Répression au Myanmar : l’envoyée de l’ONU appelle le Conseil de sécurité à agir d’urgence

Christine Schraner Burgener, de la Suisse, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Myanmar (photo d’archives). Photo ONU/Loey Felipe

 

L’envoyée de l’ONU pour le Myanmar a appelé, vendredi, le Conseil de sécurité des Nations Unies à agir d’urgence face à la répression militaire croissante dans ce pays d’Asie du Sud-Est.

« Votre unité sur le Myanmar est plus que jamais nécessaire », a déclaré l’Envoyée spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur le Myanmar, Christine Schraner Burgener, aux membres du Conseil.

Mme Schraner Burgener a dit recevoir chaque jour environ 2.000 messages demandant une action internationale pour mettre fin au « clair assaut » sur la volonté du peuple du Myanmar et les principes démocratiques.

« Nous devons faire preuve de fermeté et de rapidité dans nos efforts pour faire cesser la violence et rétablir les institutions démocratiques du Myanmar. Nous devons dénoncer les actions des militaires qui continuent de porter gravement atteinte aux principes de cette Organisation et ignorent nos signaux clairs pour les soutenir », a-t-elle souligné.

Depuis une semaine, l’armée birmane a brutalement réprimé les manifestations tuant au moins une cinquantaine de manifestants « innocents et pacifiques » tout en blessant gravement des dizaines d’autres.

« Nous avons reçu des rapports confirmés que beaucoup ont été tués par balles réelles », a précisé l’envoyée onusienne, rappelant que l’utilisation de la force meurtrière contre des manifestants pacifiques est clairement contraire au droit international relatif droits de l’homme.

« Il y a des enregistrements visuels de tireurs d’élite militaires dans des positions de tir visant des manifestants non armés, ainsi que de tirs aveugles dans la foule par l’armée et la police dans diverses régions du Myanmar », a-t-elle ajouté.

Les détentions arbitraires et les disparitions forcées se poursuivent également dans tout le pays. En date du 2 mars, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) avait connaissance d’environ 1.000 personnes en détention ou disparus après avoir été arbitrairement détenus depuis le coup d’État le 1er février. Les journalistes sont de plus en plus ciblés et sont victimes agressions spécifiquement dirigées contre eux lors des scènes des manifestations.

« Nous ne pouvons pas permettre ces graves violations des droits de l’homme. Le droit à la vie, le droit à la liberté et la sécurité, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres mauvais traitements, et le droit à la liberté de
le rassemblement pacifique doit être respecté », a dit Mme Schraner Burgener. « La répression doit cesser ».

Les crimes de l’armée et de la police ne doivent pas rester impunis

Pour l’Envoyée spéciale, il est essentiel que le Conseil de sécurité soit « résolu et cohérent » dans sa mise en demeure des forces de sécurité et qu’il soutienne fermement le peuple du Myanmar en soutenant le résultats des élections de novembre.

Il y a une semaine, l’Ambassadeur du Myanmar à l’ONU, U Kyaw Moe Tun, avait déclaré lors d’une réunion informelle de l’Assemblée générale des Nations Unies qu’il représentait le gouvernement issu des élections remportées par la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi aujourd’hui en détention. « Il a besoin de votre soutien entier », a dit Mme Schraner Burgener aux membres du Conseil.

« Il y a urgence pour une action collective. Combien de temps encore pouvons-nous permettre à l’armée du Myanmar de s’en tirer ? », a demandé l’envoyée onusienne. « Nous devons être clairs : les crimes antérieurs et actuels ne resteront pas impunis. Les auteurs des violations graves des droits de l’homme passées et en cours devront rendre des comptes dans le cadre de mécanismes internationaux ».

Outre la répression des manifestations contre le coup d’Etat, le Myanmar connaît d’autres tourments : une crise sanitaire sur fonds de pandémie de Covid-19 et économique avec des conséquences sur l’emploi et les moyens de subsistance. Le tout risquant de mener le pays vers une crise humanitaire.

« N’oublions jamais que bon nombre des problèmes au Myanmar précédemment abordés par le Conseil de sécurité voient le jour sous presque un demi-siècle de pouvoir militaire et d’isolement au détriment du peuple », a rappelé Mme Schraner Burgener. « C’est notre obligation collective de défendre ceux qui sont sans défense. Leur espoir dépendra de l’appui et de l’action unifiés du Conseil de sécurité »


                       Nouvelles manifestations au Myanmar, l’ONU divisée

Coupures d’Internet, interpellations, recours à la force létale: les généraux putschistes sont plus déterminés que jamais à faire cesser le vent de fronde qui souffle sur le pays.
Coupures d’Internet, interpellations, recours à la force létale: les généraux putschistes sont plus déterminés que jamais à faire cesser le vent de fronde qui souffle sur le pays.                                                                                 Photo: Agence France-Presse

Les manifestants pro-démocratie sont à nouveau descendus dans les rues samedi au Myanmar, au lendemain d’une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, divisé sur la réponse à apporter aux « appels désespérés » de la population.

