« Guerre de 4ème génération », tomate, caillou et muraille

par Kaddour Naïmi

 

Considérations générales

Deux lapalissades. 1. Quelque soit la nation, elle n’a que deux choix, être indépendante dans ses décisions, ou vassale d’une nation dominante. 2. Entre les nations, l’ « amitié » ou l’ « alliance » signifient la communauté d’intérêts nationaux, soit dans une relation de vassalité (système unipolaire du bloc impérialiste (1)) soit de parité « gagnant gagnant » (système multipolaire) que s’efforcent d’instaurer les nations du BRICS et candidats à cette organisation.

Anecdote antique. À un étranger, surpris, qui demandait : « Mais où sont vos murailles ? », le roi de Sparte indiqua des paysans qui travaillaient aux champs à la périphérie de la cité, et répondit : « Ce sont eux, nos murailles ».

Citation moderne. Dans ses écrits, Mao Tsé Toung évoqua, dans le style traditionnel chinois, une image, ainsi synthétisée : si un coup de poing frappe une tomate, qui donc est brisé ?… La tomate… Si le même coup de poing frappe un caillou, qui donc se brise ?… La main… En terme de confrontation stratégique, ces métaphores signifient : la contradiction (conflit) interne (sociale, national, par exemple) est plus déterminante que la contradiction externe (conflit d’une nation par rapport à une autre).

Autrement dit, une nation dont les contradictions internes (entre gouvernants et gouvernés) sont inférieures aux contradictions externes (entre cette nation et une nation impérialiste), que la première nation donc sera non pas une tomate mais un caillou en cas d’agression par la nation impérialiste (le coup de poing). Et, pour reprendre l’anecdote antique, les vraies « murailles » d’une nation, c’est son peuple de travailleurs, et non pas un mur. La Muraille de Chine n’empêcha pas l’invasion du pays : il a suffit de corrompre les militaires qui gardaient des portes de la muraille.

Corruption !… L’argent !… Fourni par qui ?… Par une oligarchie qui domine une nation, en  accaparant ses richesses, et en exploitant sa population. La corruption, donc, est le nerf de la guerre. L’argent ne finance pas uniquement la production d’armes de guerre, les salaires des combattants et un stimulant à l’économie ; il sert tout autant à la production-achat des cerveaux des citoyens par des moyens de guerre psychologique.

 

Guerre de « quatrième génération »

C’est le nom actuel de cet aspect de la guerre. Le terrain de combat, l’enjeu est la population, d’abord celle de la nation impérialiste, ensuite celle de la nation à vassaliser, pour conditionner ces deux sortes de populations dans leur manière de penser et de considérer les faits.

Examinons la stratégie des oligarchies du bloc impérialiste (2).

But ?…

Assurer ou renforcer sa domination, en vassalisant une autre nation, autrement dit exploiter ses ressources naturelles, utiliser militairement son territoire, faire adopter les « valeurs » culturelles de la nation dominante, car ces trois aspects se conditionnent réciproquement.

Arguments ?…

D’une part, justifier la domination oligarchique au sein même de la nation impérialiste. Les gouvernants, à leur manière et avec tous les moyens que permet la puissance financière et le potentiel intellectuel, entretiennent les cerveaux de leur population pour lui faire croire qu’elle vit dans « la Meilleure des nations », la « Nation-Modèle » de la « Liberté » et de la « Démocratie », «Voulue et Bénie par Dieu », « Garante de la Paix mondiale » sinon « Gendarme contre les États voyous » qu’elle s’arroge de définir comme tels. Comme au « glorieux » hollywoodien vieux temps où les autochtones d’Amérique étaient définis des « sauvages » à exterminer par les « bons blancs, croyants, civilisés » qui avaient droit à « leur Terre Promise » par Dieu. La propagande impérialiste ose jusqu’à l’imposture de reprendre le conventionnel argument de défendre la « civilisation » contre la barbarie (Samuel Huntington), en recyclant le même argument, auparavant évoqué par les nazis ainsi que les fascistes japonais et italiens. Et voilà le drapeau national partout (surtout aux U.S.A), de toutes les dimensions, les cérémonies et commémorations à grand spectacle télévisé et diffusé sur internet, les visites de lieux « symboliques », les productions culturelles et artistiques, jusqu’aux étiquettes de multinationales et aux slogans sur les vêtements, les sacs, les lunettes et autres gadgets et mots sur des casquettes, du genre « USA », « NYC ». Que des individus portent des casquettes, dans le « monde libre », où on lirait « Moscou » et « Russie » ou « Pékin » et « Chine », et on constaterait la réaction des gens.

