
La marine trouve son origine en Italie, à Civitavecchia avec la fondation de l’Académie navale Betar en 1934 par le mouvement sioniste. En septembre 1937, le navire – école Sarah I effectue une croisière méditerranéenne et visite Haïfa et Tel – Aviv. L’année suivante, deux centres d’instruction sont fondés à Haïfa. D’autres cadets sont ainsi formés en Palestine sous mandat britannique et aussi en Afrique du Sud. En 1942, onze cents volontaires de la Haganah rejoignent la Royal Navy, dont douze comme officiers. Parallèlement, l’entité militaire sioniste du Palmach se dote d’une branche navale, le Palyam.
David contre Goliath
Avec la fin de la guerre et le début de l’insurrection juive en Palestine, les volontaires de la Royal Navy rejoignent la Haganah et les membres du Palyam organisent l’immigration clandestine vers la Palestine et des actions commandos contre les bâtiments de déportation de la Royal Navy. À l’issue du mandat britannique, les anciens volontaires de la Royal Navy remettent en état les navires d’immigration clandestine amarrés dans le port d’Haïfa, dont quatre forment la nouvelle marine israélienne, complétés par un chasseur de sous – marins acheté aux États – Unis (1).
Seuls les anciens personnels de la Royal Navy et les volontaires issus de marines de guerre ou marchandes disposent de compétences techniques. Peu sont juifs. Parmi ceux-ci, Ike Aharonowitch, capitaine de l’Exodus, et le commandant Paul Shulman de l’US Navy. Leur savoir est perdu par un commandement politique issu du Palyam. Gershon Zak, premier chef du Sea Service de Tsahal, est un enseignant sans expérience militaire qui pousse Paul Shulman à la démission (2).
Pendant la guerre de 1948 déclenchée par l’indépendance d’Israël, les cinq premiers bâtiments assurent la patrouille du littoral, bombardant les côtes égyptiennes de Gaza jusqu’à Port-Saïd tandis que des commandos coulent le navire amiral de la marine égyptienne, l’Émir Farouk. À l’issue, la mise en place de formations d’officiers dans les écoles navales en France et au Royaume – Uni permet une montée en puissance. La marine acquiert des frégates puis des destroyers ex – britanniques et des vedettes lance – torpilles en France.
En 1956, Israël est déterminé à attaquer l’Égypte avant que celle-ci ne reçoive des armements soviétiques qui la renforceraient, afin de rouvrir le détroit de Tiran qui enferme la navigation israélienne dans le golfe d’Aqaba. La marine se compose désormais de deux destroyers, sept frégates, huit dragueurs de mines, quatorze vedettes lance – torpilles et quelques chalands de débarquement.
À la suite de la nationalisation du canal franco – britannique de Suez par le leader nationaliste égyptien Gamal Abdel Nasser en juillet, Israël s’entend avec la France pour planifier une guerre à laquelle le Royaume – Uni va aussi s’associer. Le 29 octobre, l’armée de l’air israélienne attaque le Sinaï. Alors que les forces franco-britanniques lancent leur propre opération, l’Égypte envoie le destroyer Ibrahim el-Awal bombarder les dépôts pétroliers d’Haïfa. Le 31 octobre, l’escorteur d’escadre français Kersaint force l’Ibrahim el-Awal à se désengager. Poursuivi par les destroyers israéliens Eilat et Yaffo et attaqué par l’aviation, l’Ibrahim el-Awal se rend, et est aussitôt incorporé dans la marine de Tsahal. Si les Français et les Britanniques sont contraints par les États – Unis à se retirer, la guerre est un succès pour Israël, car elle rouvre le détroit de Tiran au commerce vers l’Afrique et l’Asie.
Le 21 septembre 1958, la marine achète au Royaume – Uni deux sous – marins de classe S, vétérans de la Deuxième Guerre mondiale, qui rallient Haïfa en décembre 1959 et juin 1960. Avec la livraison de vedettes lance – missiles soviétiques Komar puis Osa 1 à l’Égypte et à la Syrie, la marine israélienne repense sa stratégie autour d’unités analogues. À défaut de pouvoir les acheter en Allemagne sous pression des pays arabes, Israël commande en 1965 au chantier Félix Amiot 12 « vedettes de Cherbourg », ou Sa’ar 2/3, sur un design du constructeur allemand Lurssen (250 t.p.c., 45 m).
En mai 1967, la liberté de navigation dans le détroit de Tiran est remise en cause par le président Nasser qui enferme de nouveau Israël dans le golfe d’Aqaba, forçant le départ des personnels de l’ONU. Au même moment, la France du général de Gaulle décrète un embargo sur les armes à destination du Moyen – Orient qui complique le transfert des patrouilleurs lance – missiles construits à Cherbourg.
Le 5 juin, l’aviation israélienne anéantit l’égyptienne. Les deux flottes sortent, l’israélienne chassant sans succès les sous – marins égyptiens et préparant l’offensive du 7 juin contre Charm el-Cheikh. Le sous – marin Tanin infiltre des commandos du Shayetet 13 à Alexandrie et à Port-Saïd. Ils coulent un dragueur avant d’être faits prisonniers. Le 8 juin, l’aviation puis des vedettes lance – torpilles attaquent le bâtiment d’écoute américain USS Liberty, tuant 34 membres d’équipage et en blessant 171. Les survivants assurent que l’attaque était délibérée, Israël affirmant le contraire, son gouvernement ne cherchant pas à occulter à Washington l’intention d’attaquer ensuite la Syrie. Certains affirment que le Liberty aurait brouillé des communications de Tsahal ou que l’objectif était d’accuser l’Égypte, argument infirmé par les couleurs israéliennes (3). Un vétéran égyptien explique que l’attaque répondait à des tirs de missiles antinavires depuis des Komar contre une colonne de chars israélienne (4). Le 11 juin, Tsahal occupe tout le Sinaï.
Au lendemain de la victoire dans cette guerre des Six Jours, les deux sous – marins sont remplacés par deux autres unités ex – britanniques de classe T. Un troisième, le Dakar, se perd le 25 janvier 1968 entre la Crète et Chypre, lors de son transit de livraison vers Haïfa. La conquête du Sinaï implique désormais de patrouiller tout le littoral jusqu’à Port-Saïd. Le 11 juillet 1967, le destroyer Eilat coule au canon deux vedettes lance – torpilles P‑6 égyptiennes sur le point de traverser la ligne de démarcation. Le 21 octobre, un évènement qui marque la guerre navale, l’Eilat devient le premier bâtiment à être coulé au combat par des missiles antinavires, trois Styx lancés par des vedettes Komar depuis l’intérieur du port de Port-Saïd. Quarante-sept marins trouvent la mort et une centaine sont blessés. Israël riposte en bombardant Port Suez. L’URSS réagit en envoyant sept bâtiments relâcher dans les ports égyptiens pour dissuader de nouvelles attaques.
