Le 15ème Sommet des BRICS qui s’ouvre en Afrique du Sud est probablement à bien d’égards historique. Elargissement du bloc pro-multipolaire à d’autres Etats, renforcement de l’indépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux, rôle stratégique de l’écrasante majorité planétaire non-occidentale de plus en plus assumé, sans oublier le blocage des agendas de nuisance au bon déroulement dudit événement – le programme de travail sera indéniablement chargé et important pour l’avenir du monde.
Après le récent Sommet Afrique-Russie, c’est désormais au tour pour l’autre grand événement international de cette année à débuter – le 15ème Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en terre sud-africaine. L’importance historique et stratégique de cet événement n’est plus à démontrer compte tenu des orientations de plus en plus assumées non plus seulement par les Etats membres, mais également dans le cadre du soutien montant à l’encontre du bloc pro-multipolaire de la part des pays du Sud global.
Le président chinois Xi Jinping est d’ailleurs déjà arrivé en Afrique du Sud où il a été accueilli par son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa. A noter qu’au-delà des représentants des cinq pays membres – plusieurs dizaines de hauts représentants du monde non-occidental seront présents, avec une vingtaine d’Etats ayant annoncé leur volonté d’adhérer au bloc. Une perspective qui pourra donner officiellement naissance au concept des BRICS+.
Mais ce qui inquiète vivement les ennemis dudit événement, représentés par l’écrasante minorité planétaire des régimes occidentaux, c’est qu’au-delà du fait de ne pas avoir pu saboter l’agenda du sommet, notamment en ce qui concerne le processus international de dédollarisation et d’un travail de plus en plus actif des nations BRICS en direction de l’indépendance vis-à-vis des instruments financiers occidentaux, le monde non-occidental ne n’est pas laissé berner par les fausses propositions de «dialogue» émanant de l’Occident.
Un rôle qui avait été notamment confié au régime hexagonal, mais sans succès pour le camp déstabilisateur. Les régimes occidentaux n’ont effectivement rien à faire au Sommet des BRICS, y compris en qualité de simples observateurs. Le message est donc bel et bien passé.
Pour revenir maintenant à l’aspect géoéconomique – il est évident qu’à l’heure où les cinq Etats membres de l’alliance ont dépassé en termes de PIB combiné les sept membres du club des nostalgiques de l’unipolarité représenté par le G7 – l’objectif aujourd’hui est clairement à continuer dans cette voie. Car si le monde non-occidental, BRICS et Sud global compris, représentent indéniablement ensemble l’écrasante majorité démographique mondiale, les bouleversements économiques font eux aussi partie d’un processus parfaitement logique et légitime.
Pour l’anecdote, lorsque les médias de l’Occident parlent d’une opposition de plus en plus assumée des BRICS vis-à-vis de l’espace occidental, ils devraient surtout rappeler que c’est de-facto l’Occident qui s’est lui-même soustrait d’un monde de partenariat inclusif, en maintenant une posture d’extrême arrogance et d’un complexe de supériorité – tout en étant une extrême minorité. Encore une fois – une extrême minorité non plus seulement démographique, mais également et de plus en plus géopolitique et géoéconomique.
Dans tous les cas – les BRICS et les nations du Sud global qui adhérent à la vision de la multipolarité sauront certainement imposer les mécanismes si attendus par la grande partie des peuples du monde. Et en ce sens, ce 15ème Sommet des BRICS est indéniablement historique.
Mikhail Gamandiy-Egorov
Les Brics défendront le Sud global contre l’Occident
Les dirigeants des pays Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui représentent environ un quart de la richesse mondiale, se rencontrent cette semaine à Johannesburg pour renforcer l’influence du groupe et obtenir des changements dans la géopolitique mondiale.
Le président de la République sud-africaine Cyril Ramaphosa accueillera mardi prochain, en tant qu’hôte, le président chinois Xi Jinping, le premier ministre indien Narendra Modi et le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Le président russe Vladimir Poutine se joindra également à ses homologues des Brics par visioconférence.
Le dirigeant russe a décidé de ne pas être présent en personne car un mandat d’arrêt a été émis à son encontre par la Cour pénale internationale, que l’Afrique du Sud est théoriquement tenue d’exécuter s’il met le pied sur son territoire. Il sera représenté par le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui se rendra à Johannesburg.
Représentant des milliards de personnes sur trois continents, avec des économies connaissant des niveaux de croissance variés, les Brics a une chose en commun: le mépris de l’ordre mondial qu’ils considèrent comme servant les intérêts des riches puissances occidentales, selon une publication de l’AFP.