D’autre part, il faut justifier la domination impérialiste dans les nations à vassaliser. Comment ?… En stigmatisant leurs gouvernements de tous les adjectifs infamants possibles, adroitement choisis : dictature, répression de toute forme de liberté d’expression, massacres, etc. Il ne s’agit pas de nier ces aspects, mais la propagande impérialiste les présente de manière telle qu’il semble qu’on ne peut pas faire plus abject, plus scandaleux, plus horrible, plus contraire à l’humanité.

Il est vrai que les problèmes de démocratie sont réels dans certaines nations susceptibles de vassalisation ; mais, de quel droit une autre nation, de surcroît impérialiste, s’immisce-t-elle dans les problèmes internes d’une autre nation ? En outre, les représentants d’une nation qui prétendent défendre et répandre les principes de liberté d’expression et de démocratie, les pratiquent-ils réellement ?… Deux seuls exemples suffisent pour démasquer l’hypocrisie et les mensonges. Le journaliste le plus courageux et combatif du « monde libre » et « démocratique » est illégalement emprisonné depuis des années, soumis à une torture psychologique visant à sa mort, pour avoir révélé les crimes de l’impérialisme états-unien, notamment en Irak : Julian Assange. Et le lanceur d’alerte le plus important de notre époque, citoyen du même « monde libre » et « démocratique », s’est vu contraint de s’exiler en… Russie, pour ne pas être emprisonné à cause de ses révélations sur l’immense et totalitaire système états-unien de contrôle des citoyens, aussi bien dans le « monde libre » que dans le reste de la planète : Edward Snowden.

Voici le comble. Dans les nations impérialistes, les actions sur les cerveaux de la population sont considérées comme « hautement patriotiques », « libres », « démocratiques », y compris les agressions militaires contraires au droit international, par exemple contre la Yougoslavie, l’Irak et  la Libye. Par contre, les actions de patriotisme réalisées dans des nations, pour se défendre d’une éventuelle agression impérialiste ou d’une action pour changer le régime par une « révolution colorée », sont dénoncées, par les médias des nations impérialistes et leurs laquais indigènes, comme des actions « chauvines », « dictatoriales », qui « détournent des problèmes internes », qui « menacent l’ordre et la paix mondiaux ».

Agents de la propagande impérialiste : outre ceux qui appartiennent à la nation impérialiste, également ceux qui, dans la nation à vassaliser, partagent ses intérêts et la soutiennent.

Moyens utilisés par l’oligarchie impérialiste… Ils sont multiples, plus ou moins maquillés, toujours dotés de mots convenables et nobles (démocratie, droits, liberté, culture, éducation, civilisation, valeurs judéo-chrétiennes, etc.), dotés d’argent illimité et plus ou moins occulté, avec recours à toute forme de mercenariat et de corruption, finement conçus jusqu’à s’inspirer des méthodes de guérilla citadine (Black bloc, par exemple) et de résistance citoyenne non violente (Gandhi, Martin Luther King) : voir les documents et actions des diverses agences, ONG, associations, instituts, clubs, fondations et autres « institutions » créées à cet effet.

Tactique… Provoquer des changements de régime, dits « révolutions colorées » ou « Printemps arabe ». Oh ! Les jolis mots !… De quelle manière ?… En recrutant, moyennant finance plus ou moins occultée, des individus (« influenceurs » sur internet, « leaders » charismatiques au sein de la population, « Young Leaders », etc.), d’une part dans les nations impérialistes (du type l’individu « philosophe » français à la chemise blanche ouverte sur la poitrine), et, d’autre part, dans les nations à vassaliser (voir des exemples cités par le déjà mentionné Ahmed Bensaada).

Si l’action de changer de régime ne réussit pas, reste l’agression militaire, même au mépris du droit international, au nom de cette très jolie et émouvante expression : « action humanitaire » (Irak, Libye). Là, Joseph Goebbels est dépassé en cynisme ! Toutefois, depuis le quinzième siècle, on sait quelle fut le cynisme des « civilisés » dans les pays colonisés : extermination des indigènes (en présentant la Bible !), puis  exploitation de leurs ressources naturelles et plus ou moins esclavage de la population survivante. Cependant, dans les livres scolaires et dans les médias du « monde de l’expression libre », les Européens n’ont fait que « découvrir » l’Amérique et répandre la culture, la science et la civilisation dans le monde, ce qu’ils continuent à faire contre les « barbares » du reste de la planète, dont le crime consiste à s’opposer à toute forme de domination impériale.

Venons aux nations susceptibles de vassalisation.

Selon les moyens qu’ils utilisent pour l’éviter, on distingue divers cas.

  1. Des nations ont été victimes de changement de régime, sous forme de coup d’État déguisé (Ukraine) ou d’élections truquées (Roumanie). 2. D’autres nations furent victimes (Irak) ou le sont actuellement d’agressions impérialistes directes (Libye) ou indirectes, par l’emploi de mercenaires (Syrie, Sahel).

 

Chine

Examinons un cas particulier, où l’auteur de ce texte a séjourné plusieurs années. Cette nation dispose des moyens pour contrecarrer ceux des oligarchies impérialistes (3).

Les gouvernants veillent à entretenir l’esprit patriotique du peuple, afin qu’il demeure vigilant pour contrecarrer les actions de propagande et d’emploi d’agents étrangers ou indigènes payés (corruption) pour, sous prétexte de « démocratie et liberté d’expression », remplacer les dirigeants nationaux par d’autres, soumis aux intérêts des oligarchies impérialistes.

Cette action vigilante est permanente, systématique et multiforme. Elle va de l’usage de moyens technologiques  les plus avancés (internet, réseaux sociaux, etc.) à ceux traditionnels. Parmi ces derniers, citons les musées et leurs qualités pédagogiques, leur présence dans le maximum de localités, les cérémonies commémoratives, la production de qualité et la diffusion la plus large d’œuvres culturelles, littéraires et artistiques. Leur but est de rappeler les crimes impérialistes, la résistance armée pour s’en libérer et, donc, le maintien d’un esprit patriotique anti-impérialiste.

Des objections se présentent.

  1. « Ouais !… Ainsi, les gouvernants chinois, en évoquant la vigilance patriotique, occultent les problèmes internes ! »… Première réponse : des dirigeants sachant gouverner agissent pour résoudre les problèmes internes, considérés comme l’un des moyens pour affronter les problèmes extérieurs (être un « caillou » et non une « tomate », faire du peuple la « muraille » de défense). Seconde réponse : le peuple chinois, tout en se confrontant à ses gouvernants pour obtenir des droits légitimes, manifeste un patriotisme absolu et une unité indéfectible avec ses gouvernants, en cas d’agression de la nation par un quelconque impérialisme. Bien entendu, des traîtres indigènes au service de l’impérialisme existent partout et toujours, mais les gouvernants et les peuples sont là pour les neutraliser.
  2. « Ouais ! En Chine existe la dictature d’un Parti unique, communiste ! »… Considérons la nation impérialiste en chef, les U.S.A. Quels partis se partagent toujours le pouvoir politique ? Deux : républicain et « démocrate ». Le système électoral est fermé de telle manière qu’un autre parti politique ne peut naître et parvenir à participer aux élections. On est de fait en présence d’un parti politique unique, de forme bicéphale. Cependant, dirait-on, les citoyens choisissent librement leurs représentants. Question : quelle est la valeur réelle de cette liberté quand on sait combien elle est soumise à un tentaculaire appareil de conditionnement, constitué par tous les médias existants, de ceux prétendument d’information à ceux de « loisirs » ? Ignore-t-on que le peuple des États-Unis est, sur la planète, le moins informé, le moins cultivé, le moins politisé par rapport aux autres peuples ? Comment expliquer cette carence dans la nation qui se targue d’être « le modèle d’information libre »  et de « culture » ?
  3. « Ouais ! En Chine, les citoyens sont totalement contrôlés par les services de sécurité gouvernementaux ». Réponses. Dans toute nation, le gouvernement dispose de services d’information et de contrôle de sa population. En outre, est-ce que la Chine dispose du système de contrôle totalitaire états-unien, dénoncé par Edward Snowden ? Si la Chine a instauré ouvertement une « barrière électronique » qui bloque certains sites du web (mais que des VPN parviennent à neutraliser), les gouvernants états-uniens et leurs vassaux dans les autres pays sont plus malins : ils laissent croire à la liberté d’internet, tout en contrôlant et filtrant le web, notamment les sites les plus populaires (Facebook, Twitter, etc.), jusqu’à l’imposture de créer des agences, apparemment indépendantes mais qui, financées de manière plus ou moins occulte, sont chargées de décider qui fournit des informations vraies et qui répand les « fake news ». La crise sanitaire et l’actuelle guerre en Ukraine permettent de se rendre compte jusqu’où ce système de contrôle et de manipulation est occulte et puissant.

 

Algérie

Examinons ce cas particulier. Les documents officiels états-uniens (doctrine Rumsfeld/Cebrowski) déclarent, entre autre, que l’Afrique du Nord fait partie des nations d’intervention en vue du « remodellement » de la zone en faveur de l’ « American New Century », autrement dit un prochain siècle de domination impérialiste états-unienne. Déjà, le Maroc est sous la coupe sioniste-impérialiste. Restent la Tunisie et surtout l’Algérie, détentrice de ressources naturelles et de territoire stratégiques, et disposant de relations de coopération avec les adversaires du « mondialisme » unipolaire du bloc impérialiste : Russie et Chine. Cela explique pourquoi l’Algérie a fait partie de l’opération « Printemps arabe », et risque de voir cette tactique renouvelée, sous une forme plus ou moins semblable de changement de régime, comme par ailleurs le Venezuela, le Kazakhstan, l’Iran et, dernièrement, le Brésil (4). Les risques d’intervention impérialiste, notamment de tentatives de « changement de régime », sont d’autant plus probables que la tendance multipolaire, indépendantiste donc anti-impérialiste, se renforce avec les nations qui se proposent de rejoindre l’alliance des BRIC : Iran, Algérie, Argentine, ou encore Arabie saoudite, Turquie, Égypte, Afghanistan, Indonésie. La domination impérialiste est entrée en zone de tempêtes et ne s’avouera pas vaincue sans recourir à tous les moyens disponibles. Elle a déjà eu recours à la bombe atomique au Japon, a menacé de l’utiliser lors de la guerre de Corée, s’est contenté du napalm et des bombardements massifs au Vietnam pour le « réduire à l’ âge de pierres », et, dernièrement, a laissé un de ses représentants menacer du recours au nucléaire (l’ex-premier ministre britannique Liz Truss). Sans oublier le recours à l’arme biologique, où l’avantage est d’occulter le responsable de l’action, cette arme déjà utilisée par l’armée états-unienne durant la guerre de Corée (5), ni oublier les laboratoires clandestins découverts en Ukraine par l’armée russe.

Qu’en est-il donc de la situation actuelle en Algérie?… On constate une légitime préparation militaire, des nécessaires alliances internationales, et une indispensable vigilance en ce qui concerne les agences et les agents indigènes (au pays ou de l’étranger) qui veulent le changement de régime voulu par leurs sponsors du bloc impérialiste, qui sont divers. On note également un effort pour résoudre les problèmes internes, d’ordre économique, social et culturel, en neutralisant tous les agents et toutes les actions qui les créent ou les perpétuent afin de favoriser une éventuelle intervention impérialiste de changement de régime, sinon d’intervention militaire.

Les prétextes existent : « défendre la démocratie, la liberté d’expression et les droits de l’homme » en Algérie, défendre la « minorité amazighe » en reconnaissant son indépendance du « joug arabe algérien »,  défendre le Maroc qui serait menacé par l’Algérie, briser l’alliance entre l’Algérie d’une part et, d’autre part, la Russie et la Chine afin de protéger la « sécurité du flanc sud de l’Europe », éliminer le soutien de l’Algérie au mouvement de libération palestinien, mettre fin à l’émigration clandestine à partir de l’Algérie, qui menace l’ « identité » de l’Europe et vise au « remplacement » de population, et, enfin un non dit : prendre sa revanche sur la victoire des Algériens qui ont conquis leur indépendance…

Face à toutes ces réelles menaces, l’effort d’instauration d’une « Algérie nouvelle », autrement dit indépendante et développée dans tous les domaines, exige davantage de décisions et surtout d’actions concrètes et conséquentes, pour rendre le peuple algérien toujours plus « caillou » et « muraille » de défense.

