Algérie / 18ème vendredi de la contestation

«Le problème de l’Algérie n’est pas le drapeau, mais le système»

par M. A. & A. Z.

«Nous n’avons pas demandé de changer l’emblème national par un autre, nous avons exigé le changement du système», telle est la réponse des manifestants à la déclaration de Gaid Salah sur l’interdiction des drapeaux autres que l’emblème national, lors de ce 18ème vendredi de manifestations pacifiques. 

A Alger, les services de la police n’ont pas hésité à interpeller quelques manifestants et confisquer les drapeaux amazighs, en usant de gaz lacrymogènes. Cela s’est passé notamment près de la Grande Poste d’Alger et ses alentours, où était déployé un impressionnant dispositif sécuritaire. 

Les policiers ont tenté de «faire respecter strictement les lois en vigueur et de faire face aux individus qui essayent d’attenter à nouveau aux sentiments des Algériens à propos de ce sujet sensible et délicat», selon les propos de Gaid Salah, mais ils ont par la suite abandonné, vu la foule des protestataires. 

Les manifestants ont demandé, comme il était écrit sur des pancartes, aux acteurs du Hirak de se concentrer sur l’essentiel : «discutons des propositions pour un sortie de crise et le changement radical du système». Sur une autre pancarte on pouvait lire «le problème de l’Algérie n’est pas le drapeau mais le système en place, svp pas de confusion». 

Avec un pacifisme exemplaire, les manifestants scandaient ensemble «les Algériens amazighs», «nous sommes tous des Algériens, pas de régionalisme». Des drapeaux Amazighs flottaient à coté de l’emblème national. 

Les protestataires ont demandé, hier encore, le départ des symboles du régime et l’installation d’une instance souveraine et indépendante qui sera chargée de préparer les élections. En insistant sur l’édification d’un Etat civil et non un Etat militaire. Et de scander «l’unité de l’Algérie est une ligne rouge, tous des frères, pas de régionalisme». 

Sur une pancarte brandie par un jeune manifestant, il était écrit «Qui protège Naima Salhi qui passe son temps à nourrir la division et le régionalisme et le racisme en toute impunité ». Des manifestants ont crié des slogans hostiles au chef de l’état-major de l’armée. 

Hier, à Constantine, 18e vendredi consécutif des manifestations contre le système, des milliers de citoyens ont sacrifié leur virée du week-end au bord de la bleue pour ne pas rater le rendez-vous. Et, la foule immense a marqué cette manifestation avec des slogans qui plaident pour l’unité nationale, à cause de l’irruption sur la scène de cette interdiction de ne porter que l’emblème national. « Djazayrines machi aâda» (les algérien ne sont pas des ennemis), « notre force est dans notre union», scandaient dans ce sens les manifestants. A Constantine, ce drapeau Amazigh n’est généralement pas trop voyant au sein de la foule. Et, ce 18e vendredi, deux manifestants seulement le portaient au beau milieu d’un carré compact. Des policiers en civil ont tenté de leur arracher des mains ce drapeau, mais les choses ont failli dégénérer dans le sillage de cette intervention, si ce n’est l’attitude professionnelle adoptée par les policiers en question, qui ont su manœuvrer pour apaiser les esprits et laisser les manifestants battre le pavé dans une atmosphère pacifique. On a pu remarquer également que les affaires d’autres manifestants qui arrivaient au centre étaient fouillées, apparemment à la recherche du drapeau amazigh. Un autre passera avec le même sigle amazigh imprimé sur son tee-shirt. Difficile de lui arracher son tee-shirt de sur le corps et le laisser torse nu ! D’ailleurs, on n’a pas parlé de tee-shirt mais de drapeaux. Le débat sur la question était au sein des policiers déployés au centre-ville. Cette intrusion de la problématique de l’étendard au sigle amazigh n’a pas été du goût des manifestants, qui ont insisté, eux, sur le départ de la « Issaba». « Trouh el îassaba n’walou labass» (avec le départ du gang on sera mieux), scandait la foule. La foule, elle, donc, continuait de marcher et crier « dawla madania machi aâskaria» (état civil et non militaire). D’autres slogans réguliers ont été également maintenus, dont « Algérie libre et démocratique», « Djazaïr Chouhada», ainsi que d’autres chants patriotiques qui ont toujours animé la scène du Hirak, recouverte de l’emblème national. 

Des marches similaires ont été enregistrées à travers plusieurs wilayas du pays où les manifestants ont scandé les mêmes slogans et revendications. 


Quand l’ex-président égyptien Mohamed Morsi s’invite dans le hirak algérien

Le portrait de Morsi a été brandi dans tous les pays où les Frères musulmans sont présents. (AP Photo/Emrah Gurel)

Par Saïd N. – Les islamistes ne ratent aucune occasion pour afficher leur présence et démontrer leur force dans les manifestations populaires. Après les funérailles d’Abassi Madani, le fondateur du FIS dissous, le 28 avril dernier à l’ex-Belcourt, qui a drainé de nombreux partisans, plusieurs villes du pays ont été, ce vendredi, le théâtre d’actions simultanées, dédiées à l’ancien président égyptien Mohamed Morsi, décédé en plein procès lundi dernier, et présenté par les islamistes comme un «martyr».

Au moment où les grands boulevards de la capitale débordaient de manifestants brandissant des drapeaux amazighs, en réaction à la mise en garde du chef d’état-major de l’ANP, à Mostaganem et dans plusieurs villes de l’ouest du pays, des dizaines de manifestants ont organisé une prière de l’Absent à la mémoire de Mohamed Morsi, avant l’entame de la marche. Un intervenant a même pris la parole pour haranguer les foules sur «les grandes vertus» de l’ex-chef d’Etat égyptien et «les enseignements à tirer» de son expérience au pouvoir et face au contre-pouvoir.

Pendant la marche, des manifestants ont brandi des portraits et des banderoles sur lesquelles étaient inscrites des phrases attribuées à Morsi, dont la plus saisissante : «Morsi nous a laissé un testament : ne faites pas confiance au pouvoir militaire !» L’allusion est claire : l’actuel homme fort de l’armée en Algérie.

A Tipasa, des manifestants ont aussi brandi des portraits de Morsi en hommage à ce leader islamiste. Même décor dans la ville de Chlef où des manifestants ont tenu à accomplir la prière de l’Absent, tout en scandant des slogans hostiles au pouvoir égyptien qui est, pour eux, responsable de la mort de Mohamed Morsi, et en exigeant une commission d’enquête internationale sur les circonstances de son décès.

Des prières de l’Absent ont été organisées dans d’autres villes du pays comme Constantine, Saïda et Tiaret, suivies de rassemblements et de prises de parole en marge des manifestations hebdomadaires.

S. N.

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