Suisse / Réorienter la politique actuelle

28.04.2020

    La pandémie du Coronavirus nous oblige à revoir notre manière de penser

  par Winfried Pogorzelski

Depuis décembre dernier, le virus corona a, pour ainsi dire, pris au dépourvu non seulement la Chine, mais le monde entier. Qui aurait pu s’attendre à ce que la pandémie nous affecte au point que notre vie sociale soit paralysée pendant des semaines, voire des mois? Néanmoins, il y a eu des signes indéniables et des signes avant-coureurs. Entre-temps, de l’avis de tous sans considérations de frontières, la pandémie marque une césure d’une force sans précédent. Notre vie ne sera plus comme avant.


Signe annonciateur de «SRAS»

En 2002 et 2003, la première pandémie du XXIesiècle, provenant de la Chine, s’est propagée dans le monde entier, provoquant le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS; angl. severe acute respiratory syndrome, Sars) qui a été déclaré vaincu par l’OMS en mai 2004. On a recensé 8000 cas dans le monde, dont près de 800 décès et de 7200 personnes guéries.1

Des scénarios en Suisse …

Cet événement a pu, entre autres, inciter les responsables à imaginer des scénarios afin de se préparer mieux à l’avenir, par exemple en Suisse et aussi en Allemagne. Les 26 cantons ont tous été impliqués lorsqu’il a été annoncé en 2014 qu’un nouveau type de virus grippal originaire d’Asie centrale et présentant un fort taux de létalité se propagerait très rapidement à travers le monde. Cet exercice a montré que les plans de prévention n’étaient pas à jour. Un nouveau plan national de pandémie a été élaboré, mais lorsqu’en mai 2018, le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), Guy Parmelin, a insisté sur la question dans quelle mesure les cantons étaient désormais organisés à cet égard, il s’est avéré qu’ils n’avaient pas fait leurs devoirs.
Lorsqu’en janvier 2019, Viola Amherd a repris le DDPS, d’autres tâches figuraient en tête de la liste des priorités: la défense contre le terrorisme international et l’acquisition de nouveaux jets de combat. Puis la pandémie de corona s’est propagée à une vitesse imprévisible pour personne. L’hypothèse était que dans l’économie mondialisée, les matières premières nécessaires telles que l’éthanol et les produits de technologie médicale tels que les masques pouvaient être importés dans un délai utile. Mais les cantons responsables ont alors été confrontés au problème de livraison. En d’autres termes, les plans existaient, mais il y avait un manque de mise en œuvre parce qu’au moment de l’exercice et par la suite, l’accent avait été d’abord mis sur la planification hospitalière, face à la surcapacité et à l’augmentation des coûts des soins de santé, et ensuite sur l’augmentation constante des primes d’assuranca-maladie.2

… et en Allemagne

Il en va de même en Allemagne. Une analyse de 2013 commandée par le gouvernement allemand supposait des conditions beaucoup plus drastiques, voire irréalistes, que celles que nous connaissons actuellement dans le cadre de la pandémie de corona: selon le modèle, tous les groupes d’âge sont touchés dans la même mesure, et le taux de mortalité est beaucoup plus élevé. Il est donc expressément souligné que la réalité de ce scénario est limitée. En ce qui concerne les conséquences économiques et sociales, le développement est similaire à celui que nous connaissons actuellement: baisse spectaculaire des cours de la bourse, des secteurs économiques entiers sont confrontés à un véritable effondrement, les Etats investissent des milliards, l’UE est confrontée à un test crucial parce que les pays économiquement déprimés telles l’Italie et l’Espagne, se sentent abandonnés par le Nord plus riche. Les pays concernés sont confrontés à d’énormes difficultés de livraison dans le domaine des produits médicaux.3

Il y aura toujours des épidémies: alors que faire?