« Le système traditionnel de gouvernance mondiale est devenu dysfonctionnel, déficient et inopérant », a déclaré vendredi 18 août lors d’un point de presse l’ambassadeur de Chine en Afrique du Sud, Chen Xiaodong, ajoutant que « les Brics deviennent une force de plus en plus solide dans la défense de la justice internationale ».
L’intérêt pour le groupe augmente: au moins 40 pays ont précédemment exprimé leur intérêt à le rejoindre, et 23 d’entre eux ont officiellement soumis leur candidature pour rejoindre les Brics.
Anil Sooklal, ambassadeur d’Afrique du Sud pour l’Asie et pour les Brics, a déclaré que l’une des raisons pour lesquelles les pays font la queue pour rejoindre cette union est le « monde très polarisé dans lequel nous vivons, qui est encore plus polarisé par la crise ukrainienne, et où les pays sont forcés de prendre parti ».
« Les pays du Sud ne veulent pas qu’on leur dise qui soutenir, comment se comporter et comment mener leurs affaires souveraines. Ils sont maintenant assez forts pour défendre leurs positions », a déclaré M. Sooklal. Selon lui, les Brics ont donné espoir aux pays cherchant à restructurer l’architecture mondiale.
« Les marchés principaux sont maintenant dans le Sud global… Mais nous restons encore en périphérie en termes de prise de décisions mondiales », a-t-il souligné.
Lebogang Legodi, enseignante en politique internationale à l’Université de Limpopo (Polokwane, Afrique du Sud), est d’accord sur le fait que de nombreux États cherchant à rejoindre le groupe « voient les Brics comme une alternative à l’hégémonie actuelle dans les affaires mondiales ».
Environ 50 autres dirigeants participeront au programme « Amis des Brics » lors du sommet qui se tiendra au centre de conférence au cœur de Sandton à Johannesburg, historiquement considéré comme le mille carré le plus riche du continent africain. Cette année, le thème de la rencontre est « Brics et Afrique: un partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif ».
Le sommet se tiendra à un moment critique. Une décision sur l’expansion des Brics est attendue à la fin du sommet. Le président Cyril Ramaphosa optimiste a déclaré lors d’une réunion du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC) à Johannesburg samedi dernier, que « nous aurons un sommet des Brics fantastique ». Il a dit que la présence de tant de chefs d’État « montre l’influence que l’Afrique du Sud a sur le monde ».
Actuellement, les Brics représentent 23% du PIB mondial et incluent 42% de la population mondiale. Le groupe représente plus de 16% du commerce mondial.
Le Brésil reste le principal opposant à une expansion rapide des Brics. Cela a été rapporté au début du mois par Reuters, citant des sources au sein du gouvernement brésilien.
Comme l’agence de presse britannique le notait à l’époque, la Chine cherche depuis longtemps à élargir l’alliance, « visant à accroître son influence politique » sur fond de tensions commerciales avec les États-Unis. La Russie saisit également cette occasion pour s’assurer le soutien de ses alliés en raison de « l’isolement diplomatique ».
L’Afrique du Sud soutient l’intégration de nouveaux membres, bien que le président Ramaphosa ait déclaré que la formule d’expansion nécessitait une « étude plus approfondie ».
Selon des sources, même l’Inde, qui avait longtemps craint une expansion rapide des Brics, serait désormais d’accord avec cette idée.
Le gouvernement brésilien insistera cependant sur le fait que toute expansion de l’alliance doit être graduelle, maintenir un équilibre régional et préserver les rôles dominants de ses cinq membres permanents, selon des sources citées par Reuters.
Bloomberg avait précédemment confirmé que le Brésil était opposé à une expansion rapide des Brics car il « ne souhaite pas détériorer les relations avec l’Occident », dont les inquiétudes augmentent face aux informations sur la volonté de dizaines de pays de rejoindre l’alliance. L’Inde, quant à elle, souhaite voir des « règles d’adhésion plus claires pour les Brics », selon l’agence.
Début juin 2023, une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres des Brics s’est tenue au Cap. Le sommet a également invité des ministres des pays du Sud global: l’Argentine, le Bangladesh, l’Iran, l’Indonésie, le Kazakhstan, les îles Comores, Cuba, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis.
Plus de 20 pays, à des niveaux formels et informels, ont exprimé leur intérêt à adhérer. Outre les participants à la réunion de juin, il y a l’Algérie, l’Afghanistan, Bahreïn, la Biélorussie, le Venezuela, l’Égypte, le Zimbabwe, le Mexique, le Nigéria, le Nicaragua, le Pakistan, le Sénégal, la Syrie, le Soudan, la Thaïlande, la Tunisie, la Turquie et l’Uruguay.