À la suite d’un embargo sur les armes françaises à destination d’Israël décidé en décembre 1968 par le général de Gaulle après des représailles israéliennes contre le Liban, les vedettes, officiellement rachetées par une compagnie pétrolière norvégienne, profitent du Noël 1969 pour fuir Cherbourg vers Haïfa. Capables d’attaquer et de se dérober à grande vitesse, ces bâtiments sont moins vulnérables que des destroyers et bien adaptés aux courtes distances entre Israël et les bases de ses ennemis. Armés avec le missile national Gabriel I/II (20 puis 36 km) et de canons de 76 ou de 40 mm, les nouveaux patrouilleurs lance – missiles démontrent leur pertinence en octobre 1973. Alors qu’Israël fête le Yom Kippour, ses voisins arabes vengent l’humiliation subie en 1967 en attaquant simultanément sur tous les fronts. Le matin du 6, deux vedettes israéliennes de classe Dabur, armées de canons de 20 mm, sont ancrées à Ras Sudar, au nord du golfe de Suez. Averties d’un risque de guerre, elles observent des hélicoptères égyptiens attaquer le Sinaï, mais sont trop éloignées pour ouvrir le feu. Avec la mission d’engager les unités ennemies, elles gagnent le mouillage de Marsa Talamat vers 1 h du matin et anéantissent des commandos et leurs trois bateaux, permettant à Israël de maintenir le contrôle du golfe de Suez. L’engagement décisif se déroule le 7 octobre quand cinq patrouilleurs lance – missiles Sa’ar 2/3 et Sa’ar 4 coulent devant Lattaquié cinq vedettes lance – missiles syriennes Osa 1 et Komar armées de Styx et ce, sans subir de pertes. Les deux jours suivants, à Baltim, six Sa’ar répètent la performance en engageant quatre Osa 1 et Komar égyptiennes, dont trois sont coulées. Le 11 octobre, sept patrouilleurs lance – missiles israéliens se répartissent devant Mina al-Baida, Banias et Lattaquié. Les vedettes lance – missiles syriennes demeurent sous couvert des batteries côtières et des navires marchands étrangers ancrés au large. Les bâtiments israéliens coulent deux d’entre eux, un japonais et un grec, touchant peut – être deux vedettes. Les contre – mesures électroniques leur permettent d’échapper aux tirs de missiles à plus longue portée, le Hetz abattant un Styx. Depuis cette victoire, Israël ne cesse de perfectionner ses contre – mesures, brouilleurs, détecteurs de radar, lance – leurres électromagnétiques et infrarouges de confusion, séduction ou déception, dont le système Deseaver avec un lanceur à 72 tubes utilisant des munitions électromagnétiques.
David devient Goliath
Entre 1973 et 1980, Israël construit à Haïfa dix patrouilleurs lance – missiles supplémentaires, les Sa’ar 4 (450 t.p.c., 58 m), version agrandie des Sa’ar 2/3 français. Parallèlement, entre juin 1976 et décembre 1977, Israël remplace ses deux vieux sous – marins T par trois Gal (600 t.p.c., 45 m), des versions modifiées des 206 allemands, construites au Royaume – Uni. La marine s’appuie désormais sur ses 22 patrouilleurs lance-missiles (dont 16 Sa’ar 3/4 armés de canons de 76 mm) et sur ses trois sous – marins durant l’opération « Paix en Galilée » au Liban du 6 juin 1982 au 5 juin 1985. L’invasion est lancée après que le groupe palestinien Abou Nidal a tenté d’assassiner l’ambassadeur d’Israël à Londres. Les chalands amphibies israéliens débarquent des troupes tandis qu’un blocus est imposé à Beyrouth jusqu’en août 1982 avec les Sa’ar 2/3/4 et les Gal, dont l’un torpille un bateau de réfugiés. Plus de 14 000 combattants de l’OLP sont évacués par voie maritime vers des pays arabes, dont la Tunisie, où s’installe le quartier général de l’organisation.
À partir de 1980, Israël conçoit une version modifiée des Sa’ar 4, le Sa’ar 4,5. Les deux unités de la première variante, Aliya (488 t, 61,7 m), sont dotées d’une plateforme et d’un hangar pour hélicoptère permettant d’embarquer un AS565‑MB Panther afin d’assurer la désignation d’objectif des missiles Harpoon à leur portée maximale (139 km). S’avérant trop petites, les deux Aliya sont vendues au Mexique en 2004 (avec seulement des missiles Gabriel II). Cette première expérience inspire trois corvettes Sa’ar 5 (1 275 t.p.c., 85,6 m) construites par Ingalls aux États – Unis et admises au service en 1994-1995. Outre l’armement des Sa’ar 4 (avec plutôt un canon antimissile Vulcan Phalanx), les Sa’ar 5 emportent des torpilles anti – sous – marines Mk 32 et 64 missiles antiaériens Barak-1 (12 km de portée). Au début des années 1990, Israël développe le missile antinavire Gabriel IV, plus gros, avec un turboréacteur. Comme le Mk III, il dispose de trois modes de guidage (fire and forget, liaison de données, autodirecteur radar), mais porte à 200 km.