L’OMS enregistre environ 200 épidémies dans le monde chaque année. Il existe un danger constant que l’une d’entre elles se transforme en pandémie avec des conséquences imprévisibles pour l’économie, la santé et la société dans le monde entier. C’est la réalité à laquelle l’humanité doit faire face aujourd’hui et à l’avenir.
Assumer la responsabilité sur tous les plans pour ses citoyens de la part de chaque Etat, voilà donc la devise. Que faut-il faire concrètement? Les systèmes de santé doivent être développés de telle sorte qu’ils soient mieux équipés pour faire face aux scénarios les menaçant. Des propositions concrètes pour la Suisse, pouvant également être appliquées dans d’autres Etats, ont été présentées entre autres par Ruth Humbel,politicienne argovienne de la santé et membre du Conseil national du PDC: une révision approfondie des plans de pandémie actuels et une garantie fiable de leur mise en œuvre en cas de crise. Selon Mme Humbel, la production de médicaments importants devrait à nouveau se faire entièrement en Suisse, avant tout ceux qui sont indispensables. Il ne faut plus permettre leur vente à l’étranger. Par exemple, l’institut fabriquant de sérum et de vaccins Berna Biotecha été vendu à une société néerlandaise en 2006.5
En outre, les plans visant à réduire la capacité des hôpitaux doivent être reconsidérés. Une décision de l’hôpital cantonal de Frauenfeld en est l’exemple: la démolition de la tour avec 200 lits a été reportée. La population résiste souvent avec véhémence à la fermeture des hôpitaux régionaux, comme ce fut le cas à Affoltern am Albis en mai 2019, lorsque près des trois quarts des citoyens ont voté en faveur du maintien de l’hôpital. Enfin, l’armée suisse qui fournit des services indispensables doit être entretenue et soignée. Le Corps des gardes-frontière contribue à la sécurité de la frontière nationale, ainsi que les ambulanciers, soit 8000 de personnes, qui apportent leur soutien dans les hôpitaux – une contribution indispensable dans la situation actuelle.

Une mondialisation débridée n’est pas un remède

Et enfin, abandonner l’illusion que la mondialisation soit une vraie bénédiction pour l’humanité selon l’idée que tout ce qui est economiquement utile aux «global-players» l’est également aux populations du monde entier. Bien entendu, les entreprises ne sont pas les seules à en bénéficier en termes de coûts si elles peuvent produire leurs biens dans des lieux du monde entier et les distribuer dans le monde entier. Les consommateurs (finaux) en profitent également lorsque les prix sont bas et que les biens de consommation sont disponibles presque partout. Mais nous apprécions également le fait que nous pouvons acheter des produits qui ont été fabriqués dans des conditions que nous connaissons et que nous pouvons approuver. Par notre comportement d’achat, nous aimons promouvoir la prospérité de notre région.
Chaque Etat est responsable du bien-être et du malheur de ses citoyens, des meilleurs soins de santé ainsi que de la promotion des sciences médicales et pharmaceutiques. Il serait irresponsable, aujourd’hui et à l’avenir, de s’orienter uniquement vers la rentabilité et le profit.

La détente, mais pas la fin d’alerte

Entre-temps, la situation s’est légèrement détendue: Le nombre d’hospitalisations à cause de maladies dues au corona est en baisse en Suisse et en Allemagne. Dans notre pays comme en Allemagne, il y a suffisamment de lits d’hôpitaux disponibles grâce à des mesures de précaution dans une situation extraordinaire; les lits de soins intensifs (pour les patients contaminés de Covid-19) à Zurich, à Bâle ainsi que dans les hôpitaux cantonaux de Saint-Gall, de Lucerne et d’Argovie ne sont pas entièrement occupés.6Heureusement, il n’y a pas de pénurie nulle part, et c’est très bien ainsi. Toutefois, Rolf Gilgen, président de la Fédération suisse des directeurs d’hôpitaux, souligne qu’il est trop tôt pour annoncer la fin d’alerte. En cas d’une nouvelle vague d’infection, les hôpitaux devraient être en mesure d’augmenter leurs capacités afin d’admettre des patients Corona en deux ou trois jours.On ne peut qu’admettre cette vue.•

https://www.who.int/csr/sars/country/table2004_04_21/en/
2 «Pandemie-Übung 2014: Die Schweiz war gewarnt»; «Aargauer Zeitung» du 28 mars 2020
3 «Das könnte eine Pandemie für Deutschland bedeuten»; «Welt online» du 26 février 2020, https://www.welt.de/wirtschaft/article206119443/Coronavirus-Das-bedeutet-eine-Pandemie-fuer-Deutschland.html
4 «Aargauer Gesundheitspolitikerin Ruth Humbel: ‹Musste Vater überzeugen, dass ich einkaufe›»; «Aargauer Zeitung» du 30 mars 2020
5 ibid.
6 «Neue «Zürcher Zeitung» du 16 avril 2020
7 «Aargauer Zeitung» du 16 avril 2020

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