par Reghis Rabah*
L’ambassadeur de France en Algérie, a saisi l’occasion de la fête nationale de la République française du 14 juillet d’abord, pour inviter de nombreuses personnalités politiques qui ont émergé du mouvement de dissidence populaire du 22 février dernier, des journalistes notamment ceux habitués des lieux ensuite faire une déclaration, toujours politiquement correcte, pour exprimer sa grande surprise de la détermination du mouvement de dissidence populaire qui a frappé l’esprit du pouvoir algérien, celui français en particulier et le reste des chancelleries occidentales. Rappelons que ce diplomate qui a dirigé, lui aussi, les services secrets français, connait bien l’Algérie pour être rappeler une seconde fois, en 2017, afin de remplacer Bernard Bajolet, lui aussi ancien de ces services. Son passage de 4 ans entre 2008 -2012 lui a permis, en diplomate observateur, de mieux connaitre ce pays.
Ce qui justifie le choix, sans doute, de son retour par le Quai d’Orsay’. Pour lui et face à un public acquis, ce soulèvement est non seulement « une opportunité pour l’Algérie » pour s’orienter sur la voie qu’elle choisira en toute souveraineté mais aussi une « chance de la France qui a tant à apprendre de l’Algérie.» Ces Français, ainsi surpris comme ils l’ont été, « souhaitent mieux vous connaître »
La France a travaillé pour le maintien de Bouteflika
A force de répéter, à tout bout de champ, leur version officielle sur ce qui se passe en Algérie du type « pas d’ingérence », « le peuple algérien est souverain dans ses choix », la diplomatie française cache mal un malaise officieux qui le préoccupe au plus haut niveau. Cette inquiétude a même gagné ses anciennes colonies qui tremblent d’un printemps qui se passe à quelques kilomètres de leurs frontières. Le Maroc qui d’habitude saisi ces occasion pour jeter de l’huile sur le feu, s’est tu, cette fois-ci jusqu’à organiser des tables rondes pour vanter le militantisme de Bouteflika durant la guerre de Libération et son passage dans ce pays. La Tunisie de Gaid Essebsi a carrément interdit tout rassemblement en soutien au peuple algérien.
Depuis, déjà, les premiers jours du mouvement, confie une source rapportée par Le Nouvel Observateur’, l’Elysée est en alerte rouge. Le président suit, personnellement et de très près ce qui se passe en Algérie, dit-on dans le cercle proche de Macron. Non seulement le président lit tous les rapports diplomatiques sur le sujet, mais fait très inhabituel, il a téléphoné, lui-même, mardi 26 février 2019, à l’ambassadeur de France sur place, Xavier Driencourt pour connaitre son appréciation de la situation. Il lui a, également, demandé de venir d’urgence au Quai d’Orsay pour informer le ministre, Jean-Yves Le Drian. Si bien que le mercredi 27 février, le diplomate a fait l’aller et retour Alger-Paris, très discrètement. Pourquoi cette attention particulière ? « Rien de ce qui se passe en Algérie n’est indifférent pour la France et donc pour le président, poursuivent des sources. Les enjeux pour nous sont considérables. Avec l’Algérie, nos liens historiques, économiques, politiques, sécuritaires sont très importants. La France a des intérêts sur place, elle abrite aussi une forte communauté algérienne et franco-algérienne. Pour nous, la stabilité de l’Algérie est donc un enjeu majeur, compte-tenu notamment de la proximité géographique et des liens humains entre les deux pays. Et puis, il y a l’enjeu sécuritaire, y compris sur le plan régional. Nous avons besoin d’une coopération avec l’Algérie pour la lutte contre les groupes terroristes dans le Sahel », n’arrêtent pas de souligner de nombreux diplomates. L’ambassadeur, Xavier Driencourt semble être la première personnalité politique étrangère qu’à reçue Abdelghani Zaâlane fraîchement désigné pour remplacer Sellal, limogé subitement. Il est en quête de la moindre information pour rendre compte à l’Elysée qui ne croit pas à la thèse d’un limogeage à cause d’une simple fuite d’une conversation audio entre l’ancien directeur de campagne de Bouteflika et le patron des patrons Ali Haddad. Pour eux, Sellal a jeté l’éponge suite au raz-de-marée du 22 février car de par son expérience des 3 derniers mandats, il ne voyait pas comment il pourrait animer les meetings avec un cadre géant du candidat collé derrière lui.
Des sources diplomatiques qui préfèrent garder l’anonymat, pour les mêmes raisons stratégiques, confient que les services de sécurité français ont été présents en Suisse et suivaient de près ce qui s’est passé au 8ème étage de l’hôpital universitaire de Genève et faisaient, quotidiennement, des rapports à l’Elysée. La réponse qu’avait donnée l’ambassadeur algérien, en France, Abdelkader Mesdoua au journaliste de CNEWS, El Kabach, à la question crue : « Bouteflika est-il encore vivant ? » est probablement la version officielle que livraient les rapports des services de sécurité français. Ils avaient la certitude que Bouteflika a fui, le 24 février, l’Algérie qu’il était bien vivant, qu’il suivait la situation grâce à un état major formé à l’étage supérieur de cet hôpital suisse.
