L’élargissement des BRICS : entre dosage politique et économique: Quel est le poids des 11 pays des BRICS dans la nouvelle reconfiguration économique mondiale ?

   

      par Abderrahmane Mebtoul*

Désormais, après la réunion du 22 jusqu’au 24 août 2023 en Afrique du Sud, les BRICS sont au nombre de onze (11), à savoir les cinq membres fondateurs, la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud et les six pays nouveaux qui sont l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Egypte, l’Iran, les Emirats et l’Ethiopie, le communiqué final ne mentionnant aucun observateur.

1.- Les critères retenus ont été à la fois d’ordre économiques et géostratégiques. Car si l’on ne s’en tenait qu’aux critères économiques, le produit intérieur brut (PIB) des pays comme le Mexique, pour 2022, 1.414 milliards de dollars de PIB, l’Indonésie 1.319 milliards de dollars, la Turquie 940 milliards de dollars, la Thaïlande 495 milliards de dollars, le Nigeria 477 milliards de dollars, le Bangladesh 460 milliards de dollars, la Malaisie 406 milliards de dollars auraient été retenus, sous réserve qu’ils auraient postulé comme candidats membres. Pour le PIB des BRICS, constitués de cinq Etats, nous avons respectivement : la Chine 17.963, l’Inde 3.385, la Russie 2.240 milliards de dollars, le Brésil 1.920 milliards de dollars et l’Afrique du Sud 406 milliards de dollars, soit au total nous aurons 25.914 milliards de dollars pour 2022, soit près de 26% du PIB mondial pour une population approchant 3,2 milliards d’habitants, la Chine représentant en 2022 69,32% du BRICS et près de 18% du PIB mondial. Pour les pays retenus comme nouveaux membres, nous avons par ordre décroissant : l’Arabie Saoudite 1.108 milliards de dollars, l’Argentine 632 milliards de dollars, les Emirats 508 milliards de dollars, l’Egypte 404 milliards de dollars, l’Iran 388 milliards de dollars, l’Ethiopie 127 milliards de dollars. Pour les fondateurs des cinq pays des BRICS, nous aurons 25.914 milliards de dollars pour 2022, soit près de 26% du PIB mondial pour une population approchant 3,2 milliards d’habitants, la Chine représentant en 2022 69,32% du BRICS et près de 18% du PIB mondial.

Les nouveaux membres des BRICS représentent un PIB d’environ 3.167 milliards de dollars, ce qui donne un total pour les 11 pays de 29.000 milliards de dollars, soit 29% du PIB mondial pour 2022, pour une population approchant les 45% de la population mondiale.

2.-Cependant, il reste un long chemin à parcourir pour que les pays du BRICS, excepté la Chine, atteignent le niveau de développement du G7. Le G7 totalise un PIB de 43.706 milliards de dollars sur un PIB mondial de 103.000 milliards de dollars en 2022, soit près de 44% du PIB mondial pour moins d’un milliard d’habitants : l’Allemagne 4.072 milliards de dollars, le Canada 2.139, les Etats-Unis d’Amérique 25.462, la France 2.782, le Royaume-Uni 3.070, l’Italie 2.010 et le Japon 4.131 milliards de dollars. Pour le PIB par tête d’habitant, concernant le G7 et selon les données de 2022 de la Banque mondiale, nous avons l’Allemagne, 63.150 dollars, le Canada, 58.400, les Etats-Unis d’Amérique, 76.399, la France, 55.493, le Royaume-Uni, 54.603, l’Italie, 51.865 et le Japon, 45.573 dollars par habitant. Pour les cinq pays des BRICS, nous avons: Brésil, 246 millions d’habitants et un PIB par tête d’habitant de 16.594 dollars; Russie, une population de 146 millions et un PIB par tête d’habitant de 11.387 dollars; Chine, pour une population d’un milliard 400 millions et un PIB par tête d’habitant de 9.605 dollars; Afrique du Sud, pour une population de 66 millions et un PIB par tête d’habitant de 6.377 dollars; Inde, pour une population de 1,38 milliard d’habitants en 2021 mais a dépassé la Chine en 2023 avec 1,4286 milliard d’habitants et un PIB par tête d’habitant de 2.036 dollars. Pour les six nouveaux membres, nous avons : les Émirats pour une population de 10 millions et un PIB par tête d’habitant de 43.537 dollars, l’Arabie Saoudite pour une population de 35 millions et un PIB par tête d’habitant de 23.566, l’Argentine pour une population de 45 millions et un PIB par tête d’habitant de 11.627 dollars, l’Iran pour une population de 84 millions et un PIB par tête d’habitant de 5.491 dollars, l’Egypte pour une population 102 millions et un PIB par tête d’habitant de 2.573 dollars, l’Ethiopie pour une population de 115 millions et un PIB par tête d’habitant de 853 dollars.

