Roman : « GRANDE TERRE, TOUR A » de Kadour Naïmi – partie III, chap. 24-25

La Tribune Diplomatique Internationale publie ce roman

       quotidiennement en chapitres

       depuis  le 21 décembre

 

 

 

 

 

 

24. Sombre et blanc

 

Sur la route du Front de mer, un vieillard, traversant la route de manière imprudente, rappelle Karim à la réalité présente. Au volant de sa voiture, il freine brusquement, évitant de heurter le passant. Celui-ci s’immobilise, très embarrassé :

– Pardonne-moi, oulidî ![1] dit-il à Karim. Pardonne-moi ! Je ne vois pas bien.

– Pas de quoi, bouyâ ![2] le tranquillise l’interpellé. Fais attention à traverser sur les passages pour piétons. Et même dans ce cas, fais-toi aider par une personne ayant une bonne vision.

– Tu as raison, tu as raison !

Poursuivant le parcours le long du boulevard, Karim arrive tout au fond, près d’un nouveau parc. Il stationne sa voiture et s’engage dans le jardin. Il est presque désert. Karim cherche Zahra. Une femme voilée en noir s’approche de lui et le regarde. Il la reconnaît à ses yeux.

En attendant son ami, Zahra avait déjà repéré un coin discret, d’où elle pouvait contrôler tout l’environnement. Désormais, elle était consciente d’être surveillée par la police, peut-être aussi par son frère.

Elle indique à Karim le banc situé à l’endroit choisi par elle. Les deux y vont et s’assoient. Karim note, avec amabilité :

– Tu as choisi un lieu bien isolé !

– Oui, répond-elle… Tu sais bien que chez nous, non seulement les murs ont des oreilles, mais tout espace public a des yeux et des oreilles, bien dissimulés.

Elle lui raconte leur voyage en autobus, dont son frère avait été informé. Elle conclut :

– Cela ne pouvait être qu’une voisine, se trouvant dans l’autobus, et voilée, donc pas reconnaissable par moi, qui nous aurait vus, puis en  informa ma mère.

Karim commente :

– Décidément, le voile ne sert pas uniquement à cacher un corps, mais permet d’espionner aisément !

Cette remarque provoque un pincement en Zahra, inaperçu par Karim.

Le siège où sont assis les deux amoureux clandestins est sous un bel arbre aux larges branches portant de jolies feuilles vertes. Tout près, atterrissent deux petits étourneaux ; ils sautillent joyeusement ensemble en cherchant quelque chose à picorer. À leur vue, Zahra abaisse le voile sur son visage ; il s’illumine d’un tendre sourire. Karim, à son tour, contemple le couple d’étourneaux.

– Tu te connais en oiseaux ? demande-t-il.

– Non. Leur plumage m’attire. Il est sombre mais tacheté de blanc.

Elle se tait quelques secondes, puis précise :

– Ce plumage me semble pareil à notre situation : beaucoup de « sombre », mais aussi un « blanc » qui nous permet d’être ici.

– Explique-toi mieux, sollicite Karim.

Alors, Zahra confie le projet de voyage syrien, formulé par son frère Abdelkader. À la fin, elle pose l’angoissante question :

– Comment faire pour l’en dissuader ?

Un long et très profond soupir de tristesse est la première réaction de Karim. « Il ne manquait plus que ça, se dit-il, à cette malheureuse fille ! »

Il lui demande :

– Le travail que j’ai proposé, tu en as parlé à ton frère ?

– Oui. Il le refuse.

Karim reste silencieux. Il détourne les yeux vers le sol, puis raisonne. « Je crains, se dit-il, que cette décision du frère a la gravité d’un cancer !…. Et avec les fatales métastases ! »

Il regarde de nouveau Zahra et déclare :

– J’ai besoin de temps pour y réfléchir.

– Le temps presse ! note Zahra. Mon frère pourrait partir d’un jour à l’autre. C’est une course contre la montre !

Les deux jeunes gens, désemparés, ne savent plus quoi dire.

Pour permettre à son cerveau le maximum d’activité, Karim baisse de nouveau la tête vers le bas. Il cherche une solution pour le frère de son aimée.

