Cuba / Au sein de la Révolution, il y a toujours de la place pour tout et pour tous, sauf pour ceux qui tentent de détruire le projet collectif

(Traduction de la version sténographique de la Présidence de la République)

 

Chères amies et amis,

Tout d’abord, permettez-moi d’adresser mes félicitations empreintes d’admiration, de respect et d’affection aux personnalités qui ont été décorées.

J’ai souvent pensé ces derniers temps : qui aurait pu me dire que j’aurais à m’occuper de tel ou tel sujet. Eh bien, je me suis occupé de presque tous, et de quelle manière ! Celui-ci est sans aucun doute l’un des plus difficiles : penser, écrire et prononcer quelques mots en souvenir de ces Paroles transcendantes et polémiques, 60 ans plus tard.

J’avoue que j’ai toujours été frappé par le fait que lorsque nous abordons ce moment, nous ne nous concentrons que sur l’intervention du Commandant en chef et de manière fragmentée, alors qu’il aurait fallu et qu’il faut en dire plus sur cette réunion, en publier davantage, peut-être tout ce qui peut encore être récupéré, comme le demandait Roberto Fernandez Retamar 40 ans plus tard, parce qu’il est nécessaire de comprendre les motivations de ces Paroles qui, comme l’a déclaré Jorge Fornet, ont été, peut-être, le premier coup porté au sectarisme présent à cette époque.

Il y a quelques jours, alors que je mettais au clair les idées que je souhaite partager avec vous aujourd’hui, je me suis couché après avoir relu ce que Fidel a dit il y a 60 ans, ainsi que d’autres textes écrits par certains d’entre vous et par d’autres intellectuels, aujourd’hui absents, physiquement seulement, à l’occasion des anniversaires successifs de ce dialogue historique. J’avoue que la proximité de cette rencontre m’a enthousiasmé, car cela confirme la validité de ces Paroles… Porté par ces émotions, j’ai écrit les grandes lignes de ce que je vais vous exprimer maintenant :

Il y a soixante ans, dans le cadre d’un dialogue vrai et honnête avec l’intelligentsia artistique et littéraire, le tout jeune leader révolutionnaire Fidel Castro jetait les bases de ce qui, au cours de toutes ces années, a façonné la politique culturelle de la Révolution cubaine.

Celui qui prononce ces Paroles… est un homme qui n’a pas encore 35 ans et qui est déjà acclamé comme un héros à Cuba et dans une grande partie du monde. Mais il ne vient pas imposer le poids de son héroïsme, ni même le charme de sa fascinante personnalité.

Aujourd’hui encore, son humilité à reconnaître que « nous apprenons (…) nous sommes venus ici pour apprendre » impressionne. Cette partie de son discours est une leçon d’éthique et de solidité culturelle, de respect de l’autre ; c’est la preuve de comment fonctionne le vrai dialogue, avec une oreille attentive aux voix divergentes ou dissonantes et la parole prête à répondre, pas pour vaincre, mais pour apprendre, pour accepter, pour convaincre : sans morgue ni arrogance stériles.

Il n’impose pas, il raisonne. C’est un leader ouvert à une discussion que les intellectuels et les artistes eux-mêmes n’avaient pas été capables de résoudre entre eux.

Comme nous le rappelle Omar Valiño dans le catalogue de l’exposition, Fidel « n’évite pas le rendez-vous, en dépit de la complexité du secteur artistique et littéraire, où des groupes et des leaderships se disputaient entre eux les zones de pouvoir et au sein duquel flottait le fantôme de la conception stalinienne de la culture ».

Je me souviens avoir entendu un jour Eusebio, après les émotions vécues lors d’une journée de célébrations patriotiques, dire que Fidel avait condamné Cuba, dans le sens le plus affectueux du terme, à avoir toujours pour guide un intellectuel.