Notons que certains « intellectuels » sont allés jusqu’à laisser croire que l’époque coloniale avait du bon[6] et que les combattants de la guerre de libération étaient des imposteurs profiteurs[7]. Et, malheureusement, des Algériens, surtout dans la jeunesse, croient à ces contre-vérités, qui dévalorisent la glorieuse guerre de libération anti-coloniale. Pourtant, la guerre de libération nationale fut une épopée, reconnue par les peuples épris d’indépendance. Comment a-t-elle pu devenir un objet de stigmatisation et de rabaissement ?…  Parce que les gouvernants de l’Algérie indépendante, malgré leur bonne volonté subjective, n’ont pas su concrétiser les idéaux sociaux de la guerre de libération patriotique, notamment le principe fondamental « Par et pour le peuple », ni les caractéristiques de l’Algérie comme « démocratique et populaire ». Ainsi, il devenait et reste relativement facile à tout individu qui sert les intérêts du bloc impérialiste d’évoquer les carences en Algérie pour justifier un changement de régime. D’où la nécessité pour les gouvernants en Algérie non seulement de neutraliser ces allégations, mais de mettre fin aux carences qui laissent le peuple susceptible d’être une « tomate » face au « coup de poing » des manipulateurs.

C’est dire l’importance fondamentale, outre à toutes les actions à concrétiser, de raviver et entretenir l’esprit patriotique davantage dans tous les domaines, dans tous les aspects, avec le maximum de qualité, dans tous les lieux y compris les plus reculés (les villages et douars sont stratégiquement importants). La situation géo-stratégique urge !

À ce sujet, la Chine, déjà citée, est une source d’inspiration.

L’autre est un fruit de l’expérience algérienne. Une anecdote. Durant la guerre de libération nationale, mon enfance fut soumise, dans le quartier où j’habitais, aux hauts-parleurs de l’armée coloniale (ancêtres des médias actuels), qui diffusaient quotidiennement de la propagande colonialiste, accompagnée de musiques, et, de temps à autre, des militaires passaient dans les rues, encore en fanfare musicale, pour nous distribuer du pain et des bonbons (ancêtre de l’ « intervention humanitaire »). Cependant, nous, la nuit tombée, nous écoutions clandestinement la radio qui, du Caire, transmettait les informations patriotiques du Front de Libération Nationale pour la résistance au colonialisme (ancêtres des moyens de véritable information actuelle). Et, en fin de semaine, nous étions quelques enfants à nous s’asseoir près d’un retraité algérien qui lisait des journaux et nous fournissait discrètement des éléments de conscience patriotique.

Que tirer de cette anecdote ?… Que le système colonial avait un puissant moyen matériel de propagande, mais nous, enfants du peuple, disposions de l’écoute clandestine d’une simple radio et d’un vieil homme pour contrer la propagande colonialiste.

Cette anecdote signifie que face à la puissance matérielle de la propagande impérialiste (internet, agences et agents indigènes harkis, corruption par le « pain » et les « bonbons ») pour vassaliser l’Algérie, les gouvernants de cette nation ont les sources d’inspiration, internes et internationales, pour créer et maintenir vigilante la conscience patriotique.

Bien entendu, il s’agit pour les gouvernants de faire confiance au peuple non seulement en paroles mais en actes, de créer avec lui les relations complémentaires nécessaires, de faire appel à toutes les bonnes volontés patriotiques à l’intérieur du pays et dans la diaspora, de remplacer au plus vite et avec le maximum de rigueur, dans tous les domaines d’activité sociale, les opportunistes et les médiocres par de vrais patriotes et professionnellement compétents, qui servent la patrie et le peuple, au lieu de s’en servir pour « faire carrière », au risque même de faire le jeu impérialiste.

Certes, concernant la guerre de « 4ème génération », l’Algérie ne dispose pas de la puissance matérielle des nations impérialistes, mais possède l’intelligence de ses patriotes, pour transformer la faiblesse matérielle en force spirituelle. Les Algériens disposent déjà de l’expérience :  l’armée française, l’une des plus grandes armées impérialistes, fut vaincue par un peuple majoritairement de paysans, parce que ce peuple disposait des dirigeants compétents, d’une doctrine efficace et d’une organisation sociale adéquate, où les opportunistes, les médiocres et les traîtres n’avaient pas de place.