En conclusion, cet élargissement est un dosage politique et économique pour ne pas perturber l’équilibre entre les pays à économie de marché et les pays à économie administrée avec des alliances stratégiques différentes, où selon les représentants de l’Inde et de l’Afrique du Sud n’étant pas question de s’opposer à l’Occident ayant opté pour un ordre mondial plus juste et le non-alignement. Ainsi, l’Asie est représentée par deux poids lourds, la Chine et l’Inde; l’Amérique latine par le Brésil et l’Argentine; le Moyen-Orient par l’Arabie Saoudite, l’Iran et les Emirats certainement pour des raisons financières afin d’alimenter la Banque de développement des BRICS; l’Afrique par l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Ethiopie et l’Europe par la Russie. Le problème qui se pose est que dans les statuts de l’organisation, un seul pays membre peut bloquer toute nouvelle adhésion, le vote se faisant à l’unanimité et non à la majorité.

Qu’en sera-t-il donc lors de la prochaine réunion et cette règle sera-t-elle maintenue ? Par ailleurs, actuellement, les BRICS sont un Club non structuré en secrétariat général et commissions comme le G7, avec des structures politiques et économiques différentes. Mais son poids économique croissant devrait modifier l’actuelle architecture des relations internationales s’orientant vers un monde multipolaire afin de favoriser un co- développement mondial et lutter contre les inégalités et la pauvreté.

L’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés comme le déséquilibre de l’économie mondiale et qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développement et la prospérité de la majorité des pays en voie de développement et qu’il s’agit de respecter le choix du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie.


*Professeur des universités, docteur d’Etat


>>> Face au poids économique du G7 : Les enjeux géostratégiques et économiques de la réunion des BRICS, en Afrique du Sud


                      En quoi l’adhésion de l’Éthiopie profitera-t-elle à elle-même et aux pays des BRICS?

Addis Abeba, Ethiopie.           © Sputnik . A. Solomonov /
Avec l’Éthiopie, les BRICS pourraient renforcer leur présence dans l’est de l’Afrique, développer le secteur agricole du pays, le transformer ainsi en une banque alimentaire du continent, a fait valoir à Sputnik Afrique un professeur de l’Université de Namibie. L’Éthiopie pourrait bénéficier de prêts en devises locales pour contourner le dollar.
L’admission de l’Éthiopie aux BRICS devrait conduire à des relations « gagnant-gagnant », a estimé auprès de Sputnik Afrique un politologue et professeur des Université de Namibie et de l’université de Stellenbosch en Afrique du Sud.
Ce pays d’Afrique de l’est, avec une population de 120 millions d’habitants, est « la sixième économie la plus forte du continent, avec des revenus d’environ 127 milliards de dollars, a indiqué Ian Liebenberg.
Même si l’on ignore les critères réels pour la sélection de ce pays, le professeur a suggéré plusieurs raisons possibles. Il s’agirait notamment de sa puissance économique et de son potentiel d’augmenter la présence du Sud, ainsi que leur éventuelle contribution aux BRICS.

