Mémoire / Commission annoncée par Tebboune : pourquoi Macron a choisi Stora

guerre Stora
                Benjamin Stora.      D. R.
        Par Mohamed K. –
L’historien Benjamin Stora, qui coprésidera la commission chargée d’effectuer un «travail mémoriel», comme annoncé par le président Tebboune lors de l’entretien qu’il a accordé au journal français L’Opinion, avait appelé le président français, Emmanuel Macron, à «aller vers plus de vérité» dans la reconnaissance des crimes commis par la France coloniale en Algérie. «Arrivons-nous, enfin, à sortir de l’amnésie à propos de cette guerre longtemps jamais nommée ?» s’était-il interrogé dans une tribune parue dans Mediapart.

Stora s’était référé à son ouvrage paru en 1991, La Gangrène et l’Oubli, pour rappeler qu’il avait «tenté de montrer comment ce conflit ne se finissait pas, dans les têtes et dans les cœurs, parce que de part et d’autre de la Méditerranée, elle (la guerre, ndlr) n’avait pas été suffisamment nommée, montrée, assumée dans et par une mémoire collective». Pour lui, «la reconnaissance des crimes et pratiques commis pendant la guerre d’Algérie» est «une condition essentielle pour aller vers une mémoire plus apaisée».

Aussi, avait estimé l’historien natif de Constantine, la «prise de position» de Macron «renvoie aussi à la question des disparus de la Guerre d’Algérie». Pour Benjamin Stora, en effet, le corps de Maurice Audin «n’a jamais été retrouvé, comme ceux de milliers d’Algériens pendant la Bataille d’Alger, ou d’Européens à Oran dans l’été 1962». «Comment faire son deuil de cette guerre si l’on n’évoque pas le sort des personnes qui n’ont jamais été enterrées ? Et qui continuent d’errer, comme des fantômes, dans les consciences collectives, françaises et algériennes ?» s’était-il demandé, estimant que «sortir de l’effacement, de la disparition permet de s’approcher de la réalité, de la réconciliation possible».

Cette déclaration du président français «n’est pas un verdict définitif à propos de la Guerre d’Algérie», avait encore souligné Benjamin Stora. «Elle dit des faits, déjà établis depuis longtemps par les historiens, maintient ouverte la porte des controverses citoyennes pour sortir de la rumination du passé et des blessures mémorielles, encourage les acteurs et témoins à parler de leurs souffrances, en particulier les anciens appelés d’Algérie», observait l’auteur de La Guerre d’Algérie expliquée à tous, pour qui cette reconnaissance «recrée les outils d’un travail de mémoire jamais clos, en soulignant aussi la nécessaire ouverture, des deux côtés de la Méditerranée, des archives de la Guerre d’Algérie».

Un vœu qui semble cheminer vers la concrétisation.

M. K.


 >>  Contentieux historique avec la France : Tebboune fait de nouvelles annonces

Par Nabil D. – Le président de la République a annoncé, dans un entretien accordé au journal français L’Opinion, la mise en place d’une commission algéro-française pour «accomplir [un] travail mémoriel». On apprend, ainsi, que l’historien Benjamin Stora a été désigné par le président français Emmanuel Macron pour présider les recherches côté français et que son homologue algérien sera nommé «dans les 72 heures». «Ces deux personnalités travailleront directement sous notre tutelle respective. Nous souhaitons qu’elles accomplissent leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente», a affirmé Abdelmadjid Tebboune.

«Il faut affronter ces évènements douloureux pour repartir sur des relations profitables aux deux pays, notamment au niveau économique. La mémoire ne peut être estompée et nous ne pouvons pas en faire ce que nous voulons», a souligné Abdelmadjid Tebboune qui a estimé que «la remise récente des restes mortuaires des combattants qui se sont opposés, il y a un siècle et demi, à l’installation de l’armée coloniale constitue un grand pas», mais que «d’autres crimes méritent d’être racontés, comme la prise de l’oasis de Zaatcha où les troupes françaises du général Emile Herbillon ont massacré les combattants du cheikh Bouziane». «Le maréchal de Saint-Arnaud a aussi perpétré de nombreux massacres, qui ont fait plus de victimes qu’à Oradour-sur-Glane. Beaucoup d’historiens français traitent ces évènements historiques en toute honnêteté. Une fois ces problèmes de mémoire dépassés, nous pourrons avancer avec beaucoup de sérénité», a-t-il insisté.

«L’histoire algérienne ne peut être jugée par mimétisme par rapport à ce qui s’est fait ailleurs, notamment quand la Libye a demandé des excuses à l’Italie qui a ensuite payé une dette coloniale. Les Algériens tiennent beaucoup plus à la reconnaissance de l’Etat français de ses actes qu’à une compensation matérielle. La seule compensation envisageable est celle des essais nucléaires. Les séquelles sont encore vives pour certaines populations, notamment atteintes de malformations. Et certains sites n’ont toujours pas encore été traités», a ajouté Abdelmadjid Tebboune.

Le chemin de la réhabilitation de l’histoire est «plus que tortueux», a relevé le président Tebboune, en expliquant qu’Emmanuel Macron «doit lutter contre le parasitage de lobbies minoritaires, mais très dangereux, qui essaient de saper son travail, notamment des personnes revanchardes connues pour leur anti-algérianité».

N. D.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *