Traitement des réfugiés : La politique occidentale du «Double Standard»

 

“In the context of Western media, Ukrainians that resist Russia are ‘heroes’, but Palestinians that resist Israel are ‘terrorists’ (Mao Junxiang, Russia-Ukraine conflict exposes double standards on humanitarianism, Global Times, April 7, 2022).

“While Ukrainians are praised for their armed resistance, Palestinian and South African struggles for freedom are simultaneously condemned and given the label of ‘violent terrorism’
(JeenaBarhoosh, Double Standards : What the Ukrainian Refugee Crisis Reveals About Western Racism, Candlelight, Amnesty International University of Toronto)”.

“These people [the Ukrainians] are not refugees we are used to; these are Europeans. These people are intelligent. They are educated people…This is not the refugee wave we have been used to, people we were not sure about their identity, people with unclear pasts, who could have been even ‘terrorists’”
(Kiril Petrov, Premier MinistreBulgare, cité in “Europe’s different approach to Ukrainian and Syrian refugees draws accusations of racism, CBC News, February 28, 2022).

Par Arezki Ighemat, Ph.D en économie Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)


Le présent article n’a pas pour but de critiquer l’élan de solidarité internationale qui s’est manifesté à l’égard des réfugiés ukrainiens qui fuient les horreurs de la guerre dans leur pays. Cette solidarité est, au contraire, la bienvenue et est attendue chaque fois que des populations fuient leurs pays pour des raisons de guerre, de conflits intérieurs ou de pauvreté. Les réfugiés ukrainiens, comme tous les autres réfugiés du monde, méritent que la communauté internationale se penche sur leur sort et qu’elle leur accorde toute la compassion et l’aide humanitaire nécessaires. Comme le souligne Amanda Newlove, qui fait fonction d’interne dans «The Unitarian Universalist Association, organisme lié à l’ONU : «Ukrainians deserve the warm welcome they are receiving from host countries. They deserve to be treated with dignity, respect, and kindness. All people fleeing their homes due to war or unsafe circumstances deserve the level of response and care that Ukrainians have received” (Les Ukrainiens méritent le chaleureux accueil qu’ils ont reçu des pays hôtes. Ils méritent d’être traités avec dignité, respect et gentillesse.
Tous les peuples qui fuient leurs foyers en raison de la guerre ou de circonstances difficiles méritent le niveau de réponse et d’attention que les Ukrainiens ont reçu) (Amanda Newlove, The Racist Double-Stantard of Chaos, Unitarian Universalist Association, ONU, April 27, 2022). A condition, cependant, que cette solidarité et cette attention soient accordées à tous les réfugiés du monde qui fuient leurs pays, quel que soit le pays ou le continent dont ils sont originaires, leur religion, leur culture et leur langue. Malheureusement, par comparaison à l’accueil que les pays européens et autres pays occidentaux ont accordé aux réfugiés ukrainiens depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien, celui réservé aux réfugiés des pays non-européens —africains, asiatiques et latino-américains— qui fuient leurs pays en raison de conflits inter ou intra-nationaux, de la persécution ou de la pauvreté, est tout à fait discriminatoire et inhumain.
Pour comprendre la politique du «Double Standard» (deux poids/deux mesures) appliquée par les pays occidentaux aux réfugiés, nous verrons d’abord la définition de la notion de «réfugiés» et les différentes autres catégories de déplacés utilisées au niveau international. Nous verrons, en second lieu, quelle est l’ampleur du problème des réfugiés dans le monde. Dans un troisième volet, nous passerons en revue les mesures «exceptionnelles» et «extraordinaires» appliquées par les pays occidentaux aux réfugiés ukrainiens et quelques illustrations de la politique de «Double Standard» appliquée par ces pays.

La notion de «réfugiés» et les différentes autres catégories de déplacés
Comme beaucoup d’autres concepts, la notion de «réfugiés» n’est pas homogène. Plusieurs autres concepts sont souvent utilisés, invariablement, pour désigner les personnes déplacées dans le monde. La première distinction que l’on fait généralement est entre «réfugiés» et «migrants». Un migrant est communément défini comme suit : «A migrant is someone who changes his or her country of usual residence, irrespective of the reason for migration» (Un migrant est quelqu’un qui change sa résidence habituelle et ce, quelle que soit la raison de sa migration) (voir UNRefugees and Migrants).
S’agissant du concept de «réfugiés», la Convention de Genève du 28 juillet 1951, connue aussi sous le nom de «Convention Relating to the Status of Refugees —qui n’accordait le statut de «réfugiés» qu’aux déplacés de la zone européenne résultant des effets de la Seconde Guerre Mondiale— définit un «réfugié» de la manière suivante : «The term refugee shall apply to any person who owing to well-founded fear of being persecuted for reasons of race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion, isoutside the country of his nationality and isunable, or owing to suchfear, is unwilling to avail himself of the protection of that country ; or who, not having a nationality and being out side the country of his former habitual residence as a result of suchevents, isunable or, owing to suchfear, isunwilling to return to it” (Le terme “réfugiés” devra s’appliquer à toute personne qui, en raison d’une peur justifiée d’être persécuté pour des motifs de race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social ou pour son opinion politique, se trouve en dehors du pays de sa nationalité, et est dans l’incapacité, ou suite à cette peur, ne désire pas la protection de ce pays ; ou qui, n’ayant pas de nationalité et étant en dehors du pays de sa résidence habituelle précédente en raison de ces évènements, n’est pas en mesure ou, suite à une telle peur, ne désire pas retourner dans son pays d’origine» (voir UNHCR, 2021).
Pour transcender la restriction de la notion de réfugiés aux seuls déplacés européens, le Protocole de 1967 —qui est une sorte d’annexe à la Convention de 1951— a généralisé ce statut à tous les réfugiés du monde en précisant que «it is desirable that equal status should been joyed by all refugees covered by the definition in the Convention, irrespective of the dateline of January 1, 1951» (Il est désirable que tous les réfugiés jouissent du même statut couvert par la définition contenue dans la Convention, sans considération de la date du 1er janvier 1951) (voir Préambule du Protocole de 1967). En dehors des notions de réfugiés et de migrants, d’autres concepts sont souvent utilisés pour désigner la même chose, avec une nuance. C’est le cas, par exemple, de la notion de «déplacés intérieurs» (Internal Displaced Person, IDP). Une IDP est définie comme «someone who has been forced to flee his/her home but never cross an international border” (une IDP est une personne qui fuit son foyer mais qui ne traverse jamais une frontière internationale). Cette catégorie est la plus nombreuse au sein du groupe des personnes déplacées dans le monde. Leur nombre est estimé à quelque 50,9 millions (en 2021). En dépit de leur importance, les IDP ne sont pas protégées par la loi internationale et ne sont pas éligibles pour recevoir les diverses aides dont bénéficient les réfugiés parce qu’elles sont considérées comme tombant sous la protection de leurs gouvernements. Une autre catégorie de déplacés est ce qu’on appelle les personnes «apatrides» (stateless people). Une personne apatride est une personne qui n’est citoyenne d’aucun pays. Environ 4,2 millions de personnes sont apatrides. Enfin, il y a la catégorie des «demandeurs d’asile» (asylum seekers). Un demandeur d’asile est une personne qui, pour avoir le statut de réfugié, doit au préalable officiellement et personnellement demander la protection d’un pays. Pour cela, le demandeur d’asile doit démontrer que sa peur de la persécution dans son pays d’origine est réelle.