« L’Éthiopie s’inscrit dans l’idée d’une ceinture des BRICS plus large ayant une plus grande empreinte non seulement dans le Sud, mais aussi en Afrique. Et en ce sens, je pense que l’on pourrait affirmer que c’était la raison de l’inclusion », avance le politologue.

Avantages pour les BRICS

Pour le groupe, l’un des atouts de ce pays est représenté par son climat et sa position géographique, propices pour la production agricole, ainsi que par sa proximité stratégique avec le canal de Suez offrant un accès aux marchés mondiaux:

« L’Éthiopie possède beaucoup de terres arables et pourrait potentiellement devenir une future banque alimentaire pour les pays BRICS, mais surtout pour l’Afrique« , indique le politologue. Selon lui, le pays est attirant plus par son secteur agricole que par son domaine minier.

Deuxièmement, il est probablement important pour les BRICS d’être désormais présents dans l’est du continent africain, a ajouté M.Liebenberg. « L’Éthiopie peut être aussi considérée comme un futur pôle de croissance pour les BRICS ou le format BRICS+ », conclut-il.

Avantages pour l’Éthiopie

Si l’Éthiopie en profite, une grande partie de l’Afrique de l’est en bénéficiera en termes de croissance économique, poursuit l’analyste. L’Éthiopie se trouve dans une situation précaire, dans le sens où elle entretient des relations difficiles avec les pays qui l’entourent, l’Érythrée, par exemple, ou le Soudan, explique-t-il.
Disposant de plus grandes superficies de terres arables, l’Éthiopie pourrait potentiellement devenir un entrepôt alimentaire pour l’Afrique:
« Le pays peut gagner beaucoup [du partenariat avec les BRICS], parce que les connaissances des Brésiliens, les connaissances des Chinois en termes de production agricole et d’amélioration de cette production peuvent jouer un rôle considérable dans le renforcement de la capacité des Éthiopiens à produire de la nourriture et, à terme, à devenir un producteur de nourriture pour l’Afrique et peut-être au-delà », a avancé Ian Liebenberg.

Meilleures conditions pour les prêts

L’Éthiopie, comme tous les autres pays africains, payait environ dix fois plus d’intérêts pour rembourser leur prêts internationaux. Ce alors que les pays occidentaux n’en payaient pas autant, poursuit le politologue.
L’adhésion aux BRICS offre à l’Éthiopie des possibilités de négocier avec sa propre monnaie avec les autres pays du groupe, tout en empruntant la voie de dédollarisation, d’après lui.
« L’Éthiopie serait ainsi en mesure de contourner le dollar et, dans ce sens, d’obtenir probablement un meilleur rapport qualité-prix dans ses échanges commerciaux. Et deuxièmement, l’Éthiopie pourra accéder à la banque BRICS ou à la Nouvelle Banque [de développement, ndlr] à de meilleures conditions pour conclure de futurs accords de prêts pour la reconstruction et le développement », précise M.Liebenberg.
Pour les Éthiopiens, c’est « une situation gagnant-gagnant », résume-t-il. Par une telle contribution, la banque des BRICS pourrait aider les pays à réaliser pleinement leur potentiel et favoriserait « une restructuration très importante des marchés internationaux et de l’économie mondiale ».


   Quatre vérités dont l’Algérie devra tenir compte avant toute adhésion aux BRICS

Noureddine Legheliel est analyste boursier en Suède. Il énumère, dans cet entretien à Algeriepatriotique, les quatre points que l’Algérie devra prendre en considération avant d’adhérer aux BRICS. Il alerte sur «la dépendance criante des Etats membres de ce groupe aux économies des pays occidentaux, et à leur tête les Etats-Unis». «Cette dépendance empêche les BRICS de concurrencer économiquement les pays occidentaux», avertit-il. Interview.

