Washington lutte pour gérer la crise et Israël continue d’en profiter

26.06.2020

Par Philip Giraldi

La défenestration culturelle auto-infligée de ce qui passe pour la Civilisation Occidentale aux États-Unis se poursuit à un rythme effréné. Comme George Orwell l’a décrit dans « 1984 » :

« Chaque disque a été détruit ou falsifié, chaque livre a été réécrit, chaque photo a été repeinte, chaque statue et chaque bâtiment de rue a été renommé, chaque date a été modifiée. Et le processus se poursuit jour après jour et minute après minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe, sauf un présent sans fin… »

  Ironiquement, alors même que les Pères Fondateurs des États-Unis sont mis au pilori à travers le prisme des valeurs contemporaines, tous les comportements courants ne sont pas remis en question. Même si les États-Unis traversent une crise dévastatrice dans le domaine de la santé et de l’identité nationale, le gouvernement fédéral continue de peaufiner une législation favorable à Israël et à certains intérêts juifs. La Loi sur l’Éducation « Plus Jamais » (l’Holocauste), par exemple, a été adoptée par la Chambre des Représentants (H.R. 943) par un vote de 395 contre 3, suivi d’un vote unanime au Sénat le 13 mai sur la loi S.2085. Elle contribuera à endoctriner les écoliers sur le récit facilement contestable de la victimisation perpétuelle qui, à son tour, génère des milliards de dollars pour l’État raciste d’Israël, mais elle a été décrite par les partisans du Congrès comme un simple instrument pour soutenir les ressources éducatives déjà existantes au Musée Mémorial de l’Holocauste des États-Unis (USHMM), qui est également financé par les contribuables.

Carolyn Maloney, députée de New York, qui parraine le projet de loi, a déclaré que « la lutte contre la haine et l’intolérance doit toujours être une priorité et je suis heureuse que le Sénat soit d’accord. L’adoption de ce projet de loi à l’unanimité aujourd’hui envoie un message fort que le Congrès est massivement uni dans la lutte contre l’antisémitisme… » et le parrain du projet de loi au Sénat, le Sénateur Jacky Rosen du Nevada, a expliqué comment « …la Loi sur l’Éducation « Plus Jamais » donnera aux écoles les ressources nécessaires pour couvrir l’un des chapitres les plus sombres de notre histoire. Grâce à l’éducation, nous pouvons donner un aperçu du passé, et l’utiliser pour prévenir l’antisémitisme aujourd’hui ».

If Americans Knew a rapporté qu’il y avait 68 textes de loi axés sur la fourniture de biens et de services à Israël en 2019, auxquels s’ajoutent 18 autres, identifiés ici, jusqu’à présent cette année. Le texte de loi le plus connu est le S.3176, « US-Israel Security Assistance Authorization Act of 2020 (pour amender le Foreign Assistance Act de 1961 et la Loi sur le Partenariat Stratégique entre les États-Unis et Israël de 2014 afin d’apporter des améliorations à certaines dispositions en matière de défense et d’assistance à la sécurité et d’autoriser l’affectation de fonds à Israël, et à d’autres fins) », qui est la version de la chambre haute du projet de loi H.R.1837, qui a été adopté en juillet dernier. Le projet de loi S.3176 a été adopté par la commission le 21 mai dernier et doit être soumis à un vote en séance plénière. Le projet de loi du Sénat a été parrainé par Marco Rubio de Floride, un des favoris du lobby israélien et de ses bailleurs de fonds oligarques.

Les projets de loi de la Chambre et du Sénat découlent d’un accord conclu par le président Barack Obama engageant le Trésor étasunien à donner à Israël un minimum de 3,8 milliards de dollars par an pendant les dix prochaines années. La version actuelle de la loi a modifié le texte pour que ces 3,8 milliards de dollars Danegeld soient un minimum, susceptible d’être augmenté selon les circonstances. Le projet de loi fournit également à Israël des équipements militaires supplémentaires, finance plusieurs accords de coproduction et engage Washington à soutenir militairement Israël même si l’État juif commence la guerre.