Le sommet des Brics se tiendra à Johannesburg du 22 au 24 août. Le premier jour, un forum économique aura lieu, et les dirigeants des pays s’adresseront aux participants lors de la session finale mardi soir. Ensuite, les chefs d’État des Brics se rencontreront lors d’une session à huis clos. Le 23 août est le jour principal du sommet, divisé en deux sessions. La première, à huis clos, durera une heure et demie, la seconde, ouverte, environ deux heures. À la fin du sommet, les dirigeants des Brics adopteront une déclaration finale.
Alexandre Lemoine
«Un monde multipolaire se dessine»
Le Sommet des BRICS, qui s’ouvre aujourd’hui à Johannesburg, focalise toutes les attentions à travers le monde. Le chercheur Mohamed Said Mekki, enseignant à l’Ecole nationale supérieure de sciences politiques (Ennssp) répond, dans cet entretien, aux questions et enjeux que suscite cet évènement. Il revient sur l’ambition algérienne d’intégrer ce club et ce qu’elle gagnera en cas d’admission.
L’Expression: Quels sont les enjeux géostratégiques et économiques du Sommet de Johannesburg qui s’ouvre ce 22 août?
Mohamed Said Mekki: Primo on doit faire connaître le concept des BRICS. L’acronyme BRIC puis BRICS est né afin de designer certains pays émergents, surtout après la crise de 2012. Surtout que ce rendez-vous de Johannesburg abordera aujourd’hui et demain la question de l’élargissement des membres.
Il faut ainsi relever que nombre de pays, hier, émergents n’ émergent plus, mais divergent pour plusieurs raisons. Mais les cinq se détachent (Brésil, Russie, Inde,Chine,et Afrique du Sud). Ces pays ne se ressemblent pas. Leurs taux de croissance sont très différents. Leurs infrastructures également, leurs capacités d’investissement, de recherche, d’enseignement sont loin d’être équivalents. Leurs spécificités internationales, l’Inde sur les services, la Russie avec ses performances dans le complexe militaro-industriel, le Brésil et en partie l’Afrique du Sud sur les matières premières,mais n’ont pas les mêmes potentialités. Mais, il faut de tout pour faire un monde nouveau. On n’est plus au temps de l’ancien monde, mais c’est la genèse stratégique d’un nouveau monde multipolaire qui est devant nos yeux comme disait le grand géopoliticien Alexandre Dougin. Donc les enjeux géostratégiques et géo-économique restent à méditer vu que le nombre des pays qui vont assister est plus important que les émergents eux-mêmes. En plus, il y a d’autres pays qui veulent adhérer. Mais cette fois-ci, c’est un chamboulement dans la mesure où d’autres pays de différents horizons et de réalités disparates veulent rejoindre celle alliance des BRICS.
L’Algérie est candidate pour intégrer le club des BRICS. Quels atouts sont en mesure de jouer en sa faveur?
Oui, l’Algérie pour différentes raisons c’est elle qui va donner un plus à cet ensemble. Dans un tel contexte, l’Algérie joue un rôle de pivot stratégique. Sa puissance militaire, ses ressources humaines et économiques sont de toute évidence des atouts. Mais également son rôle de leader dans la lutte contre le terrorisme et son rôle de médiateur dans les conflits régionaux, ainsi que sa position privilégiée dans le processus de libération et d’intégration des pays africains à l’Union africaine n’est pas à démontrer maintenant. Ce qui la qualifie pour être un partenaire incontournable des projets de développement des sous-régions et de leurs interconnexions. L’Algérie a d’emblée établi une solide relation avec l’UE,des relations équilibrées avec les États-Unis et la Chine, et une relation historique et stratégique avec la Russie.
Que gagnera l’Algérie en accédant à cette alliance de nouvelles puissances économiques?
L’Algérie en accédant à cet ensemble géopolitique aura beaucoup à gagner. En y accédant, elle se rapprochera des institutions financières de ce bloc. C’est un atout à avoir dans des projets ambitieux comme la route de la soie chinoise qui est en voie d’extension. Surtout que l’Algérie a le privilège d’être la porte de l’Afrique.
Les atouts de l’Algérie sont aussi ses ressources et ses potentialités de développement.
L’élargissement des membres des BRICS va-t-il accélérer l’avènement d’un nouvel ordre mondial?
Oui, certainement. L’élargissement de cet ensemble à de nouvelles puissances sera la matrice du nouvel ordre mondial. Il s’agira d’une remise en cause du monde unipolaire vers un monde multipolaire, avec l’univers numérique, qui donnera de véritables perspectives au développement durable et des futures générations et des humanités digitales nouvelles.
Les relations internationales sont en perpétuels ajustements et l’être humain développe d’autres moyens de survie. Avec la décadence environnementale et écologique, il doit faire beaucoup d’efforts afin d’arrêter ce processus néfaste qui risque malheureusement de mettre fin à l’essence même de la vie sur terre.
Amirouche YAZID