Séisme en Turquie-Syrie : Même détresse, plaidoyer pour une même humanité

   

Par le professeur Chems Eddine Chitour, École polytechnique, Alger

«Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
De vos frères mourants contemplant les naufrages,
Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.»
(Poème de Voltaire sur le désastre de Lisbonne de 1756.(1))

Résumé
Une calamité naturelle s’est abattue sur la Turquie et la Syrie fauchant des milliers de personnes dans une région certes propice à ces convulsions du cœur de la Terre de ces régions qui se trouvent sur les plaques arabique, anatolienne et africaine. N’empêche, ce sont des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants terrorisés par la puissance des répliques dans les conditions hivernales les plus dures. Les secours ont été gênés par le froid et la neige. Nous allons expliquer pourquoi la Syrie n’a pas bénéficié de l’aide humanitaire des pays occidentaux tétanisés par le Caesar Act imposé par les États-Unis condamnant l’État syrien à la double peine. Catastrophes naturelles et manque de moyens dans un pays harassé par 12 ans de guerre et appelé à la tolérance et à l’empathie en citant Voltaire.

17 000 morts en 45 secondes : le spectre du 17 août 1999
Un puissant séisme de magnitude 7,8 a frappé, lundi 6 février, à l’aube, le sud de la Turquie et la Syrie voisine, faisant des centaines de victimes. Ce tremblement de terre meurtrier ravive de mauvais souvenirs en Turquie, déjà endeuillée au tournant du siècle dernier. Le 17 août 1999, à 3h02 (heure locale) et pendant 45 secondes, la terre avait tremblé à une magnitude de 7,2 à 7,6 sur l’échelle de Richter. L’hypocentre avait été localisé à proximité d’Izmit, dans la ville de Gölcük. Il a fait 17 480 morts et 23 781 blessés.(2) La plupart des habitants du village de Tloul ont déserté leur village inondé jeudi après qu’un barrage en terre s’est effondré des suites du séisme qui a secoué la région. Dans ce village situé dans le nord de la province d’Idleb, près de la frontière turque, l’eau recouvrait partiellement les habitations et les troncs des arbres fruitiers, tandis que les champs de blé et de haricots étaient totalement submergés. Les biens culturels et historiques syriens ont énormément souffert de la guerre en cours. Des monuments, des musées et des sites remarquables ont été dévastés par les bombardements, les pillages et les travaux de retranchement. Des sites du patrimoine syrien ont été endommagés, parfois irrémédiablement : Palmyre, le Krak des chevaliers, l’église Saint-Siméon-le-Stylite et la vieille ville d’Alep (dont la citadelle). En avril 2014, les grandes statues des lions assyriens de Raqqa (Raqqua), vieilles de 2 700 ans, sont détruites par l’État islamique.(3)

Le séisme a été annoncé trois jours avant la catastrophe
Dans un tweet prophétique publié le 3 février, le chercheur néerlandais Frank Hoogerbeets, qui travaille pour le Solar System Geometry Survey (SSGS), aux Pays-Bas, avait anticipé le séisme dévastateur survenu en Turquie et en Syrie. Ce message qui résonne aujourd’hui comme une sinistre prophétie est d’une implacable précision : «Tôt ou tard, il y aura un séisme d’une magnitude de 7,5 dans cette région (sud-centre de la Turquie, Jordanie, Syrie, Liban).» Le scientifique ne s’était trompé ni sur la localisation globale du séisme, ni sur la magnitude exacte. Ces tremblements de terre sont toujours précédés d’une géométrie planétaire critique, comme celle que nous avons connue en début de mois.(4)

Cinq séismes meurtriers au Moyen-Orient à travers l’Histoire
La région a connu certains des pires tremblements de terre au monde, notamment dans les zones de Turquie et de Syrie touchées lundi, la province de Hatay en Turquie, le nord-ouest de la Syrie, des zones qui avaient déjà connu deux des séismes les plus meurtriers au monde. L’Iran, la Palestine et l’Égypte ont également été dévastés par des secousses sismiques qui ont endommagé des bâtiments historiques et tué des dizaines de milliers de personnes.  Middle East Eye a listé cinq des plus importantes catastrophes dans la région au cours de ces deux derniers millénaires. Izmir 1999 ; 1138 : Alep, Syrie ;  856 : Damghan, Iran ; 526 : Antioche, Turquie en 526.  Cette catastrophe naturelle tua 250 000 personnes ; 1033 : vallée du Jourdain, Palestine.  1754 : Le Caire ; 1999 Turquie ; 2023 : Turquie et Syrie.(5)

Fragilité potentielle du barrage Atatürk
Une douzaine de barrages sont sur les fleuves Tigre et Euphrate. Ces barrages sources de conflit pour l’eau entre les différents pays de la région. Le barrage Atatürk contient 48 milliards de m3 et il y a 8 autres après lui sur l’Euphrate qui ne tiendraient pas si le barrage en amont est fragile comme l’explique cette publication : «Le barrage Atatürk est le quatrième plus grand barrage en enrochement carotté d’argile au monde. Situé dans le sud-est de la Turquie, il est la pièce maîtresse d’un projet appelé le projet anatolien du sud-est (GAP). La construction du barrage a été achevée en un court laps de temps de 3 ans et 8 mois en août 1990. Lorsque le niveau du réservoir a commencé à monter, des problèmes de tassement ont commencé à se produire le long de la crête pour atteindre des niveaux considérables en mai 1992 et le basalte vésiculeux altéré utilisé dans la section en enrochement du barrage a commencé à s’éteindre sérieusement. L’élévation de la crête a tellement baissé que la partie supérieure du barrage est maintenant reconstruite à la hauteur initiale de 549 m afin de maintenir le franc-bord de 7 m et de maintenir le barrage opérationnel.»(6)

L’appel au secours de la Turquie et de la Syrie
Si l’aide à la Turquie n’a pas tardé à arriver — 45 pays ont répondu —, il n’en est pas de même pour la Syrie. Damas, sous sanctions, a sollicité l’aide de l’UE. Les sauveteurs travaillent par un froid glacial depuis quelques jours. Le mauvais temps complique la tâche des secours alors que les 72 premières heures sont cruciales pour retrouver des survivants, selon le responsable du Croissant-Rouge turc, Kerem Kinik. La Syrie a sollicité à son tour, après la Turquie, l’aide de l’Union européenne, a annoncé le 8 février le commissaire européen Janez Lenarcic. Il a encouragé les États de l’UE à soutenir ce pays frappé par des sanctions internationales depuis le début en 2011 de la guerre civile qui a ravagé ses infrastructures notamment dans le nord. À l’issue de son audience générale hebdomadaire au Vatican, le pape François a déclaré prier pour les victimes de «cette calamité dévastatrice» et encouragé «tout le monde à être solidaire avec ces terres en partie déjà martyrisées par une longue guerre».(7)

Pourquoi la Syrie peine à répondre à cette situation de chaos ?
On sait que la Syrie, Bilad al-Cham, a connu l’enfance de l’humanité. les premiers villages ont été fondés il y a 8 000 ans sur les rives de l’Euphrate. La Syrie, c’est la civilisation humaine. Un sort funeste a voulu qu’elle sombre dans le chaos du fait de sa gouvernance aggravé régulièrement par la sécheresse qui a frappé la Syrie entre 2006 et 2010 et contribué à faire éclater la révolte. 800 000 Syriens ont vu leurs revenus chuter de 90 %, leurs terres s’étant asséchées. Ce ras-le-bol du peuple a été catalysé de l’extérieur avec un «régime change» qui a abouti au dépeçage de la Syrie. Près de 30 organisations avec chacune ses bailleurs de fonds ont mis le pays à feu et à sang.
«Durant les onze années de conflit, 350 000 Syriens, au moins, ont été tués et 13 millions de personnes ont été déplacées. L’insécurité alimentaire, dont souffrent 12 millions de personnes, est renforcée par le conflit en Ukraine, qui provoque une augmentation des prix de l’énergie et du blé. Assad contrôle aujourd’hui environ 70 % du territoire syrien. Le nord-ouest échappe à l’État central. Fin 2012, la France commence à fournir des armes et de l’équipement à des groupes de l’Armée syrienne libre (…) En août 2013, prenant prétexte d’un massacre (La Ghouta) attribué à l’armée régulière, la France veut intervenir militairement. Mais Obama décide de ne pas s’impliquer, la France a prudemment renoncé. En août 2014, la France s’associe dans une campagne de frappes aériennes en Irak et en Syrie.» (8)
«La reconstruction de la Syrie a été estimée à 250 milliards d’euros, lors de la sixième conférence des donateurs pour la Syrie. Les promesses de dons qui y ont été formulées sont de l’ordre de 6,7 milliards de dollars, 10,5 milliards de dollars que les Nations unies jugeaient nécessaires. Sur le plan géopolitique, la guerre en Ukraine aura certainement des effets sur l’influence russe en Syrie. Une défaite de la Russie en Ukraine pourrait altérer sa présence en Syrie au profit de l’Occident.»(8)

Au nom de l’humain : les pays qui ont bravé le Ceasar Act
Au nom de la détresse et du devoir de secourir, plusieurs pays, par compassion, ont apporté leur secours à la Syrie bléssée malgré le Ceasar Act, le blocus américain. Dans le journal Al Manar, nous lisons ce constat glaçant que, même dans la douleur, il y a un double standard : «Alors que l’aide coule à flots vers la Turquie où se trouve l’épicentre du séisme meurtrier et destructeur qui a frappé le lundi 6 février des zones situées entre le sud de la Turquie et le nord de la Syrie, cette dernière est abandonnée à son destin par crainte des sanctions occidentales décrétées par les États-Unis dans le cadre du Ceasar Act. Mais quelques pays ont bravé le Ceasar Act promulgué par les États-Unis et qui entravent l’envoi de l’aide et des secours nécessaires à ce pays, sachant que le séisme y a causé la mort de 2 300 personnes, selon un bilan livré au milieu de la journée de ce mardi 7 février, blessé plus de 3500 personnes et détruit ou endommagé 3000 maisons. Plusieurs centaines de Syriens sont portés disparus.»(9)
«Les deux provinces d’Alep et de Lattaquié sont les plus affectées. Les autres provinces touchées sont Hama, Tartous et celle d’Idleb occupée par les groupes soutenus par la Turquie.
La Syrie souffre «d’un manque d’équipements spéciaux pour sauver les gens bloqués sous les décombres », a déploré le chef de Croissant-Rouge syrien. Il a précisé que son pays avait besoin d’équipements lourds, de véhicules d’ambulance et anti-incendie. (…) Le ministre syrien des Affaires étrangères a révélé que les groupes terroristes ont détruit toutes les capacités syriennes dont les ambulances, les bulldozers et autres. «Les sanctions américaines empêchent tout, même l’achat de médicaments», a-t-il affirmé, estimant que les assistances humanitaires ne sont pas soumises aux sanctions, selon le droit international.(9)
«L’Iran a été l’un des premiers pays à envoyer de l’aide dès lundi soir lorsqu’un premier avion d’aide humanitaire transportant une cargaison de 45 tonnes a atterri à l’aéroport de Damas. Selon l’ambassadeur iranien en Syrie, Sobhani, c’est le premier convoi d’aides, formées de couvertures, de tentes, de médicaments, de produits alimentaires et autres. Des consultants militaires iraniens étaient arrivés en Syrie quelques heures après le séisme. Ils ont contribué à aménager l’aéroport d’Alep afin qu’il puisse accueillir les avions d’aides humanitaires. Le lendemain, un deuxième avion iranien a atterri à l’aéroport de Lattaquié. L’Irak aussi est l’un des premiers pays qui ont accouru pour aider les Syriens. Des dizaines de convois comptant quelque 200 camions d’aides ont été envoyées par les forces de mobilisation populaires Hachd al-Chaabi. Le ministre du Pétrole irakien a, quant à lui, assuré vouloir envoyer un convoi de 28 camions-citernes transportant du carburant.»(9)
«La Russie qui dispose de plusieurs bases militaires d’une force militaire en Syrie a envoyé 300 militaires pour participer aux travaux de secours. Le Hezbollah aussi a prêté main-forte à la Syrie. Selon son numéro deux, cheikh Naïm Qassem, il a envoyé des délégations médicales en Syrie.» (9)

Pour l’organisation humanitaire Médecins sans frontières : la peur du choléra
Les tremblements de terre qui ont touché la Turquie et la Syrie ont provoqué le décès de plus de 25 000 personnes. Médecins sans frontières déclare : «Pour l’instant, nous recevons très peu de soutien international. Notre travail est essentiel, mais c’est aussi une goutte d’eau dans l’océan. La plupart des hôpitaux syriens étaient déjà confrontés à de nombreuses difficultés et pénuries, en raison du manque de fonds pour l’aide humanitaire et des difficultés d’accès à cette région enclavée.