Quelle est l’ampleur du problème des réfugiés dans le monde ?
On estime à 1 % le nombre de déracinés dans le monde. Selon UNHCR (United Nations High Commissioner for the Refugees), plus de 84 millions de personnes ont été forcées de fuir leurs foyers, soit plus que la population de l’Allemagne. Sur ce total, 54,9 millions sont des déplacés internes ; 4,4 millions sont des demandeurs d’asile. Il y a environ 4,4 millions de demandeurs d’asile et 26,6 millions de réfugiés (soit 68 %) dans le monde. La répartition des réfugiés par catégories est donnée dans le tableau #1 suivant :
Tableau #1 : Répartition des réfugiés dans le monde par catégories (millions)

Source : UNHCR, Global Trends, 2022

La répartition des réfugiés internationaux par pays d’accueil est donnée dans le tableau #2 :

Tableau #2 : Nombre de réfugiés par pays d’origine (2021)

Source : UNHCR, 2021; World Economic Forum, June 2021

Le tableau #2 montre que les dix pays du Sud indiqués représentent à eux seuls environ 21 % du total des réfugiés dans le monde.
Quels sont les pays qui accueillent le plus de réfugiés ? Le tableau #3 donne la liste des pays qui accueillent le plus de réfugiés internationaux :

Tableau#3 : Pays qui accueillent le plus de réfugiés (millions)

Source : UNHCR, 2021

Le tableau #3 montre que les 16 pays cités —qui, à l’exception des 4 pays occidentaux, sont essentiellement des pays du Sud—accueillent à eux seuls plus de 65 % des réfugiés internationaux. On estime que 85 % des réfugiés dans le monde sont accueillis par les pays du Sud. Les moins développés des pays en développement, à eux seuls, ont accordé 27 % des demandes d’asile. Les réfugiés syriens représentaient, à la fin 2019, quelque 6,7 millions. Selon l’«International Middle East Media Center (IMEMC), le nombre de déplacés intérieurs syriens serait le même que le nombre de réfugiés (6,7 millions).
Le nombre de réfugiés palestiniens est estimé à environ 13 millions à la fin 2019. Sur ce total, plus de 5 millions vivent en Palestine (déplacés intérieurs), près de 6 millions vivent dans les pays arabes et quelque 727 000 vivent dans des pays non arabes. Sur les 5 millions vivant en Palestine, quelque 3 millions (26 %) résident dans la Rive Ouest et plus de 2 millions (66%) vivent dans la Bande de Ghaza. Les réfugiés représentent 42 % de la population palestinienne. Selon «Refugee International», le nombre de réfugiés palestiniens vivant dans le reste du monde s’élève à quelque 7 millions dont 5,7 millions sont enregistrés auprès de l’UNRWA (United Nations Refugees and Work Agency), l’Agence des Nations unies ayant pour objet la prise en charge des réfugiés palestiniens dans le monde et dans les territoires occupés. Pour ce qui est des réfugiés palestiniens vivant dans les pays arabes, ils sont principalement concentrés dans les pays suivants :
Tableau #4 : Pays arabes ayant le plus de réfugiés palestiniens

Source : UNRWA (2021)

Le tableau #4 montre que ces trois pays à eux seuls accueillent environ 60 % des réfugiés palestiniens.
Le nombre de réfugiés vénézuéliens, à lui seul, est estimé à 3,7 millions. Le nombre de réfugiés afghans atteint 3,4 millions. Le nombre de déplacés du continent africain est, selon «Africa Center for Strategic Studies, estimé à 32 millions. Plus de 4 000 réfugiés africains et moyen-orientaux sont morts en 2021 en traversant la Méditerranée pour se rendre en Espagne, soit une moyenne de 12 morts chaque jour, selon l’ONG Caminando Fronteras, 2021), cité par Isabella Alexander-Nathani in «The Ukrainian Refugee Crisis Double Standard, Saphiens Anthropology Magazine, April 7, 2021).
Tous ces tableaux et chiffres montrent que le problème des réfugiés, comme le présentent les gouvernements et les médias occidentaux, ne se restreint pas aux réfugiés ukrainiens, mais que c’est un problème qui touche une grande partie du monde, notamment les pays du Sud.
La politique du «Double Standard» de l’Occident : quelques illustrations
Nous verrons d’abord la politique de faveur des pays occidentaux à l’égard des réfugiés ukrainiens. Nous verrons ensuite la politique du «Double Standard» appliquée par les pays occidentaux aux réfugiés.

