Algérie / Aimer son pays 

Par Arezki Ighemat, Ph.D en économie, Master of Francophone Literature (Purdue University, USA)

Aimer son pays, ce n’est pas dire uniquement ce qu’il a de bon ou ce qu’il fait bien. C’est aussi dire ce qui ne va pas, ses maux, ses souffrances, ses besoins, ses plaintes. C’est aussi dire ce que le peuple et le gouvernement ne font pas de bon, ce qui provoque ses souffrances et ses maux. A l’instar de l’adage qui dit : « qui aime bien châtie bien ». Il ne s’agit pas, loin de là, de punir le pays d’une quelconque manière. Il s’agit de dire ce que le pays fait de bon —gouvernement et peuple inclus—, ce que le pays a de bon dans sa gouvernance et dans son peuple, et ce que son territoire recèle comme bonnes choses.

Aimer son pays, c’est aussi dire ce que le pays —gouvernement et peuple— ne fait pas de bon, ses mauvais choix dans tous les domaines, économie, politique nationale et extérieure, culture, etc. Il ne s’agit pas bien sûr de dire ces maux et ses mauvais choix sans parler des raisons qui ont conduit à leur avènement. Il faut, et c’est un devoir, étayer ces propos par des faits constatés ou des faits historiques avérés.

Aimer son pays, c’est un peu comme aimer son propre enfant. Le féliciter quand il fait des actions profitables à lui-même et à la société. Mais aussi le réprimander quand il prend des directions qui ne sont bonnes ni pour la société (nationale et internationale), ni, en dernier ressort, pour lui-même. Il y avait une époque —notamment du temps des présidents Boumediène et Chadli Bendjedid— où tout ce que le pays construisait ou faisait était vanté comme le plus grand, le plus beau, le plus, le plus… Par exemple, lorsqu’on construisait une usine ou un stade, on disait : « c’est la plus grande ou le plus grand d’Afrique, du Moyen-Orient, ou même du monde ».
Il s’avère cependant, lorsqu’on regarde autour de soi, et qu’on ramène les choses à leur dimension réelle, on découvre que cette usine ou ce stade existent déjà, parfois non loin des frontières du pays et que, par conséquent, l’usine ou le stade n’ont pas la dimension qu’on leur attribue. Il arrive bien sûr que ce dimensionnement soit vrai. Mais ce n’est pas toujours le cas. Ce sentiment qui considère que tout ce qu’on fait est le « plus grand, le plus beau, le plus, le plus…’’, c’est ce que nous appelons la « fakhfakha. C’est, un peu, comme dans la fable de la Fontaine « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». C’est manquer de réalisme et considérer que son pays est une « île » isolée du reste du monde.

Aimer son pays, ce n’est pas dire des faussetés ou des non-vérités sur lui, son gouvernement et son peuple. C’est « dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité », sans cacher ou nier ce qu’il a de bon et ce qu’il fait de bien, mais c’est aussi dire ce qu’il n’a pas de bon et ce qu’il fait mal, afin d’indiquer là où il doit changer et les réformes qu’il doit entreprendre pour se remettre sur la bonne voie et afin qu’il y ait une cohésion entre le peuple et sa gouvernance et afin qu’ en dernière analyse, le pays évolue dans la bonne direction et prenne sa place, uniquement sa place, mais sa vraie place, reflétant son importance authentique dans le concert des nations. C’est cela aimer son pays. Ce n’est ni la « fakhfakha », ni le dénigrement pour dénigrer ou dégrader.

Aimer son pays, c’est un peu comme dans une pièce de monnaie. C’est connaître parfaitement ses deux faces, les décrire de façon objective et impartiale, dire ce que chaque face a de bon et de pas bon, et l’orienter vers la route qui le conduira à la prospérité et à une bonne santé économique, politique, culturelle, etc.

Aimer son pays, c’est l’aimer avec son cœur, bien entendu, mais aussi avec sa raison, qui conduit parfois, et autant de fois qu’il est nécessaire, à dire : « mon pays doit changer ceci ou cela, sinon il risque un déséquilibre entre ses différentes composantes au niveau national et/ou des tentatives de déstabilisation venant de l’extérieur.

Aimer son pays, c’est l’aider par tous les moyens possibles, surtout en disant « vrai »,  à se développer sur tous les plans, économique, politique, culturel, environnemental, moral, etc. C’est, bien sûr, l’aider à prospérer au niveau national, mais aussi à le sortir de son isolement et faire que, du village national qu’il est, il ait une place, la meilleure possible, dans le village planétaire que constitue le monde aujourd’hui en raison de la Globalisation.

Aimer son pays, c’est connaître son histoire, toute son histoire, analyser son présent, en tenant compte de toutes ses composantes, et construire son avenir en tenant compte des menaces et des opportunités auxquelles il est confronté. C’est le préparer, non seulement à atteindre une certaine autosuffisance, notamment dans les domaines stratégiques comme la sécurité nationale, alimentaire, etc., mais aussi à contribuer à la paix, la prospérité et à une meilleure santé et stabilité dans le monde.

Aimer son pays, c’est faire que sa population soit heureuse d’y vivre et qu’une partie de cette population ne le quitte pas, volontairement ou forcée, pour aller vivre ailleurs, loin de lui. C’est arriver à ce que son gouvernement et son peuple construisent, ensemble, la main dans la main, dans une collaboration « bottom up » (du bas vers le haut) et « top-down » (du haut vers le bas), les conditions matérielles et immatérielles d’une vie meilleure chez soi. C’est rester soi-même tout en rêvant et en réalisant un meilleur avenir, un meilleur vivre-ensemble au niveau national et international. C’est de contribuer à réaliser l’unité nationale dans toute sa diversité sociale et culturelle.


 

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