Deux millions de personnes vivent dans des camps de déplacés, souvent sous des tentes ouvertes au vent.  Les conditions de vie se sont nettement dégradées. Aujourd’hui, des milliers de nouvelles personnes sont obligées de rejoindre ces sites. Certaines personnes qui ont survécu ont tout perdu : leurs maisons, leurs vêtements, l’accès à la nourriture, parfois une partie de leur famille, leur argent, elles vivent sous des tentes. Elles ont besoin de tout. Les équipes humanitaires doivent également protéger ces populations contre le choléra, qui touche la région depuis septembre dernier.» (10)

Face à la détresse humaine : le deux poids, deux mesures
Sous le coup de sanctions internationales, la Syrie ne peut recevoir d’aides. Nos dirigeants «font comme si la Syrie était rayée de la carte, comme si elle n’existait pas», selon Benjamin Blanchard, directeur de SOS Chrétiens d’Orient. «Devant une telle catastrophe et devant ces détresses des vivants qui affrontent les éléments naturels, il est connu que les trêves permettent de renouer avec des comportements humains. Ce ne sera pas le cas ! Les pays occidentaux européens, droits dans leurs bottes, ont peur de déplaire dans une sorte de solidarité dans la punition des peuples faibles. Pourtant, dans une dépêche de l’AFP du 09/02/2023, le premier convoi de l’ONU a franchi la frontière de Bab el Hawa : 6 camions chargés de matériel médical, de vivres et d’équipements d’urgence. ‘’L’aide d’urgence ne doit pas être politisée, a déclaré le représentant du SG des Nations unies. Nous devons plutôt nous concentrer sur ce qui est nécessaire de toute urgence pour aider les hommes, les femmes et les enfants, dans cette pire catastrophe que la région ait connue depuis environ un siècle’’.»
La Banque mondiale a annoncé qu’elle apporterait une aide de 1,78 milliard de dollars à la Turquie. Cette aide doit en premier lieu permettre d’aider les secours, a détaillé la Banque mondiale. Mais aussi cibler les besoins nécessaires à la reconstruction. Peu après, Washington a promis à son tour une aide de 85 millions de dollars à la Turquie et à la Syrie. L’Agence américaine de développement (USAID) a précisé que le financement serait versé à des partenaires sur le terrain. «L’aide en Syrie passe par des partenaires locaux, les Etats-Unis refusant tout contact avec le président syrien, Bachar Al-Assad. L’Allemagne a envoyé 90 tonnes de matériel par avion en Turquie. Le département du Trésor américain a toutefois annoncé la levée temporaire de certaines sanctions en lien avec la Syrie, avec l’objectif de voir l’aide acheminer aussi vite que possible aux populations touchées.