Cette dernière en profite pour contempler le profil du visage de son voisin, désormais précieux à son cœur. Très vite, une forte sensation envahit Zahra. Elle sent le besoin d’enlacer Karim, de se serrer contre lui… C’est la première fois, dans sa vie, qu’elle éprouve une telle impulsion. La jeune femme voudrait la concrétiser ; une étrange peur la dissuade. Zahra remarque un léger et rapide tremblement nerveux de ses mains. Elles veulent agir ! Aller vers le corps de Karim !… « Non ! se dit Zahra. Oh, non !… »

Pour surmonter son agitation, elle dirige les yeux vers le couple d’oiseaux. Elle contemple leurs jolis sautillements, accompagnés de joyeux gazouillements. Après quelques secondes, elle soupire en elle-même : « Ah ! Si nous étions des oiseaux !… Quel bonheur ! »

 

25. L’état de l’État

 

Où Karim peut-il chercher la solution pour éviter ce qui menace le frère de Zahra, et, par conséquent, toute sa famille ?

Le soir, après dîner, Karim est devant la table basse, surmontée des deux verres de thé à la menthe, en compagnie de son « sage ».

Après avoir écouté les informations de son jeune voisin, Si Lhafidh reste perplexe, sans toutefois être surpris.

– Là, mon cher Karim, le problème est à équations multiples, dont l’une est inconnue et difficile à découvrir.

– Laquelle ?

– Qu’est-ce qui pousse un jeune drogué à choisir la guerre pour tuer des innocents, en croyant bien agir ?… On a tellement écrit à ce sujet, et d’abord les réputés prétendus experts du problème. Bien entendu, ils tournent autour, en évitant les aspects gênants, par ignorance ou par opportunisme.

Suivant sa méthode, Si Lhafidh ne cite pas les personnes dont il parle. Il préfère impliquer son interlocuteur dans la discussion. Aussi, le regarde-t-il de manière interrogative.

Karim se contente de demander :

– Et quels sont ces aspects ?

Le vieillard ne se résout pas à fournir l’éclaircissement ; il souhaite aider son voisin à raisonner de manière à trouver lui-même la réponse.

– Essaie, dit-il à Karim, de trouver ces aspects, en te rappelant les livres que tu as lus. Selon toi, quel fut le problème fondamental, ou, si l’on veut, l’obstacle fondamental que les autogestionnaires furent contraints d’affronter et de combattre ?

L’interrogé réfléchit un instant, puis répond :

– L’État.

– Exactement ! confirme Si Lhafidh. Plus précisément, la nature du pouvoir étatique, sa nature intrinsèque. C’est précisément ce que les soit disant experts évitent d’aborder, par ignorance, par crainte de perdre leurs privilèges ou, pis encore, leur vie. En effet, l’enjeu fondamental, n’est-il pas le rôle qu’assume l’État dans la gestion de la société ?

Il se tait, prend lentement son verre et boit une longue gorgée du contenu. Puis, il réfléchit. De son coté, Karim l’observe, en examinant les propos entendus.

Si Lhafidh explique, évitant toute emphase, de la manière la plus simple :

– Il reste à la science tellement de progrès à réaliser au sujet de deux immenses mystères : le cœur de l’être humain, et l’univers dans lequel il vit. Tant que la science ne parviendra pas aux éclaircissements indispensables, les religions continueront à fournir les réponses illusoires au peuple. Ajoutons à cela les soit disant « démocrates » et « progressistes » de tout bord. Tout en proclament verbalement leurs convictions, ils ne daignent jamais aller à ce peuple, pour le connaître réellement, pour savoir le langage qu’il convient d’employer avec lui.

– Par langage, qu’entends-tu ? veut savoir Karim.

