Lettre ouverte à Madame l’ambassadeur des États-unis en Haïti, Michele Sison

Raphael Dieuphene Isaac
Paris – France : un jeune haïtien écrit à l’ambassadeur américain à Port-au-Prince, Michèle Sison

  Objet:  Une dénonciation sans équivoque de vos agissements dans les affaires politiques de mon pays.

Paris, le 10 juillet 2020 –

Madame l’ambassadeur,

Je vous écris cette correspondance depuis le vieux continent; l’Europe. Et plus particulièrement depuis la France. Soyez en certaine Madame l’ambassadeur, je n’ignore nullement les risques encourus par quiconque ose, par sa plume ou par tout autre moyen, vous mettre face à vos responsabilités dans la situation chaotique, par votre faute et par celle de votre gouvernement, que connait actuellement mon pays.

Votre dédain pour notre souveraineté, pour notre indépendance voire même, pour notre existence comme entité étatique me laisse de marbre. Et sans hésitation aucune, je souhaite dans cette correspondance, vous exprimer tout mon dégoût, toute l’indignation qui est la mienne. En effet, petit garçon, votre démocratie était pour moi un modèle à suivre, un modèle devant être dupliqué si nécessaire, un peu partout dans le monde.Devenu un homme, il m’a fallu peu, très peu, pour me rendre compte de mon angélisme sur votre système qui se veut d’abord et avant tout un système impérialiste.

Désormais, comme bon nombre de mes compatriotes, je vois dans votre pays, non pas une grande démocratie, encore moins un pays ami du peuple haitien sinon, le principal obstacle à notre épanouissement, le principal pourfendeur de nos rêves.

Madame l’ambassadeur, je n’ignore nullement la toute-puissance du pays dont vous êtes la représentante en Haïti, en l’occurrence, les États-Unis d’Amérique. Je sais aussi que de par sa puissance militaire, de par sa puissance économique et monétaire, de par sa place de choix dans le concert des nations, les États-Unis est une redoutable puissance, se croyant à tort, au dessus des autres nations. Votre manque d’empathie  pour les « outcast » de mon pays me sidère. J’ose, envers et contre tous, vous dire mes quatre vérités.

Mon cadavre aux chiens et mon âme au Panthéon des Dieux du Vaudou !

En Haïti, c’est bien en dehors du droit international public et notamment, la convention de Vienne; en dehors du droit positif haitien; en dehors des usages diplomatiques, que vous continuez à soutenir le pouvoir en place, lequel pouvoir, est en train d’asphysier tout un peuple. Comme George Floyd, le peuple haitien hurle qu’il ne peut plus respirer, avec une méchanceté sans borne, vous continuez à appuyer votre genou sur son cou. Nous sommes votre George Floyd.

De grâce Madame l’ambassadeur, enlevez votre genou sur notre cou! Madame, peu importe le prix à payer, je m’en voudrais, en digne héritier de Makandal, de Jean-Jacques Dessalines et de Toussaint Louverture, de ne pas dénoncer les préjugés aussi bien racistes que barbares caractérisant vos agissements dans mon pays.Si le pouvoir m’était donné, je vous aurais sans ménagement, bouté hors de notre territoire.

Mon cadavre aux chiens et mon âme au Panthéon des Dieux du Vaudou!

Face aux agissements mafieux et antidémocratiques de l’apprenti dictateur Jovenel Moïse, le citoyen Raphael Isaac est pour le moins choqué par le silence gardé par vous même et par le gouvernement des Etats-Unis. Votre pays, si prompt à intervenir partout dans le monde, comme il l’a fait en Irak, en Afghanistan, au Vietnam, pour y installer à marche forcée, sa démocratie libérale, garde un silence de plomb sur le sort du peuple haitien, l’un de ses plus voisins.

Madame l’ambassadeur, outre votre silence, le gouvernement de votre pays et vous sont à mes yeux, instigateurs et complices de ce chaos politique, économique et social que connaît actuellement Haiti. Mes analyses sont d’autant plus vraies, quand on sait notamment, qu’une simple remontrance de votre part ou de la part de votre gouvernement, suffirait amplement, pour calmer les velléités dictatoriales du pouvoir PHTK. De mon point de vue et du point de vue géopolitique, votre gouvernement n’a aucun intérêt,  à ce que mon pays devienne une Somalie des Amériques.

Personne n’est dupe! En effet, dans l’unique objectif de préserver vos intérêts impérialistes, vous faites fi des signaux de détresses qui vous sont souvent lancés par la jeunesse haïtienne. La preuve en est grande, l’année dernière, alors même que le peuple haitien se battait pour sa dignité, neuf de vos compatriotes, armés jusqu’aux dents, sont entrés en Haïti, dans l’unique objectif d’exécuter de sang-froid des manifestants osant dénoncer les dérives du pouvoir en place. Le comble de ce scandale d’État, peu de temps après leur arrestation, ces mercenaires sont rentrés au bercail, sans être entendus par la justice haitienne. Quelle foutaise!

