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En dépit des sanctions américaines et des manifestations à travers le pays, le gouvernement cubain se félicite du succès de sa gestion de la crise sanitaire. Analyse de Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS, au micro de Rachel Marsden.
Alors que de nombreux pays occidentaux sont aux prises avec le variant Omicron, un pays à seulement 166 km du sol américain semble se porter relativement bien, sans vaccins Pfizer, Moderna ou AstraZeneca: il s’agit de Cuba.
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L’industrie biotechnologique de l’île a développé deux vaccins à trois doses: le Abdala et le Soberana. Trois autres sont en phase de développement. Aucun d’entre eux ne s’appuie sur la technologie à ARN messager, les Cubains ayant préféré celle de la protéine recombinante, à l’instar du produit Novavax.
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Le 20 décembre, Reuters a indiqué que Cuba avait « vacciné plus de 90% de sa population avec au moins une dose et 83% de la population est désormais complètement vaccinée« . Pendant ce temps, les infections ne représentent plus que 1% de leur pic d’août dernier. Comment expliquer le succès de cette industrie cubaine indépendante?
Cuba, pour des raisons économiques, a développé une forte culture médicale et pharmaceutique, explique Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) sur les questions ibériques:
« Il y a une tradition médicale cubaine historique qui a pu s’appuyer après la révolution cubaine sur la priorité donnée à la santé. Cuba possède ainsi un savoir-faire médical qui lui permet de couvrir les besoins en santé de sa population et d’avoir des rentrées en devises. C’est l’un des secteurs dynamiques de l’économie cubaine, d’autant plus nécessaire aujourd’hui que le secteur du tourisme –autre poumon de la croissance– est en difficulté. Il venait à peine de redémarrer et le variant Omicron risque de compromettre sa reprise. On voit donc que le secteur médical permet aujourd’hui à Cuba de maintenir ses besoins en dépit des difficultés liées à la conjoncture pandémique et du blocus imposé par les États-Unis. »
Il n’y a pas que pour le Covid que le vent semble tourner pour Cuba. L’île est depuis des décennies soumise à des sanctions occidentales, qui se sont multipliées à la suite des manifestations de l’été dernier. Elles se sont soldées par des centaines d’arrestations.
Ce n’était pas la première fois qu’il y avait des manifestations à Cuba, explique le chercheur, « mais celles du mois de juillet 2021 traduisaient autre chose: un ras-le-bol non pas du régime, mais –à l’instar des Gilets jaunes en France– des difficultés économiques du quotidien« :
« Ce sont des manifestations du mal-vivre plus que des revendications de changement de régime. Si on veut des changements à Cuba, il faut des changements dans les relations politiques et commerciales et donc suspendre progressivement les sanctions qui étouffent l’économie cubaine. »
En décembre dernier, 114 démocrates ont exhorté Joe Biden à lever certaines restrictions sur Cuba. Dans une lettre, les législateurs ont demandé au Président de « suspendre les lois américaines qui empêchent la nourriture, les médicaments et toute autre aide humanitaire d’atteindre le peuple cubain« , de retirer Cuba de la liste des États soutenant le terrorisme et d’adopter « un changement plus complet pour approfondir l’engagement avec Cuba et de progresser vers la normalisation des relations américano-cubaines« .
Mais Jean-Jacques Kourliandsky n’imagine pas le Président américain changer d’attitude vis-à-vis de Cuba:
« Étant donné qu’il y a d’importantes élections législatives aux États-Unis cette année, on ne voit pas Biden s’orienter vers une levée des sanctions pour des raisons électorales. Celles-ci continuent à peser et elles ont croisé l’effet de la pandémie sur le secteur du tourisme. Ce qui explique donc les difficultés actuelles, même si le gouvernement cubain a essayé de donner de l’air à son économie en élargissant le secteur non étatique et en offrant des facilités aux investisseurs étrangers, dont des chaînes hôtelières internationales. »