Société / Boire ou ne pas boire, une question d’éducation ? (+podcast)

       Alors que le phénomène du Dry January venu d’outre-Manche prend de l’ampleur chaque année, que l’isolement et le stress engendrés par la pandémie peuvent aggraver les addictions, Etre et savoir se penche sur le rapport des jeunes à l’alcool : comment prévenir et éduquer ?

Quel âge pour boire de l'alcool et quels risques ?
                        Quel âge pour boire de l’alcool et quels risques ? Crédits : Lorenzo Antonucci / EyeEm – Getty

Avez-vous entendu parler du Dry January, ce mois de janvier sans alcool, inventé en Grande Bretagne, et promu par les associations et professionnels de la santé qui se préoccupent de prévention ?

Bien que non relayé par les organismes de santé publique et parfois moqué, le défi de janvier est de plus en plus suivi et il permet d’évoquer des faits établis : la consommation augmente chez les 18-30 ans alors qu’elle baisse pour tous les autres groupes d’âge, et la première chose qui influence la consommation d’alcool des étudiants c’est leur éducation.

Dans une époque qui valorise l’engagement, la passion, la fête, dans une période difficile marquée par une épidémie qui nous déprime, la modération peut s’avérer un vrai défi et bien parler d’un produit, l’alcool, présent à la table familiale ou à l’apéro-Zoom, un casse-tête éducatif.

Nous allons donc explorer plusieurs questions avec nos invités : les aspects culturels de la consommation d’alcool en France et ses effets sur la consommation, la manière dont l’alcool est associé à la fête, à la liberté et même à l’émancipation, et enfin la prévention, dans le cadre du parcours santé à l’école mais aussi à travers l’extraordinaire exemple Islandais, un pays qui a réussi à faire baisser la consommation d’alcool de sa jeunesse.

Nous en parlons ce soir avec Jean-Pierre Couteron (par téléphone), psychologue clinicien au CSAPA  « le Trait d’Union » de l’Association Oppelia (92) et porte-parole de la Fédération Addiction, Marie Choquet (par téléphone), docteure en psychologie et épidémiologiste, directrice de recherche honoraire à l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Christophe Moreau (par téléphone), sociologue spécialiste de l’éducation et de la jeunesse, fondateur de JEUDEVI, Nathalie Martigny (entretien pré-enregistré), infirmière scolaire dans un lycée de l’académie de Versailles et Juliette Sausse (entretien pré-enregistré), journaliste au magazine Phosphore.

Le rôle des parents

Chacun rappelle que le rôle des parents et de l’éducation sont essentiels en matière de prévention.

Les parents, c’est un peu le nerf de la guerre. Marie Choquet

Les parents ont un triple rôle : ne pas participer à la banalisation du produit, gérer les prises de risque et les premières expériences d’ivresse, et enfin la formation de la personne. Jean-Pierre Couteron

Il faut apprendre à notre enfant à ne pas perdre le contrôle de lui-même. Jean-Philippe Couteron

Un dialogue avec l’alcool

L’alcool dialogue avec la sociéte mais aussi avec la personnalité de l’adolescent, rappelle Jean-Pierre Couteron.

C’est la première ivresse, plus que la première consommation, qui va conditionner une consommation excessive. Marie Choquet

Ce n’est pas l’alcool qui vient à nous, même s’il y a un fort marketing, à un moment c’est une personne qui choisit de le prendre, et cet adolescent il faut lui permettre d’avoir des alternatives. Jean-Pierre Couteron

Ceux qui ont été ivres dans le mois, cela concerne 44% des 17 ans. Marie Choquet

Le déterminant génétique est un des premiers facteurs pour développer une fragilité, mais l’environnement de vie est aussi déterminant. Christophe Moreau

Enjeux et prévention

On a pris une vingtaine d’années de retard en matière de prévention de l’alcool, et on le paye très cher aujourd’hui analyse Jean-Pierre Couteron

Il faut interpeller l’autre dans ce qu’il est et dans ce qu’il vit, en matière de prévention. Isabelle Martigny

On a beaucoup évolué en matière de prévention, travailler sur les compétences psycho-sociales c’est travailler sur le bien-être, et c’est ce qui fonctionne le mieux. Marie Choquet.

Il faut apprendre aux jeunes à résister au groupe, mieux gérer un stress, s’affirmer plus. Jean-Pierre Couteron

Il faut dissocier la question des risques pris en soirée et les risques d’addiction à long terme. Christophe Moreau

Un juste équilibre

Selon Christophe Moreau il ne s’agit pas d’interdir les fêtes qui font partie de la normalité, on doit s’interroger sur comment on renforce les personnes, notamment les plus fragiles.

Il y a un paradoxe en France : on a d’un coté des ayatollahs de la santé et de la consommation, et de l’autre le développement du marketing urbain et une économie de l’alcool qui génere au bas mot dans les 20 milliards d’euros par an. Christophe Moreau

Il ne faut pas mélanger le combat contre l’alcoolisme avec une société où on ne pourrait pas faire la fête, il n’est pas question de rejeter l’idée de s’amuser, de se retrouver. Christophe Moreau

Les réseaux sociaux

Juliette Sausse souligne les méfaits de la publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux, qui manque d’encadrement.

La publicité sur les réseaux a des conséquences réelles sur la consommation. Juliette Sausse

Les jeunes ont plus de mal à identifier les publicités cachées sur les réseaux sociaux. Juliette Sausse

Lien vers la page Alcoolator de l’Association Avenir Santé.

Retrouvez l’article de Nicolas Santolaria dans Le Monde du 10/01/20 : Parentologie : la pandémie a-t-elle fait de nous des éthylo-parents ?

Lien vers l’article de Zineb Dryef dans le Monde du 31/01/20, Toute honte bue : deux livres de femmes aux sources de l’alcoolisme au féminin.

Illustrations sonores :

  • All for us, Zndaya et Labrinth, 2019 (B.O. de la série Euphoria, disponible sur OCS).
  • Archive INA : interdiction de l’alcool à la cantine (1956).
  • Interviews de jeunes Islandais dans un reportage de la BBC (2017).

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