J’entends par là qu’il parlait de l’intellectualité dans son sens le plus large et le plus divers et non pas réduite à l’artistique et au littéraire. Mais il ne fait aucun doute qu’il pensait à cette première rencontre, où le chef guérillero, le leader politique, le stratège de toutes les heures se révéla d’une manière simple mais ferme, face à des artistes et à des intellectuels dotés d’une œuvre reconnue, comme l’intellectuel incontesté qu’il a toujours été.

C’est pourquoi il s’attarde sur la liberté formelle, sur le lien entre l’artiste et la Révolution, jusqu’à ce qu’il arrive à la nécessité de prendre en compte également ceux qui se déclaraient honnêtement non révolutionnaires à ce moment-là.

Dans ces paroles fondatrices, qui ont été une référence pour chaque action culturelle pendant toutes ces années et desquelles souvent il n’a été extrait qu’une seule phrase, je remarque deux lignes fondamentales qui convergent vers le même objectif.

Premièrement, il apparaît clairement que tous les créateurs sont appelés à apporter l’art au peuple et, en même temps, il est affirmé que la Révolution garantirait la plus grande liberté de création.

À mon avis, en se référant clairement à la liberté formelle la plus large, en la distinguant de la liberté de contenu, toujours complexe et plus subtile, il aborde ouvertement et honnêtement, sans aucune restriction, le défi auquel sont confrontées les nouvelles institutions culturelles face au fait artistique au sein de la Révolution.

« Dans la Révolution ». Cette formulation, qui est souvent sortie de son contexte et présentée comme une expression excluante par ceux qui font une lecture malintentionnée des Paroles…, est centrale et irremplaçable. « Dans la Révolution, tout » signifie que la seule chose qui n’est pas en discussion, c’est la Révolution. Elle n’est pas un fait en discussion. C’est le fait même, la raison d’être de cette rencontre.

Cela a été dit à maintes reprises et sûrement d’une meilleure manière, mais personne ne peut nier que la Révolution cubaine est le fait culturel multidimensionnel total, celui qui a éveillé toute une nation à la connaissance et à la reconnaissance d’elle-même ; celui qui a ouvert les vannes de la puissante créativité de l’être national où qu’il réside, celui qui nous a donné un nouveau visage et une âme nouvelle pour parler d’égal à égal et sans désavantages avec le reste du monde, désormais non seulement à partir des voix et des œuvres de l’avant-garde artistique et intellectuelle qui a toujours existé, mais en minorité, mais à partir de la masse florissante et généreuse qui allait apparaître, jusque sous les pierres des collines, à partir de cet autre fait culturel indispensable qui découle de la Révolution et seulement d’elle, qui est l’alphabétisation.

Il suffit de vous regarder et d’admirer vos œuvres, de parcourir les salles du musée des Beaux-Arts, le Ballet national, le cinéma cubain, le théâtre, la littérature, la musique… D’où sont venus les noms que je ne peux pas citer car la liste serait très longue de tant de talents qui font notre fierté aujourd’hui ?

Le patrimoine culturel que la Révolution a trouvé, magnifique pour son originalité et sa transcendance, mais exceptionnel et dispersé en raison du manque de soutien institutionnel jusqu’en 1959, a été multiplié par mille grâce à une volonté politique qui a toujours placé l’éducation et la culture au centre de son action transformatrice.

Sans la Révolution, l’éblouissante culture cubaine de notre époque n’existerait pas. Il n’y aurait même pas cette partie de la culture cubaine dont les créateurs ont un jour rompu avec la Révolution pour diverses raisons, mais qui ont apporté au patrimoine de la nation des œuvres inséparables du cours révolutionnaire de notre Histoire.

Je crois sincèrement, grâce à plusieurs relectures et analyses des Paroles… au cours de ces dernières années, que les intellectuels cubains ont vaincu l’idée réductrice que les adversaires de la Révolution prétendaient imposer, en enfermant une phrase dans des débats stériles, tout en ignorant l’évolution de ces mêmes paroles dans les faits, la profonde transformation culturelle qui avait commencé avec le triomphe de 1959 lui-même et qui se développerait par la suite avec une force et une portée toujours plus grandes.

