En application d’un arrêté ministériel français daté du 9 avril dernier, un peu plus de 90 dossiers d’archives relatives aux «disparus» durant la Guerre de libération nationale, particulièrement en Algérie dans la période allant de 1954 à 1962, sont désormais librement accessibles aux chercheurs, étudiants, services administratifs et simples citoyens.
Pour faciliter leur consultation, le gouvernement français a mis en place un annuaire numérique répertoriant au total 221 documents concernés, classés sous le libellé «Disparu de la Guerre d’Algérie» sur le site FranceArchives.fr , décrivant un outil qui «offre pour la première fois un panorama d’ensemble sur les archives relatives aux disparus de la Guerre d’Algérie, quel que soit le lieu en France où elles sont conservées.
Il vous dirige vers les principaux fonds». A part pour quelques pièces consultables directement en ligne sur la même plateforme institutionnelle, il s’agit plutôt d’un guide pratique recensant les fonds ouverts qui se trouvent exclusivement sur le territoire français. Ils sont conservés aux Archives nationales, aux Archives nationales d’outre-mer, au Service historique de la Défense, aux Archives diplomatiques, aux Archives de la ville de Paris et à celles de la Préfecture de Police de Paris.
Bien qu’il soit le fruit d’une collaboration entre plusieurs services gouvernementaux, dont notamment les Archives nationales et les ministères des Affaires étrangères et de la Défense, les concepteurs du guide exigent une certaine prudence dans la manière d’explorer et d’exploiter les données qu’il contient, et ce, au vu de «la qualité des informations» qui fait, par exemple, que «des renseignements concernant une même personne peuvent diverger, selon le document consulté» ou que «les noms qui figurent dans les archives peuvent comporter des erreurs ou des variantes pour une même personne.
C’est cette orthographe que l’on retrouve aussi dans les inventaires qui décrivent les archives. Cette remarque concerne les noms des Algériens pour lesquels il peut y avoir confusion entre nom et prénom, mais aussi les noms d’origine européenne».
De même, parmi les documents signalés, certains pourront demeurer inaccessibles au grand public, à moins de suivre une démarche administrative plus stricte encadrée par la loi. Conçu en français, mais disponible également en versions arabe et anglaise, le catalogue est consacré aux «disparus considérés comme tels au moment où les dossiers ont été constitués ; ils concernent donc ceux dont le corps n’a pas été retrouvé mais aussi des personnes qui ont pu réapparaître ensuite ou dont le corps a été retrouvé plus tard».
Ces archives, issues pour la plupart des travaux de l’ancienne Commission de sauvegarde des droits et libertés individuelles en Algérie – mise en place en 1957 et censée avoir enquêté sur les violences et dépassements de l’armée française dans ce qui était appelé à l’époque «opérations de maintien de l’ordre» – sont classées sur la base de cinq catégories : «Algériens disparus en Algérie», «Algériens disparus en France», «Français civils disparus en Algérie», «Français militaires disparus en Algérie» et «Harkis et autres membres des forces supplétives de l’armée française disparus en Algérie».
Quoiqu’en nombre infime, par rapport à l’ampleur du crime d’Etat qui a causé la disparition forcée de 3000 à 4000 Algériens en l’espace de sept ans et demi uniquement, selon les estimations les plus vraisemblables des historiens, ces dossiers rendus publics représentent un pas important vers un travail de mémoire plus serein, sérieux et transparent entre l’Algérie et la France autour de l’époque coloniale.
Pour rappel, en septembre 2018, le président Emmanuel Macron a renouvelé l’engagement de son pays dans ce sens, alors qu’il annonçait officiellement la responsabilité de l’Etat français dans la disparition du militant communiste indépendantiste algérien, Maurice Audin, arrêté, torturé et assassiné par les parachutistes coloniaux en juin 1957.
Il a en effet assuré, à la même occasion, que les archives de la Guerre d’Algérie allaient être ouvertes progressivement, à commencer surtout par celles liées aux disparus civils, y compris les militants politiques.
D’ailleurs, un premier lot d’archives d’une trentaine de dossiers portant sur l’Affaire Audin a déjà été ouvert en septembre 2019.
Paris / De notre bureau Samir Ghezlaoui