La présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA) Saïda Benhabylès a accusé les pays de l’OTAN d’être responsables du phénomène migratoire en Afrique, et plus particulièrement du Nord vers l’Europe, après l’intervention militaire en Libye. Pour expliquer ce phénomène de la migration, il faut «faire un bon diagnostic», a-t-elle affirmé, hier dimanche, à la Radio nationale. «Oui, c’est vrai, ce phénomène est un drame humain», ajoute-t-elle, avant de relever que «si on veut s’attaquer à ce problème, il faut s’attaquer à l’origine du phénomène et se poser la question qui est responsable de ce drame humanitaire ?». «Dans notre région, c’est l’intervention de l’OTAN, en Libye qui en est responsable, plongeant la population libyenne dans la précarité et favorisant le développement du terrorisme», explique-t-elle. Pour la présidente du Croissant-Rouge algérien, «quand on parle de migration, il faut parler des Syriens, des Irakiens, et se poser la question qui en est à l’origine.
Pour atténuer la souffrance humaine, il faudrait que ceux qui sont responsables assument leurs responsabilités.» Elle a relevé, en outre, que «je n’ai jamais vu une résolution de l’ONU adoptée avec une telle célérité que celle de l’OTAN, autorisant l’intervention militaire en Libye.» «C’est Bernard Henry Levy et Sarkozy, et tout le monde a suivi», estime Saida Benhabyles, selon laquelle «il faudrait se décider à réviser la politique internationale, basée sur l’impunité et l’exploitation des autres.» De plus, «il faudrait arrêter de démocratiser les pays en suscitant des conflits internes et en semant la zizanie confessionnelle», préconise la présidente du CRA. Elle estime que les pays responsables du phénomène migratoire arrêtent de faire du «deux poids, deux mesures», car «c’est une réalité qui est là, qu’on nous impose, et on sait ce qu’est l’occupation.» Saida Benhabyles ajoute que «nous savons mieux que quiconque ce qu’il faut faire pour aider l’autre. Est-ce que la charte des migrants est une réponse au problème ? Je dis non», a-t-elle expliqué en abordant la dernière conférence de Marrakech sur la migration. «La migration est un instrument des Etats : l’histoire se répète», affirme-t-elle, par ailleurs, en expliquant que «la souffrance des peuples est exploitée par ceux qui, durant la décennie noire, en Algérie, se posaient la question «Qui tue qui ?». «C’est l’exploitation de la souffrance des Algériens, et aujourd’hui c’est un autre drame, celui des migrants.» Pour elle, l’Algérie n’est pas «une partie prenante de la tragédie des pays africains», récusant les accusations contre l’Algérie. «L’Algérie n’est pas responsable de ces drames, n’a pas spolié les biens de l’Afrique, on est contre l’ingérence et on contribue à la stabilité des pays et en soutenant le développement.» «Le seul pays à effacer les dettes des pays africains est l’Algérie, qui s’investit, également, dans le développement des zones frontalières», poursuit-elle. La présidente du CRA a rappelé qu’un pays africain «n’a pas encore réalisé son rêve, l’autodétermination. Et aujourd’hui, on célèbre la déclaration universelle des droits de l’Homme. Quelle journée, a-t-elle dit, quand Israël les bafoue, que des femmes palestiniennes accouchent dans les geôles israéliennes menottées. L’occupation est la pire atteinte à la dignité humaine, et aujourd’hui, tout le monde est content de célébrer la déclaration universelle des droits de l’Homme, alors qu’on devrait s’inquiéter de ce qui se passe actuellement. La déclaration sur les droits de l’Homme est un instrument qui ne règle rien», selon elle.
Sur les reconduites de migrants subsahariens aux frontières, par l’Algérie, elle a souligné que «toutes les normes, dans le domaine, ont été respectées. Les Algériens ne peuvent voir quelqu’un, sans lui tendre la main», et, «les pays développés doivent assumer leurs responsabilités dans le phénomène de la migration», estime-t-elle. Elle a, en outre, affirmé que «l’Algérie est capable de rapatrier, mais pour aider les migrants, il faut leur financier des micro-projets, axer sur la résolution des conflits par la réconciliation, le dialogue, et arrêter de s’immiscer dans les affaires des gens à travers les droits de l’Homme…»
Yazid ALILAT / Le Quotidien d’Oran / 24.12.2018
A qui profite le crime ?
En accusant l’OTAN d’être responsable du phénomène migratoire en Afrique vers l’Europe, la présidente du Croissant rouge algérien (CRA), Saïda Benhabyles, n’a rien inventé et n’a fait qu’affirmer ce que tout le monde sait et tait. L’offensive militaire contre la Libye, commanditée par l’ancien président français Sarkozy, sous l’impulsion intéressée de Bernard-Henri Lévy, a considérablement miné la région du Sahel et fragilisé, sinon fait voler en éclats les équilibres régionaux longtemps sauvegardés par Kadhafi. La chute de Tripoli et Benghazi a favorisé, par ailleurs, l’émergence des groupes terroristes qui ont évolué, un temps, en terrain conquis. L’absence de structures institutionnelles fortes et légitimes, enfin reconnues par tous les Libyens, a ouvert une piste de migration difficilement contrôlable. Ce que demande Benhabyles, c’est que toutes les parties qui sont derrière ce drame prennent leurs responsabilités devant l’opinion internationale et qu’on arrête de culpabiliser l’Algérie qui, selon elle, n’est pas partie prenante de la tragédie africaine, en référence au dossier des migrants subsahariens. La présidente du CRA, même si on la soupçonne d’utiliser cette langue de bois chère à nos responsables, avance des arguments tranchants dans leur logique.
En effet, elle rappelle, à bon escient, que l’Algérie n’est pas responsable de ces drames, qu’elle n’a pas spolié les biens de l’Afrique et qu’elle est contre l’ingérence en contribuant à la stabilité des pays et en soutenant leur développement. La plaidoirie s’appuie aussi sur le fait que l’Algérie reste le seul pays, toujours d’après elle, à effacer les dettes des pays africains tout en œuvrant au développement des zones frontalières. Benhabyles s’attaque à cette ingérence de certaines capitales, sous parapluie onusien, dans les affaires internes des pays souverains allant jusqu’à les envahir comme ce fut le cas pour l’Irak, la Syrie ou la Libye. Ce droit divin d’ingérence qui a produit cette vague migratoire, sans précédent, sur les débris de pays ravagés par des années de guerre télécommandée. Et l’Europe de s’étonner aujourd’hui que des centaines de milliers de réfugiés ayant fui la guerre cherchent à s’installer à l’intérieur de ses frontières. Cette migration n’est que la conséquence directe de ces conflits armés qui ont enfanté des survivants quand ce ne sont pas des combattants en déroute, une vision de la question qui préoccupe au plus haut point l’Algérie. Mais même avec cette donnée sécuritaire et les appréhensions somme toute légitimes du pays, des ONG nationales et étrangères continuent de surenchérir à ce propos, accusant l’Algérie d’instrumentaliser le danger terroriste pour expulser les migrants en situation irrégulière.