– Pas seulement le contenu, mais d’abord la forme, c’est-à-dire la langue du peuple… Pour la parler, nos compatriotes kabyles furent contraints de verser leur sang ! Quant à la dziriya, la langue arabophone du peuple, qui s’en soucie ?… Je viens de lire un essai, déchargé gratuitement d’internet ; il défend vigoureusement cette langue populaire. Aucun journal n’en a parlé, à l’exception de l’auteur de l’essai lui-même. La soit disant intelligentzia ne considère que le français, l’arabe moyen-oriental, et, à présent, le tamazight, y compris dans les concours littéraires… Comment, dès lors, s’étonner de voir un jeune drogué, enfant du peuple, finir dans les rangs des intégristes assassins, et non dans ceux des démocrates ?… Ces derniers font-ils autre   chose que plastronner et bla-blater ? En réalité, ne méprisent-ils pas le peuple, en le considérant uniquement comme masse de manœuvre ?… Dans ce domaine, les fascistes cléricaux savent mieux agir. As-tu constaté combien sont désertes les rues, le vendredi au moment de la prière ?… Presque tous les gens sont à la mosquée. C’est le seul endroit où ils entendent parler de justice, de fraternité, de solidarité, en croyant les auteurs de ces prêches sincères et voulant le bien du peuple. Dès lors, est-il étonnant qu’un jeune drogué soit attiré par ces renards, en finissant par ne voir comme solution que le jihâd guerrier ? On le lui présente comme « saint », juste, comme le vrai recours contre son exploitation, sa domination et son humiliation par les prétendus mécréants. Les auteurs de ce discours ne se contentent pas de parler au peuple uniquement dans les mosquées ; en plus, ils le fréquentent, dans ses quartiers de misère. Dès lors, comment ne pas leur être sensibles, reconnaissants, croire à leurs bonnes intentions ?… Ajoute à cela autre chose. Les soit disant experts, ayant accès aux médias dominants, ne disent jamais ceci : c’est l’État lui-même qui a produit et favorise la peste cléricale, que cet État soit autochtone ou étranger néo-colonial. Tout État a besoin du cléricalisme pour légitimer sa domination, et cela, quelque soit l’époque et l’endroit sur la planète.

– Et les États qui défendent la laïcité ? demande Karim.

– Ils ne la défendent que contraints par la pression des citoyens les plus éclairés et résolus. Néanmoins, l’État et la religion se nourrissent l’un de l’autre, quelque soit l’État et quelque soit la religion. Même dans les pays qui s’opposaient à la religion fut fabriquée une de type laïc. Cela commença avec Robespierre et son « Être Suprême », dont le premier s’auto-proclama le Prophète. Ce phénomène continua avec les  disciples de ce révolutionnaire à la sauce étatique. Depuis la conquête de l’État par les bolcheviques, l’idéologie produite proclama Marx comme Dieu et le chef du Parti unique comme son Prophète. Et même dans un pays dépourvu de religion, mais disposant d’une morale, les dirigeants de l’État ont transformé cette dernière en une forme de religion. C’est le cas de l’État chinois actuel : pour légitimer sa domination, ne disposant plus de Mao Tsé Toung comme Prophète Omniscient et Tout puissant, les dirigeants étatiques ont remis en vedette Confucius, l’idéologue par excellence de la soumission du peuple.

Si Lhafidh s’interrompt et regarde Karim, pour se rendre compte de l’effet de ses paroles. Le vieillard évite la longue dissertation, parce que ennuyeuse, donc inefficace. Il porte la main gauche à son menton, et le caresse lentement, pour calmer son excitation, son désir d’expliquer, de partager les leçons de ses lectures et expériences pratiques.

Pour sa part, Karim comprend : chaque fois que son ami évoque le thème de l’État, sa voix a une vibration particulière, et il semble désolé d’en parler longtemps. Aussi, Karim, pour en savoir le plus possible, relance :

– Si j’ai bien compris tes propos, le problème fondamental, la cause première de tous les maux sociaux, c’est l’État !

– La manière dont il agit, plus exactement !… Même Karl Marx, malgré tous ses efforts, ne l’a pas suffisamment compris. Ce furent les anarchistes qui avaient parfaitement mis en évidence ce problème. Ils dénoncèrent la théorie marxiste de l’État transitoire, sous forme de dictature du prolétariat ; ils démontrèrent que c’était là un reste d’idéologie bourgeoise dominatrice. Hélas ! Hélas ! Hélas !… Les profiteurs de l’État, encouragés par Marx, défendirent encore l’idée d’État, en la parant d’artifices trompeurs. Et nous avons constaté dans quel état, – je veux dire quelle situation -,  catastrophique nous sommes tombés, dans la planète entière. Et combien il est dur, très dur de s’en sortir, tellement la mentalité étatique est ancrée dans les esprits.