Syrie. Un séisme vu comme un traumatisme supplémentaire
«Si la Turquie, écrit Henri Manarbachi, est la première victime du terrible tremblement de terre qui a frappé la région, la Syrie est aussi durement touchée. Avec des conséquences encore plus désastreuses, dues à une décennie de répression et de guerre et à des sanctions qui frappent avant tout les populations civiles. Oubliée par la communauté internationale et les médias occidentaux après de longues années de guerre dont les conséquences continuent de se faire sentir, la Syrie s’est, de façon brutale et tragique, rappelée au monde au lendemain du séisme. Quelque 23 millions de personnes pourraient avoir été touchées, indique l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mardi 7 février.» (11)
Les sanctions sont une série de mesures économiques prises par l’Union européenne (UE), les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Suisse et la Ligue arabe. Malgré des appels à lever les sanctions contre la Syrie, mettant en avant les souffrances de la population locale, celles-ci sont toujours en vigueur et leurs effets induits sur les gens sont réels, bien que difficiles à mesurer. (…) Aux yeux de Paris et de Washington, qui prônent une politique dure vis-à-vis de Damas, le régime syrien demeure le principal responsable de la crise humanitaire en Syrie, où 13 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire d’urgence et commencent à subir les rigueurs de l’hiver sans mazout, ni essence ni électricité, avec une monnaie nationale en chute libre. Cependant, face à cette nouvelle catastrophe, «la Syrie appelle les États membres de l’ONU (…), le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres groupes humanitaires (…) à soutenir les efforts du gouvernement syrien pour faire face au séisme dévastateur». Damas a promis son aide aux sinistrés dans la région sous contrôle des rebelles, malgré la pauvreté de ses moyens. L’espoir au milieu des décombres.
«En attendant, le séisme a tôt fait de traumatiser autrement, mais autant des villes comme Alep avec ses deux millions d’habitants qui ont pourtant un terrible souvenir des bombardements traumatisants des années 2012-2018. «La situation est catastrophique, les gens ont passé ce qui restait de la nuit et la journée de lundi dans les rues. D’autres habitants racontent qu’ils comptent passer les prochaines nuits dans la rue, dans les abris ou dans les églises et mosquées. Immeubles effondrés et édifices publics et archéologiques fissurés font craindre de fatales répliques. Cependant, comme souvent, les dégâts les plus importants se situent dans les quartiers périphériques et populaires de la ville millénaire  (…) Alep est réputée notamment pour sa citadelle, endommagée en plusieurs endroits par l’impact du séisme. C’est un joyau architectural de l’époque médiévale ainsi que sa vieille ville, classée en 2018 au patrimoine mondial en péril de l’Unesco, après des années de guerre.»(11)
Samer R. Zoughaib va plus loin, il pointe du doigt la faute de l’Occident : «Le séisme qui a frappé la Syrie a apporté la preuve – s’il en fallait – que l’Occident est en réalité dépourvu d’humanité et qu’il est le premier à violer les valeurs qu’il prétend défendre et promouvoir. Il a montré, à tous ceux qui sont encore prêts à écouter et à voir honnêtement, que la politique des doubles standards est au cœur de son action et qu’il n’hésite pas à politiser tout événement, même s’il s’agit d’un drame humain. Aux yeux de l’Occident, les morts et les terribles destructions qui ont touché cinq provinces en Syrie n’ont pas la même valeur que les victimes et les dégâts en Turquie. Avec la Turquie, les pays occidentaux, États-Unis et Europe en tête, ont fait preuve d’un généreux élan de solidarité. Avec la Syrie, rien de tout cela ne s’est produit. La Syrie est un pays au bord de la famine à cause des sanctions américaines et européennes décrétées unilatéralement, sans mandat des Nations unies, et que tous les pays de la planète sont sommés d’appliquer à la lettre, sous peine d’être eux-mêmes soumis à des sanctions. La loi Ceasar est la plus injuste et la plus inhumaine, car elle interdit pratiquement toute transaction commerciale et financière avec des individus et des entités syriennes. À cause de ces sanctions, la plupart des compagnies aériennes n’osent plus desservir l’aéroport de Damas ou les autres aérodromes du pays, ce qui empêche l’acheminement de l’aide d’urgence en Syrie.»(12)
Pourtant, comme le souligne Samer R. Zoughaib, «l’ambassadeur de Syrie aux Nations unies, Bassam Sabbagh, a assuré que l’aide internationale irait «à tous les Syriens sur tout le territoire», sous-entendu que même les régions qui échappent encore au contrôle de Damas, comme Idleb et le nord d’Alep, profiteraient de cette aide. La réponse américaine n’a pas tardé. Le secrétaire d’État Antony Blinken a refusé toute aide «au régime de Damas», affirmant que son pays travaillait avec des «ONG locales financées par les États-Unis». Directement sollicitée par la Syrie, l’Union européenne, qui craint de mécontenter son allié (ou son maître ?) américain, a donné une réponse ambiguë. «Il est également important de s’assurer, je tiens à le souligner, que cette aide va aux personnes qui en ont besoin, et qu’elle n’est pas détournée. C’est quelque chose que nous allons surveiller.» Pourtant, le facteur temps est primordial. Lundi, l’OMS a déclaré que quelque 23 millions de personnes pourraient être touchées par les séismes en Turquie et en Syrie, dont environ 5 millions de personnes vulnérables», a déclaré une responsable de l’OMS, Adelheid Marschang. Les premiers à avoir réagi à la catastrophe qui a frappé la Syrie sont l’Iran, la Russie, la Chine et quelques pays arabes, en tête desquels figurent l’Irak et l’Algérie. Le contingent militaire russe déployé en Syrie a fourni 300 soldats et 60 véhicules pour les premiers secours. La Chine a envoyé des équipes de sauvetage et du matériel.»(12)