Apparue en 1991 et destinée à remplacer les Sa’ar 2/3/4, la seconde variante, Nirit puis Hetz, des Sa’ar 4,5 emporte des contre – mesures renforcées (brouilleur Elisra NS‑9003A/9005 RWR ; lance – leurres Elbit), des missiles Harpoon et Gabriel III et un canon Vulcan Phalanx de 20 mm. Dans les années 1990, les patrouilleurs Dvora et Super Dvora remplacent les Dabur. Certains sont armés du missile Spike‑ER (8 km). Admis au service en 1999 et en 2000 et financés pour moitié par le gouvernement allemand, trois sous – marins Dolphin I (1 900 t en plongée, 57,3 m) sont construits au chantier HDW de Kiel pour remplacer les Gal. Ils sont optimisés pour la surveillance côtière, le renseignement et les opérations spéciales. Dix tubes permettent la mise en œuvre de 16 armes (torpilles ou missiles Harpoon). Un diamètre de 650 mm pour quatre d’entre eux soulève des spéculations sur leur capacité à lancer un missile avec une tête nucléaire. Si l’arme atomique est à l’origine destinée à dissuader ses ennemis arabes, dont l’Irak, le nouvel adversaire et ancien allié, l’Iran, réclame des moyens pour frapper loin. Des spécialistes évoquent une navalisation du missile de croisière aéroporté Popeye et créditent cette variante d’une portée proche de 1 000 km. Avec l’arme atomique et désormais la réputation de disposer d’une capacité de seconde frappe, David devient Goliath.
Bloquer deux David
Après la paix de 1978 avec l’Égypte, la neutralisation du programme nucléaire irakien en 1981, les ennemis demeurent la Syrie, le Fatah palestinien, auquel succède le Hamas créé en 1987 contre les accords israélo-palestiniens d’Oslo, et l’ancien allié iranien, qui soutient depuis 1982 le groupe chiite Hezbollah au Liban contre Israël. Après l’épisode des attaques balistiques irakiennes contre l’État hébreu durant la guerre du Golfe de 1991, le Hamas, le Hezbollah et l’Iran constituent les menaces principales. De septembre 2000 à février 2005, à l’occasion de la seconde Intifada, Israël répond aux tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza en imposant un blocus maritime, coordonné avec l’Égypte. En janvier 2002, les commandos du Shayetet 13 saisissent en mer Rouge le cargo Karine A, chargé de 50 t d’armes pour l’Autorité palestinienne, en violation des accords d’Oslo. D’autres prétendent que le destinataire est le Hezbollah libanais. Quoi qu’il en soit, le président américain George W. Bush rompt ses relations avec l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat.
En avril 2002, 13 soldats israéliens sont tués dans une embuscade en Cisjordanie, les commandos Shayetet 13 récupérant trois corps dont s’était emparé le Fatah. Du 12 juillet au 14 août 2006, à la suite d’une attaque du Hezbollah pro – iranien contre des villes frontalières, Israël envahit une seconde fois le Liban, bloquant ses côtes jusqu’au 8 septembre. Au total, la marine tire 2 500 obus. Le 14 juillet, 39 ans après la destruction du destroyer Eilat, une attaque – surprise par une batterie côtière du Hezbollah manque de couler la corvette Sa’ar 5 Hanit. Malgré des avertissements sur la présence possible de missiles antinavires, ses systèmes de défense ne sont pas activés pour éviter d’engager les avions israéliens dans le ciel. Accrochant une grue sur la plateforme hélicoptère, le missile explose, tuant quatre marins, mais causant peu de dommages. À la suite de l’incident, le commandant et quatre officiers sont réprimandés, dont l’officier subalterne qui a éteint le radar principal sans en avertir sa hiérarchie. En 2007, après le démantèlement des colonies juives décidé par le gouvernement et son désengagement de Gaza, Israël rétablit un blocus permanent de la bande dont les forces du Hamas ont pris le contrôle face au Fatah qui a perdu les élections de 2006. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’oppose lui – même à la levée de ce blocus contre ses rivaux.
