Reprise des exportations de céréales russes et ukrainiennes : «Soulagement» dans le monde

     L’accord du 22 juillet à Istanbul entre la Russie, l’Ukraine, la Turquie et l’ONU permet la reprise des exportations ukrainiennes sous supervision internationale. Un accord similaire garantit à Moscou l’exportation de ses produits agricoles et engrais, malgré les sanctions occidentales.

L’Ukraine a repris, hier, ses exportations de céréales pour la première fois depuis le début de l’opération spéciale russe, il y a six mois, avec le départ d’un premier bateau du port d’Odessa conformément aux termes d’un accord international qui doit permettre d’atténuer la crise alimentaire mondiale.
«Le navire Razoni a quitté le port d’Odessa à destination du port de Tripoli au Liban. Il est attendu le 2 août à Istanbul. Il continuera sa route vers sa destination à la suite des inspections qui seront menées à Istanbul», a annoncé le ministère turc de la Défense. Selon le ministre ukrainien de l’Infrastructure Oleksandre Koubrakov, le bateau est chargé de 26 000 tonnes de maïs.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a «chaleureusement» salué le départ de ce premier bateau, exprimant l’espoir que la reprise des exportations de céréales ukrainiennes «apportera la stabilité et l’aide indispensables à la sécurité alimentaire mondiale».
Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a évoqué une «journée de soulagement pour le monde, en particulier pour nos amis du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique». Selon lui, 16 autres bateaux chargés de céréales «attendent leur tour» pour quitter Odessa, dans le sud de l’Ukraine.
L’accord signé le 22 juillet à Istanbul entre la Russie, l’Ukraine, la Turquie et les Nations unies permet la reprise des exportations ukrainiennes sous supervision internationale.
Un accord similaire signé simultanément garantit à Moscou l’exportation de ses produits agricoles et engrais, malgré les sanctions occidentales. Ces deux accords doivent permettre d’atténuer une crise alimentaire mondiale qui a vu les prix monter en flèche dans certains des pays parmi les plus pauvres au monde en raison du blocage des ports ukrainiens par le conflit avec la Russie. Selon les termes de l’accord, les navires et leur chargement doivent être inspectés à Istanbul, sous l’autorité du Centre de coordination conjointe (CCC), inauguré mercredi dernier.
Sur le terrain, les frappes russes se poursuivent sur les villes ukrainiennes, notamment Mykolaïv dans le sud. La ville a été massivement bombardée à nouveau hier. Mykolaïv est proche du front dans le sud de l’Ukraine.
À Sébastopol, ville portuaire qui avait continué d’abriter la flotte russe de la mer Noire après la fin de l’Union soviétique et a été reprise par Moscou avec le reste de la Crimée en 2014, un drone a explosé dimanche dans la cour de l’état-major de la Flotte russe, faisant six blessés, selon le gouverneur Mikhaïl Razvojaïev. Pointées du doigt par le gouverneur, les autorités ukrainiennes ont démenti être à l’origine de cette attaque inédite.
Le président russe, Vladimir Poutine, a célébré la journée de la Flotte russe à Saint-Pétersbourg (nord-ouest), avec un discours promettant l’arrivée «dans les prochains mois» d’un nouveau missile de croisière hypersonique qui «ne connaît aucun obstacle».
Par ailleurs, le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré dimanche n’avoir toujours pas reçu d’autorisation officielle de Moscou pour se rendre à Olenivka, dans la région de Donetsk. Samedi soir, le ministère russe de la défense avait affirmé avoir «officiellement invité» des experts de l’ONU et du CICR à se rendre sur place «dans l’intérêt d’une enquête objective».


                      Avec une union sacrée entre Moscou et Pékin

                                             La botte secrète de Poutine

 

La reprise des livraisons de céréales scellée par l’accord entre la Russie et l’Ukraine sous l’égide de la Turquie provoque un certain soulagement sur les marchés internationaux et dans les pays qui en dépendent. Mais le conflit n’en est pas moins à son sixième mois et devrait se poursuivre au moins jusqu’à fin 2022, voire plus, et ses conséquences n’ont pas fini de jeter un froid glacial sur les relations internationales.

Les sanctions décrétées par les Etats-Unis et l’Union européenne ont un impact direct sur les prix du gaz, du pétrole et de certains produits agricoles, bon gré mal gré. En voulant imposer son «modèle» démocratique à la sauce irakienne, l’Occident et son bras armé atlantiste a ouvert la boîte de Pandore d’où a surgi une Russie doublement motivée par la soif de revanche d’une URSS dynamitée et l’ambition d’un retour au premier rang des grandes puissances. Forte de ses immenses richesses énergétiques et des moyens engrangés, elle s’est métamorphosée en moins de deux décennies sous la botte secrète du président Vladimir Poutine. Devenue un levier industriel, militaire et diplomatique incontournable, la Russie a démontré, avec la riposte en Syrie, qu’elle a aujourd’hui la volonté de rendre coup pour coup et qu’elle maîtrise les moyens de sa politique. Les leçons de la Crimée et, maintenant, de l’Ukraine devront être méditées par les stratèges occidentaux, sans cesse tributaires de leur arrogance et de leurs fausses certitudes.

Dans la partie qui se joue actuellement en terre ukrainienne, le paramètre russophone a balayé avec fracas ces certitudes atlantistes si vaines et si viles qu’elles ont parié sur des bases de missiles directement pointés sur Moscou à partir du Donbass. Celui qui calcule seul se met un doigt dans l’oeil, dit un proverbe bien de chez nous. Poutine, lui, a calculé mais avec une science et une patience exemplaires. Il est loin derrière lui, le temps de la «grande catastrophe» soviétique et du retour éperdu depuis la RDA jusqu’à Moscou.

Désormais, c’est l’Allemagne réunifiée qui tremble d’angoisse en songeant à l’hiver prochain, avec des Nord-Stream de plus en plus verrouillés. Les pays occidentaux et, notamment les Etats-Unis ont sous-estimé l’exception russophone, avec toutes ses facultés historiques et civilisationnelles, et cette erreur va lourdement peser dans la balance des rapports futurs. En se rendant à Pékin, en janvier dernier, lors des Jeux olympiques d’hiver, Vladimir Poutine avait à coeur de sceller une union sacrée avec son ami Xi Jinping à qui il a, sans doute, dévoilé son programme avant de parapher un partenariat stratégique global russo-chinois. Le président russe ne fait nul mystère de sa détermination à «désoccidentaliser» le monde et à en bouleverser la donne unilatérale.

Outre l’intention, il en a, surtout, les moyens. Cela prendra du temps, nécessairement, mais le jeu en vaut la chandelle et, au bout du compte, les grands perdants sont déjà sur le qui-vive, en proie à une panique larvée face au froid énergivore que le manque du gaz russe va engendrer partout en Europe. Tel est pris qui croyait prendre, diront certains.

Chaabane BENSACI


 

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