PAR NGUYEN THI LAN HUONG
CHERCHEUSE,
INSTITUT DES ÉTUDES MARITIMES, ACADÉMIE DIPLOMATIQUE DU VIETNAM
SEPTEMBRE 2020
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Pendant les six premiers mois de l’année 2020, la majorité des États du monde se concentrèrent sur la lutte contre la pandémie de Covid-19 qui a fait des centaines de milliers de victimes. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) vient pour sa part d’adopter à l’unanimité une résolution en faveur d’un cessez-le-feu mondial pour permettre aux États membres de combattre la pandémie globale1. Or, dans la mer de Chine méridionale – le carrefour stratégique entre les océans Indien et Pacifique – la situation géopolitique reste turbulente, ce qui attire l’attention de la communauté internationale. Ayant un statut bien particulier dans la région d’indo-pacifique par rapport aux autres pays européens, la France “a fait entendre sa voix en mer de Chine et elle doit, à présent faire en sorte que sa voix porte mieux”2.
DISCUSSION ANIMÉE SUR LES REVENDICATIONS MARITIMES ILLÉGALES
La mer de Chine méridionale n’est pas un espace pacifié, et ne l’est pas devenue pendant l’épidémie de Covid-19. En effet, la Chine n’a pas cessé ses pratiques agressives qui se caractérisent de plusieurs manières : couler des bateaux de pêche des autres pays ; installer des centres de recherche sur les récifs de Fiery Cross et Subi dans les Spratleys ; établir deux nouveaux districts administratifs ; envoyer des navires de surveillance pour manœuvrer dans les zones économiques exclusives des pays voisins…
Toutes ces activités menées par la Chine, ayant pour but d’y étendre son administration effective, ont naturellement provoqué la réprobation des pays voisins et l’inquiétude de la communauté internationale. Plusieurs observateurs craignent ainsi que la Chine puisse proclamer une Zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) au-dessus de la mer de Chine
1 Lutte contre la Covid-19: le Conseil de sécurité exige une cessation immédiate et mondiale des hostilités :
https://news.un.org/fr/story/2020/07/1072152
2 Rapport d’information no.1868 sur les enjeux stratégiques en mer de Chine méridionale : http://www.assembleenationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b1868_rapport-information#_Toc256000039
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méridionale dans un futur très proche comme elle l’a fait en mer de Chine orientale (Pékin avait décrété une ADIZ couvrant les îlots Senkaku/Diaoyu en 2013)3.
En même temps, on relève d’importantes évolutions sur le plan juridique. Le 12 décembre 2019, la Malaisie a soumis une demande partielle à la Commission des limites du plateau continental pour des informations sur la limite extérieure de son plateau continental au nord de la mer de Chine méridionale4. Le même jour, la Chine a envoyé au Secrétaire général des Nations unies une note verbale pour protester contre la Malaisie.
Cette note verbale chinoise5 a ensuite fait l’objet de multiples objections des États riverains en mer de Chine méridionale6. Sur une période de trois mois (mars à juillet 2020), on compte quatorze notes verbales ou lettres diplomatiques consécutivement adressées par les Philippines, le Vietnam, l’Indonésie et la Chine. Les États-Unis ont participé à cette discussion en adressant leur propre lettre au Secrétaire général des Nations unies, puis la faisant circuler au sein de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. L’Australie vient, récemment le 23 juillet, de rejeter les positions énoncées dans toutes les notes verbales et lettres diplomatiques de la Chine. Cet enchaînement de protestations et contreprotestations est regardé comme une tactique de guerre juridique (lawfare) contre les revendications maritimes illégales de la Chine.
Cela rappelle la situation de mai 2009, quand le Vietnam et la Malaisie avaient soumis des demandes conjointes sur le plateau continental en mer de Chine méridionale.7 En protestant contre cette demande conjointe, la Chine avait, pour la première fois, lancé officiellement sa revendication, illustrée par la carte de la ligne des neuf traits sans aucune clarification sur son fondement juridique8. Depuis, la Chine a engagé une campagne de
3 Minnie Chan, Beijing’s plans for South China Sea air defence identification zone covers Pratas, Paracel and Spratly islands, PLA source says, https://www.scmp.com/news/china/military/article/3086679/beijings-plans-southchina-sea-air-defence-identification-zone 4 Réception de la demande partielle présentée par la Malaisie à la Commission des limites de son plateau continental dans la mer de Chine méridionale :
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys85_2019/2019_12_19%20CLCS%20notification.85.2019.LOS_f.pdf
5Note verbale CML/14/2019 (China) :
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys85_2019/CML_14_2019_E.pdf
6Dossier sur le plateau continental étendu :
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_mys_12_12_2019.html
7 Le Vietnam a également soumis une demande partielle sur le plateau continental en mer de Chine méridionale en mai 2009.
8 Note verbale no. CML/18/2009 (Chine)
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/vnm37_09/chn_2009re_vnm.pdf
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poldérisation massive et de militarisation des lieux qu’elle occupe en mer de Chine méridionale en créant de géantes îles artificielles tout en s’appuyant sur la stratégie de zone grise dans les espaces maritimes placés sous les droits souverains et la juridiction des États voisins. La situation d’aujourd’hui est cependant différente et plus complexe. En effet, l’échiquier juridique régional a radicalement changé depuis la sentence arbitrale relative à la mer de Chine méridionale du 12 juillet 2016.
CHINE : NOUVELLES FORMES DE REVENDICATIONS, MAIS ENCORE PLUS RADICALES
Quatre années se sont déjà écoulées depuis la décision arbitrale de 2016, et la Chine continue sa position des trois “non” vis-à-vis de l’arbitrage et presse dans le même temps ses revendications maritimes de manière encore plus systématique. Elle essaie de lancer une nouvelle doctrine de revendications, que l’on nomme “Four Sha” (quatre groupes d’îles en mer de Chine méridionale). Le jour même où la sentence était rendue, la Chine a annoncé sa nouvelle position basée sur les “Nanhai Zhudao” (îles en mer de Chine méridionale). Elle revendique :
(i) la souveraineté sur les Nanhai Zhudao, y compris les Spratleys (Truong Sa), les Paracels (Hoang Sa), les Pratas et le Banc Macclesfield;
(ii) les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental basés sur les Nanhai Zhudao;
(iii) des droits historiques en mer de Chine méridionale.9
En août 2017, à Boston, Ma Ximin, représentant officiel du ministère des Affaires étrangères chinois, a mentionné cette doctrine lors du dialogue bilatéral sino-américain sur les thématiques du Droit de la mer10. En faisant circuler la note verbale no. CML/14/2019 du 12 décembre 2019, la Chine a officiellement énoncé ses positions de “Nanhai Zhudao” à l’ONU, comme elle l’a fait il y a dix ans pour la ligne en neuf traits.
En réalité, ces nouvelles revendications sont encore plus radicales et montrent une ambition de s’approprier un plus grand espace maritime de la part de la Chine. Conformément à la
9 Déclaration du gouvernement de la République populaire de Chine 12 juillet 2016 :
http://mr.china-embassy.org/fra/xwdt/t1380285.htm 10 Julian Ku, Chris Mirasola, The South China Sea and China’s Four Sha claim: New theory, same bad argument :
https://www.lawfareblog.com/south-china-sea-and-chinas-four-sha-claim-new-legal-theory-same-bad-argument
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Convention des Nations sur le Droit de la mer (CNUDM) et à la sentence arbitrale du 12 juillet 2016, on peut comprendre les éléments suivants :11
• Il n’y a aucun fondement juridique pour que la Chine revendique des droits historiques sur des ressources dans les zones maritimes à l’intérieur de la ligne en neuf traits.
• Aucune des îles de Spratleys n’est pas capable de générer une zone maritime étendue (au-delà des 12 miles marins).
• Un groupe d’îles tel que les Spratleys n’est pas capable de générer des zones maritimes collectivement en tant qu’ensemble. Il n’existe aucune coutume internationale selon laquelle un État continental peut tracer les lignes de base droites autour des groupes d’îles qui se situent à une grande distance, “offshore”.
Les États archipels sont les seuls qui ont le droit de tracer des lignes de base archipélagiques conformément à la Convention12.
• Les hauts-fonds découvrants et les bancs submergés (comme le Banc de Macclefield) ne font pas l’objet d’appropriation et ne donnent aucun droit maritime.
11 Communiqué de presse, Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale : https://docs.pca-cpa.org/2016/07/PHCN-20160712-Press-Release-No-11-French.pdf 12 En mai 2018, un groupe d’experts chinois (Chinese Society of International Law, CSIL) a publié « The South China Sea Arbitration Awards : A Critical Study », une analyse de plus de 500 pages dont le but est de contester la sentence arbitrale en disant que le Tribunal a tort.
Parmi beaucoup d’arguments, ils en ont fait un qu’il existe une norme coutumière selon laquelle des États continentaux tels que la Chine peuvent générer des zones maritimes autour des groupes d’îles collectivement en tant qu’un ensemble. Ils ont cité 17 exemples, dont la France (avec la Nouvelle Calédonie, la Guadeloupe et les îles Kerguelen) pour objectif de montrer une pratique générale des États qui tracent des lignes de bases d’une manière excessive comme la Chine (p.488).
Ces experts chinois utilisent le terme « outlying/offshore archipelagos of continental states ». Lire Chinese Society of International Law (CSIL), “The South China Sea Arbitration Awards: A Critical Study”, Chinese Journal of International Law, Vol. 17, n°2, juin 2018, pp. 207-748:
https://academic.oup.com/chinesejil/article/17/2/207/4995682
Toutefois, beaucoup de spécialistes ne sont pas d’accord avec un tel argument, par exemple : Douglas Guifoyle, Ashley Roach, Erik Franckx… En 2018, l’Association du Droit International (International Law Association (ILA) a publié un rapport final sur les lignes de bases dans le droit international de la mer, Resolution 1/2018, dans lequel, elle conclut que “dans le cas des offshore/outlying archipelagos, un Etat n’a pas le droit de revendiquer de lignes archipélagiques comme un Etat archipel” (note 11).
Sofia Kopela, dans son ouvrage Dependent archipelagos in the law of the Sea (2013), conclut que ‘it can not be said that the practice has attained the uniformity and generality required for the ascertainement of customary law” (p. 182). Dans une recherche publiée, mon argument est qu’il ne s’agit pas d’une pratique générale acceptée comme étant le droit.
De plus, lors de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer, les négociateurs ont refusé l’idée sur « outlying/ offshore archipelagos of continental states » pour la crainte de l’expansionnisme. Référence : Nguyen Thi Lan Huong, Một số vấn đề về quần đảo ngoài khơi của quốc gia lục địa và thực tiễn ở Biển Đông, Tạp chí Nghiên cứu quốc tế, 1(120), 3/2020 (en version vietnamienne).
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• C’est pourquoi la nouvelle position de la Chine va totalement au-delà des limites des zones maritimes accordées par la CNUDM de 1982, puis au détriment de la sentence arbitrale de 2016.
SYNERGIE À ÉCHELLE RÉGIONALE EN VUE DE GARANTIR L’ORDRE
JURIDIQUE MARITIME
Bien que la sentence arbitrale unanime ne soit définitive et à force obligatoire entre les parties concernées sur le principe, son dispositif sert surtout de référence importante pour les autres États riverains qui optent pour le règlement pacifique des différends maritimes en se basant sur le droit international, y compris la CNUDM.
En fait, de plus en plus d’États dans la région font référence à la Convention et à la sentence arbitrale du 12 juillet 2016 comme fondement permettant de garantir l’ordre juridique maritime pour protester contre les activités provocatrices de la Chine qui se sont multipliées au cours des dernières années.
Il faut, en effet, tenir compte du fait que la plupart des États riverains de la mer de Chine méridionale s’opposent explicitement aux revendications maritimes et aux manœuvres chinoises dans leurs diverses déclarations politiques. Ils se réfèrent aux dispositifs de la décision de manière directe ou indirecte :
• Les Philippines : malgré des signes de rapprochement avec la Chine sous l’administration du Président Duterte, Manille a confirmé à plusieurs reprises l’importance de la sentence arbitrale et appelé la Chine à la respecter.
À l’occasion du 4e anniversaire de la sentence, le 12 juillet 2020, le secrétaire des Affaires étrangères Filipinois,Teodoro Locsin, déclara que “cette sentence n’est pas négociable”13.
• L’Indonésie : bien qu’elle ne revendique aucun titre de souveraineté en mer de Chine méridionale, l’Indonésie a mentionné explicitement la sentence arbitrale
13 Statement of Secretary of Foreign affairs Teodoro Locsin in the 4th Anniversary of the issuance of the award in the South China Sea arbitration, 12 juillet 2020 : https://dfa.gov.ph/dfa-news/statements-and-advisoriesupdate/27140-statement-of-secretary-of-foreign-affairs-teodoro-l-locsin-jr-on-the-4th-anniversary-of-the-issuance-of-the-award-inthe-south-china-sea-arbitration
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pour la première fois dans une déclaration contre les intrusions des navires de pêche chinois dans sa zone économique exclusive14. De plus, Jakarta a soumis deux notes verbales à l’ONU pour protester les revendications maritimes de la Chine15, tout en refusant de procéder à la négociation et la consultation sur la délimitation maritime avec la Chine(16).
• Le ministre de défense singapourien, Ng Eng Hen, en soulignant la valeur de la sentence, était d’accord sur le fait que les Spratleys n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental à l’occasion de la 56e Conférence de Munich sur la sécurité en février 2020(17).
• La Malaisie a souligné que les questions relatives à la mer de Chine méridionale doivent être résolues de manière pacifique sur la base des principes universellement reconnus du Droit international, dont la CNUDM(18).
• Le Vietnam, dans sa note verbale no.22/HC-2020, a clarifié pour la première fois et dans l’ensemble, ses positions sur les questions en mer de Chine méridionale telles que le régime juridique des structures géographiques dans les Spratleys et les Paracels. Le Vietnam s’oppose explicitement aux revendications maritimes de la Chine qui vont au-delà des limites fixées par la Convention et qui violent la souveraineté, les droits souverains et la juridiction du Vietnam. La CNUDM est présentée comme le fondement unique pour résoudre les questions maritimes.
14 RI Kembali Tegaskan Tolak Klaim Unilateral RRT atas ZEE Indonesia, 1er janvier 2020,
https://kemlu.go.id/portal/id/read/933/siaran_pers/ri-kembali-tegaskan-tolak-klaim-unilateral-rrt-atas-zeeindonesia
15 Note verbale no.126/POL-703/V/20 (Indonesia)
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys_12_12_2019/2020_05_26_IDN_NV_UN_001_English.
pdf
16 Note verbale No.148/POL_703/VI/20 (Indonesia)
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys_12_12_2019/2020_06_12_IDN_NV_UN_002_ENG.pdf 17Speech of Minister of Defense of Singapore in the Conference of Munich, 15 février 2020:
https://www.mindef.gov.sg/web/portal/mindef/news-and-events/latest-releases/articledetail/2020/February/15feb20_speech
18Déclaration de presse, Ministère des Affaires étrangères de Malaisie, sur la position des États-Unis sur les revendications maritimes en Mer de Chine méridionale (14/7) : https://lecourrier.vn/mer-orientale-malaisiens-etindonesiens-appellent-au-nbspreglement-des-differends-sur-la-base-du-droit-international/822348.html
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En l’énonçant comme tel dans sa note verbale, le Vietnam fait revivre la sentence arbitrale 2016(19).
• L’ASEAN a réaffirmé que la CNDUM était le fondement juridique pour lequel les États génèrent des zones maritimes et mettent en œuvre les activités dans le domaine maritime20.
D’autres États dans la région indo-pacifique tels que le Japon, l’Australie et l’Inde ont toujours demandé le respect de la Convention ainsi que le respect de la sentence arbitrale.
Parmi les puissances non régionales, les États-Unis sont les plus impliqués en réaffirmant plusieurs fois l’opposition à la mainmise chinoise dans la mer de Chine méridionale. Ils soulignent que la décision est définitive et a force exécutoire pour les deux parties21. Le 13 juillet 2020, le chef de la diplomatie américaine, Michael R.Pompeo, a déclaré la « position américaine sur les revendications maritimes en mer de Chine méridionale ». Il ne s’agit pas de positions totalement nouvelles, par contre, elles sont renforcées selon les termes suivants:
(i) La Chine n’a pas le droit de revendiquer les zones maritimes du Scarborough et des îles Spratleys;
(ii) Les États-Unis rejettent les revendications chinoises dans les zones maritimes autour de Vanguard Bank (Vietnam), de Luconia Shoals (Malaisie), des zones maritimes de Brunei et de Natuna Besar (Indonesia);
(iii) La Chine n’a pas le droit de revendiquer un titre territorial ni maritime vis-à-vis de James Shoal.
Les États-Unis continuent leur position neutre sur les questions de souveraineté territoriale. Les élites américaines avaient exprimé leur protestation contre les revendications maritimes chinoises à plusieurs reprises au cours de cette année22. Et en juin 2020, Washington a envoyé une lettre diplomatique23, en réitérant ses objections aux
19Note verbale no.22/HC-2020 (Vietnam)
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys_12_12_2019/VN20200330_ENG.pdf . Le Vietnam réaffirme toujours sa souveraineté dans les archipels Paracel et Spratly. 20 Chairman’s Statement of the 36th ASEAN Summit (26 juin 2020) : https://asean.org/chairmans-statement-36thasean-summit-26-june-2020-cohesive-responsive-asean/ 21 US Position on Maritime Claims in the South China Sea (13 juillet 2020) : https://www.state.gov/u-s-position-onmaritime-claims-in-the-south-china-sea/ 22 PRC’s Reported Sinking of a Vietnamese Fishing vessel in the South China Sea, US Department of Statement
Spokesperson, 6 avril 2020 : https://www.state.gov/prcs-reported-sinking-of-a-vietnamese-fishing-vessel-in-thesouth-china-sea/ 23 Letter of the Permanent representative of the United States of America to the United Nations addressed to the Secretary-General, A/74/874-S/2020/483 : https://undocs.org/a/74/874
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revendications maritimes de la Chine déjà indiquées dans la note verbale du 28 décembre 2016(24).
• L’Australie vient de participer à la “campagne” contre les revendications illégales de la Chine en envoyant sa note verbale au Secrétaire général en juillet 2020. En affirmant l’importance de la CNDUM et la valeur de la sentence, Canberra rejette:
(i) les revendications de droits historiques de la Chine,
(ii) le fait de tracer des lignes de base droites reliant les points extrêmes des structures maritimes ou “groupes d’îles” en mer de Chine méridionale, y compris “Four Sha” et d’archipels “continentaux/outlying”25,
(iii) les revendications de générer des zones maritimes autour des structures submergées ou des hauts-fonds découvrants ou des structures artificielles.
De plus, l’Australie n’accepte pas une telle assertion, que la souveraineté de la Chine sur les Paracels et les Spratleys soit reconnue par la communauté internationale. Il s’agit d’un point de vue remarquable et important dans cette note verbale26.
QUEL RÔLE POUR LA FRANCE ?
L’espace indo-pacifique est, pour la France, une réalité géographique, géopolitique et géoéconomique: elle y est présente avec ses territoires d’outre-mer, et 93% de sa zone économique exclusive se situe dans les océans Indien et Pacifique
27. Dans le document intitulé La France et la sécurité en Indopacifique du ministère de Défense français, la mer de Chine méridionale est présentée comme l’un des défis sécuritaires majeurs dans la région, témoignant de la remise en cause de l’ordre multilatéral au profit de politiques d’affirmation de puissance 28. La France prend une position cohérente sur la mer de Chine
24Note verbale 28 décembre 2016 (États Unis) :
https://usun.usmission.gov/wp-content/uploads/sites/296/200602_KDC_ChinasUnlawful.pdf 25 Dans l’analyse “South China Sea Arbitration Awards : À Critical Study’ de la CSIL en 2018 (voir la note 12), les auteurs ont également cité l’Australie dans la liste des 17 exemples avec pour objectif de montrer une pratique générale des États qui tracent des lignes de base d’une manière excessive autour des groupes d’îles. Toutefois, avec cette note verbale, Canberra rejette implicitement un tel argument de la CSIL.