Le 4 novembre 2009, la marine israélienne saisit le cargo MV Francop en Méditerranée orientale et une cargaison d’armes (9 000 obus de mortier, 2 125 roquettes de 107 mm, 685 fusées détonantes, 690 roquettes de 122 mm, 21 100 grenades à main à fragmentation F‑1 et 566 220 munitions pour AK‑47) que l’Iran a envoyée au Hezbollah. Le 31 mai 2010, les commandos du Shayetet 13 affrontent des militants turcs armés de barres de fer, en tuant neuf et en blessant 28 pour s’emparer d’un convoi humanitaire de huit navires qui force le blocus de la bande de Gaza.
Le 5 juillet 2013, un sous – marin Dolphin I – et non l’aviation – aurait lancé un missile contre le port de Lattaquié, détruisant les missiles supersoniques antinavires russes Yakhont qui venaient d’être livrés à la Syrie. Le 5 mars 2014, les commandos du Shayetet 13 s’emparent du navire marchand Klos C, appartenant à l’Iran et immatriculé au Panama, en route vers Port – Soudan. À son bord, des missiles à longue portée dissimulés dans des conteneurs de ciment qui paraissent destinés au Hamas à Gaza. L’opération est dirigée par Ram Rothberg, commandant de la marine israélienne, depuis la corvette Sa’ar 5 Hanit. Le 8 juillet, Israël déclenche l’opération « Protective Edge » contre les lancers de roquettes depuis la bande de Gaza, sur laquelle la marine tire 3 494 obus. Une mobilisation internationale appelle à la reconstruction de Gaza. En 2016, Israël verse 20 millions de dollars d’indemnités à la Turquie en contrepartie d’un abandon des poursuites contre des responsables militaires israéliens impliqués dans la mort des militants turcs en 2010 et d’une normalisation des relations diplomatiques. Mais l’axe privilégié entre Ankara et Jérusalem contre l’ennemi commun syrien est rompu.
Multiplier capacités et partenariats
Entre 2014 et 2023, Israël double le nombre de ses sous – marins et fait plus que doubler celui de ses corvettes. Trois Dolphin II (2 050 t en plongée, 68,6 m) dotés d’une propulsion anaérobie s’ajoutent aux trois précédents. Parallèlement, la marine va recevoir quatre corvettes supplémentaires, de type Sa’ar 6 (1 900 t.p.c., 90 m) conçues avec l’Allemagne et dotées de missiles antiaériens à longue portée Barak 8 (150 km) développés avec l’Inde et de missiles antinavires Gabriel V (jusqu’à 400 km). Le programme Sa’ar 6 est lancé pour protéger les champs gaziers israéliens contre le Hezbollah libanais et participer au volet maritime du programme C‑Dome pour contrer les roquettes à courte portée et les obus d’artillerie de 155 mm depuis la mer, jusqu’à 70 km. Le C‑Dome fonctionne jour et nuit, dans des conditions météorologiques défavorables. Les Sa’ar 6 porteront à sept la flottille de corvettes.
Parallèlement, la marine prévoit le remplacement des Sa’ar 4,5 et celui des sous – marins Dolphin I. Le 26 août 2021, elle conclut avec Israël Shipyards un contrat pour la conception d’une classe de huit patrouilleurs SR72 (800 t.p.c., 72 m) également armés de missiles Barak-8 et Gabriel V. Israël signe aussi un accord avec l’Allemagne pour la construction de trois sous – marins Dakar à la fin de la décennie. Avec un kiosque allongé, les Dakar (80 m) affichent clairement la capacité de lancer des missiles de croisière ou balistiques. Ils pourront également déployer des drones sous – marins et aériens.