Algeriepatriotique : Il est beaucoup question en ce moment de la non-adhésion de l’Algérie aux BRICS qui a suscité de nombreux commentaires. Par-delà le cas algérien, on parle surtout de chambardement de la finance internationale, en clair, de dédollarisation. Qu’en est-il ? Est-ce possible ?

Il faut savoir que les économies des pays BRICS dépendent beaucoup des économies du G7 et plus particulièrement de celle des Etats-Unis. C’est une vérité que l’Algérie, qui s’apprête à rejoindre ce groupe, doit prendre en considération. Primo, je commence par décrire l’évolution des monnaies des BRICS par rapport au dollar américain sur une période de cinq ans. A travers les graphes de cotations, on distingue ceci : du 1er juin 2018 jusqu’au 1er juin 2023, la monnaie chinoise, le yuan renminbi, avait chuté de 10,32% par rapport au dollar américain. Durant la même période de cinq ans, la monnaie indienne, la roupie, avait baissé de 21% par rapport au dollar américain. La monnaie brésilienne, le réal, avait dévissé de 32% par rapport au dollar. La monnaie russe, le rouble, avait connu une chute de 28%, toujours par rapport au dollar, et la monnaie sud-africaine, le rand, s’est effondré de 52% encore face au dollar. Conclusion : ces graphes de cotation des monnaies des BRICS montrent bel et bien la faiblesse de ces monnaies face au billet vert.

Les BRICS sont donc, bien malgré eux, dépendants des Etats-Unis et du dollar ?

La réalité du terrain nous montre qu´à ce jour les BRICS détiennent des actifs financiers américains et les plus connus sont les bons de Trésor américains dont la valeur dépasse les 1 450 milliards de dollars. Cela veut dire que ces pays financent la dette extérieure américaine. Je vous donne les chiffres en milliards de dollars : la Chine détient pour 858 milliards de dollars des bons de Trésor américains, composés des T-Bonds (obligations d’Etat américain à long terme) et des T-Bills (obligations de l’Etat fédéral américain à court terme). L’Inde détient des bons de Trésor américains d’une valeur de 232 milliards de dollars, le Brésil 214 milliards de dollars, la Russie 236 milliards de dollars – mais, après le déclenchement de la guerre d’Ukraine, tous les actifs financiers russes aux Etats-Unis ont été gelés par le gouvernement américain. L’Afrique du Sud, quant à elle, n’en détient pas.

D’où les BRICS tirent-ils leur croissance économique ?

La croissance économique des BRICS est tirée, primo, par des Investissements étrangers directs (IDE) et plus particulièrement des IDE des pays occidentaux et, secundo, par l’endettement extérieur. Pour la Chine, 180 milliards de dollars d’investissements étrangers ont été enregistrés en 2022, contre 85 milliards de dollars pour le Brésil, 51 milliards pour l’Inde et 9 milliards pour l’Afrique du Sud. La Russie, soumise à des sanctions économiques occidentales, n´est pas prise en compte dans ces statistiques.

Les BRICS peuvent-ils créer un marché boursier commun ?

Les pays du groupe des BRICS insistent, en effet, sur la création d’un marché boursier commun, mais la réalité du terrain nous montre que les plus grandes et les plus prestigieuses entreprises des pays des BRICS sont cotées à la Bourse américaine de Wall Street, à New York, Bourse connue pour ses trois Indices : le Dow Jones, le SP 500 et le Nasdaq. En chiffres, la Chine en possède 249 entreprises cotées à la Bourse américaine de Wall Street, le Brésil 27 entreprises, l’Inde 17 et l’Afrique du Sud 43. La Russie avait plus de 23 entreprises avant la guerre en Ukraine, mais l’embargo imposé par l’Occident contre ce pays a contraint la SEC [l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, ndlr] à supprimer la cotation de ces entreprises des indices boursiers américains.

Propos recueillis par Nabil D.


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