26 Note verbale No.20/026 (Australie) :
https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/mys_12_12_2019/2020_07_23_AUS_NV_UN_001_OLA2020-00373.pdf 27France Diplomatie: https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/la-zone-indopacifique- unepriorite-pour-la-france/ 28 La France et la sécurité en Indopacifique, 2018, p. 4.
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méridionale, qui consiste à soutenir l’application stricte du Droit international et de la CNUDM sans prendre parti dans les litiges de souveraineté. Au cours de ces dernières années, la France et d’autres pays européens sont devenus de plus en plus actifs dans la région par voie de missions des opérations de liberté de navigation (FONOP). Face à l’aggravation de la situation en mer de Chine méridionale, la France, avec d’autres membres de l’Union européenne, a élevé sa voix, comme en témoignent la Déclaration de l’Union européenne du 29 août 201929 et la Déclaration conjointe France-AllemagneRoyaume-Uni du 30 août 201930.
Cependant, la France semble être peu impliquée, voire même silencieuse devant les récents importants développements en mer de Chine méridionale. La bataille contre le coronavirus et les impératifs en matière de politique intérieure ont, en 2020, conforté ce manque d’implication. Toutefois, étant un État indo-pacifique avec des intérêts qui lui sont propres, la France ne devrait pas oublier son rang dans la région. Paris pourrait mieux porter sa voix sur la situation en mer de Chine méridionale, surtout quand de nombreux États de la région sont préoccupés par les revendications maritimes excessives et illégales de Pékin.
En faisant valoir des revendications maritimes d’aussi large portée, la Chine pourra restreindre les droits et les libertés, dont celles de navigation et de survol dont jouissent tous les États, y compris la France. Surtout, ces revendications se font au détriment des valeurs et des normes du Droit international et de l’intégrité de l’ordre juridique maritime. En avril 2019, un groupe de députés français de la Commission des Affaires étrangères a présenté un rapport sur les enjeux stratégiques en mer de Chine méridionale à l’Assemblée nationale. Ils ont synthétisé une liste de six recommandations pour une politique française volontariste en mer de Chine méridionale, la présentant comme une valeur ajoutée31. Dans le contexte actuel, il est temps pour la France de mettre en place ces mesures et en premier lieu, de mieux étayer le positionnement sur le plan juridique.
29Statement by the Spokesperson on recent developments on the South China Sea, 29/8/2019 :
https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/66767/statement-spokesperson-recentdevelopments-south-china-sea_en 30 Déclaration conjointe de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni – Situation en Mer de Chine méridionale (30 août 2019) : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asieoceanie/evenements/article/declarationconjointe-de-la-france-de-l-allemagne-et-du-royaume-uni-situation 31 Rapport d’information no.1868 sur les enjeux stratégiques en mer de Chine méridionale : http://www.assembleenationale.fr/dyn/15/rapports/cion_afetr/l15b1868_rapport-information#_Toc256000039
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MER DE CHINE MÉRIDIONALE : POURQUOI LA FRANCE DEVRAIT S’IMPLIQUER
PAR NGUYEN THI LAN HUONG / Chercheuse à l’Institut des Études Maritimes, Académie Diplomatique du Vietnam. Elle a suivi le Master 2 en Droit international et européen à l’Institut du Droit de la paix et du développement (Université de Nice-Sophia Antipolis, 2010-2011) et est actuellement doctorante en Droit international à l’Académie diplomatique du Vietnam.
SEPTEMBRE 2020
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur.
ASIA FOCUS
Collection sous la direction de Barthélémy COURMONT, directeur de recherche à l’IRIS, maître de conférences à l’Université catholique de Lille, et Emmanuel LINCOT, chercheur associé à l’IRIS, professeur à l’Institut catholique de Paris – UR « Religion, culture et société » (EA 7403) et sinologue.
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