La politique de faveur à l’égard des réfugiés ukrainiens
Quelques jours seulement après le déclenchement du conflit russo-ukrainien, l’Union Européenne avait adopté un plan d’urgence accordant à tout citoyen Ukrainien le droit de vivre et de travailler en Europe pour trois ans. Ce plan supprime toute exigence de visa et permet aux réfugiés ukrainiens d’outrepasser les longues attentes et les tracasseries bureaucratiques nécessitées habituellement par le processus de demande d’asile. Cet élan de solidarité ne concerne pas uniquement les gouvernements européens mais aussi les citoyens européens qui ont ouvert leurs maisons aux réfugiés ukrainiens.
En effet, immédiatement après le déclenchement du conflit, l’Union Européenne a activé ce qu’on appelle le TPD (Temporary Protection Directive 2001/55/EC du 20 juillet 2001). Cette Directive est un mécanisme d’urgence par lequel une protection temporaire en cas de crise migratoire importante est accordée aux réfugiés qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine en raison de conflits graves. Le but de TPD est d’alléger les conditions généralement requises des demandeurs d’asile et de leur offrir une assistance médicale, une aide au logement, un emploi, et des opportunités d’éducation pour leurs enfants. Ce mécanisme est normalement appliqué pour une année, mais peut être prolongé jusqu’à trois années. Le TPD permet aussi aux réfugiés ukrainiens de voyager à travers l’Europe sans visa pour leur permettre de choisir leur pays de résidence. Les mêmes facilités ont été aussi accordées par d’autres pays occidentaux aux réfugiés ukrainiens. C’est ainsi, par exemple, que le Président américain Joe Biden a annoncé, le 30 mars 2022, avoir mis en application ce qu’on appelle le «Temporary Protection Status (TPS), et qu’il accueillerait, dans ce cadre, 100 000 réfugiés ukrainiens. Pour cela, il a mis en berne «Title 42 prohibition on seekingasylum» (la loi régissant le processus de demande d’asile) pour permettre aux réfugiés ukrainiens d’outrepasser les exigences habituelles de ce processus. Il a aussi annoncé qu’il accorderait une aide financière de 1 milliard de dollars pour leurs besoins alimentaires, médicaux, en eau et autres produits et services. Le Danemark, ainsi que plusieurs pays d’Europe, ont suspendu la loi concernant les demandes d’asile pour permettre aux réfugiés ukrainiens de pouvoir accéder facilement au territoire de l’Union Européenne. Le gouvernement slovaque a même apposé dans les aéroports l’affiche suivante (en langue slovaque et en anglais) :
The Slovak Republic provides temporary protection to citizens of Ukraine and to family members of citizens of Ukraine.
The Slovak Republic
will provide :
. accommodation
. food
. work opportunities
. health care
. hygiene packages