– Que faire, alors ? demande Karim avec angoisse.

Si Lhafidh hausse la tête à plusieurs reprises, soupire longuement, puis :

– Je crois, hélas !, admet-t-il, que la solution n’est pas pour demain. Tous les États de la planète ont besoin de religion et de terrorisme pour justifier leur infâme domination. Terroriser par la religion, en menaçant par un au-delà de châtiments effroyables, sinon terroriser par les crimes en cette vie-ci. Avec ce dernier, le chantage est clair : « C’est nous ou le terrorisme ! »… Auparavant, c’était la peur du « rouge », du « communiste » athée, destructeur de la propriété privée et de la famille, sexuellement dépravé, etc., etc. Une fois cet épouvantail disparu, il a fallu inventer un autre pour effrayer les peuples, en les détournant de leurs problèmes réelles.

Karim trouve le moment opportun pour revenir au premier motif de sa visite chez son ami. Il demande :

– Et, pour le frère de notre voisine, que peut-on faire ?

L’interrogé réfléchit. Longtemps. Puis il secoue la tête, avec un « Hum ! » de profonde perplexité. Ensuite, il hausse ses sourcils, qu’il tient tendus en arc, puis les rabaisse.

– Je t’avoue que je ne sais pas. Je crains que le mal soit trop profond, et le remède impraticable.

– Quel remède ?

– Tant qu’il y aura des injustices criminelles, certaines des victimes deviendront, à leur tour, des criminels. Crime contre crime !

– Pas de solution, alors ? relance Karim.

– Personnellement, continue Si Lhafidh, je ne vois qu’une solution pour éliminer ce cercle vicieux : bannir le système social autoritaire et hiérarchique, au profit d’un autre de liberté individuelle couplée à une solidarité collective. Autrement dit, éliminer l’État parasitaire au bénéfice d’une institution réalisant l’autogestion sociale généralisée. Cela fut réalisé, comme tu l’as lu dans les livres, pendant quelques années. Les expériences furent toutes très concluante, et auraient pu continuer si les étatistes de toute couleur idéologique n’avaient pas interrompu l’expérience, par la violence armée ou bureaucratique, cette dernière néanmoins soutenue par l’armée. La conception autogestionnaire est, à notre époque de capitalisme triomphant et de marxisme encore survivant, aussi minoritaire que le fut l’idée de liberté à l’époque de l’esclavage.

Il se tait. Karim se sent écrasé par ce genre de fatalité. Son vieil ami, s’en rendant compte, l’interpelle :

– Ce que je viens de dire te décourage ?

– Oui !

Si Lhafidh sourit, puis le félicite :

– J’admire ton honnêteté, cher Karim. Elle prouve que tu es courageux.

– En quoi est-ce courageux ?

– Le plus grand courage, explique le vieillard, c’est de reconnaître ses propres carences. Ce courage a un immense avantage : il permet de s’efforcer à trouver des solutions.

– Alors, réplique le jeune infirmier, dans le cas que tu viens de décrire, la domination majoritaire de la mentalité étatique, qu’est-il possible de faire ?

– Que font, réplique Si Lhafidh, les gens en cas de difficulté majeure, apparemment insurmontable ?

Karim réfléchit un instant, puis dit :

– Se résigner ou lutter.

– Et laquelle des deux attitudes est préférable ?

– Certainement pas la première, affirme Karim.

– Alors, conclut le vieillard, il reste la seconde… Autrement dit, bien que minoritaire, lutter à semer des grains partout où c’est possible, même là où cela semble inutile ou dérisoire. Le but est de contribuer à convaincre de reprendre l’expérience de l’auto-gouvernement. En sachant que les adversaires s’y opposeront avec toute leur force, et de toutes les manières, y compris les plus viles et les plus féroces. Comme cela a toujours été le cas.