À propos du champ de bataille que sont les cerveaux, pour l’Algérie, comme pour toute nation en danger de vassalisation, il ne s’agit pas de maîtriser uniquement internet, ce champ de bataille électronique. Il faut encore neutraliser les diverses « agences » impérialistes et leurs agents indigènes, pas uniquement à l’aide des services de sécurité, mais également en fournissant à la population les informations, la culture, l’organisation et les relations complémentaires gouvernants/citoyens, afin d’assurer la capacité de défense patriotique.

À ce sujet, posons des questions.

  1. L’efficacité consiste-t-elle à interdire les voix dissidentes, au service de la propagande impérialiste, ou, plutôt, à les laisser s’exprimer, tout en fournissant aux citoyens les éléments d’information qui leur permettent, par eux-mêmes, de distinguer le vrai du faux ? Est-ce la version officielle unique, ou la confrontation entre les versions opposées, qui garantit un esprit citoyen critique et efficace ? Ne doit-on pas reconnaître la supériorité de l’adversaire impérialiste ?… Chez lui, la neutralisation des informations dissidentes n’est pas officiellement déclarée et pratiquée, à l’exception des mesures d’interdiction de certains sites d’information anti-impérialistes, et de manipulations des médias. Cela prouve le degré d’emprise des oligarchies impérialistes sur leurs populations. Par conséquent, dans les nations anti-impérialistes, pratiquer la censure de l’information, parce qu’elle menace la stabilité socio-nationale, n’est-il pas un signe de faiblesse, car il manifeste une insuffisance de confiance des gouvernants dans leur population, jugée incapable de discerner le vrai du faux ? Ne faudrait-il donc pas que les gouvernants trouvent la solution pour rendre les citoyens capables d’accéder librement à toutes les informations vraies comme à la propagande impérialiste, tout en sachant distinguer le vrai du faux dans ce domaine de la guerre des cerveaux ?… Bien entendu, ce choix n’est pas facile, mais n’est-il pas indispensable si l’on veut disposer d’un peuple « muraille » et « caillou », ainsi qu’éliminer toute justification à la propagande impérialiste sur la limitation de la liberté d’information ?
  2. Pour conjurer sinon affronter et neutraliser tout risque de vassalisation, faut-il attendre que l’action impérialiste se manifeste par des démonstrations sociales de rue ou par une agression militaire, ou la prévenir en faisant appel aux citoyens, de l’intérieur et de la diaspora, dotés d’esprit patriotique et de compétences professionnelles, d’une part, et, d’autre part, mobiliser le peuple de manière adéquate, comme suggéré plus haut ?

Les réponses à ces questions dépendent du degré de confiance que les gouvernants ont pour les authentiques patriotes et pour le peuple. Rappelons la déclaration du général Van Nguyen Giap, faite à Alger : « le colonialisme américain est un mauvais élève. Il n’apprend pas les mauvaises leçons de l’histoire ». Les faits confirment cette déclaration. Il reste aux gouvernants, aux patriotes et aux peuples menacés de vassalisation d’apprendre correctement les leçons fournies par les nations qui ont vaincu les impérialismes, quelque soit leur force matérielle, notamment les peuples chinois, vietnamien, algérien et cubain.


Kaddour Naïmi


 (1) Curieusement nommé « Occident collectif », voir https://www.algeriepatriotique.com/2022/11/29/une-contribution-de-kadour-naimi-occident-collectif-ou-bloc-imperialiste/

(2)  Voir les ouvrages de Ahmad Bensaada, https://ahmedbensaada.com/

(3) Voir https://www.algeriepatriotique.com/2018/04/18/contre-lideologie-harkie-pour-la-culture-libre-et-solidaire/

(4) https://reseauinternational.net/pourquoi-la-cia-a-tente-un-soulevement-de-type-maidan-au-bresil/

(5)  « Les armes biologiques de la guerre de Corée », https://www.monde-diplomatique.fr/1999/07/ENDICOTT/3116

[6]     Yasmina Khadra, https://www.algeriepatriotique.com/2022/07/29/considerations-sur-yasmina-

khadra/

[7]     Kamel Daoud, « Pourquoi le NYT s’est payé un néo-harkisme ? », https://tribune-diplomatique-internationale.com/algerie-pourquoi-le-new-york-times-sest-paye-un-neo-harkisme/


 

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