Mais ce serait une erreur de reléguer les « Paroles aux intellectuels » à un moment unique, à cet instant de juin 1961, stimulant et transcendant comme toute naissance, où les intellectuels, les artistes et le leader, lui aussi un intellectuel, confrontent certitudes et doutes à propos d’un processus absolument nouveau qui éblouit et effraie, selon ceux qui le regardent.

La réunion à la Bibliothèque nationale eut une continuité dans le temps qui est arrivée jusqu’à nos jours. Cette commémoration s’inscrit dans ce processus. Les dialogues successifs entre Fidel et une grande partie du gouvernement avec les intellectuels et les artistes du pays ne se sont pas interrompus, pas même dans les moments les plus incertains à la suite de l’effondrement du socialisme en Europe de l’Est et en Union soviétique. Au contraire, ils se sont renforcés, laissant pour le résumé des événements une autre phrase qui est devenue un principe : « …La culture est la première chose qu’il nous faut sauver... »

À maintes reprises au cours de ces 60 années, les deux parties se sont retrouvées pour dialoguer sur des questions essentielles de la politique culturelle et d’autres, sans limitations, sans censure, sans préjugés. Et ce que Retamar affirmait lors du 55e anniversaire a été confirmé, à savoir que le concept incluait la critique de la Révolution, dans la Révolution. Ces dialogues ont permis d’éviter plus d’une fracture. Et plus d’une se sont produites lorsque leur importance a été sous-estimée.

Si nous suivons les traces de ces dialogues successifs, nous verrons l’impact qu’ils ont laissé sur la société cubaine et pas seulement dans ses sphères culturelles.

La naissance de l’Uneac en août de cette même année, qui, aux dires de la Dre Graziella Pogolotti, « devrait être un espace de convergence pour la diversité des croyances esthétiques », est peut-être l’événement culturel immédiat le plus remarquable.

Mais il est impossible de trouver dans les décennies suivantes du cours de la Révolution cubaine, des transformations substantielles, des virages et des corrections politiques auxquels les intellectuels et les artistes n’aient pas participé activement, avec des propositions audacieuses, des avertissements et des signalements avancés. Fidel, depuis le Parti et le gouvernement, a maintenu vivante et active l’interaction avec les créateurs, en garantissant leur participation, ce qui revient à dire leur engagement dans la vie du pays dans toutes ses sphères.

Rien n’a échappé à la contribution de l’avant-garde : depuis la qualité de l’enseignement, le fonctionnement des institutions culturelles ou l’économie de la culture, le poids de la bureaucratie, de la technocratie et de la médiocrité, jusqu’aux lacunes et aux oublis qui auraient pu compromettre le destin de la nation cubaine, comme la réapparition de phénomènes aussi néfastes que la prostitution, la corruption ou le racisme, dont nous pensions naïvement qu’ils avaient été dépassés avec les lois révolutionnaires.

Je pense qu’aujourd’hui nous nous devons de relire de manière responsable et engagée les débats qui, depuis 1961, ont caractérisé la relation entre le gouvernement et ses intellectuels et ses artistes, en nous demandant combien parmi les problèmes signalés au fil de ces années ont été résolus ou continuent-ils d’entraver la santé du processus social en cours.

Nous sommes tous d’accord pour dire que le monde vit un changement d’époque dramatique, sous la direction d’entités aussi impitoyables et aliénantes que le marché néolibéral, au cours aveugle duquel aussi bien le progrès technologique que l’intelligence humaine se subordonnent.

Jusqu’à quel point sommes-nous conscients de l’impact de ces changements dans une société singulière comme la société cubaine, déterminée à conquérir, avec le plus grand pourcentage de justice possible, l’émancipation définitive de ses citoyens ?

Quel serait le rôle de l’art et des artistes pour continuer d’être révolutionnaires dans un contexte universel qui semble se déplacer sans cesse dans la direction opposée ?

Que fait un artiste révolutionnaire ? Que cherche-t-il ? Que crée-t-il ? Que laisse-t-il en héritage dans la rapidité de l’ère numérique et dans les tendances tempétueuses, troubles et confuses que lui imposent les réseaux à travers leurs algorithmes trompeurs, leurs réseaux « névrosants » que mon ami Frei Betto se refuse d’appeler « sociaux » du fait qu’ils nuisent à toute harmonie sociale ?

À ces préoccupations de nature plus universelle, il conviendrait d’ajouter les questions internes. Et entre toutes, la question fondamentale : comment soutenons-nous la culture et son vaste ensemble d’institutions, de structures et de productions dans les conditions actuelles ?

Comment perfectionnons-nous les moyens et les méthodes pour que l’art puisse être apprécié dans les écoles et les familles ?

Qu’entendons-nous aujourd’hui par unité, continuité, durabilité, prospérité ? Par liberté, souveraineté, anti-impérialisme, anticolonialisme, émancipation ? Dans quelle mesure l’intelligentsia artistique et littéraire peut-elle contribuer à la tâche urgente de donner du contenu et de la beauté, une substance et un attrait à tous ces concepts, sans le fardeau du pamphlet ?

Comment racontons-nous le quotidien sur des modes nouveaux : le sacrifice, la résistance, la créativité ?

Comment affrontons-nous la guerre culturelle des symboles et des essences qui précède, comme les bombardements de ramollissement, les véritables invasions ?

Aujourd’hui, comme il y a 60 ans, nous parlons d’art et de culture, de créateurs et d’artistes, d’œuvres et de publics, alors qu’à l’extérieur le monde s’embrase. Quelle sécurité, quelle confiance, quelles coïncidences nous réunissent-elles pour commémorer des Paroles que certains, parfois et encore aujourd’hui, ont voulu mal interpréter comme la négation de la liberté qu’il y aurait en réalité.

Au milieu d’une pandémie dont nous n’avons pas encore pu mesurer les conséquences multidimensionnelles, psychologiques et économiques, le gouvernement a pris un soin particulier de la Culture, des artistes et des intellectuels, en allouant des fonds et des ressources pour soutenir ceux qui, dans le même temps, alimentent la spiritualité qui nous sauve d’une importante dose d’angoisse.

Pour vous donner une idée, et ne craignez rien, je ne vais pas vous tourmenter avec des chiffres : le budget de l’État, sans toucher aux ressources allouées à la Culture, a destiné 620 millions de pesos pour le financement des artistes non subventionnés, dont ont bénéficié 10 457 musiciens et artistes du spectacle et 3 222 personnes qui travaillent comme personnel de soutien à la production artistique et à l’assistance technique. Il s’agit de soutenir l’économie du système d’entreprises de la Culture, qui est celui qui contribue à l’économie nationale dans des conditions normales.

Nous n’avons pas attendu la demande des artistes. Nous avons pensé à tous et à leurs besoins fondamentaux dans un contexte marqué par les incertitudes et les mauvaises nouvelles économiques mondiales qui maintiennent en suspens les maigres revenus d’une nation pauvre et soumise à un blocus. Je n’apporte pas ces chiffres ici pour faire état d’un soutien que nous nous sentons dans l’obligation d’apporter et que nous sommes heureux de pouvoir apporter. D’une certaine façon, nous rendons des comptes. Le corps meurtri par les maux et les pénuries, Cuba n’a pas oublié ses artistes.

Et cela n’a pas d’autre nom que Continuité. Ce dialogue de 1961 est vivant, même si, à plus d’une occasion au cours de ces années, nous l’avons négligé, reporté, mal compris et peut-être même maltraité.