– Il semble, observe Karim, que nous avons déjà un exemple de ce genre de traitement. Pour le simple nettoyage solidaire des immondices sur la place publique de notre quartier, la police est intervenu afin de  l’empêcher. Et Omar, le marchand intégriste, n’appréciait pas du tout notre action libre et collective. Enfin, l’agression dont je fus victime, quelque soit son mandataire, était un avertissement. Sans oublier les obstacles que nous rencontrons dans notre section syndicale à l’hôpital, et toutes les interdictions, allant jusqu’à la répression policière, des initiatives citoyennes autonomes.

Karim s’interrompt. Soudain, il lance à son vieil ami :

– Toi, comment fais-tu pour continuer à lutter, dans cette situation apparemment insurmontable ?

Les yeux de Si Lhafidh brillent d’un éclat plus intense, puis il dit, en toute simplicité :

– Je m’imagine vivre à l’époque de l’esclavage triomphant, durant l’empire romain, en faisant partie de cette extrêmement petite minorité persuadée  que la liberté finira par abattre ce système inique.

– Mais, objecte Karim, si cette liberté n’arrive pas durant ton existence ?

Le vieillard hausse les sourcils, puis déclare :

– Tu te rappelles notre voisin, le planteur d’arbres sur la place ?

– Oui, confirme Karim.

– Étant donné son âge bien avancé, reprend Si Lhafidh, il sait très bien qu’il ne verra pas ces arbres ; l’essentiel pour lui est de contribuer à leur naissance future pour d’autres qui en jouiront. Existe-t-il un comportement plus estimable ? Et ce genre de comportement n’est-il pas, déjà, celui d’un  homme autonome, libre et solidaire ?

– Certainement.

– Maintenant, poursuit le vieillard, revenons au problème concret que tu as posé. Par nos considérations précédentes, je tenais juste à le placer dans son cadre général. C’est la seule manière pour y réfléchir correctement et, donc, chercher la solution adéquate… En vois-tu une pour le frère de notre voisine ?

Karim hausse les épaules en signe de perplexité. Ensuite, il dit :

– Il a refusé un travail tellement facile… Évidemment, la perspective de sortir du pays où il souffre et étouffe, celle de voyager gratuitement, d’aller dans d’autres contrées, de bénéficier d’un confortable salaire, de croire être bien protégé par les prétendus « amis », d’avoir à sa disposition une et même plusieurs femmes soumises aux caprices du mâle, conformément à une vision opportune de la religion. En plus, quand on est jeune, généralement, on ne pense pas à la mort. Tout donc est bien conçu pour convaincre un jeune, en plus soumis au tourment de la dépendance de la drogue.

La discussion parvient au point mort. Cette fois-ci, le « vieux sage » n’a pas de « remède » au problème examiné.

– Réfléchissons encore ! dit-il. En sachant que le temps presse.

 

Retourné chez lui, dans son lit, Karim est anxieux, l’esprit occupé par le frère de son aimée. « Et si je le rencontre ?… Mais comment, et avec quel prétexte ?… Nous ne nous sommes jamais adressés la parole, pas même en nous rencontrant par hasard dans le couloir ou dans la rue. Il a l’air si fermé, hostile, un crocodile à l’affût… Si je prends l’initiative de lui parler, je risquerais même d’éveiller ses soupçons concernant mes relations avec sa sœur, car il sait que nous avions parlé ensemble dans l’autobus. »

Karim !… Pourquoi ne dors-tu pas ? Il est si tard !

L’interpellé comprend que sa mère a quitté son lit pour aller aux toilettes, et s’est donc rendu compte de la lumière dans la chambre de son fils.

– Je vais dormir, maman. Bonne nuit à toi !

– Bonne nuit, mon enfant, repose-toi !

Il éteint la lampe. Mais, les yeux ouverts, il se repose la question : « Comment faire pour parler avec le frère de Zahra ? »

A suivre …


[1]     « Mon enfant ! »

[2]     « Père ! » en langue populaire oranaise.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *