Volontaire français dans le Donbass : «Un jour, il risque d’y avoir une confrontation»

  Observateur Continental a réalisé un entretien avec Erwan Castel, ancien officier (capitaine) français et de l’Otan, sur son engagement dans l’armée de la République populaire autoproclamée de Donetsk (RPD).

 

De 2015 à 2016, Erwan Castel, qui vient de Bretagne, combat sous l’uniforme de la RPD. Puis, en 2017, il devient sniper dans l’unité Piatnachka. Le 23 septembre 2019, il a été fauché par une mine ukrainienne sur le front sud de la RPD.

Comment allez-vous après l’explosion de la mine ukrainienne? 

E.C: Le 23 septembre 2019, j’ai été à nouveau blessé sur le front du Donbass mais cette fois beaucoup plus sérieusement car malgré une dizaine d’interventions chirurgicales diverses au jambes, ventre, dos et bras gauche, ce dernier reste toujours en attente de nouvelles opérations importantes qui devraient se réaliser cette année.

Comment pouvez-vous continuer à servir sur le front de Yassinovataïa en tant que sniper après avoir été grièvement blessé par une mine?
– Malgré une interruption de mon service au front, je reste dans les rangs de la brigade internationale Piatnachka devenue depuis le 2ème bataillon du Régiment des forces spéciales du ministère de l’Intérieur de la République populaire autoproclamée de Donetsk. Le moral, quant à lui, reste élevé et mes convictions encore plus renforcées par cette épreuve douloureuse mais initiatique.

Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre la rébellion du Donbass en 2014?
– Depuis l’agression de l’Otan en Yougoslavie, l’hégémonie occidentale a augmenté dans une dynamique criminelle. Cela est confirmé par les conflits asymétriques: les révolutions de couleur, les coups d’Etat, les blocus économiques et autres opérations de moins en moins secrètes pilotées par Wall Street via Washington et ses larbins de l’Otan. Lorsque cette pseudo «révolution de la dignité» est détournée vers un coup d’Etat s’appuyant sur des paramilitaires nationalistes, je décide de m’engager plus en avant dans le mouvement anti-Maïdan en ouvrant un blog de réinformation devenue quotidienne («Soutien à la rébellion du Donbass» ). Je rejoins la rébellion du Donbass lorsque, dans le même silence occidental assourdissant, Kiev ordonne à son aviation de bombarder le cœur de Lougansk.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du conflit depuis 2015?
– La région pontique à laquelle appartient le Donbass est considérée depuis des siècles comme un «pivot stratégique» majeur entre Occident et Eurasie. Les nouvelles tensions Est-Ouest initiées par les avancées militaro-politiques occidentales vers la Russie sont depuis de plus en plus vives et viennent d’atteindre, avec la crise ukrainienne, le paroxysme et un ultime stade de leur confrontation non armée. Ce conflit du Donbass a fait apparaître la ligne rouge au-delà de laquelle l’hégémonie de l’Otan conduira inévitablement à une guerre ouverte avec la Russie laquelle est, désormais, menacée par les bases stratégiques étasuniennes installées en Europe de l’Est.

Comment sortir de cette guerre?
– Le Donbass est un piège. Vladimir Poutine a joué très fort pour geler le conflit avec les accords de Minsk pour empêcher que cela dégénère dans un conflit entre l’Ukraine et la Russie. Il a voulu juguler les combats sur les zones de l’époque.

Quel enjeu international faut-il y voir?
– On a eu un bras de fer qui a été engagé entre les Occidentaux, l’Otan, via Kiev et la Russie via la milice populaire. On a l’Otan qui veut entretenir un conflit mais sans le faire basculer du côté de la victoire ukrainienne pour garder une plaie ouverte sur le flanc russe. Cela présente l’avantage d’être un prétexte extraordinaire pour déclencher contre Moscou des sanctions économiques, pour créer quelque chose de purulent et virulent pour stigmatiser la politique russe.

De l’autre côté, il y a Moscou qui veut temporiser ce même conflit pour éviter qu’il ne débouche sur une défaite de l’armée ukrainienne parce que cela risque de dégénérer dans un conflit ouvert avec la Russie. Le but a été de calmer le jeu sur le terrain pendant qu’on discute. On a la même chose avec Minsk 2. Deux fois, les forces Ukrainiennes ont montré qu’elles voulaient envenimer le conflit sans se donner les moyens d’une réelle victoire. Et du côté russe, on a vu que Moscou a freiné les victoires de la milice populaire des Républiques populaires autoproclamées pour éviter que le conflit dégénère. On est entre l’enclume et le marteau dans le Donbass en subissant le jeu international. Tout le monde est pris au piège avec cette guerre du Donbass.

 

Comment jugez-vous globalement les accords de Minsk?

– Dans les accords de Minsk, il est prévu que le Donbass revienne à l’Ukraine avec un statut d’autonomie où l’Ukraine modifie ses institutions en inscrivant l’existence de régions autonomes. L’Ukraine refuse d’inscrire ça dans sa Constitution tout en acceptant d’en faire un décret. Un décret, vous pouvez l’abrogez le lendemain de la signature. Les Républiques populaires autoproclamées ne sont pas d’accord. L’Ukraine veut d’abord contrôler les frontières avec la Russie et ensuite engager un processus électoral à Donetsk et Lougansk. Nous serions encerclés. Il n’y aurait jamais de référendum et il y aura une épuration. La résolution des accords de Minsk est complétement bloquée et un cessez-le-feu réel n’a jamais été respecté plus de 24 heures par l’Ukraine. Les accords de Minsk sont lettre morte depuis quasiment leur signature.