La répression meurtrière se poursuit : au moins 55 personnes ont été tuées depuis le début de l’insurrection pacifique contre le coup d’État du 1er février qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi.

Mais la mobilisation ne faiblit pas. À Loikaw (centre), des centaines de personnes, dont des enseignants en uniforme vert et blanc, ont brandi des panneaux appelant à la désobéissance civile.

« Notre révolution doit gagner », « Si vous allez au travail, vous aidez la dictature », a scandé la foule.

Les appels à la grève ont un impact important sur certains secteurs de l’économie déjà très fragile du pays, avec des banques incapables de fonctionner, des hôpitaux fermés et des bureaux ministériels vides.

Les médias d’État ont exhorté les fonctionnaires à reprendre le travail, faute de quoi « ils seront licenciés à partir du 8 mars ».

Dans le quartier de San Chaug, à Rangoun, la capitale économique, la police a détruit les barricades de fortune érigées par les manifestants ; tiré des gaz lacrymogènes et des bombes assourdissantes pour disperser de petits rassemblements.

« Dans nos révolutions passées, nous n’avons jamais gagné (..) Cette fois, nous devons nous battre avec la jeune génération pour remporter la victoire », a déclaré à l’AFP le militant Maung Saungkha.

Raids

Coupures d’Internet, interpellations, recours à la force létale : les généraux putschistes sont plus déterminés que jamais à faire cesser le vent de fronde qui souffle sur le pays.

Vendredi, un homme de 26 ans a été touché par un tir mortel dans le cou lors d’un rassemblement à Mandalay (centre), et une ONG a rapporté des raids contre des immeubles d’habitation et un hôpital à la frontière thaïlandaise.

Deux jours plus tôt, au moins 38 protestataires ont été tués, des images montrant les forces de sécurité en train de tirer sur la foule et des manifestants couverts de sang, touchés à la tête par des balles.

Deux jeunes de 18 ans ont été enterrées samedi. « Il n’y aura pas de pardon pour vous jusqu’à la fin du monde », a chanté la foule.

D’après des médias locaux, le corps d’une autre victime, Kyal Sin — devenue une icône car elle portait un t-shirt : « Tout ira bien » quand elle a été abattue — a été exhumé par les autorités qui l’ont examiné avant de le remettre en terre, suscitant l’indignation sur les réseaux sociaux.

Les médias d’État ont mis en cause le fait que l’adolescente a été tuée par la police ou l’armée, allant jusqu’à assurer que, d’une manière générale, les forces de sécurité « n’étaient pas associées » aux décès de manifestants.

Rien n’infléchit les généraux,, qui profitent aussi des divisions de la communauté internationale.

Le Conseil de sécurité de l’ONU, réuni vendredi, n’a pas réussi à se mettre d’accord sur une déclaration commune. Des négociations sur un texte doivent se poursuivre la semaine prochaine, d’après des sources diplomatiques.

« Nous sommes prêts à envisager des sanctions internationales conformément à la Charte des Nations unies si la situation continue à se détériorer », a fait savoir l’ambassadrice britannique Barbara Woodward à l’issue de la réunion, organisée à l’initiative du Royaume-Uni.

Des mesures coercitives ont été annoncées par les États-Unis et l’Union européenne, mais des observateurs exhortent à aller plus loin avec un embargo international sur les livraisons d’armes, une décision qui nécessite l’accord de tous les membres du Conseil.

« Voisin amical »

Or, Pékin et Moscou, alliés traditionnels de l’armée myanmaraise et exportateurs d’armes dans le pays, refusent de parler de « coup d’État », l’agence de presse chinoise évoquant début février un simple « remaniement ministériel ».

Notre pays veut être « un voisin amical », a déclaré vendredi l’ambassadeur chinois Zhang Jun, mettant en garde contre des sanctions qui ne feraient qu’« aggraver les tensions ou compliquer davantage la situation ».

Les autres voisins régionaux font peu entendre leur voix.

Singapour, premier investisseur dans le pays, a été le seul à hausser le ton, évoquant par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères Vivian Balakrishnan, « une honte nationale ». Mais le chef de la diplomatie a aussi estimé que toute pression extérieure sur les généraux aurait peu d’impact.

Dans ce contexte, il semble peu probable que l’appel à « l’unité », lancé par l’émissaire des Nations unies pour le Myanmar Christine Schraner Burgener, soit entendu.

« L’espoir que (les Myanmarais) ont placé dans les Nations unies et ses membres diminue », a-t-elle déploré, disant recevoir quotidiennement des centaines d’« appels désespérés » de mères, d’étudiants et de personnes âgées.

Plus de 1700 personnes ont été arrêtées depuis le putsch, dont une trentaine de journalistes.

Face à la détérioration de la situation, des Myanmarais ont commencé à prendre la fuite pour se réfugier en Inde voisine, dont trois policiers refusant de prendre part à la répression, d’après la police indienne.

Sollicitée, la junte, qui conteste le résultat des élections de novembre remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, n’a pas répondu aux multiples requêtes de l’AFP.


