’importants bouleversements horizon 2020/2030, impose à l’Algérie une stratégie d’adaptation tant politique, économique que militaire, avec pour soubassement le dialogue productif entre toutes les composantes de la société dans sa diversité. Dans ce cadre, attention à ces slogans des courants extrémistes populistes : « dégagez tous », la majorité des fonctionnaires, des cadres tant au niveau de la société civile que de l’ANP/forces de sécurité sont honnêtes, devant à tour prix éviter le vide des institutions ce qui conduirait à l’anarchie profitable aux conservateurs rentiers En bref, face à cette crise qui touche tous les pays s’impose une solidarité mondiale notamment en faveur des pays les plus pauvres ( qui doivent améliorer leur gouvernance , et de nouveaux mécanismes de régulation conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. rentiers. [email protected]


* Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL haut magistrat Premier conseiller – directeur général des études économiques à la Cour des comptes (1980/1983)


Références :

-Abderrahmane Mebtoul –Réformes politiques et économiques Office des Publications Universitaires 1980/1982 2 volumes 500 pages OPU Alger). Sur les réformes, une économie de marché à vocation sociale et la démocratie, ouvrage aux Editions Dar Gharb en arabe anglais –français chaque volume 110 pages qui ont réunis les conférences données entre 2000/2001 aux universités de Annaba, de Constantine, Bejaia , de Tizi -Ouzou, Oran, de Sid Bel -Abbès à l’Académie militaire Inter-armes de Cherchell ,à l’École nationale d’administration d’Alger (ENA) 2000/2001 sous le titre « Economie de Marché-Réformes et Démocratie

-Conférence donnée à l’invitation du parlement européen en novembre 2011 : « le Maghreb face aux enjeux géostratégiques, l’Algérie acteur pivot »
Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques deux ouvrages sous la direction du Pr Abderrahmane Mebtoul du Dr Camille Sari Edition Harmattan Paris 2015 (1050 pages) ayant
réunis 36 experts maghrébins et européens de différentes horizons (historiens, sociologues, économistes, politologues, juristes et experts militaires)

Quotidien USA American Herald Tribune
– 26 décembre 2016 « Any Destabilization of Algeria would have Geo-strategic Repercussions on all the Mediterranean and African Space »
23 avril 2020 sur la situation de la crise mondiale actuelle « We Have Witnessed a Veritable Planetary Hecatomb and the World Will Never be the Same Again »
– 07 mai 2020 sur les possibles scénarios de l’évolution de la société mondiale 2020/2030 « The World’s Deep Geostretegic Change After the Coronavirus 2020/2030/2040 » 07 mai 2020 »


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