par Akram Belkaïd
Avant de commencer, un constat préalable : le plan de paix, présenté mardi 28 janvier par l’administration américaine en vue d’un règlement de la question palestinienne, n’est rien d’autre qu’un torchon. Ce document de près de deux cent pages n’a aucune autre intention que de servir uniquement l’intérêt israélien, ou plus exactement celui de Benyamin Netanyahou et des partisans de l’annexion des territoires palestiniens. Concocté par le gendre d’un président qui est déjà entièrement tourné vers sa réélection d’où ses appels du pieds aux électeurs évangélistes qui soutiennent l’État hébreu-, ce plan est surtout un révélateur du rapport de force existant aujourd’hui au Proche-Orient et, de façon plus générale, dans le monde arabe.
Dans cette affaire les Palestiniens, à qui on propose des bantoustans démilitarisés en guise d’État, sont d’abord victimes du parti-pris américain qui s’est déjà manifesté il y a un an avec la reconnaissance par Washington de la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est. Jared Kushner, le maître d’œuvre du torchon a partie liée avec la frange la plus radicale de la droite israélienne, celle qui ne voit les intérêts de l’État hébreu qu’au prisme de ceux des colons installés en Cisjordanie. On ne dira pas que la précédente administration, celle de Barack Obama, était plus équitable mais, au moins, s’est-elle clairement prononcée sur le caractère illégal des colonies dont le document Kushner-Trump propose (impose ?) l’annexion définitive. Souvenons-nous juste que le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité des Nations unies adoptait par quatorze voix et une abstention (celle des États-Unis) la résolution 2334 condamnant « la construction et l’expansion de colonies de peuplement » dans les « territoires occupés ». L’abstention américaine, événement rare pour ce qui concerne les textes votés contre Israël, n’a pas changé la donne mais au moins les États-Unis faisaient-ils mine de respecter le droit international ce qui n’est plus le cas avec Donald Trump.
Les Palestiniens sont aussi victimes des bouleversements du monde arabe. Aujourd’hui, ce sont les monarchies pétrolières du Golfe qui font la loi et imposent leur crédo. Le royaume de Bahreïn, le sultanat d’Oman et la fédération des Émirats arabes unis (EAU) étaient représentés à Washington quand le « plan de paix » a été dévoilé. Les Saoudiens étaient absents mais c’est comme s’ils étaient présents à une cérémonie qui, dans les faits, enterre le plan du roi Abdallah de 2002 (la paix contre la restitution des terres palestiniennes). On sait que ces pays, tétanisés par la menace iranienne, comptent sur Israël pour les protéger et suppléer une Amérique qui regarde de plus en plus du côté de l’Asie. Face à ces monarchies réactionnaires, aucun dirigeant d’envergure n’est capable de faire entendre sa voix. L’Égypte fait ce que Riyad exige d’elle et les autres pays arabes qui échappent aux affres de la guerre civile et de l’instabilité sont aux abonnés absents.
Certes, les peuples demeurent très attachés à la cause palestinienne mais leurs dirigeants ont renoncé depuis longtemps à en faire un point non-négociable. Cela vaut aussi pour l’Algérie qui, ces trente dernières années, c’est souciée comme d’une guigne de cette question. Il y a quelques semaines, un dirigeant du Fatah confiait au présent chroniqueur qu’il y a quelques années, Alger n’avait même pas daigné répondre à une demande pressante des Palestiniens pour une médiation entre l’Autorité palestinienne et le Hamas. Le temps où la diplomatie algérienne plaidait pour que personne ne parle au nom des Palestiniens, les accueillant même en 1988 pour qu’ils proclament la naissance de leur État, est bel et bien terminé.
Enfin, les Palestiniens sont aussi les victimes de leurs propres dirigeants. Que d’aveuglements et de naïveté ! L’affaire était déjà pliée avec les accords d’Oslo mais ni Yasser Arafat ni Mahmoud Abbas n’ont semblé prendre conscience du nœud coulant représenté par l’extension permanent des colonies (600 000 colons aujourd’hui). La lutte fratricide entre le Hamas et le Fatah, le non respect des droits humains à Gaza comme en Cisjordanie et l’absence d’élections (le mandat d’Abbas a expiré) fragilisent la position palestinienne. Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne ne semble exister que par son rôle de supplétif dans sa collaboration sécuritaire avec les Israéliens. Ceci explique, en partie, le mépris affiché par Trump et Kushner à l’égard des Palestiniens.
En attendant la réponse fulgurante de la Ligue arabe qui a une nouvelle fois l’occasion de montrer qu’elle ne sert à strictement rien, il est évident qu’un nouveau chapitre débute au Proche-Orient. Déjà, Netanyahou, loin d’être tiré d’affaire en ce qui concerne ses déboires judicaires, s’apprête à déposer un texte de loi pour entériner l’annexion des terres palestiniennes où sont installés les colons. En Occident, les masques tombent. Bien sûr, les partisans de la cause palestinienne demeurent nombreux et mobilisés. Mais les habituels visqueux qui n’ont que le mot paix à la bouche sans jamais critiquer l’existence des colonies, tiennent là une belle occasion de ressortir la vieille rengaine à propos de Palestiniens « qui gâchent les occasions de faire la paix », « qui n’acceptent pas la main tendue et les propositions généreuses »,… Bref l’habituel blabla destiné à faire oublier l’essentiel : la profonde injustice subie par tout un peuple depuis 1948.
