Le Soudan proclame la laïcité : Est-ce le déclin de l’islam politique ?

Le gouvernement transitoire Soudanais qui a succédé au général Omar el-Bechir qui avait pris le pouvoir en 1989 par un coup d’Etat militaire. Le conseil de souveraineté avec à sa tête le général al-Burhan, est l’instance transitoire qui dirige actuellement le Soudan est issue de la révolte populaire et de la prise de position de l’armée soudanaise au côté de la rue. Le gouvernement civil de transition qui partage le pouvoir avec l’armée a proclamé officiellement le 3 septembre la laïcité de l’Etat, marquant une rupture avec l’ancien régime allié aux islamistes et appliquant la charia.

Vers la réunification ?

La décision de « désislamiser » l’Etat Soudanais a été interprété par certains analystes comme un pas ayant pour objectif à terme de réunifier le Soudan du nord avec le sud qui, rappelons-le, a fait sécession en réaction à la politique de discrimination ethnique et religieuse de Khartoum à l’égard des minorités.

Cependant, il est important de rappeler que le gouvernement qui a pris cette décision n’a pas été élu démocratiquement et la constitution n’a pas encore été présenté au peuple par voie référendaire ce qui devrait être le cas pour une date encore indéfinie. Il est donc également probable que le gouvernement actuel soit renversé du jour au lendemain ou que le peuple s’exprime contre le projet de la nouvelle constitution.

De l’islamisme révolutionnaire à l’islamisme parlementaire 

Nous pouvons définir l’islamisme de la manière suivante : Courant politico-religieux considérant l’islam comme une doctrine politique et juridique en plus d’une pratique religieuse. L’islamisme dans l’époque moderne est né en 1928 avec la fondation de la confrérie des frères musulmans en Egypte qui donnera naissance à d’autres courants islamistes par la suite.

Le déclin du bloc de l’est qui soutenait les régimes progressistes nationalistes arabes (Irak, Syrie, Yémen, etc.) d’une part, et le soutien américain aux frères musulmans d’autre part, avait largement contribué à montée en puissances des islamistes dans plusieurs pays. La révolution islamique de 1979 avait porté pour la première fois les islamistes au pouvoir et a bouleversé l’équilibre des forces dans la région. Ajoutons à cela la guerre d’Afghanistan dans les années 80, la montée du Hamas en Palestine, les élections législatives soudanaises de 1986 et les élections remportées par le front islamique du salut (FIS) en Algérie.

En Egypte, les frères musulmans militaient dans la clandestinité de l’époque du protectorat britannique jusqu’à celle du président Hosni Mubarak en 1984 qui leur accordait le statut d’association religieuse. La scission entre islamistes djihadistes et islamistes légalistes commença lorsque les frères musulmans avaient, à titre officiel, renoncé à la violence armée en Egypte. Les mouvements djihadistes du type al-Qaïda et les Talibans récusent le principe de démocratie et de cohabitation avec les autres forces politiques et considèrent que la lutte armée et le seul moyen pour rétablir le califat islamique.

A l’instar du mouvement socialiste ouvrier du XIXème et XXème siècle qui s’est divisé entre démocrates réformistes et révolutionnaires, l’islamisme a subi la même mutation dans plusieurs pays à majorité musulmans :

L’élection d’Hassan al-Tourabi au parlement Soudanais, ou encore le « mouvement de la société pour la paix » en Algérie qui avait même participé aux différents gouvernements et qui était au côté de l’armée algérienne contre les terroristes djhadistes. Ennahdha en Tunisie et le parti de la justice et du développement au Maroc jouent le jeu parlementaire où ils ont été réélus à la majorité relative des voix mais doivent toutefois cohabiter au sein du gouvernement avec les partis de tendance nationalistes et laïcs. Le modèle Turc est le plus cité comme exemple de réussite, le parti de la justice et du développement (AKP) d’Erdogan a été élu comme premier ministre en 2003. Le parti se revendique comme islamiste mais dit toutefois respecter la nature laïque de l’Etat.

Echec du « printemps arabe » :

Les révoltes dans les pays arabes ayant débuté en fin 2010 et début 2011 ont représenté à un moment donné la vague islamiste avec les élections tunisiennes, marocaines, et égyptiennes. Ceci dit, le « printemps arabe » ne s’est avéré qu’être une montagne accouchant d’une souris car cela a débouché dans tous les pays concernés sur le retour ou le maintien des éléments des anciens régimes : Assad en Syrie, Essebssi en Tunisie, Al-Sissi en Egypte et probablement le retour des Kadhafi en Libye.

Les islamistes ont en réalité perdu une bonne partie de leur popularité justement lorsqu’ils se sont normalisés et intégrés à la vie politique des différents pays. Des franges issues des couches populaires ont commencé à les voir « comme les autres », voire comme des « charlatans », car ils étaient incapables de répondre à leurs attentes quand ils étaient aux affaires.

Conclusion :

L’islam politique en tant que force est incontournable dans les pays à majorité musulmane car ils représentent une donnée sociologique indéniable. Cependant, l’époque de la révolution islamique semble révolue.

En dernière instance, la vraie problématique à laquelle sont confrontées les populations musulmane est celle du développement humain (accès à une éducation et santé de qualité) et celle du niveau de vie, donc des problèmes socio-économiques. Le conflit islamiste-laïc n’est en finalement qu’un combat d’arrière-garde…


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