Mais ce ne sont pas seulement les gouvernements occidentaux qui ont ouvert leurs frontières aux réfugiés ukrainiens. Les citoyens européens et occidentaux, en général, ont aussi montré leur solidarité. Voici comment cet accueil a été décrit : «Strangers have flooded the train stations to receive immigrants fleeing the war in Ukraine. Others have booked out Airbabs [Air bed and breakfast] and hotel rooms for immigrants fleeing the war in Ukraine. Some have opened their houses. The Ukrainian flag hangs proudly next to the Polish flag in many places in Poland. Reception centers were set up, complete with hot meals, medical care, callphones, and donations. Ukrainian refugees are being greeted with love, warmth and music —just as all refugees should” (Les étrangers ont inondé les gares ferroviaires pour recevoir les immigrants fuyant la guerre en Ukraine. D’autres ont loué des “Bed and Breadfast” et des chambres d’hôtel pour ces immigrants. Certains ont ouvert les portes de leurs maisons. Le drapeau ukrainien est hissé à côté du drapeau polonais dans plusieurs places en Pologne. Des centres d’accueil ont été établis avec des repas chauds, des soins médicaux, des stations de téléphone et des donations. Les réfugiés ukrainiens sont accueillis avec amour, chaleur et musique —exactement comme tous les réfugiés devraient l’être) (Amanda Newlove, The Racist Double-Standard of Chaos, Unitarian Universalist Association, April 27, 2022). Qu’en est-il de l’accueil des autres réfugiés du monde ?
La politique du «Double Standard» des pays occidentaux
Ce que l’on a vu —notamment sur les écrans de télévision du monde— c’est que l’accueil accordé aux réfugiés ukrainiens n’est pas le même que celui généralement réservé à tous les réfugiés, notamment ceux provenant du Sud. Plusieurs médias ont rapporté des incidents où des étudiants et citoyens non ukrainiens (Africains, Asiatiques et Latino) qui vivent en Ukraine n’ont pas été autorisés à monter dans les trains ou les bus devant les transporter vers des pays voisins ou occidentaux.

Exemple #1: «Many Nigerian citizens remain trapped in Ukraine because they are not permitted to enter countries that open their doors to people fleeing from russian violence. Not only are these people experiencing the trauma of evacuating a war zone, but they are also experiencing physical and verbal assault by border gards” (Plusieurs citoyens nigériens sont restés coincés en Ukraine parce qu’ils ne sont pas autorisés à entrer dans les pays qui ont ouvert leurs portes aux personnes qui fuient la violence russe. Non seulement ils souffrent du traumatisme en évacuant la zone de guerre, mais ils sont victimes d’assauts physiques et verbaux de la part des garde-frontières) (Aboulie Njai, Micaela Torres, Margareta Matache, Ukraine : The Refugee Double Standard, Foreign Policy in Focus, March 15, 2022).

Exemple #2 : Le ministre polonais de l’Intérieur, Mariusz Kaminski, avait déclaré le 24 février 2022 : «Anyone fleeing from bombs, from russian riffles, can count on the support of the Polish state» (Tous ceux qui fuient les bombes et les balles russes peuvent compter sur le support de l’Etat polonais) (Aboulie Njai, Micaela Torres, Margareta Matache, op.cit). Cependant, «moins de deux mois plus tôt, la même administration polonaise avait décidé de dépenser 353 millions d’euros pour construire un mur qui empêcherait les réfugiés syriens, irakiens et afghans de rentrer en Pologne» (Aboulie Njai, Micaela Torres, Margareta Matache, op.cit).
En 2017, le Premier ministre de Hongrie, Victor Orban, avait décrit les réfugiés venant d’Afrique et du Moyen-Orient comme «a threat to the European way of life» (une menace pour le mode de vie européen) (Aboulie Njai, Micaela Torres, Margareta Matache, op.cit).

Exemple #3 : Comparant les réfugiés ukrainiens aux autres réfugiés du monde, le Premier Ministre bulgare, Kiril Petkov avait dit : «These people [the Ukrainian refugees] are Europeans. These people are intelligent, they are educated people…This is not the refugee wave we have been used to, people we were not sure about their identity, people with unclear pasts, who could have been even ‘terrorists’” (Ces gens [les réfugiésUkrainiens] sont des Européens. Ces gens sont intelligents, ils sont éduqués… Ce n’est pas la vague de réfugiés à laquelle nous sommes habitués, des gens dont nous ne sommes pas certains de l’identité, des gens au passé obscur, qui pouvaient même avoir été des ‘terroristes’) (Isabella Alexander-Nathani, op. cit).

