Algérie / Sommes-nous des Arabes, des Amazighs ou les deux ?

Par Dr Abderrahmane Hamlat – En Algérie, si durant la colonisation et la guerre d’indépendance, l’utilisation politique de l’amalgame idéologique arabo-musulman pouvait avoir sa raison d’être et se justifier, il est incongru et inadmissible de nos jours, car le monde change et évolue et nous devons évoluer et progresser. La Chine, l’ex-URSS et bien d’autres nations ont su faire leur transition et leur évolution en tenant compte de leurs spécificités et intérêts nationaux en se débarrassant des doctrines périmées et improductives, pour se tourner vers le progrès et la modernité.

On ne peut hypothéquer l’avenir de notre pays pour des raisons ou des motifs contraires à l’intérêt national, de son unité et de sa stabilité, sans pour autant rejeter ni l’arabe ni notre appartenance au monde musulman, mais on ne peut renier notre identité ni nous dénaturer comme le voulait le colonialisme qui faisait de nos ancêtres des Gaulois, ou nos dirigeants passés en nous rattachant à une arabité qui n’est pas la nôtre. Il nous appartient de réaliser notre propre transition vers le renouveau de l’Algérie, l’intérêt national primant sur toute autre considération de quelque nature qu’elle soit et en tenant compte de nos spécificités et particularités.

En effet, être d’expression arabe et être Arabe s’opposent et se démarquent par les faits culturel, ethnique, sociologique, etc., qui les séparent. Il nous appartient de construire notre «arabo-amazigho-islamité» plurielle nous-mêmes, sans l’importer «clé en main» de l’extérieur, mais en tenant compte de notre riche diversité culturelle qui doit être notre richesse et non manipulée pour en faire notre faiblesse. Celui qui dit «je suis arabe» ne sait pas si ses ancêtres ne sont pas des berbères arabisés ou ne proviennent pas d’une autre nation, non-arabe, islamisée. Celui qui dit «je suis berbère» ne peut pas prouver que ses ancêtres ne sont pas des Arabes «berbérisés» ou qu’il n’est pas descendant d’un Turc, d’un Romain, d’un Phénicien ou d’un prisonnier romain ou phénicien venant d’une autre nation et qu’il s’est installé en Algérie et s’est berbérisé.

Si individuellement on ne peut prétendre à une distinction absolue et véridique, nous ne pouvons cependant renier le caractère originel de notre amazighité. En effet, les études génétiques confirment la complexité du peuplement de l’Afrique du Nord mais lui reconnaissent une origine atérienne et ibéromaurusienne avec une composante d’origine arabe et carthaginoise et une composante génétique plus fréquente en Europe de l’Ouest qui est aussi retrouvée dans nos gênes.

D’autre part, parler une langue ne rattache pas forcement à un peuple d’origine. Les Algériens qui s’expriment en français ne sont pas français, ne se considèrent pas français. Un Américain, un Australien ou un Néozélandais, bien qu’ils s’expriment en anglais, ne disent pas qu’ils sont anglais. Les Américains forment une jeune nation composée par une population plus cosmopolite que la nôtre, mais tous se considèrent américains et ne se définissent pas par rapport à l’origine de leurs parents ou grands-parents ou arrière grands-parents, même s’ils gardent des attaches culturelles ou autres.

Renier l’amazighité de l’Algérie ou de l’Afrique du Nord est un non-sens scientifique, intellectuel et historique et une aberration destructrice du socle de notre peuple et des peuples du Maghreb et des pays se rattachant à cette ethnie.

L’Algérie et son peuple              

L’Algérie est une terre accueillante, son peuple est pacifique et généreux de nature dans toute sa diversité ethnique ancestrale. Nos ancêtres ont défendu ce pays avec passion, acharnement et courage, des siècles durant. Chaque parcelle de cette terre a été irriguée par le sang des martyrs qui se sont sacrifiés pour elle, depuis la nuit des temps. Si notre histoire est jalonnée de guerres et de rébellions, vigoureuses et acharnées, contre ceux qui venaient avec un esprit belliqueux, notre peuple, de par la multiplicité et le brassage des populations provoquées par toutes ces invasions, a su développer un bien-vivre-ensemble en intégrant ceux parmi les «envahisseurs» qui voulaient s’intégrer et, ensemble, ils ont fini par former un seul peuple : les Algériens.

Nos ancêtres ne se sont pas focalisés à imposer à l’autre leur langue maternelle respective aveuglement. Ils ont eu l’intelligence et la sagesse d’améliorer une langue vernaculaire de l’Antiquité en l’enrichissant par l’arabe pour véhiculer leur pensée (dardja) et ont appris le bien-vivre-ensemble en harmonie, dans la sérénité, chacun apprenant de l’autre, enrichissant ainsi la globalité. Leurs intellectuels ont appris la langue scientifique de leur époque (arabe littéraire) et ont contribué au développement de la science pour le bien de l’humanité.

Ce peuple sera opprimé pendant plus d’un siècle par le colonialisme, car il avait oublié qu’il était un. Les Algériens retrouveront cette unité pendant la Guerre de libération. Il est temps d’éradiquer à jamais de nos mentalités et comportements nos démons discriminatoires ou xénophobes et nous débarrasser de nos penchants séparatistes qu’ils soient conscients ou inconscients. Ou nous nous réunissons pour former une nation unie, moderne, forte, reposant sur son trépied identitaire, ou nous mourrons misérables et opprimés.

D’après Lycurgue, législateur mythique de Sparte, «une ville bien défendue est celle qui est entourée d’un mur d’hommes et non d’un mur de briques».

Je ne suis ni historien, ni politicien, ni engagé dans une structure étatique ou politique quelconque. Je ne suis qu’un citoyen algérien formé par l’université algérienne qui s’est construit sur le trépied identitaire de son peuple en se basant sur la sourate Ikra’ (lis), et qui, pour des raisons multiples, a émigré. Je ne cherche pas à convaincre, ni à démontrer, et encore moins à heurter la sensibilité ou offenser qui que ce soit.

Je suis né algérien, je mourrai algérien.

A. H.

Neurochirurgien

Ndlr : Extrait d’une longue contribution étayée par des références académiques qui sera publiée intégralement en parties prochainement.

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