De quelle manière va évoluer le conflit?
– Je pense qu’il va exploser lorsque la situation entre les Etats-Unis et la Russie sera arrivée au dernier stade avant la confrontation militaire. Pour le moment, ils jouent les chiens de faïence. Les Russes tentent de placer leurs billes pour contrebalancer l’Otan en Europe. Le Donbass risque de devenir un volcan actif à ce moment là en devenant un front ouvert entre l’Otan et la Russie.

Dans quel état se trouve la situation humanitaire dans le Donbass?
– La situation est très tendue mais stabilisée grâce aux accords de Minsk qui ont réduit les combats. La guerre est moins virulente qu’en 2014, 2015. On a une aide de la Russie au niveau humanitaire (médicaments, nourriture pour bébés) qui est très importante. Il y a aussi une aide très importante pour réparer les maisons bombardées, pour moderniser les hôpitaux, mais qui reste insuffisante car le Donbass vit sept ans de guerre. Il ne faut pas seulement voir les blessés et les gens qui ont eu leur maison détruite.

Une guerre, c’est quelque chose qui va bouleverser l’équilibre psychique et la santé profonde de nombreuses personnes. Depuis l’arrivée de la guerre dans le Donbass, on voit une recrudescence des cancers, des accidents vasculaires (AVC). Ces maladies explosent à cause de la situation de désespérance, de détresse sociale et économique. La Russie fait énormément de choses sur ce point sanitaire. Des organismes caricatifs viennent de Russie dans le Donbass pour apporter des médicaments.

Que pouvez-vous nous dire sur les crimes humanitaires des forces ukrainiennes?
– Il y a eu énormément de crimes de guerre ukrainiens les deux premières années où on a eu une anarchie totale avec des bataillons nationalistes spéciaux lâchés dans la nature. Depuis qu’ils ont été intégrés dans le corpus ukrainien armé plus discipliné qu’avant, les crimes de guerre tels que nous les avons vécus en 2014, 2015, ont largement diminué même si ils n’ont pas complétement disparu.

Quel est le comportement de l’armée ukrainienne dans cette zone?
– L’armée ukrainienne réquisitionne les maisons et expulse les gens. Il y a toujours actuellement des violences qui sont réalisées vis-à-vis des commerçants, des pillages de magasins, des viols de jeunes femmes et de jeunes filles. Des procès ont lieu régulièrement en Ukraine car il y a eu des violences avec des disparitions de personnes. Des soldats ukrainiens occupent les villes et les villages car ils savent que notre artillerie ne va pas tirer dessus pour utiliser les populations civiles comme boucliers humains.

Qu’est-ce que l’armée ukrainienne vise?
– Sur le front, on observe toujours des tirs ukrainiens intentionnels sur les populations civiles. Jeudi 8 juillet, il y a eu des bombardements sur le nord de Donetsk et quatre maisons situées dans un quartier où il n’y a pas de positions militaires, ont été gravement endommagées. C’est un tir intentionnel visant à terroriser les populations.

A ces crimes de guerre, il faut rajouter les bombardements sur les stations d’eau potable, les centrales de distribution électrique. Ce sont des actes condamnés par les Conventions de Genève. Lorsque les manœuvres des grandes puissances [Defender 2021] ont commencé à agir dans la région, les forces ukrainiennes ont amassé des troupes d’assaut dans le Donbass. Elles ont, alors, relancé leur bombardement quotidien du front.

Attendez-vous des procès?
– On attend des procès de la communauté internationale sur ces crimes, comme pour le massacre d’Odessa, le bombardement de Lougansk. Il y a eu le procès du bataillon Tornado en 2015 ou 2016 qui avait violé des femmes et brûlé leur corps dans la région de Lougansk. Kiev a mis en taule une vingtaine de responsables du bataillon et ont dissous le bataillon spécial Tornado mais Volodymyr Zelensky les a remis cette année dans la nature. La plupart sont revenus sur le front du Donbass et ont intégré les bataillons Aïdar, Donbass ou Azov.

Comment qualifiez-vous la politique française dans cette guerre dans le Donbass?
– Le plus dur est de parler de la politique française en restant poli car la France, vis-à-vis du Donbass, est d’un cynisme criminel, absolument ignoble. Elle est signataire des accords de paix et fait partie des quatre pays qui ont signé le processus de paix à Minsk. Aujourd’hui, on voit la France fermer les yeux sur tous les crimes commis par l’Ukraine, sur toutes les violations du cessez-le-feu commis quotidiennement par les forces ukrainiennes. La France absout les comportements criminels des forces ukrainiennes. Elle va leur fournir des moyens pour augmenter leurs pressions militaires: des subventions, des armes, les optiques de tir. On a la preuve que ce pays n’est que le toutou de Washington, de l’Otan. Si la France était réellement souveraine, elle pourrait frapper du poing sur la table et exiger des sanctions économiques vis-à-vis de l’Ukraine lorsqu’elle viole les accords de paix.


Voici les points abordés lors de ce dernier rapport de situation hebdomadaire filmé le samedi 10 juillet 2021.

SITUATION MILITAIRE
02:10 – Bilan des violations du cessez-le-feu durant la semaine écoulée
03:03 – Déploiement d’armes lourdes par l’armée ukrainienne près de la ligne de front
04:01 – L’armée ukrainienne bombarde la RPL et blesse grièvement une civile

ACCORDS DE MINSK
05:57 – L’Ukraine confond négociations et monologue

ÉVOLUTION DE LA SITUATION EN UKRAINE
11:06 – Presque un enfant ukrainien sur trois ne mange pas à sa faim

PENDANT CE TEMPS LÀ À KIEV
18:06 – Alexeï Arestovitch déclare que l’ONU n’a pas approuvé les accords de Minsk

23:06 – Conclusion


 

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