                   Répression de l’armée en Birmanie : Les manifestants anti-coup d’Etat bravent la mort

Le recours de plus en plus fréquent à la force létale n’empêche pas les protestataires de continuer à descendre dans les rues –                                                                                                     Photo : D. R. –

Officiellement dissoute en 2011, la junte militaire continue à dominer l’échiquier politique du pays.

Au moins 17 manifestants pro-démocratie ont été tués et plusieurs blessés, hier en Birmanie, par les forces de sécurité qui continuent à tirer à balles réelles, rapporte l’AFP. A Rangoun, la capitale économique, au moins six manifestants ont été tués, d’après un secouriste et un journaliste local.

Dans quatre villes du Centre, au moins 11 protestataires ont péri, dont deux à Mandalay et sept à une centaine de kilomètres de là, à Monywa, selon des sources médicales. La journée de dimanche a été marqué par la mort d’au moins 18 personnes dans les rangs des manifestants, selon les Nations unies.

Le recours de plus en plus fréquent à la force létale n’empêche pas les protestataires de continuer à descendre dans les rues pour demander le départ des généraux putschistes et la libération des centaines de détenus emprisonnés ces dernières semaines.

La situation reste tendue à Rangoun, la capitale économique, notamment dans certains quartiers nord. Coupures d’internet, renforcement de l’arsenal législatif, vagues d’interpellation, recours aux armes létales : la junte n’a cessé d’intensifier sa riposte depuis son coup d’Etat. Entre-temps, la répression se poursuit sur le terrain judiciaire. L’ex-président de la République, Win Myint, déjà inculpé pour ne pas avoir respecté des restrictions liées au coronavirus, est désormais accusé d’avoir enfreint la Constitution.

La cheffe du gouvernement, Aung San Suu Kyi, toujours détenue au secret, est visée par quatre chefs d’inculpation, dont «incitation aux troubles publics». Six journalistes birmans ont été inculpés. Ils sont poursuivis pour avoir «causé la peur parmi la population, répandu de fausses informations (…) ou incité des employés du gouvernement à la désobéissance», d’après leur avocate. Ils encourent jusqu’à trois ans de prison. Les six hommes sont détenus dans la prison d’Insein, de Rangoun, où de nombreux prisonniers politiques ont effectué de lourdes peines.

L’armée fait toujours la sourde oreille aux condamnations internationales. L’ambassadeur birman aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, a rompu avec les généraux putschistes la semaine dernière en appelant à «mettre fin au coup d’Etat». Depuis, la junte lui a désigné un successeur aux Nations unies, tandis que Kyaw Moe Tun assure toujours représenter le pays. Le Royaume-Uni a demandé une nouvelle réunion du Conseil de sécurité demain. Début février, ses 15 membres ont publié une déclaration commune qui exprimait leur préoccupation, sans toutefois condamner le coup d’Etat. Pékin et Moscou s’opposent à une telle option.

Droit de la force contre force du droit

Le 1er février, l’armée birmane fomente un coup d’Etat. La cheffe du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi, et le président de la République, Win Myint, sont arrêtés et le gouvernement démis. L’armée juge le pronunciamiento nécessaire pour préserver la «stabilité» de l’Etat et promet de nouvelles élections «libres et équitables», une fois l’état d’urgence d’un an levé. Elle a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’irrégularités électorales «énormes», après sa victoire en novembre. Les militaires dénoncent, depuis plusieurs semaines, des millions de cas de fraudes et font planer le spectre d’un coup d’Etat.

Le 27 janvier, le commandant en chef de l’armée birmane, Min Aung Hlaing, a averti que «la Constitution sera abolie, si elle n’est pas suivie». Les militaires se sentent menacés par la défaite de novembre du Parti de la solidarité et du développement de l’union (PSDU), formation qui sert les intérêts de l’armée. La LND y a obtenu 396 des 476 sièges du Parlement, soit 82% des députés, tandis que le PSDU a dû se contenter de 33 élus en plus des 25% de sièges attribués à l’armée par la Constitution birmane de 2008. Avec sa grande majorité, Mme Suu Kyi compte modifier la Loi fondamentale.

Un projet de modification a provoqué des tensions entre les pouvoirs civil et militaire. Des propositions en question sont issues d’un comité de 45 parlementaires, que le gouvernement d’Aung San Suu Kyi a fait adopter au Parlement en janvier 2019. Une des principales propositions des députés de la LND serait de réduire le quota des 25% de sièges alloué aux militaires en plusieurs phases. Ce qui peut permettre à Mme Suu Kyi de devenir enfin présidente et de réduire l’influence des généraux sur l’échiquier politique birman et, pourquoi pas, son élimination définitive de la scène politique.

Pays du Sud-Est asiatique, ancienne colonie britannique, occupée par le Japon de 1942 à 1944, la Birmanie a proclamé son indépendance en 1948. La même année, Sao Shwe Thaik est élu premier président de la Birmanie indépendante. Il aura deux successeurs, en 1952 et 1957. En 1962, le général Ne Win, commandant en chef de l’armée, prend le pouvoir par un coup d’Etat. En 1992, le général Saw Maung est renversé par un putsch du général Than Shwe. La junte est officiellement dissoute en 2011.


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