Parmi les autres projets de loi pro-israéliens, on peut citer la H.R.5595– la « loi anti-boycott d’Israël (pour imposer des interdictions supplémentaires relatives aux boycotts étrangers en vertu de la Loi de Réforme du Contrôle des Exportations de 2018, et à d’autres fins) », qui comprend des sanctions pénales pour cibler les entreprises, les organisations et les individus qui tentent de boycotter ou de perturber les activités commerciales exercées à partir des colonies israéliennes de Cisjordanie. Elle a été rédigée en réponse à la publication d’une base de données des Nations Unies identifiant plus de 100 entreprises israéliennes faisant des affaires dans les colonies israéliennes illégales en terre palestinienne. La S.Res. 570 : « Une résolution s’opposant et condamnant les poursuites potentielles des États-Unis et des ressortissants israéliens par la Cour Pénale Internationale », est une tentative de bloquer toute considération par la cour internationale des crimes de guerre israéliens et étasuniens.

D’autres lois (S.3775 « The United States Israel Military Capability Act » implique le développement et le partage de la technologie militaire même si Israël vole fréquemment ce qui est développé et la H.Res.837 « Réaffirmer la nécessité d’une coopération transatlantique pour combattre l’antisémitisme en Europe » encourage les pays européens à faire plus pour enseigner sur l’holocauste et l’antisémitisme.

Mais les résolutions les plus bizarres qui circulent actuellement dans le circuit du Congrès sont les résolutions S.3722 et H.R.6829 « Pour autoriser le financement d’un programme de coopération bilatérale avec Israël pour le développement de technologies de la santé en mettant l’accent sur la lutte contre le COVID-19 ». Les projets de loi respectifs ont été présentés les 12 et 13 mai et sont maintenant en commission. Le Comité étasunien des Affaires Publiques d’Israël (AIPAC) a fait pression sur le Congrès en jouant la carte de la menace chinoise. La version de la Chambre est donc appelée « Loi sur l’expansion des partenariats médicaux avec Israël pour réduire la dépendance à l’égard de la Chine ».

Ce projet de loi vise à établir un partenariat avec Israël pour développer un vaccin et d’autres réponses médicales au Covid-19. Les coûts seront partagés, mais l’industrie pharmaceutique israélienne commercialisera les produits, ce qui promet d’être extrêmement rentable si l’entreprise réussit.

Et enfin, il y a l’Iran, la bête noire d’Israël. Le 8 juin, les sanctions étasuniennes imposées au réseau maritime iranien sont entrées en vigueur, des mois après avoir été annoncées en décembre suite à des allégations du Département d’État concernant le prétendu soutien iranien à la prolifération des armes de destruction massive. Les industries commerciales et maritimes, et même les gouvernements, risquent désormais de subir des sanctions étasuniennes s’ils font des affaires avec la société Transport Maritime en Iran (IRISL) et/ou sa filiale basée à Shanghai, la E-Sail Shipping Company. Les membres républicains du Congrès considèrent ces nouvelles sanctions comme « les plus sévères jamais imposées ».

Alors, que doit faire le citoyen étasunien moyen face à une avalanche d’actions du Congrès au profit d’Israël alors que les États-Unis traversent leur période la plus difficile depuis la Grande Dépression ? Les groupes de pression israéliens comme l’AIPAC, le Washington Institute for Near East Policy (WINEP) et la Fondation pour la Défense des Démocraties (FDD) disposent de budgets importants, de centaines d’employés et d’un accès complet et immédiat aux bureaux du Congrès. Ils rédigent même la législation qui est ensuite approuvée par la Chambre et le Sénat, et bien qu’ils soient clairement des agents d’Israël, ils ne sont jamais tenus de s’enregistrer en tant que tels en vertu de la Loi sur l’Enregistrement des Agents Étrangers (FARA).

On peut toujours contacter un membre du Congrès et se plaindre, mais c’est généralement une perte de temps. Un homme courageux et un de mes amis, qui a survécu à la brutale attaque israélienne contre l’U.S.S. Liberty en 1967, a écrit à son sénateur pour lui demander pourquoi, alors que la nation est en crise, le Congrès consacre autant de temps et d’argent à Israël. Voici la réponse qu’il a reçue du Sénateur Rick Scott de Floride [photo en vedette]:

« Merci de m’avoir contacté au sujet de notre plus grand allié, Israël. La Floride entretient une relation solide avec Israël depuis de nombreuses générations et j’ai toujours travaillé à l’amélioration des politiques et des investissements entre nos deux pays.

Pendant mon mandat de Gouverneur de Floride, je me suis rendu en Israël à trois reprises. Mes deux premières visites visaient à promouvoir la Floride et à établir des relations commerciales internationales entre Israël et la Floride. Ma troisième visite était pour l’ouverture de l’Ambassade des États-Unis à Jérusalem, que j’ai fortement défendue.

J’ai également signé une loi anti-BDS, obtenu deux millions de dollars pour la sécurité de nos écoles juives et je me suis opposé à l’accord avec l’Iran, un accord irresponsable.

En tant que votre Sénateur des États-Unis, je continuerai de travailler chaque jour pour protéger et soutenir notre plus grand allié et lutter pour prendre des mesures contre ceux qui veulent leur nuire.

Encore une fois, je vous remercie pour votre correspondance perspicace. Je suis fier de représenter chaque citoyen de Floride et j’apprécie le temps que vous avez pris pour faire connaître votre position sur cette question. Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à me contacter ».

Il est clair que le Sénateur Scott prétend être fier de représenter « chaque citoyen » en Floride, mais il considère que certains citoyens sont plus importants que d’autres. Concernant ses missions commerciales, on pourrait être intéressé de savoir quel est réellement l’équilibre des échanges commerciaux et de la création d’emplois entre Israël et la Floride, car ces arrangements sont généralement très orientés pour favoriser les entreprises et les investisseurs israéliens. Par ailleurs, le bon Sénateur se souviendra peut-être que c’est une école publique de Floride qui a récemment fait l’objet d’une fusillade de masse, de sorte que l’argent qu’il a si fièrement donné aux écoles juives pour la sécurité n’a peut-être pas été dépensé judicieusement. Et Scott semble ignorer que les organisations juives reçoivent déjà plus de 90% des subventions discrétionnaires du Département de la Sécurité Intérieure, et qu’elles n’ont donc pas besoin de plus d’argent du contribuable.

Agissant au nom d’un pays étranger, le Sénateur Scott est également prêt à priver la plupart des Étasuniens du Premier Amendement dans son zèle à écraser le mouvement non-violent BDS. Et son rejet de « l’accord avec l’Iran » démontre qu’il ne soutient pas les politiques qui renforcent réellement la sécurité des États-Unis, sans doute par déférence pour les intérêts d’Israël et d’au moins certains de ses électeurs juifs.

Enfin, le Sénateur Scott devrait peut-être se pencher sur les traités que Washington a conclus avec des puissances étrangères. Il n’y a pas de traité de défense avec Israël et l’État juif n’est pas un allié, encore moins « le plus grand allié ». Il s’agit en fait d’un handicap stratégique majeur, impliquant les Étasuniens dans des guerres régionales qui n’ont pas besoin d’être menées et démontrant au monde entier la réalité risible d’une superpuissance militaire et économique qui est conduite à la perdition en temps de crise par un État client impitoyable et irresponsable.

Philip Giraldi

Article original en anglais :

Washington Struggles to Manage the Crisis, but Israel Continues to Benefitle 14 juin 2020.

L’article en anglais a été publié initialement par American Herald Tribune.

Traduit par Réseau international

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