Outre l’augmentation de la portée des missiles, la marine se dote de drones Hero‑900 et Maritime Harop pour la surveillance et l’attaque de cibles respectivement jusqu’à 150 km et 1 000 km. Les Heron‑900 remplacent les canons antimissiles Vulcan Phalanx. Les drones Green Dragon et Mini Harpy servent aussi cette double fonction de drone – suicide et de reconnaissance avec une portée plus courte (50 km) et une fonction antiradar pour le second.
Les relations entre la Grèce et Israël s’améliorent proportionnellement à la dégradation de celles avec Ankara depuis le forcement du blocus de Gaza par des humanitaires turcs. Dès octobre 2010, les forces aériennes israéliennes et grecques s’entraînent, marquant la rupture avec la Turquie. À partir de 2011, les marines israélienne, américaine et grecque inaugurent les exercices annuels « Noble Dina » destinés à contrer le révisionnisme maritime turc.
En 2010, la découverte de gisements d’hydrocarbures au large des côtes israéliennes réveille un différend avec le Liban qui demande aux Nations unies de revoir le tracé de la frontière maritime. En 2014, Tsahal annonce la création d’un poste d’attaché militaire à Athènes pour renforcer la coopération militaire dans le cadre des explorations pétrolières et gazières chypriotes et israéliennes sur le champ gazier du Léviathan. En 2017, Israël commence l’exploitation du champ gazier de Karish situé dans un secteur que ne revendique pas Beyrouth. Toutefois, en 2020, le Liban change de position pour réclamer la totalité du champ de Karish. Les 29 juin et 2 juillet 2022, un chasseur F‑16 et la corvette Eilat détruisent quatre drones du Hezbollah. Le 27 octobre, une médiation américaine permet aux deux pays de parvenir à un accord de répartition des champs gaziers : Karish à Israël et Qana au Liban, où la société française Total l’exploitera en payant des redevances à l’État hébreu (5). En 2021, la marine française participe pour la première fois à l’exercice « Noble Dina » aux côtés d’Israël, tout comme Chypre, format à cinq qui est reconduit en 2022. En mars 2023, « Noble Dina » ajoute un sixième participant à cette coalition, l’Italie (6). Israël paraît donc moins isolé en Méditerranée orientale. Face à l’Iran soupçonné d’attaquer des navires marchands appartenant à ses intérêts tandis que Jérusalem cible des sites et des scientifiques du programme nucléaire iranien, Israël maintient sa dissuasion stratégique non déclarée en déployant régulièrement des sous – marins Dolphin en mer Rouge via le canal de Suez, notamment en décembre 2020, en août 2021 et en juin 2022 (7).
Auteur : Alexandre Sheldon-Duplaix
Chargé de recherche au Service historique de la Défense, coauteur de Flottes de combat.
Notes
(1) Klaus Mommsen, 60 years Israel Navy, Books on Demand, 2011.
(2) « Paul Shulman, 72, headed Israeli navy », The New York Times, 18 mai 1994.
(3) Voir www.thelibertyincident.com
(4) Entretien avec l’auteur, Port-Saïd, mai 1988.
(6) https://nmiotc.nato.int/event/exercise-noble-dina/
(7) https://www.jpost.com/israel-news/article-708417 ; https://www.timesofisrael.com/iranian-state-media-claims-israeli-submarine-passed-through-suez-into-red-sea ; https://www.commonspace.eu/news/iran-issues-warning-after-israeli-submarine-passes-through-suez-canal
Légende de la photo en vedette : L’INS Rahav, deuxième sous-marin à propulsion anaérobie de classe Dolphin II. (© Wideweb/Shutterstock)