En tant que dirigeants du Parti unique de la nation cubaine et d’un gouvernement qui doit faire face quotidiennement à un siège économique et financier brutal, dans des temps incertains où même ceux qui ont plus de ressources ne se sentent pas en sécurité, nous avons parié sur la résistance créative. Nous nous battons tous les jours contre l’immobilisme, la paralysie et les reculs possibles.

Sans la Révolution, l’éblouissante culture cubaine de notre époque n’existerait pas. Il n’y aurait même pas cette partie de la culture cubaine dont les créateurs ont un jour rompu avec la Révolution pour diverses raisons. Photo: Studios Revolution

Nous avons parié sur l’innovation, la science, le talent et la volonté du peuple de faire face aux multiples défis qu’implique le fait d’aller de l’avant, en grimpant nus les montagnes, tels les esclaves marrons, tels les mambises [combattants indépendantistes], tels les rebelles.

Chaque jour, je lis un post quelconque ou une analyse nous demandant de libérer les forces productives. Sérieusement, pensez-vous qu’il est de notre intérêt de les attacher, de les contenir ou de les ralentir ? Quelle est la formule magique par laquelle vous pensez que nous pouvons, avec un décret présidentiel, faire en sorte que tout fonctionne et que des biens et des produits jaillissent de la corne d’abondance ?

Je vous invite à méditer. Je pense que le temps est venu de mettre à jour et de refonder, dans l’esprit libérateur de ces Paroles aux intellectuels prononcées par Fidel à l’époque, et qui reviennent pour nous inciter à l’analyse, 60 ans plus tard.

Il existe de nombreux témoignages de faits dans notre histoire culturelle qu’il est bon de revisiter afin d’apprendre du passé, afin que les expériences négatives ne se répètent pas et qu’elles ne s’ancrent pas non plus dans la mémoire avec un effet paralysant, afin que les expériences positives se systématisent, afin que les peurs infondées ne deviennent pas crédibles, afin que les opportunistes et les médiocres n’aient jamais de pouvoir sur la création, afin que les mercenaires ne discréditent pas notre éventail culturel, afin que l’on critique d’un point de vue artistique et professionnel et non à partir d’évaluations externes, qui sont généralement stériles et produisent des réactions contraires, afin que la Révolution qui a été faite pour la justice et la liberté ne donne pas lieu à des confusions qui les nient.

Quant aux jeunes qui sont réellement motivés par la création artistique, il est clair pour moi que, comme tous les jeunes de toutes les époques, ils sont rebelles ou ils ne sont pas jeunes. Aussi, la responsabilité de leur formation pour qu’ils discernent et identifient la juste cause, nous incombe-t-elle, avec respect et sans conditionnement, comme l’a été la politique culturelle de la Révolution.

Lorsque des personnes de formations diverses, lorsque des artistes s’unissent et travaillent pour la communauté, ils travaillent pour le pays et pour l’avenir. Ils transforment l’oisiveté stérile, l’apathie, la démotivation en participation, en espoir, en valeurs. Ils font la Révolution la plus utile : celle qui fournit des outils spirituels aux êtres humains pour qu’ils puissent être meilleurs chaque jour.

Je n’ai pas besoin de vous dire ce que vous savez déjà, mais il n’est jamais inutile de le répéter, afin que personne ne croie que nous le sous-estimons : l’ennemi historique de la nation cubaine change de costume, mais pas d’objectifs. Il reste le même, malgré les rasages et les maquillages des temps nouveaux.

Son pari repose sur l’épuisement logique que pourraient signifier, que signifient 62 ans de résistance. Et comme il n’a jamais réussi à percer le mur infranchissable de la culture solide et de l’identité nationale, il opte pour la vulgarité et la banalité que le marché de la pseudoculture prétend imposer depuis ces espaces que nous laissons vides, confiant dans le fait que la massification de l’éducation et de la culture résoudrait spontanément une accumulation historique d’inégalités séculaires, qui ne se guérissent pas y compris en six décennies de Révolution.

Nous sommes aussi responsables de nos taux de marginalité, c’est pourquoi la lutte contre l’inculture ouverte par Fidel depuis ces Paroles ne peut cesser. L’instruction n’est pas synonyme de culture, pas même de civisme et de courtoisie ; à partir des déficiences désormais habituelles, nous devons continuer à parier sur la décence et la richesse que la culture artistique apporte à l’être humain, sans nous lasser.

Nous ne sommes pas naïfs. Il n’est que trop clair que nos adversaires tentent, par tous les moyens, de provoquer une explosion sociale et ils ont choisi, pour induire des provocations, un moment particulièrement difficile pour le pays en raison des dommages accumulés, dus au renforcement criminel du blocus et de l’usure générée par la longue et intense période de pandémie, associée aux épidémies et aux résurgences de la covid-19.

Et là, je me permets de vous donner d’autres chiffres, en m’excusant auprès de ceux qui les détestent. Pour pousser un pays, pour paraphraser Barnet, il faut lire beaucoup de chiffres et faire de l’art avec eux, l’art de les faire produire au-delà des possibilités réelles. Alors, pardonnez-moi pour les chiffres que je me dois de vous donner aujourd’hui :

En raison du blocus et de la pandémie, les revenus en devises ont été réduits à leur plus bas niveau. En 2020, nous avons enregistré 2, 413 milliards de dollars de moins qu’en 2019, et au premier semestre de 2021, 481 millions de dollars de moins qu’au premier semestre de 2020. À ce jour cette année, nous avons importé pour 655 millions de dollars de denrées alimentaires, ce qui ne suffit pas à répondre à la demande. La lutte contre la covid-19 nous a obligés à utiliser plus de 300 millions de dollars, qui auraient pu être destinés à la production et à l’importation d’autres médicaments. Pour la seule année 2021, le budget de l’État a pris en charge plus de 4,3 milliards de pesos pour faire face à la pandémie, dont 596 millions de pesos de garanties salariales, 574 millions de pesos de salaires, 1, 181 milliard de pesos de médicaments et 246 millions de pesos d’aliments.

Vous et moi savons que les adversaires les plus acharnés de la Révolution et leur salariés, qui se posent en victimes alors qu’ils attaquent tout ce que nous tentons de réaliser, ne se soucient pas le moins du monde de la santé du peuple ou de la nourriture du peuple, tout comme ils ne se soucient pas du dialogue avec qui que ce soit ou entre qui que ce soit. Renverser la Révolution reste le grand objectif. Ils sont déterminés à délégitimer notre souveraineté et à nous ramener à l’époque de la honteuse subordination impériale, lorsque les ambassadeurs étasuniens dictaient les programmes du gouvernement national et allaient jusqu’à nous raconter l’histoire de Cuba à leur manière.

Préserver, sous les pires attaques, l’indépendance et la souveraineté nationale restera la première priorité pour quiconque se sent révolutionnaire et patriote, même si ces mots sont considérés comme obsolètes dans certains milieux.

Obsolète est la dépendance, obsolète est l’humiliation face au puissant. De toutes les libertés, la plus précieuse est celle qui libère tous ceux qui partagent un sentiment, celle qui nous enflamme de fierté devant le triomphe d’un compatriote, le drapeau que l’on hisse et l’hymne que l’on entonne.

Nous n’allons pas faire cadeau de la Révolution ni de ses espaces. Nous devons et nous pouvons mieux les gérer, en apprenant davantage de tout et de tous. Plus les personnes qui gèrent les espaces culturels seront qualifiées et expérimentées, plus les œuvres seront appréciées avec une plus grande rigueur et une plus grande justesse.

Nous croyons fermement que l’œuvre d’art a non seulement le droit mais aussi la mission d’être provocatrice, risquée, contestataire, questionnante, mais aussi exaltante et émancipatrice. La soumettre à une censure subjective et lâche est un acte de lèse culture. La liberté d’expression dans la Révolution continue d’avoir pour limite le droit de la Révolution d’exister.

J’ai beaucoup d’autres préoccupations et surtout des idées et des questions à partager avec vous, mais pas lors d’un discours commémoratif, mais dans un dialogue vivant, qui n’a pas cessé et ne cessera pas. Non seulement nous maintenons des réunions régulières avec un groupe d’entre vous pour assurer le suivi du Congrès de l’Uneac.

Chaque semaine, dans différents espaces, nous partageons des idées et des projets avec des intellectuels et des artistes prestigieux, que je remercie pour leurs précieuses contributions à l’analyse de certaines des questions les plus complexes et les plus difficiles de la réalité actuelle, dans le but de créer des consensus et d’articuler des actions.

Notre génération est dépositaire d’un héritage et elle le doit au peuple qui a choisi le socialisme comme destinée définitive, quelques jours seulement avant ces journées historiques de débat culturel qui se sont conclues par les Paroles aux intellectuels.

C’est un honneur pour moi de vous confirmer aujourd’hui que « dans la Révolution », il reste de l’espace pour tout et pour tous, hormis pour ceux qui prétendent détruire le projet collectif. De même que Marti a exclu les annexionnistes de la Cuba avec tous et pour le bien de tous, et que dans ses paroles en 1961 Fidel a séparé les incorrigiblement contre-révolutionnaires, dans la Cuba de 2021 il n’y a de place ni pour les annexionnistes de toujours ni pour les mercenaires du moment.

Chères amies et amis,

Aujourd’hui, j’ai posé de nombreuses questions et je suis sûr que vous en avez beaucoup d’autres à me retourner. Ensemble, il nous appartient de donner des réponses à toutes ces questions afin de continuer à soutenir dans le temps les Paroles qui nous guident.

Je conclus dans le style de poètes que je respecte et que j’apprécie beaucoup : « (…) Ni des millionnaires absents, ni des carriéristes, ni des aspirants à la hache du bourreau ne vont l’empêcher (…) L’avenir ne commence pas avec un coup de hache ! Je « vous invite à me croire lorsque je dis avenir. »

Vive la culture cubaine !

Vive Cuba libre !

Et je le répète avec une éternelle conviction : la Patrie ou la Mort !

Nous vaincrons !

(Ovation)

Ordre DE Félix Varela

Anton Arrufat Mrad

Gerardo Alfonso Morejon

Beatriz Marquez Castro

Héctor Benito Echemendía Ruiz de Villa

Enrique Molina Hernandez

Médaille Alejo Carpentier

Eduardo Rafael Heras Leon

Nancy Morejon Hernandez

Helmo Hernandez Trejo

Rebeca Chavez Dominguez

Victor Casaus Sanchez

Eslinda Esther Nuñez Pérez

Isabel Cristina Santos Téllez

Reinaldo Gonzalez Zamora

Corina Mestre Vilaboy

Leonardo de la Caridad Padura Fuentes

Osvaldo Doimeadios Aguilera

Francisco Lopez Alvarez (Sacha)

Pedro de la Hoz Gonzalez

Enrique Ubieta Gomez

Eduardo Sosa Laurencio

Rolando Pérez Betancourt

Virgilio José Lopez Lemus

Manuel Lopez Oliva

Raul Alfonso Torres Rondon

Victor Fowler Calzada.


       A propos du fameux : « Dans la Révolution, tout ; contre la Révolution, rien ».

                                   Juin 1961 : Fidel Castro s’adresse aux intellectuels


   «Campagne impérialiste»: Cuba dénonce la main de Washington dans des manifestations liées à la crise


       Que se passe-t-il à Cuba


     Manifestations sur l’île en pleine crise économique

                                   Cuba accuse Washington

Excédés par la crise économique qui a aggravé les pénuries d’aliments et de médicaments et poussé le gouvernement à couper l’électricité plusieurs heures par jour, des milliers de Cubains étaient sortis, dimanche, dans les rues de dizaines de villes et villages.