Exemple #4 : «En automne et hiver 2021, entre 2 000 et 4 000 réfugiés afghans, irakiens et syriens étaient coincés dans la frontière entre la Pologne et Belarus et étaient interdits d’entrer dans l’un de ces deux pays. Ils n’ont eu droit ni au logement ni à la nourriture, ni à l’eau potable, ni aux soins médicaux. Treize personnes sont mortes d’hypothermie parce que la température avait atteint le niveau de congélation, et 431 Irakiens avaient été placés dans des avions et forcés de retourner en Irak» (JeenaBarhoosh, op. cit, notre traduction). Le Vice-Premier ministre polonais, Jaroslaw Kaczynski, avait déclaré en 2017 que permettre l’entrée des réfugiés du Sud en Pologne «would be dangerous and would completely change our culture and radically lower the level of safety in our country» (laisser entrer des réfugiés du Sud en Pologne serait dangereux et changerait complètement notre culture et diminuerait radicalement notre niveau de sécurité) (Mao Junxiang, op. cit). La Slovaquie —qui a accueilli plus de 140 000 réfugiés ukrainiens, selon UNHCR— avait déclaré en 2015 : «that it would only accept Christians from Syria» (qu’elle n’accepterait que les Chrétiens de Syrie) (Deena Zaru, Europe’s Unified Welcome of Ukrainian Refugees exposes ‘Double Standard’ for non white asy lumseekers : Experts, ABC News, March 8, 2022).
Cette politique du «deux poids, deux mesures» a fait dire à certains : «Certains pays occidentaux et leurs médias traitent les réfugiés fuyant l’Ukraine avec un «double standard», ce qui reflète clairement des considérations racistes et géopolitiques. Ces pays décident de l’accès ou pas dans leur territoire sur la base de la peau des gens, de leurs langue, religion et lieu de naissance plutôt que sur le fait qu’ils sont des victimes» (Mao Junxiang, op. cit). Les exemples de cette politique de «double standard» sont trop nombreux pour les citer exhaustivement dans cet article. Cependant, ceux que nous avons cités sont suffisants pour montrer l’ampleur d’une telle politique.

Conclusion
Tout au long de cet article, nous avons pu voir les problèmes qui existent dans la définition-même du concept de «réfugiés» et dans ses diverses interprétations par les gouvernements et les médias occidentaux. Nous avons aussi montré l’ampleur du problème des réfugiés. Nous avons vu que ce problème est loin de concerner seulement une partie de la population du monde —comme dans le cas des réfugiés ukrainiens— mais qu’il est beaucoup plus vaste et touche une grande partie des pays du monde, notamment ce qu’on appelle le «Global South» (qu’on appelait le «Tiers-Monde» auparavant). Nous avons vu enfin que, malheureusement, les réfugiés de cette partie du monde ne reçoivent pas le même traitement que ceux du Nord. Nous avons vu, notamment, comment sont traités les réfugiés ukrainiens et comment sont traités les réfugiés syriens, palestiniens, irakiens et autres. Les premiers ont reçu l’attention et l’aide de la plupart des pays occidentaux tandis que les seconds sont toujours dans une situation de «limbo».
Cette politique de «double standard» appliquée aux réfugiés ukrainiens a montré que le monde est toujours divisé en deux dans tous les domaines de la vie sociale : ceux qui ont les «yeux bleus» et ceux qui ont les «yeux noirs», ceux qui ont la «peau brune ou noire» et ceux qui ont la «peau blanche», ceux qui sont «chrétiens» et ceux qui sont «musulmans», ceux qui parlent les «langues européennes» et ceux qui parlent les «langues non européennes», ceux qui ont une «culture occidentale» et ceux qui ont une «culture non occidentale». Pour lutter contre cette politique, certains proposent plutôt un «bridge» entre les différentes cultures du monde. C’est ce que propose Bruce Knotts, directeur de UU@UN Office, Unitarian Universalist Association : «We must dig deep and keep ourselves informed and engaged with these parts of the world where people of color live and where they suffer conflicts and hunger. Our attention must be broad and inclusive. Our compassion must reach out to all regardless of color or geography» (Nous devons penser profondément, nous informer et nous sentir concernés par les parties du monde où les gens de couleur vivent et où ils souffrent de conflits et de la faim. Notre attention doit être plus large et plus inclusive. Notre compassion doit aller vers tous sans considération de leur couleur ou de la géographie) (Amanda Newlove, op.cit). C’est aussi ce que pense aussi Mao Junxiang, journaliste à «Global Times» : «If countries accept refugees in a selective and discriminatory manner according to their different races, skin colors, and places of birth, we are not practicing humanitarianism, but tarnishing the spirit of humanitarianis» (Si les pays acceptent les réfugiés d’une manière sélective et discriminatoire selon leurs différences de race, de couleur de peau et de lieux de naissance, nous ne sommes pas en train de pratiquer l’humanitarisme, mais plutôt de ternir l’esprit de l’humanitarisme ) (Mao Junxiang, op. cit). Mao Junxiang ajoute : «L’humanitarisme inclut la plus simple notion de droits de l’homme : le traitement égal des réfugiés doit être la règle et non l’exception basée sur la couleur, la race, la nationalité ou l’affiliation religieuse, ou une justice sélective basée sur des considérations géopolitiques» (Mao Junxiang, op. cit)


                 Tendances globales

Déplacement forcé mondial

Fin 2021 , le nombre total de personnes dans le monde qui ont été forcées de fuir leur foyer en raison de conflits, de violences, de crainte de persécution et de violations des droits de l’homme était de 89,3 millions . C’est plus du double des 42,7 millions de personnes qui étaient encore déplacées de force il y a dix ans et le plus depuis la Seconde Guerre mondiale.

Si les conflits en cours ne sont pas résolus et que les risques d’éclatement de nouveaux ne sont pas maîtrisés, l’un des aspects qui définiront le XXIe siècle sera le nombre sans cesse croissant de personnes contraintes de fuir et les options de plus en plus désastreuses qui s’offrent à elles.

Personnes contraintes de fuir dans le monde (2012 – 2022)

Le dernier rapport sur les tendances mondiales porte sur la période de janvier 2021 à décembre 2021. Cependant, il est impossible d’ignorer les développements qui se sont produits au début de 2022. Par conséquent, certaines données présentées dans le rapport de cette année sont basées sur des informations reçues au 23 mai 2022. .

Lire la suite : Quelle est la différence entre les statistiques démographiques pour les personnes déplacées de force et la population relevant de la compétence du HCR ?

Nouveaux déplacements en 2021

Les conflits en cours et nouvellement développés ont entraîné le déplacement à travers le monde.

Par exemple, le conflit dans la région du Tigré en Éthiopie a entraîné le déplacement d’au moins 2,5 millions de personnes supplémentaires à l’intérieur de leur pays, dont 1,5 million environ sont retournées chez elles au cours de l’année.

En Afghanistan, les événements qui ont conduit à la prise de Kaboul par les talibans en août 2021 ont entraîné des déplacements à l’intérieur du pays ainsi que dans les pays voisins. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a augmenté pour la 15e année consécutive, alors même que plus de 790 000 Afghans sont rentrés au cours de l’année.

La République démocratique du Congo, le Nigéria, le Soudan du Sud, le Soudan, la République arabe syrienne et le Yémen ont enregistré une augmentation de 100 000 à 500 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays en 2021.

Nouveaux déplacements – janvier à décembre 2021

                           Réfugiés

Au cours de l’année, le nombre de réfugiés dans le monde est passé de 20,7 en 2020 à 21,3 millions à la fin de 2021, soit plus du double des 10,5 millions d’il y a dix ans. Le nombre de Vénézuéliens déplacés à l’étranger a également augmenté, passant de 3,9 millions à 4,4 millions, au cours de la même période. Au cours de l’année, 794 100 personnes ont obtenu une protection internationale à titre individuel (494 900) ou collectif (299 200).