L’apport humanitaire de l’Algérie
N’écoutant que sa conscience, l’Algérie a traduit dans les faits sa solidarité humanitaire. Le départ du premier groupe de secouristes algériens, composé de 89 éléments de la Protection civile, de médecins et d’une brigade cynotechnique. Une seconde équipe composée de 86 secouristes algériens spécialisés dans les catastrophes naturelles a été envoyée vers la Syrie, ainsi que 40 secouristes bénévoles du Croissant-Rouge algérien. Cela, outre l’envoi de 115 et 95 tonnes d’aide humanitaire vers la Syrie et la Turquie respectivement. L’équipe de secouristes algériens s’est illustrée dès son arrivée en apportant son savoir-faire et son professionnalisme. Elle a sauvé dès mardi une femme restée coincée sous les décombres pendant 32 heures, dans la région d’Adiyaman, dans le sud-est de la Turquie. Les secouristes algériens ont sauvé en cinq jours 13 vies et retiré 102 dépouilles des décombres en Turquie et en Syrie. Le puissant séisme de magnitude 7,8 a fait plus de 21 000 morts et des milliers de blessés. En Syrie, les secouristes algériens ont sauvé une vie et retiré 33 personnes mortes des décombres. En Turquie, les secouristes algériens ont sauvé 12 personnes et retiré 69 corps des décombres.(13)
La Protection civile algérienne a immortalisé le moment où un secouriste algérien a retiré le petit garçon vivant des décombres. Une vidéo de 40 secondes est plus éloquente que 100 discours. Un Algérien, au péril de sa vie, a sauvé un enfant et fondu en larmes en criant : «ô mon enfant ! ô mon cœur !» La scène émouvante a fait le tour des réseaux sociaux. Selon le classement de la Plateforme de coordination et de gestion des opérations de terrain du Groupe consultatif international pour la recherche et le sauvetage, la Protection civile algérienne a obtenu jeudi 9 février la première place en termes de nombre de personnes retrouvées après déblaiement et de survivants.(14)

Conclusion
Ces mots d’affection ont rassuré l’enfant. Il n’y a dans ce geste ni politique ni «calcul», il y a l’humanité souffrante à sauver. Cet Occident qui dicte la norme du bien et du mal devrait s’en inspirer devant la détresse humaine en Syrie et ne pas appliquer le double standard. Nous donnons la parole à un Syrien expatrié qui résume correctement la détresse des Syriens : «Depuis hier, écrit-il, tous les Syriens ont observé les cartes du trafic aérien au-dessus de leur pays. Tous les Syriens ont vu les avions éviter leur ciel et boucher leurs oreilles aux cris des centaines de milliers de victimes innocentes sous les décombres ou dans les rues désertées sauf par le gel, le froid et la douleur. Au soir de ce mercredi 8 février, seuls 13 pays ont annoncé leur volonté d’aider les Syriens et certains sont arrivés sur place dès les premières heures. (…) le cas du ministre libanais, lequel, en dépit des sanctions et des catastrophes subies par son pays, n’a pas hésité à annoncer devant le monde entier que les ports et aéroports du Liban sont ouverts à tous ceux qui voudraient les emprunter pour secourir le frère syrien gravement blessé. (…) Aujourd’hui, après plus de dix ans d’une guerre dirigée par les États-Unis d’Amérique et financée par des pays arabes et occidentaux, le séisme du 6 février est venu transformer notre pays en un lieu sinistré et notre peuple en une masse humaine pétrie de douleurs et de désolations.»(14)
Les phrases de Voltaire dans son Traité sur la tolérance devraient résonner dans nos oreilles : «Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant.» Paix et miséricorde aux disparus. Amen.
C. E. C.