Le président cubain Miguel Diaz-Canel a rendu responsable, lundi, le gouvernement américain des manifestations historiques survenues la veille, via sa «politique d’asphyxie économique», tandis que Washington et l’Union européenne appellent au calme. A la télévision, le dirigeant communiste a assuré que son gouvernement essaie d’ «affronter et de vaincre» les difficultés face aux sanctions américaines, renforcées depuis le mandat du président américain Donald Trump (2017-2021). «Que cherchent-ils? Provoquer des troubles sociaux», mais aussi «le fameux changement de régime», a-t-il dénoncé. Des accusations qualifiées de «grave erreur» par le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, ce qu’a contesté le chef de la diplomatie cubaine Bruno Rodriguez, fustigeant «le renforcement de la politique de siège économique en pleine pandémie». Le président américain Joe Biden a lui appelé «le régime cubain à entendre son peuple» et son «appel vibrant à la liberté», en se gardant de toute «violence» contre les manifestants. Même ton du côté de l’Union européenne, dont le chef de la diplomatie Josep Borrell a demandé «aux autorités d’autoriser ces manifestations et d’écouter le mécontentement des manifestants». Les rues de La Havane étaient quant à elles sillonnées par la police et l’armée, mais le calme était revenu après les échauffourées de la veille. En fin de journée, une manifestation d’une centaine de personnes a éclaté dans un quartier de La Havane, la Güinera. Criant «Viva Cuba Libre», des milliers d’Américains d’origine cubaine sont eux descendus dans les rues de Miami et Washington en soutien aux manifestations contre le régime cubain, dont ils espèrent qu’elles mèneront à sa chute.
Excédés par la crise économique qui a aggravé les pénuries d’aliments et de médicaments et poussé le gouvernement à couper l’électricité plusieurs heures par jour, des milliers de Cubains étaient sortis dimanche dans les rues de dizaines de villes et villages, aux cris de «Nous avons faim», «Liberté». Une mobilisation inédite à Cuba où il «ne se passait pas quelque chose comme ça, depuis 1994», lors du «Maleconazo», quand des habitants avaient défilé sur le Malecon, le boulevard côtier de La Havane, contre la crise économique. Cette manifestation, calmée par l’intervention de Fidel Castro, s’était toutefois limitée à la capitale. Comme en 1994, les gens sont énervés parce qu’il n’y a pas de nourriture, parce qu’il y a des problèmes.
Grand soutien des autorités cubaines depuis l’époque soviétique, la Russie a mis en garde contre toute «ingérence étrangère (…) qui favoriserait la déstabilisation de la situation sur l’île». Autre allié de poids, le président vénézuélien Nicolas Maduro a apporté son soutien à son homologue Miguel Diaz-Canel, «au peuple» et «au gouvernement révolutionnaire de Cuba». Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a lui offert d’envoyer de l’aide humanitaire et rejeté toute approche «interventionniste», tandis que son homologue argentin, Alberto Fernandez, a exigé la levée de l’embargo et rejeté lui aussi une éventuelle intervention. Le renforcement de l’embargo américain, en vigueur depuis 1962, ainsi que l’absence de touristes due à la pandémie, ont plongé Cuba dans une profonde crise économique et généré un malaise social. Les manifestations sont par ailleurs survenues dans un contexte de forte hausse des cas de coronavirus sur l’île, avec au total 244.914 cas dont 1.579 décès, pour 11,2 millions d’habitants. Une situation qui a poussé de nombreux Cubains à utiliser le mot-clé îSOSCuba sur les réseaux sociaux, pour demander qu’une aide humanitaire extérieure soit autorisée par le gouvernement.

Katell ABIVEN


 

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