Personnes déplacées internes (PDI)

Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en raison de conflits armés, de violences généralisées ou de violations des droits de l’homme continuent de constituer la majorité de la population déplacée de force dans le monde. Connus sous le nom de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, ou PDI, ils représentent environ 60 % de toutes les personnes déplacées. Fin 2021, la Syrie, la Colombie, la République démocratique du Congo, le Yémen, l’Éthiopie et l’Afghanistan continuaient d’abriter les plus grandes populations de déplacés internes au monde.

Lire le rapport complet sur les tendances mondiales

Plus de 100 millions de personnes sont déplacées de force

Dans le rapport sur les tendances mondiales de l’année dernière, le HCR a prédit que « la question n’est plus de savoir si le déplacement forcé dépassera 100 millions de personnes – mais plutôt quand ». Le quand c’est maintenant. Avec des millions d’Ukrainiens déplacés et de nouveaux déplacements ailleurs en 2022, le total des déplacements forcés dépasse désormais 100 millions de personnes . Cela signifie qu’une personne sur 78 sur terre a été forcée de fuir – une étape dramatique à laquelle peu de gens se seraient attendus il y a dix ans.

Alors que de nouvelles situations de réfugiés émergent et s’intensifient, et que celles qui existent déjà ressurgissent ou restent non résolues, il y a un besoin aigu de solutions durables à une échelle croissante. Le Pacte mondial sur les réfugiésnote que l’une des priorités stratégiques du HCR et de la communauté humanitaire est d’identifier et de soutenir des solutions durables qui permettent aux réfugiés de reconstruire leur vie et de vivre dans la sécurité et la dignité.

Le déplacement forcé dépasse les solutions disponibles au cours de la dernière décennie

Quelle direction le monde va-t-il prendre dans les années à venir ?

Si une paix durable était possible pour les conflits actuels, combien de réfugiés et de personnes déplacées rentreraient ? Les enquêtes sur les intentions de retour, que le HCR et ses partenaires mènent dans de nombreux pays du monde, aident à déterminer si les réfugiés souhaitent retourner dans leur pays d’origine si les conditions le permettent. Par exemple, environ 7 Syriens sur 10 hébergés dans des pays pour la plupart voisins espéraient retourner en Syrie à l’avenir.

Plus fréquemment, environ un tiers à la moitié des autres populations de réfugiés ont exprimé leur volonté de revenir à l’avenir dans des enquêtes similaires. Si une paix durable était réalisée dans quelques endroits clés, le nombre de réfugiés dans le monde pourrait être réduit de moitié pour atteindre environ 10 millions, là où il se situait il y a deux décennies. Les raisons les plus courantes pour lesquelles les réfugiés nous expliquent pourquoi le retour n’est pas possible sont l’insécurité persistante et le manque de moyens de subsistance ou de logement. Mais sans la volonté politique de faire la paix, la perspective d’un grand nombre de réfugiés rentrant chez eux dans un avenir proche restera hors de portée.

La communauté internationale peut agir, redoubler d’efforts pour partager les responsabilités et trouver des solutions durables, ce qui pourrait inverser la tendance actuelle et réduire considérablement les niveaux de déplacement. Historiquement, des solutions aux flux sortants des situations de déplacement ont été disponibles, mais à mesure que les nouvelles situations de réfugiés s’intensifient et que les situations existantes se rallument ou restent non résolues, il existe un besoin aigu et croissant de solutions durables à une échelle croissante.

Rapport sur les tendances mondiales du HCR : 100 millions de personnes déplacées

Annexes sur les tendances mondiales

Les tableaux 1 à 22 peuvent être téléchargés ici : https://www.unhcr.org/2021-global-trends-annex
Le tableau 5 peut être téléchargé ici : https://www.unhcr.org/2021-global-trends-annex -table-apatridie

Toutes les données sont provisoires et sujettes à modification.
Les données sont disponibles sur : www.unhcr.org/refugee-statistics

Plus de données et de rapports du HCR

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