Avec arrogance, ils ont eu le privilège d’attendre leur vol dans notre salon diplomatique. Et là encore, Madame L’ambassadeur garde le silence! Ostensiblement, à ses yeux, la vie des haïtiens, comme celle de la communauté noire des États-Unis ne compte pas.

Pourquoi, suis-je animé par le sentiment, que vos gouvernements successifs, cherchent systématiquement à humilier le peuple haitien? Pourquoi prenez-vous tant de plaisir à voir souffrir les miens? Votre mépris pour le peuple haitien est poussé à son paroxysme, à moi de vous appeler Madame l’ambassadeur, à traiter mon pays non pas en parent pauvre sinon, comme un Etat libre, indépendant et maitre de son destin. Encore une fois, mon cadavre aux chiens et mon âme au Panthéon des Dieux du Vaudou!

S’Il est vrai que certains dirigeants politiques de mon pays, sans aucun sens de l’Histoire, sans scrupules, corrompus on ne peut plus, vous apportent une aide précieuse dans le processus de déconstruction de notre grande nation, toutefois, sachez  Madame l’ambassadeur, que ce pays, inventeur de la liberté universelle, n’a pas vocation être la risée du mon occidental.

Vos services secrets, avec leurs moyens de surveillances tentaculaires, capables de voir, grâce à leurs technologies de pointes, une fourmi noire dans un trou noir, ne me feront jamais croire, qu’ils n’ont aucun contrôle sur l’entrée des armes et des munitions sur le territoire haïtien. J’ose encore une fois, vous demander des comptes ! De surcroît, ce n’est qu’un secret de polichinelle, que le G9, devenu le bras armé du pouvoir PHTK, ne pouvait se constituer que par votre approbation ou du moins, par votre tacite approbation.

Quelle ironie de l’Histoire, quelle ingratitude, quand on sait que mon pays, a toujours été du côté des États-Unis, dans les heures les plus sombres de son Histoire.Faut-il vous rappeler nos mille cinq cents hommes ayant rejoint les abolitionnistes à la bataille de Savanah. Que dire également des millions de mes compatriotes, naturalisés ou non, participant à l’essor international de votre économie, de votre culture voire même, de votre rayonnement international. Là où le peuple haitien etait en droit d’attendre votre aide, il ne reçoit que des  coups bas, votre mépris, vos humiliations pour ainsi dire, votre indifférence.

Mon corps aux chiens, mon âme au Panthéon des Dieux du Vaudou.

Madame l’ambassadeur, les massacres répétés, la mauvaise gouvernance, la corruption, les gabegies administratives, les assassinats politiques, la cherté de la vie, l’inflation, l’instabilité politique se sont installées durablement en Haïti. Et vous le savez. Nonobstant ces aberrations, vous continuez mordicus, à apporter votre soutien au pouvoir en place. A tort ou à raison, je soupçonne la communauté internationale, avec la complicité  de nos dirigeants, de semer la pagaille en Haiti et ce, afin de favoriser une occupation prochaine du territoire national. Si demain mon pays est occupé par vous ou par un pays tiers , je serai sans nul doute, votre prochain Charlemagne Peralte.

Au lendemain de l’occupation, une fois capturé puis assassiné, merci d’exposer mon cadavre sur la place d’armes de ma ville natale, Aquin! Et lorsque mon cadavre aura été exposé pour en faire un contre exemple de résistance, je vous prie de laisser à mes proches et mes enfants en particulier, le temps de me rendre un dernier hommage. Puis, mon corps aux chiens, mon âme au Panthéon du Vaudou!

Madame, avant d’écrire cette lettre, j’ai pris soin de rédiger mon testament, testament dans lequel, j’ai eu à écrire ceci :  » Si demain mon pays est occupé, je suis sûr de mourir au combat. Si mes futurs bourreaux le voudront bien, une fois fusillé, qu’ils jettent mon corps aux chiens. Quant à mon âme, il ira droit se reposer dans le Panthéon des Dieux du Vaudou, aux cotés de mes illustres aïeux, Charlemagne Peralte, Jean-Jacques Dessalines, Toussaint Louverture, Makandal, pour ne citer qu’eux. »

Mon coeur pleure, de grâce Madame l’ambassadeur, donnez à mon pays la chance de se reconstruire, de construire un lendemain meilleur, un lendemain qui chante pour chacun de ses fils et de ses filles.Je reste convaincu Madame l’ambassadeur, que les États-Unis d’Amérique, sera encore plus puissant avec à quelques kilomètres de ses côtes, Une Haiti indépendante, prospère, capable de jouer les rôles qui sont les siens dans le concert des nations.

Madame l’ambassadeur, permettrez moi de vous rappeler que les liens s’unissent nos deux peuples sont amplement plus nombreux, plus forts que ceux qui nous divisent. En somme, nous sommes condamnés à vivre ensemble, dans un monde de plus en plus mouvant, dès lors, avoir pour allié une grande nation comme la nôtre, ne fera que renforcer votre puissance somme toute en déclin.

Bien à vous, Madame l’ambassadeur des États-Unis d’Amérique en Haïti.

Raphael Dieuphene Isaac


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *