Déclaration de Rasmussen: chantage de l’Otan ou plan B de Zelensky?

       

L’ancien secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen a déclaré dans une interview accordée au Guardian que si l’Otan ne fournissait pas de véritables garanties de sécurité à l’Ukraine, certains pays membres de l’Alliance pourraient envoyer leurs troupes sur le territoire ukrainien de leur propre chef. Que signifient ces propos? 

Première version : bluff politique et chantage

M. Rasmussen dirige le groupe de conseil auprès du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il est donc l’un des principaux lobbyistes des intérêts de son équipe en Occident en général et au sein de l’Otan en particulier. Avant l’interview au Guardian, il a fait un voyage à Washington et dans plusieurs capitales européennes, où il a apparemment sondé le terrain sur la question des garanties de l’Otan pour l’Ukraine et a compris que l’Alliance ne prendrait aucun engagement écrit envers l’Ukraine.

Cela est attesté par les propos émotionnels de Zelensky, prononcés lors d’une conférence de presse à Kiev. Selon le dirigeant ukrainien, sans obtenir de telles garanties, l’Ukraine n’a rien à faire au sommet prévu en juillet à Vilnius.

« S’il n’y a pas de garanties et pas de signaux concernant notre future adhésion à l’Alliance, alors que faisons-nous là-bas, pourquoi sommes-nous invités à ce sommet? Je veux être très franc avec notre société, et si nous comprenons que personne ne nous attend là-bas et que personne ne nous donnera de garanties sur papier, des garanties juridiques et non des garanties de Budapest, des garanties sérieuses et juridiques… Si personne ne nous donne cela, alors pourquoi nous rencontrons-nous, pour faire quoi… Après Vilnius, il devrait y avoir un pas en avant vers l’Otan ou un pas vers une révélation… Mais je ne veux pas que cela se passe ainsi, que nous vivions avec vous au jour le jour et que nous restions seul à seul avec la Russie. »

Toutefois, il a également déclaré qu’il était confiant que les garanties seraient données, mais vu l’intensité émotionnelle avec laquelle il a parlé de ce sujet, il est à douter que son équipe y croit. Zelensky et son équipe ont besoin d’un succès au sommet de l’Otan en juillet pour plusieurs raisons.

Premièrement, depuis le début de l’opération militaire spéciale, Kiev affirmait dans sa propagande que le monde entier est avec l’Ukraine. De plus, Kiev a annoncé que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’Otan était un objectif géopolitique. Les garanties d’adhésion à l’Otan ou tout autre engagement juridiquement contraignant de l’Alliance envers l’Ukraine seraient justement une confirmation de ces affirmations aux yeux de la population.

Deuxièmement, le refus de l’Alliance de fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine enverrait un signal aux États non occidentaux, qui comprendraient que l’Occident global ne croit pas aux perspectives à long terme du régime de Maïdan. Toutes les tentatives de Kiev d’influencer la position de l’Inde, de l’Afrique du Sud et des pays arabes concernant l’opération militaire spéciale seraient définitivement vouées à l’échec.

Troisièmement et surtout. La contre-offensive lancée par les forces armées ukrainiennes ne correspond manifestement pas aux attentes. Beaucoup de matériel et d’effectifs occidentaux ont déjà été perdus, mais il n’y a pas de résultats. Les ressources, tant humaines que militaires, de l’Ukraine ne sont pas illimitées, malgré la mobilisation totale des hommes et les importantes livraisons de matériel militaire et de munitions depuis l’Occident. L’entourage de Zelensky veut obtenir des garanties pour préserver son pouvoir et, en fait, obliger l’Otan à défendre le régime de Maïdan.

Le rôle de M. Rasmussen en tant que lobbyiste était de négocier des garanties pour l’Ukraine, mais il semble qu’il n’y soit pas parvenu. Il a donc, avec l’accord de Zelensky, a fait « fuiter » l’information dans l’interview au Guardian. Le message est clair. Si certains membres de l’Otan envoient leurs troupes en Ukraine, ils seront probablement impliqués dans des actions militaires contre les forces armées russes.

De cette manière, l’Otan serait également indirectement impliquée dans le conflit avec la Russie. Et si, par exemple, l’aviation de l’un des pays de l’Alliance lance une frappe de missile depuis son territoire sur les unités de l’armée russe, l’aérodrome d’où les avions ont décollé sera détruit. L’Otan serait alors confrontée à un choix: commencer une guerre avec la Russie ou laisser l’un de ses membres sans protection. La conclusion de la déclaration de M. Rasmussen est la suivante: si vous ne voulez pas de complications graves, donnez des garanties à l’Ukraine. C’est un chantage classique et probablement un bluff. Et il lui imposte peu que les engagements de l’Otan envers l’Ukraine conduiraient presque certainement à une guerre avec la Russie.

Deuxième version: un plan de secours de Zelensky

Anders Fogh Rasmussen a parlé des accords existants entre l’Ukraine et plusieurs pays d’Europe de l’Est. Dans l’interview, il a indiqué que les pays susceptibles d’envoyer des troupes en Ukraine étaient la Pologne et les régions baltes. En avril, on a appris que Volodymyr Zelensky avait signé un pacte avec le président polonais Andrzej Duda, dont le contenu est si secret qu’il n’a même pas été montré aux députés polonais. À peu près au même moment, des rumeurs circulaient dans les médias que l’armée polonaise pourrait entrer sur le territoire de l’Ukraine occidentale et remplacer les unités des forces armées ukrainiennes qui seraient envoyées au front. Des brigades polonaises pourraient également être stationnées à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine. Il est probable que Kiev ait des accords officieux avec les pays baltes pour fournir une assistance militaire.

Modélisons la situation. L’offensive ukrainienne échoue. L’Ukraine ne reçoit aucune garantie réelle lors du sommet de l’Otan en juillet. De plus, l’Occident, malgré les déclarations résonantes et belliqueuses, commence à se lasser de l’Ukraine. On commence à faire pression sur Zelensky pour qu’il s’assoie à la table des négociations avec la Russie et qu’il obtienne la paix. L’équipe de Zelensky comprend qu’elle pourrait être sacrifiée. Dans cette situation, la Pologne et les pays baltes envoient leurs troupes en Ukraine, et une confrontation avec l’armée russe ne devient qu’une question de temps.

À quel point ce scénario est-il réaliste? Vu les sentiments russophobes à Varsovie et dans les capitales baltes ainsi que l’irrationalité des politiciens européens, c’est tout à fait plausible. Cependant, il y a plusieurs mais. Il n’y a aucune garantie que les États-Unis soutiendront leurs vassaux polonais et baltes dans leur aventure géopolitique, même si les troupes polonaises et baltes sont défaites sur le territoire ukrainien. C’est une chose de mener une guerre avec la Russie par l’intermédiaire des Ukrainiens, mais c’en est une autre de décider d’une confrontation directe avec elle et de pousser le monde au seuil d’une guerre nucléaire.

Mais c’est autre chose si l’idée d’envoyer des Polonais et des Baltes en Ukraine est une initiative des États-Unis afin d’empêcher la chute du régime de Maïdan et l’occupation de nouveaux territoires par la Russie. Alors, parallèlement à l’envoi de troupes polonaises et baltes, le processus de paix s’intensifie. Bien que cela puisse marquer le début du partage de l’Ukraine. Alors la Hongrie et la Roumanie pourraient également envoyer leurs troupes en Ukraine pour obtenir des territoires qu’elles considèrent comme les leurs. La Pologne participerait activement à ce partage. Tandis que les pays baltes pourraient obtenir certains avantages économiques.

Le temps nous dira quel scénario se réalisera.

Alexandre Lemoine

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