Environ 20 000 militaires et mercenaires se trouvaient encore fin 2020 en Libye et aucun mouvement de retrait n’a été constaté à ce jour.
“Le Conseil de sécurité appelle toutes les parties à appliquer pleinement l’accord de cessez-le-feu (du 23 octobre) et exhorte les Etats membres à respecter et à soutenir la pleine application de l’accord », précise l’ONU. Selon l’ONU, environ 20 000 militaires et mercenaires se trouvaient encore fin 2020 en Libye et aucun mouvement de retrait n’a été constaté à ce jour.
“Le Conseil de sécurité appelle au plein respect de l’embargo des Nations unies sur les armes par tous les Etats membres, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité”, ajoute le texte. Cet embargo imposé depuis 2011 est violé régulièrement depuis des années selon les experts de l’ONU chargés de son contrôle. Leur prochain rapport annuel est attendu dans les jours à venir.
Dans le passé, ces experts ont notamment dénoncé la présence en Libye de mercenaires russes, de troupes turques et de groupes armés composés de Syriens, Tchadiens ou de Soudanais. “Le Conseil de sécurité reconnaît la nécessité de planifier le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés, la réforme du secteur de la sécurité et de mettre en place une architecture de sécurité inclusive dirigée par des civils pour l’ensemble de la Libye”, ajoute la déclaration.
Cette déclaration fait suite au vote de confiance du parlement obtenu par le gouvernement de transition en Libye. Un vote salué comme “historique” pour ce nouvel exécutif né d’un processus parrainé par l’ONU et qui doit unifier les institutions libyennes remplacer aussi bien le GNA que le pouvoir rival à l’Est, incarné par le maréchal Khalifa Haftar et mener la transition jusqu’aux élections du 24 décembre.
Ce gouvernement est composé de deux vice-Premiers ministres, 26 ministres et six ministres d’Etat. Deux ministères régaliens, les Affaires étrangères et la Justice, ont été attribués à des femmes, une première en Libye.
Le Premier ministre aura pour principale mission de répondre aux attentes pressantes des Libyens dont le quotidien est marqué par d’importantes pénuries de liquidités, d’essence, des coupures quotidiennes et par une inflation galopante. Les infrastructures sont à plat, les services défaillants.
Pour autant, “le peuple libyen attend beaucoup de ses voisins pour accompagner le Gouvernement d’unité nationale et le Conseil présidentiel dans l’entreprise de réunification des institutions et le parachèvement de la transition jusqu’à l’organisation de l’élection présidentielle, prévue à la fin de l’année en cours”, a déclaré à l’APS le directeur d’Astrolabe. Il a relevé, à ce propos, que le rôle de l’Algérie “est très important” durant la “période décisive” du processus d’édification de la Libye.
“De par ses positions fermes et ses grands efforts pour la préservation de l’unité et de la souveraineté de la Libye et l’éloignement des immixtions étrangères, l’Algérie a eu un rôle éminemment positif durant la période précédente”, a-t-il souligné mettant en avant également son rôle dans “la mise en place des fondements du dialogue interlibyen sous l’égide de l’ONU”.
Amar Rafa
SERGE MICHAILOF, CHERCHEUR ASSOCIÉ À L’IRIS
“La stabilisation de la Libye conditionne celle du Sahel”
Serge Michailof : Le président Macron aimerait bien se désengager du Mali, commencer à réduire la taille de Barkhane et modifier le dispositif avant les élections de mai 2022. Mais il ne peut pas partir sur la perception d’un échec et il lui faut utiliser la fin de l’année 2021 pour continuer à affaiblir les groupes armés, et pour cela il a besoin de l’ensemble du dispositif Barkhane.
Le Tchad a décidé, quant à lui, d’envoyer 1 200 soldats supplémentaires en renfort dans la zone des trois frontières. Cela sera-t-il suffisant pour juguler la menace terroriste et ramener la stabilité dans les pays du Sahel ?
Les deux bataillons tchadiens vont représenter une capacité militaire additionnelle conséquente. L’articulation entre Barkhane et l’armée malienne a fait des progrès. Les 5 100 hommes de Barkhane, plus les 1 200 tchadien, plus les quelques bataillons maliens qui tiennent la route peuvent mener la vie dure aux principaux groupes armés. Mais la réputation des Tchadiens côté respect des droits de l’Homme, etc. n’est pas brillante.
S’ils interviennent en zone désertique, ce n’est pas trop grave ; mais dans les zones peuplées du Liptako Gourma ou de la boucle du Niger, cela risque au contraire d’antagoniser les populations locales et de les faire basculer du côté des groupes armés. Ce n’est pas la solution miracle pour ramener la stabilité au Sahel.
La solution peut-elle être sécuritaire seulement ?
Non, bien sûr, il faudra tôt ou tard engager des négociations. Il faut en particulier traiter les multiples griefs qui se sont accumulés entre Peuls, Bambaras et Dogons, traiter les problèmes fonciers et le problème des parcours des troupeaux, ramener l’éducation primaire, l’eau potable et développer massivement l’électricité en zone rurales, etc.
Est-ce qu’entamer un dialogue, une négociation, avec certains groupes terroristes, peut-il être une solution ?
Étant donné la position de faiblesse dans laquelle se trouve le gouvernement malien actuel avec une équipe de transition, acculé par une crise financière et des revendications multiples, une armée toujours vacillante car corrompue et marquée par le népotisme, la négociation maintenant ne peut conduire qu’à une catastrophe.
D’ici à deux ans avec un gouvernement légitime, s’il a mis de l’ordre dans son armée et sa gendarmerie, si les groupes armés ont été affaiblis par Barkhane et les Tchadiens, la négociation peut s’engager sur d’autres bases. Mais cela fait beaucoup de “si”…
Les États sahélo-sahariens disposent de moyens limités pour exercer leur autorité. Pensez-vous que les puissances étrangères pourront pallier l’absence sur le terrain de ces États ?
Absolument pas. La stabilité du Mali et des États de la sous-région ne peut être assurée que par des États solides et des armées locales. Ils auront certainement besoin d’importants financements externes pour conduire sur le long terme un conflit qui, bien que de basse intensité, coûte cher.
Le malheur pour ces pays est que la faiblesse des États n’a pas été corrigée et que l’aide extérieure ne s’occupe pas ou très peu de ces questions. Il est vrai que ces problèmes sont très sensibles et relèvent de la souveraineté nationale.
Quelles sont les implications du chaos sécuritaire qui a suivi la chute de l’État en Libye sur la situation au Sahel ?
La guerre en Libye a accéléré la dégradation sécuritaire au Sahel. Les mercenaires sahéliens de l’armée de Kadhafi qui n’étaient plus payés sont rentrés chez eux et les Maliens ont été acceptés avec armes, bagages et véhicules.
Ces mercenaires se sont engagés dans les divers groupes armés dont ils ont significativement accru les capacités militaires. Les zones de non-droit qui se sont développées au sud de la Libye sont d’autre part rapidement devenues des zones de repli et de ravitaillement pour les groupes armés. On voit mal une stabilisation du Sahel sans une stabilisation en Libye.
Quel rôle pourrait jouer l’Algérie en tant que pays frontalier ayant déjà facilité la conclusion de l’accord de paix et de réconciliation au Mali ?
L’accord d’Alger présente de nombreux points de faiblesse et sa non-application ou son application très partielle proviennent d’une absence de consensus au niveau des élites maliennes et de la perception qu’il prépare une partition du pays. Mais, de manière générale, l’Algérie ne peut pas se désintéresser de la situation à ses frontières Sud.
Ces pays ont toutes les chances d’aller de crise en crise pour de simples raisons démographiques au regard d’une base productive très limitée. La population des pays du Sahel double tous les vingt ans. Ce n’est pas tenable. La misère au Sahel va descendre dans les grandes villes du Golfe de Guinée, d’Abidjan, de Lagos, etc., qui ont déjà leurs problèmes. Mais elle va aussi remonter vers le nord et les grandes villes d’Algérie.
Avec ces migrations, vont aussi circuler des groupes extrémistes tels que ceux que vous avez combattus lors des années 1990. Il faut avoir une vision géopolitique de long terme pour le Sahel et ne pas laisser gérer ces questions par des services de sécurité qui ont nécessairement une vision de très court terme.
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Entretien réalisé par : AMAR RAFA
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