Règlement de la crise libyenne : Alger se mobilise

Les pays voisins de la Libye expriment leur profonde préoccupation vis-à-vis de la gravité de la situation que traverse la Libye et son impact négatif sur leur propre sécurité.

Les autorités algériennes s’activent davantage sur la Libye, pays qui a sombré dans le chaos après le renversement, en 2011, du régime de Mouammar El Gueddafi. Soucieuse de trouver une issue rapide à ce conflit qui se déroule à sa frontière et qui représente une menace directe pour sa sécurité, l’Algérie a multiplié en effet ces dernières semaines les consultations diplomaties.

Alger s’est même dite prête lundi à accueillir un «dialogue» entre les acteurs du conflit afin d’accompagner les Libyens dans la redynamisation du processus politique et d’un dialogue inclusif.

A l’initiative du président Abdelmadjid Tebboune, Alger a encore abrité jeudi une rencontre consultative des ministres des Affaires étrangères de la Tunisie, de l’Egypte, du Niger, du Tchad, du Soudan et du Mali pour «débattre de la grave situation en Libye et ses implications» sur son voisinage immédiat. La réunion, présidée par le ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a abordé également «les voies et moyens à même d’apporter un soutien au processus de sortie de crise en Libye».

«Cette réunion n’est pas un mécanisme, mais plutôt une concertation pour se coordonner et faire entendre la voix des pays voisins», a précisé Sabri Boukadoum devant ses homologues du Sahel. Il a ajouté que ses collègues et lui ont décidé de continuer à se concerter, chaque fois que nécessaire, réaffirmant l’attachement de l’Algérie à la nécessité d’encourager les parties en conflit à régler leur crise «par le dialogue».

Présent à cette rencontre, le ministre allemand des Affaires étrangères a, quant à lui, fait une présentation sur les conclusions de la conférence de paix sur la Libye, qui s’est déroulée le 19 janvier à Berlin.

Réhabiliter le politique

Deux entités rivales se disputent le pouvoir en Libye, le gouvernement d’union national (GNA) établi à Tripoli (ouest) et reconnu par la communauté internationale et les autorités parallèles de Tobrouk (est). Dirigées par le général à la retraite Khalifa Haftar, les troupes de l’entité parallèle de Tobrouk mènent depuis avril dernier une offensive pour s’emparer de Tripoli et renverser le GNA.

Le conflit entre les deux parties a évolué au fil des semaines en guerre par procuration opposant plusieurs pays, faisant craindre son internationalisation et la  déstabilisation de toute la région. Riche en pétrole et en gaz, la Libye attise les convoitises. A l’appel de la Russie et de la Turquie, Tripoli et Tobrouk observent depuis le 12 janvier une trêve. Celle-ci reste toutefois fragile et est régulièrement violée.

Les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye ont ainsi exhorté particulièrement, dans un communiqué rendu public au terme de leur rencontre, les belligérants libyens à s’inscrire dans le processus de dialogue politique, sous les auspices des Nations unies, avec le concours de l’Union africaine (UA) et des pays voisins de la Libye, en vue de parvenir à un règlement global de la crise loin de toute ingérence étrangère. L’ensemble des participants à la rencontre, indique la même source, «ont exprimé leur profonde préoccupation vis-à-vis de la gravité de la situation que traverse la Libye et son impact négatif sur la sécurité et la stabilité des pays voisins».

La sécurité, une priorité

A cet égard, ils ont souligné l’importance de la sécurité des frontières de leurs pays avec la Libye et la nécessité de la coordination et de la coopération en vue de faire face à tous les risques qui menacent la sécurité et la stabilité de la Libye et de tous les pays de la région ainsi que ceux du Sahel. Les présents ont appelé également à la préservation de la sécurité en Libye, son indépendance et son intégrité territoriales, ainsi qu’au rejet des interventions étrangères qui ne font que perdurer la crise et la rendre plus complexe.

A ce titre, les ministres ont insisté «sur la nécessité pour toutes les parties libyennes à rester engagées dans le maintien du cessez-le-feu, exprimant leur espoir que les frères libyens s’engagent dans un règlement pacifique de la crise, loin de toute solution militaire et d’intervention étrangère, y compris les milices et les mercenaires, pour favoriser l’organisation d’élections transparentes qui répondent aux aspirations du peuple libyen et préservent l’indépendance de la Libye, son unité et sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire».

Ils ont, en outre appelé «les frères libyens à revenir au processus politique, sous l’égide des Nations unies, dans le cadre de l’accord politique libyen et des résolutions du Conseil de sécurité y afférentes». Pour favoriser justement le rapprochement entre les parties en conflit, l’Algérie prévoit dans les prochains jours de tenir une série de réunions avec le plus grand nombre d’acteurs politiques et sociaux libyens.

Les craintes de Ghassan Salamé

A Berlin, les participants à la conférence de paix sur la Libye ont aussi appelé à un cessez-le-feu permanent sur le terrain, qui se fait attendre malgré l’entrée en vigueur, le 12 janvier, d’une fragile trêve entre belligérants. Selon Ghassan Salamé, si la trêve est violée quasiment quotidiennement, la situation s’est néanmoins améliorée. «C’est vrai qu’il y a eu des attaques. Il y a des tirs d’artillerie presque tous les jours, notamment du côté de l’aéroport international de Tripoli.

Mais dans l’ensemble, ça en ressemble en rien à ce qui était le cas avant le 12 janvier», souligne-t-il dans un entretien accordé jeudi à la chaîne de télévision française France 24. Il admet que le dialogue interlibyen est pour le moins compliqué. «Si on laisse les Libyens tout seuls, ils n’arriveront pas à s’entendre. Donc il faut peut-être leur mâcher une bonne partie de la nourriture pour qu’ils puissent l’avaler», estime-t-il.

«Il faut prendre en compte les identités locales qui sont fortes», précise le diplomate, qui redoute de voir le conflit dégénérer en guerre civile. «Ce que je crains, c’est que la trêve se casse pour de bon et que les combats entrent à l’intérieur de la ville. Jusqu’ici, les combats ont eu lieu dans des zones mi-urbaines, mi-rurales, mais s’ils entrent dans des zones strictement urbaines, ça veut dire des victimes civiles dans des chiffres qui sont très différents de ce qu’on a vu jusqu’ici», poursuit Ghassan Salamé. «Ce que je crains maintenant, c’est une guerre régionale qui prenne la Libye comme théâtre», conclut-il. Z. C.


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