Ci-dessous des extraits de l’analyse d’Haider Eid* de Gaza, qui met en cause l’inaction des pays arabes et l’hypocrisie de la « communauté internationale » qui feint d’ignorer le contexte colonial. Il refuse que les massacres en cours se soldent par quelques mesures « humanitaires » qui ne mettraient fin ni au blocus de Gaza ni à l’occupation israélienne.
« Alors que la tragédie humanitaire à Gaza atteint des niveaux inimaginables, certains régimes arabes se sont contentés de publier de timides déclarations de dénonciation et de condamnation. Rien de plus.
En fait, les régimes arabes ont laissé tomber les Palestiniens depuis 1948 et, à ce jour, les positions officielles arabes sont un mélange de lâcheté et d’hypocrisie. Cela fait maintenant 17 ans qu’ils n’ont pas réussi à mettre fin au siège israélien de Gaza et ils ne parviennent pas non plus à mettre un terme au génocide israélien.
Nous, à Gaza, nous demandons maintenant comment les timides expressions de soutien venant des rues et des capitales des nations arabes peuvent se transformer en actions concrètes en l’absence de démocratie. Nous nous demandons si les Arabes vivant sous la domination de régimes autoritaires et oligarchiques peuvent les changer de manière non violente. Nous nous épuisons à essayer de déterminer les moyens possibles disponibles pour parvenir à un changement politique démocratique, car avec le génocide à Gaza et le régime d’apartheid dans le reste de la Palestine, nous n’avons vu aucune traduction pratique de la solidarité manifestée par certains peuples arabes avec la Palestine.
Desmond Tutu, feu militant anti-apartheid sud-africain et évêque anglican, a dit un jour : « Si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le côté de l’oppresseur. » Comme je l’ai soutenu lors des attaques brutales d’Israël contre Gaza en 2009, 2012 et 2014, les Nations Unies, l’Union européenne et les États arabes n’ont pas été neutres ; ils sont restés largement silencieux sur les atrocités commises par les forces israéliennes.
Comme des milliers de cadavres de femmes et d’enfants n’ont pas réussi à les convaincre de la nécessité d’agir, ils ont pris le parti d’Israël. Cet état de choses place les Palestiniens de Gaza devant deux choix : mourir de manière déshonorante en remerciant nos assassins pour un filet de nourriture et d’eau ; ou lutter pour notre dignité, pour nous-mêmes et pour les générations à venir.
Il est désormais clair qu’après des années d’auto-illusion qui ont présenté l’esclavage à l’occupant comme un fait accompli, nous avons choisi la deuxième option. Mais au lieu de reconnaître notre résistance en tant que telle et de la considérer dans le contexte de la lutte palestinienne qui dure depuis des décennies pour se libérer de l’occupation et de l’apartheid, la communauté internationale la réduit plutôt à un « conflit » entre deux camps « égaux ».
La trêve en cours et l’initiative de cessez-le-feu à plus long terme reflètent cette attitude. Ils ne tiennent absolument pas compte du fait qu’Israël a deux objectifs clairs dans sa guerre contre Gaza : massacrer le plus grand nombre possible de Palestiniens en ciblant les civils palestiniens ; et l’élimination de toute possibilité de résistance afin de maintenir la stabilité dans ce camp de concentration à ciel ouvert.
Il semble que ce que la communauté internationale exige des Palestiniens, c’est qu’ils se comportent comme des « esclaves domestiques » et soient reconnaissants pour les miettes que leurs maîtres blancs leur laissent. Ils doivent apprécier le filet de nourriture et d’eau qui leur permet de survivre à peine et accepter leur mort lente. Ils doivent admettre que s’ils meurent, c’est de leur faute. Mais les Palestiniens de Gaza et au-delà n’accepteront pas.
En conséquence, tout accord qui ne conduit pas à la levée immédiate du blocus, à la réouverture du passage de Rafah et de tous les autres passages de manière à permettre l’introduction de nourriture, de carburant, de médicaments et de tous les autres besoins – en conjonction avec un accord qui met fin à l’occupation israélienne et à l’apartheid et défend le droit au retour des Palestiniens – ne sera pas acceptable pour la population de Gaza.
La plus grande source de préoccupation pour les « maîtres » israéliens, leurs alliés occidentaux et leurs laquais arabes, serait que nous élevions le plafond de nos exigences à ce niveau ; exiger que le conflit soit replacé dans le contexte de l’entreprise coloniale aux multiples facettes, de l’occupation, de l’apartheid et du nettoyage ethnique.
Le 7 octobre est un moment charnière dans l’histoire palestinienne. Gaza et le reste de la Palestine aspirent à un leadership qui soit à la hauteur de ce moment historique, un leadership qui prendrait sans plus tarder les mesures suivantes : Adopter une cessation totale de la coordination sécuritaire avec Israël ; S’adresser à la Cour pénale internationale et poursuivre en justice les dirigeants politiques et militaires israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; Revoir tous les accords signés avec Israël, en particulier les accords d’Oslo et les accords connexes ; Prendre une position claire sur toute initiative qui ne prend pas en compte la nécessité de la fin immédiate du siège, de la réouverture de tous les points de passage et du rétablissement de la pleine liberté de mouvement.
Toute discussion sur l’amélioration des conditions d’oppression à la lumière des grands sacrifices de Gaza est une trahison envers les martyrs palestiniens. Il est temps de commencer à discuter de solutions radicales, loin du « programme intérimaire » et de l’État de type bantoustan, et d’adopter un slogan clair : mettre fin à l’occupation, mettre fin à l’apartheid et mettre fin au colonialisme de peuplement. C’est la seule façon pour que la perte de milliers de vies à Gaza n’ait pas été vaine.
Par Heidar Eid, Professeur à l’université Al-Aqsa de Gaza.
Source : https://www.aljazeera.com/opinions/2023/11/27/a-ceasefire-in-a-time-of-genocide
CAPJPO-EuroPalestine