1.https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/poeme-desastre-lisbonne
2.Yohan Roblin 6 février 2023: JT tf120h Semaine
3..https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_syrienne
4.https://www.parismatch.com/actu/sciences/trois-jours-avant-la-tragedie-un-homme-avait-predit-le-seisme-en-turquie-et-en-syrie-221944
5.Rayhan Uddin https://reseauinternational.net/cinq-seismes-meurtriers-au-moyen-orient-a-travers-lhistoire/ 9 février 2023
6.https://www.researchgate.net/publication/223491782_Settlement_and_slaking_problems_in_the_world’s_fourth_largest_rock-fill_dam_the_Ataturk_Dam_in_Turkey
7.https://reseauinternational.net/seisme-en-turquie-et-syrie-plus-de-11-700-morts-les-secouristes-toujours-a-loeuvre/
8.https://www.frstrategie.org/publications/notes/est-syrie-2022
9.Al Manar https://reseauinternational.net/seisme-les-pays-qui-ont-brave-le-ceasar-act-pour-aider-la-syrie-sanctionnee-par-la-communaute-internationale/ 9 février 2023
10.https://www.msf.fr/actualites/tremblements-de-terre-en-syrie-il-n-y-a-aucune-mi)nute-a-perdre-pour-venir-en-aide-aux-habitants-de-cette-region
11.Henri Mamarbachi https :// orientxxi .info/magazine/ syrie-un-seisme-peut-en-cacher-un-autre,6207
12. Samer R. Zoughaib https :// reseauinternational .net/face-au-seisme-en-syrie-loccident-devoile-son-visage-inhumain/
13.https://www.tsa-algerie.dz/seisme-en-turquie-les-larmes-dun-secouriste-algerien-video/
14;https://twitter.com/i/status/1623932275531595776
15. Le monde face à la tragédie syrienne : « Esclave du commandant » (reseauinternational.net)


    Une semaine après le séisme en Turquie et en Syrie

                                   Des sauvetages miraculeux

Le bilan du violent séisme qui a frappé le 6 février la Turquie et la Syrie s’élève à 35 224 morts, selon les derniers bilans officiels. De magnitude 7,8, il a fait 31 643 morts dans le sud de la Turquie tandis que les autorités syriennes ont dénombré 3 581 morts. L’ONU a indiqué qu’il pourrait encore «doubler».

