Le Maroc tire sur le cessez-le-feu au Sahara occidental : Rabat entre manœuvres dilatoires et coups tordus

En vigueur depuis 1991, le cessez-le-feu au Sahara occidental intervenu entre le Front Polisario et le Maroc ne peut durer indéfiniment. Voilà près de trois décennies que le Maroc occupe illégalement le dernier territoire africain en attente de décolonisation et qu’il s’évertue à en transformer les caractéristiques, tout en refusant obstinément d’appliquer les termes de l’accord relatif à la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.

Enhardi par la passivité permanente du Conseil de sécurité de l’Onu dont certains membres oeuvrent, sinon ouvertement, du moins en coulisses, en faveur du statu quo, le royaume marocain a multiplié les atteintes aux droits les plus élémentaires des Sahraouis, jusqu’à se livrer, ces dernières quarante huit heures, à une agression militaire caractérisée contre des manifestants sahraouis, dans la zone tampon d’El Guerguerat dont il estime, au mépris, là encore, des engagements qu’il a souscrit en 1991, qu’elle relève de sa prétendue «souveraineté». El Guerguerat qui sépare la partie soi-disant «annexée» par Rabat et celle sous contrôle du Front Polisario a vu, ces derniers jours, la tension croître à son paroxysme, le Maroc s’offrant trois brèches dans la zone sahraouie, avec la force militaire, pour s’ouvrir l’accès vers la Mauritanie.

Il avait déjà balisé le terrain avec l’installation d’un «poste frontière» à hauteur du mur de sable construit avec son partenaire israélien, dans les années 80, poste à partir duquel ont foisonné toutes sortes de trafics et de contrebandes, dont l’incontournable exportation de drogue. Ainsi, Rabat bafoue, une fois de plus, son propre paraphe, en date du 22 janvier 1998, par lequel il a été convenu, avec la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso) que deux zones tampons découlent de l’accord militaire n°1, l’une marocaine et l’autre sahraouie.

Très vite, le Maroc s’était lancé en 2016 dans le goudronnage de la zone pour avoir un accès à la Mauritanie voisine, prétextant la «lutte» contre la menace terroriste et les réseaux de trafiquants. Mis au pied du mur par la communauté internationale et face à la réaction immédiate du Front Polisario, il a dû plier l’échine, sans renoncer pour autant à sa politique expansionniste, basée sur les manoeuvres dilatoires et les coup tordus.

Encouragé, des années durant, par la passivité entretenue du Conseil de sécurité de l’ONU et par l’impuissance chronique de la Minurso qui n’a même pas les prérogatives d’un suivi de la situation des droits de l’homme dans le territoire illégalement occupé et frénétiquement exploité, le Maroc n’a jamais cessé de piétiner les différentes résolutions des Nations unies et de l’Union africaine, dont il est redevenu membre, au côté de la RASD qu’il prétend régenter. De «vives préoccupations» en «profondes inquiétudes», les communiqués des instances internationales n’ont aucun effet sur sa politique du fait accompli et des agressions répétées, puisqu’il vient, vendredi dernier, de porter un nouveau coup au cessez-le-feu, conclu en 1991, et dont il n’a jamais eu l’intention de respecter les tenants et les aboutissants.

Sauver le plan de paix onusien et revenir à la table des négociations, comme le réclament le secrétaire général de l’ONU et le président de la Commission de l’Union africaine, supposent que soient clairement définies les conditions d’un début de mise en oeuvre du mandat réel de la Minurso. Or, tel est loin d’être le cas, pour le royaume marocain, toujours en quête d’un faux-fuyant face à une Minurso anesthésiée, après avoir été malmenée par Rabat, ouvertement.

Chaabane BENSACI

        Sahara occidental

      Le Polisario annonce la mobilisation de milliers de volontaires

Ce responsable a évoqué des «combats se poursuivant crescendo» dans l’extrême sud du territoire. Il n’a toutefois fourni aucune précision et il était impossible de vérifier de source indépendante la véracité de ces affirmations. Le Maroc a lancé vendredi une opération militaire dans la zone-tampon de Guerguerat afin de rouvrir la route conduisant vers la Mauritanie voisine, après trois semaines de blocage routier La route a été débloquée samedi. En réaction, le Front Polisario a décrété «l’état de guerre» et la fin du cessez-le-feu signé en 1991 sous l’égide de l’ONU.

Les indépendantistes sahraouis ont fait état «d’attaques» -sans autre détail- le long du mur de défense marocain de 2.700 km qui coupe le Sahara occidental. Vaste étendue désertique de 266.000 km2 bordant la côte Atlantique au nord de la Mauritanie, le Sahara occidental est le seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial n’a pas encore été réglé, conformément aux dispositions de la quatrième commission de l’ONU qui l’a inscrite comme étant «en attente de décolonisation».

Après le départ de la puissance coloniale espagnole en 1975, le Maroc a pris le contrôle des deux tiers de ce territoire qu’il prétend partie intégrante du royaume. Le Front Polisario en contrôle l’autre tiers. Rabat propose une autonomie sous sa souveraineté tandis que le Polisario exige un référendum d’autodétermination, prévu par l’accord de 1991 sous l’égide des Nations unies, mais qui n’a jamais été mis en oeuvre en raison des multiples obstacles sans cesse déployés par la partie marocaine qui met à profit le statu quo pour tenter de modifier en profondeur la réalité du territoire sahraoui.


         Les risques et les menaces à nos frontières se multiplient

L’Algérie au coeur du brasier

Les énergies patriotiques doivent être orientées vers la sauvegarde de la souveraineté nationale.

L’Algérie fait face à de multiples menaces, nonobstant la menace inhérente à la crise sanitaire majeure du Covid-19, d’autres menaces qui ne sont pas des moindres qui se dressent telle une épée de Damoclès sur sa tête. La situation économique et sociale est peu reluisante au vu de la crise sanitaire, mais aussi la chute et le flottement des prix des hydrocarbures. Mais la menace qui s’exprime de manière aussi saillante que gravissime, c’est bien ce qui se trame à nos frontières, surtout les derniers développements à la frontière ouest avec le voisin marocain et ses tentatives de jouer les trouble-fêtes à travers l’affaire du Sahara occidental et les risques de voir la situation basculer dans une guerre frontale.

Ce tableau est plus qu’édifiant quant à un enjeu géopolitique au niveau régional qui ne cesse de prendre un caractère de plus en plus conflictuel sur fond d’une éventuelle reconfiguration de l’échiquier non loin de nos frontières, y compris avec les crises libyenne, malienne et celle qui vient de se greffer dernièrement à travers le Maroc qui fait dans la provocation à l’adresse du peuple sahraoui.
Le pays est ciblé par des forces et des puissances qui ne cessent d’envisager des agendas et des feuilles de route pour trouver une brèche susceptible de réaliser leur plan ourdi qui consiste à affaiblir le front intérieur comme moyen idoine pour fragiliser et passer à une autre étape visant la dislocation de l’Etat national et s’emparer des richesses dont dispose l’Algérie, mais surtout sa position géostratégique comme une porte importante de la Méditerranée.

La menace n’est pas une simple vue de l’esprit, le contexte régional et mondial est là pour montrer cette menace qui remonte déjà à une décennie, c’est-à-dire depuis la mise en branle du pseudo «printemps» arabe par des officines étrangères dans la perspective de reconfigurer le Moyen-orient et le Maghreb dans le cadre d’une démarche de mainmise et d’hégémonie par des puissances impérialistes. La priorité des priorités réside dans le renforcement et la consolidation du front intérieur et la mobilisation des forces vives et patriotiques de la nation dans le but de se dresser comme un rempart inébranlable face aux multiples menaces et les risques qui se présentent, que ce soit au plan économique, social ou sécuritaire, qui a trait à nos frontières qui deviennent un véritable enjeu au plan régional.

La mobilisation des énergies patriotiques doit être orientée vers la sauvegarde de la souveraineté nationale en renforçant la vigilance patriotique et ne pas suivre le chant des sirènes qui vise à détourner l’enjeu et pousser le pays vers des choix dont les conséquences ne pourront qu’exacerber la crise dans son ensemble. L’Etat et la société à travers tous les spectres qui constituent la trame politique et partisane doivent se ranger derrière un seul mot d’ordre, à savoir la défense de l’Etat national et la souveraineté du pays.

Le pays est plus que jamais dans une logique de défense de son entité et de son intégrité territoriale à travers ses frontières qui se sont transformées en une véritable ceinture de feu. Pour faire face à cette menace et crise, la cohésion nationale est une nécessité majeure pour déjouer les scénarios bellicistes des puissances aux visées néocolonialistes qui instrumentalisent certains pays voisins comme des pantins à la solde de calculs expansionnistes desdites puissances étrangères en quête d’une brèche pour s’introduire dans le giron et l’espace de l’Afrique de Nord.

Les alliances se font exprimer clairement, les roitelets des pays du Golfe ne sont qu’une expression et un prolongement de l’axe des «interventionnistes» qui ne cessent de faire pression pour réaliser leurs desseins, à savoir imposer le scénario du chaos tant visé par les va-t-en-guerre à la recherche d’un nouveau positionnement sur l’échiquier international au risque de se voir déclasser par les nouvelles forces internationales émergentes et qui dessinent les objectifs du nouveau monde en gestation.

Hocine NEFFAH

     Position de l’Algérie dans le conflit du Sahara occidental

     La voie de la paix

Elle a toujours soutenu l’option d’une solution politique, dans le cadre de négociations directes entre Marocains et Sahraouis, sous l’égide des Nations unies.

Depuis la nomination de James Baker en 1997, puis celle du Hollandais Peter Van Walsum en 2005, Christopher Ross, en 2009 avant que ne lui succède l’ex-président allemand, Horst Kohler, le 16 août 2017, en tant qu’envoyés spéciaux du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, sa position n’a pas varié d’un iota. Elle a constamment soutenu l’option d’une solution politique, dans le cadre de négociations directes entre Marocains et Sahraouis, sous l’égide des Nations unies ainsi que les résolutions votées par le Conseil de sécurité qui ont à chaque fois renouvelé le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso).

Toutes, sans exception, ont mis en exergue l’organisation d’un référendum qui puisse garantir au peuple sahraoui le droit à l’autodétermination, noeud gordien de la question sahraouie. Les émissaires de l’ONU échoueront, tour à tour, à le mettre en oeuvre. James Baker, dans le cadre prévu par le cessez-le-feu conclu en 1991. Suivront les quatre rounds de négociations de Manhasset dont le premier acte se jouera les 19 et 20 juin 2007. Le second se tiendra les 10 et 11 août de la même année. Le troisième, les 8 et 9 janvier 2008. Le quatrième et dernier round a eu lieu les 18 et 19 mars 2008.

Les négociations ont été pilotées par Peter Van Walsun qui ne parviendra à rien de concret. Christopher Ross lui succédera. Nommé envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara occidental, en janvier 2009, le diplomate américain réussira à organiser neuf rounds de pourparlers informels dont le dernier s’est tenu entre le 11 et le 13 mars 2012, aux Etats-Unis, à Greentree, Long Island, près de New York. Sans progrès notoire. Depuis, plus rien jusqu’à l’arrivée de son successeur qui s’est engagé à organiser des pourparlers directs entre le Maroc et le Front Polisario, sans préconditions, avant la fin de l’année 2018. Horst Köhler réussira à organiser une première table ronde qui s’était tenue les 4 et 5 décembre 2018, à Genève.

Elle avait laissé entrevoir une lueur d’espoir pour voir enfin des négociations directes s’instaurer entre le Maroc et le Front Polisario, après un silence qui aura duré près de 9 ans. Il enchaînera avec un autre round qui a eu lieu les 21 et 22 mars, au même endroit. Il faut souligner que l’émissaire onusien a pu compter sur un soutien sans faille de la part de l’Algérie, en sa qualité d’Etat voisin, pour relancer des négociations directes entre les deux parties au conflit, le Royaume du Maroc et le Front Polisario, à l’arrêt depuis 2012, tout comme ce fût pour ses prédécesseurs.

Une troisième rencontre était programmée. Horst Kohler ne la pilotera pas. Il a fini par jeter l’éponge au mois de mai 2019. Ce départ surprise a donné un coup d’arrêt à la perspective d’une solution pacifique. L’Algérie a attiré l’attention sur le risque de dérive du conflit que provoquerait la vacance prolongée de la désignation d’un successeur à Horst Kohler. «Force est de constater, avec regret, que depuis la démission de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Horst Kohler, le processus de paix onusien est sur une voie semée d’embûches», avait écrit le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dans un message adressé au SG de l’ONU, Antonio Guterres. Le temps lui a donné raison…

Mohamed TOUATI

 

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