Ali Bounouari qui vit à Genève, a déclaré à un journaliste, la veille du rassemblement du vendredi 1er mars qu’il avait perçu de nombreux diplomates algériens aux alentours de cet hôpital. Pour eux, Bouteflika, doté d’un esprit complotiste depuis son jeune âge, ne faisait pas confiance à l’armée algérienne qui pourrait le renverser sous la pression de la rue. Il ne rentrera pas en Algérie avant d’être assuré d’une stabilité totale de la situation sur place. Il reste cependant l’avis des experts qui connaissent bien l’Algérie pour y avoir vécu comme le Tebessi Hasni Abidi qui pense que « les pôles au pouvoir quoique habitués à ne rendre de comptes à personne, ne savent pas comment répondre à l’irruption, pour la première fois depuis 1988, d’un acteur imprévisible. » En somme, ni la France, ni Bouteflika lui-même et encore moins sa clientèle n’ont prévu un tel scénario qu’offre la rue algérienne déterminée à en finir avec le système.
La France a sculpté le profil du nouvel homme fort de l’Algérie : Gaïd Salah
Cette conviction fortement relayée à travers de nombreux titres de presse, depuis le discours du Général-major Ahmed Gaid Salah, le 2 avril dernier, lorsqu’il a exprimé son état d’âme quand il a lu le communiqué de la position de l’armée poussant Bouteflika à la démission immédiate, ce qui a été fait le soir même, « J’ai confirmé, à maintes fois, qu’en ma qualité de moudjahid ayant lutté par le passé contre le colonialisme tyrannique et ayant vécu la souffrance du peuple en cette période difficile, je ne saurai me taire aujourd’hui sur les complots et les conspirations abjectes, fomentés par une bande qui a fait de la fraude, la malversation et la duplicité sa vocation. Aussi, je suis avec le peuple et à ses côtés pour le meilleur et pour le pire, comme je le fus par le passé, et je m’engage devant Allah et devant la Patrie et le Peuple que je n’épargnerai aucun effort à cette fin, quoiqu’il m’en coûtera ». Pour l’autre rive, le « deal » entre Gaid Salah et le clan rapproché de Bouteflika, saute aux yeux et traîne l’institution militaire dans son ensemble dans son sillage. L’objectif serait, selon cette approche, d’écarter Bouteflika dont le cas s’est avéré indéfendable et coopter quelqu’un du système durant les 90 jours de transition avec une équipe que le Général major a béni lui-même. Pour de nombreux prétendus analystes, cette insurrection citoyenne des fleurs et des sourires cache un tonnerre dont l’étincelle est entre les mains de Gaid Salah.
Ces sorties familiales, chaque vendredi, s’apparentent selon eux à une relation paradoxale entre le peuple et son armée qui pourrait aboutir à une impasse qui va mal tourner, dans peu de temps. Pourquoi ? Ce que exprime le peuple, chaque vendredi, est en totale contradiction avec la feuille de route de l’armée comme l’atteste leur communiqué : « Le peuple a obtenu ce qu’il voulait lorsque le président de la République a présenté sa démission, le soir du jour même, pour passer ensuite à la phase de transition.». La réponse du mouvement populaire ne s’est pas fait attendre : « pas d’anciens du système pour conduire la transition » et la « mise en place d’institution ad hoc pour conduire la transition ». Dans cet échange, en pleine rue, rien n’échappe à ces analystes qui suivent les événements à la loupe. C’est pour cela d’ailleurs que nos concitoyens d’Outre- mer, ont averti les protestataires dont notamment les étudiants, de certaines vidéos que France 24 s’apprête à diffuser montrant des jeunes qui courent derrière des policiers en fuite laissant derrière eux leur véhicule en flammes. Il s’agit en fait des images qui n’ont rien à voir avec le Hirak’ mais celles des protestations de 2001, en Kabylie. Selon Maghreb Intelligence qui cite des sources sûres (01) qui affirment que les services secrets français ont déjà tracé le profil de ce vieux général « ombrageux, colérique et incontrôlable ». Il est donc capable de décréter un état d’urgence et favoriser un affrontement voire une guerre civile pour, uniquement, refroidir ses propres ardeurs. Le peu d’officiers militaires qui le suivent rencontrent, selon ce journal « un énorme obstacle : le refus des puissances étrangères de traiter avec eux ! En effet, nous avons appris de sources sûres que ni la France, ni encore moins l’Union européenne, ni Washington n’ont accepté de voir en Gaïd Salah une alternative au 5ème mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Paris a exprimé ses vives inquiétudes très rapidement, dès les premiers discours du vieux général. Des discours dans lesquels il a menacé, directement, les manifestants pacifiques. A Paris, Ahmed Gaïd Salah dispose de certains relais et des partisans qui ont tenté d’approcher des lobbyistes français ou des journalistes qui ont leurs entrées à l’Elysée »
Pour donner plus d’argumentation à son départ que tout le monde juge urgent, les réseaux sociaux ont partagé la diffusion d’un décret présidentiel qui définit, dans son article 20, l’âge des officiers supérieurs de l’armée qui limite celui des généraux de corps d’armée, à 64 ans et 42 ans de service. Message adressé, directement à Gaid Salah, pour lui signifier que s’il s’obstine à l’application stricte dans l’esprit et la lettre de la constitution, alors qu’il applique les lois de la République à lui-même.
Renvoi (01)- https://www.maghreb-intelligence.com/exclusif-paris-et-washington-refusent-de-traiter-avec-le-general-gaid-salah/
*Consultant, Economiste Pétrolier
Lire aussi :