Les sauveteurs ont extirpé davantage de survivants des décombres, une semaine après le puissant séisme qui a fait plus de 35 000 morts en Turquie et en Syrie, selon un bilan appelé encore à s’aggraver d’après l’ONU. Ces sauvetages semblent inespérés, bien au-delà de la période cruciale des 72 heures après la catastrophe. Dans la nuit de dimanche à lundi, sept personnes ont été dégagées vivantes, selon la presse turque, dont un enfant de 3 ans à Kahramanmaras et une femme de 60 ans à Besni. Une femme de 40 ans a aussi été sauvée au bout de 170 heures à Gaziantep. Un membre d’une équipe de secouristes britanniques a publié une vidéo sur Twitter dimanche montrant un sauveteur emprunter un tunnel créé dans les ruines de cette même ville et en ressortir un Turc, bloqué pendant cinq jours. Et dans la ville méridionale de Kahramanmaras, proche de l’épicentre du séisme, des excavateurs creusaient et fouillaient les ruines, pendant que des sinistrés, blottis autour d’un feu, attendaient des nouvelles de leurs proches. Au total, 34 717 personnes travaillent aux recherches de survivants actuellement, a déclaré le vice-président turc Fuat Oktay à la presse locale. Quelque 1,2 million de personnes ont été logées dans des résidences étudiantes et 400 000 évacuées de la région, a-t-il ajouté. Le puissant séisme a aussi réduit en poussière d’importants lieux de culte. À Antakya, Havva Pamukcu, fidèle musulmane de la mosquée Habib-I Nejjar, la première mosquée en Turquie érigée en l’an 638, n’en revient pas. «Cet endroit signifie beaucoup pour nous», souffle-t-elle. «Il était très précieux pour nous tous, Turcs et musulmans. Les gens avaient l’habitude de venir ici avant d’aller en pèlerinage à La Mecque». L’église orthodoxe de la ville a connu le même destin, constate Sertac Paul Bozkurt, membre duconseil.
«Malheureusement, notre église a été détruite après le séisme. Tous ses murs se sont écroulés et elle n’est pas en état d’abriter des prières», déplore-t-il. «Nous avons subi de grosses pertes. Nous avons perdu environ 30-35 personnes de notre communauté religieuse», dit-il. La situation est particulièrement complexe en Syrie, où Bab-al Hawa, dans le nord-ouest, reste encore le seul point de passage opérationnel depuis la Turquie vers les zones rebelles, ravagées elles aussi par le séisme. Des camions, avec à leur bord de quoi confectionner des abris d’urgence à l’aide de bâches en plastique, ainsi que des couvertures, des matelas, des cordes ou encore des vis et des clous, ont franchi la frontière. Une aide insuffisante, a admis l’ONU. «Jusqu’à présent, nous avons fait défaut aux gens du nord-ouest de la Syrie», a reconnu le chef de l’agence humanitaire de l’ONU Martin Griffiths. «Ils se sentent à juste titre abandonnés» et il faut «corriger cet échec au plus vite». Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus a rencontré le président syrien Bachar al-Assad dimanche à Damas, assurant que ce dernier s’était montré prêt à envisager l’ouverture de nouveaux points de passages pour acheminer l’aide aux zones rebelles. Il a indiqué «être ouvert à l’idée d’envisager des points d’accès transfrontaliers pour cette urgence», a affirmé M. Tedros à des journalistes. «Les crises cumulées du conflit, du Covid, du choléra, du déclin économique et maintenant du tremblement de terre ont fait des ravages insupportables», a relevé lors d’une téléconférence de presse M. Tedros, qui s’était rendu la veille à Alep. Comme il l’avait fait deux jours plus tôt à l’adresse de l’Algérie, dans une déclaration chaleureuse à l’ENTV, Bachar al-Assad a également remercié dimanche les Emirats arabes unis pour leur «énorme aide humanitaire», alors qu’il recevait à Damas le chef de la diplomatie émiratie Abdallah ben Zayed Al-Nahyane. Selon un responsable du ministère syrien des Transports Suleiman Khalil, 62 avions chargés d’aide ont jusqu’à présent atterri dans le pays et d’autres sont attendus dans les heures et jours à venir, en provenance notamment d’Algérie, de Tunisie et d’Arabie saoudite. Le puissant mouvement libanais Hezbollah, allié du gouvernement syrien, a de son côté envoyé dimanche un convoi dans l’ouest de la Syrie, avec des «vivres» et des «fournitures médicales». D’après les derniers bilans officiels, le tremblement de terre du 6 février, de magnitude 7,8, a fait au moins 35 000 morts: 31 643 en Turquie et 3.581 en Syrie. «Il est difficile de donner un bilan précis car nous devons passer sous les décombres mais je suis sûr qu’il doublera, ou plus», a déclaré Martin Griffiths, en visite samedi dans la ville turque de Kahramanmaras. Sur le front diplomatico-humanitaire, la Turquie et la Grèce ont mis en sourdine leur longue rivalité historique, avivée par des contentieux territoriaux, économiques et migratoires, au profit de la solidarité. Athènes avait été l’un des tout premiers pays à annoncer de l’aide à son voisin, et cette visite est la première d’un ministre européen en Turquie depuis la catastrophe.


Séisme en Turquie et en Syrie

L’OMS salue les efforts de la Protection civile algérienne

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué, dimanche, les efforts des équipes de la Protection civile algérienne dans les opérations de recherche et de sauvetage suite au séisme dévastateur qui a frappé la Turquie et la Syrie, selon les services de la Protection civile. Accompagné du ministre syrien de la Santé, Hassan Al-Ghabach, le DG de l’OMS s’est rendu à «Bustan Al-Qasr» (Gouvernorat d’Alep) pour s’enquérir des derniers développements. Il a rencontré sur place, les éléments de la Protection civile algérienne et écouté les explications du commandant du groupe de recherche et de sauvetage dans les zones urbaines, le capitaine Tigrine Hichem, sur les interventions de son équipe en Syrie. Adhanom Ghebreyesus a salué les efforts de la Protection civile algérienne qui ont pu retirer 35 victimes des décombres dans le gouvernorat d’Alep, au niveau des quartiers «Bustan Al-Qasr» et «al-Salihin», dont une personne vivante.


 

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