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La pax americana
Le plan de paix ou accord du siècle avancé par le président américain Donald Trump a eu, au moins, deux effets remarquables : d’une part, il a rendu le sourire à son « ami », le Premier ministre de l’Etat hébreu, Benjamin Netanyahu, qui cherche désespérément à se dépêtrer des scabreuses affaires de corruption dont est entaché son parcours, depuis une décennie, et dont le résultat des élections israéliennes, en mars prochain, est fortement tributaire. D’autre part, il a réussi, là où la Ligue arabe s’est cassée les dents, à savoir ressouder les rangs palestiniens, puisque voilà enfin le Hamas et l’OLP solidaires pour rejeter « l’arnaque du siècle ».
Au mépris des résolutions de l’ONU, le milliardaire américain a honoré son contrat avec le lobby sioniste, incarné par son gendre Jared Kushner, l’« ambassadeur » américain en Israël, David Friedmann, et son homme de main, Jason Greenblatt. Les trois personnages sont des militants sionistes notoires, dans une Amérique qui porte l’Etat hébreu à bout de bras, quel que soit le camp au pouvoir. Le démocrate Barack Obama qui avait des rapports électriques avec Netanyahu l’a vérifié à ses dépens.
Le gendre de Trump, conseiller à la Maison- Blanche, est l’ « artisan » du plan de paix. En réalité, il n’en est que le porte-voix car ce sont Jason Greenblatt, ancien vice-président exécutif et responsable juridique de la Trump organization, parachuté émissaire spécial pour le Proche-Orient, et le « diplomate » David Friedmann qui sont les vraies chevilles ouvrières d’un projet largement dicté par…Netanyahu. Leur promotion spectaculaire, au lendemain de l’élection de Donald Trump, n’avait pas d’autre but que de faire triompher les appétits du chef du Likoud.
Que peuvent faire les Palestiniens face à une telle adversité, alors qu’ils sont lâchés par la « nation » arabe, depuis plusieurs années, et que des liens, de plus en plus affichés ouvertement, lient certains Etats du Golfe à l’Etat hébreu, comme cela s’est vu à Bahrein lorsque Netanyahu a été reçu en grande pompe, dernièrement, ou à New York où le prince héritier saoudien tutoie son « ami » Jared Kushner.
Celui-ci est le principal financier de la colonisation juive qui a connu un expansionnisme effréné, afin d’anéantir les aspirations du peuple palestinien. Loin de rendre service au « peuple élu », cette politique du fait accompli découle d’une stratégie sioniste qui n’a eu de cesse, depuis la création de l’Etat hébreu en 1949, de s’emparer des territoires occupés, quitte à aggraver les risques d’un embrasement, dans une région qui demeure un immense baril de poudre. / Chaabane BENSACI
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Plan de paix pour le Moyen-Orient : «C’est un plan israélien présenté par les Américains»
Entretien du 29/01/2020 avec Khattar Abou Diab, politologue et spécialiste du Moyen-Orient. Invité du JT de RT France, il apporte son analyse du plan de paix au Proche-Orient dévoilé par Donald Trump et Benjamin Netanyahou le 28 janvier.
Plan Trump : « une violation des droits des Palestiniens », selon la Ligue arabe
La Ligue arabe a fustigé mercredi le plan américain censé mettre un terme au long conflit israélo-palestinien, dénonçant «une grande violation des droits légitimes des Palestiniens».
Annoncé mardi à Washington par le président américain Donald Trump en présence du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ce plan accorde des concessions à Israël. Il a été rejeté avec véhémence par les Palestiniens.
«Nous étudions minutieusement la perspective américaine et sommes ouverts à tous les efforts sérieux en faveur de la paix», a réagi mercredi le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit.
Dans un communiqué du siège de la Ligue arabe au Caire, il a jugé toutefois qu’«une lecture préliminaire du plan montre une importante violation des droits légitimes des Palestiniens».
Une paix juste et durable ne pourra être atteinte en «ignorant ou en légitimant l’occupation israélienne depuis 1967», a-t-il souligné.
Le plan «reflète une position américaine non contraignante», a-t-il encore dit, estimant que seule sa conformité avec le droit international «permettrait d’évaluer sa pertinence».
Parmi les nombreux points sensibles du projet américain figure l’annexion par Israël des colonies qu’il a implantées en Cisjordanie occupée depuis 1967, en particulier dans la vallée du Jourdain qui, selon le plan, doit devenir la frontière orientale d’Israël.
Le plan américain décrit Jérusalem comme «la capitale indivisible d’Israël» et propose de créer une capitale de l’État palestinien cantonnée dans des faubourgs de Jérusalem-Est — secteur palestinien de la ville qui est occupé depuis 1967 par Israël, qui l’a ensuite annexé sans que cela soit reconnu par la communauté internationale.
Le projet de paix américain a reçu un accueil largement favorable des Israéliens, farouchement hostile dans les Territoires palestiniens, et un accueil timoré sur la scène internationale.
Une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères arabes, en présence du président palestinien Mahmoud Abbas, se tiendra samedi au Caire afin d’évoquer le plan américain.