Un vaste accord de libre-échange conclu entre des pays d’Asie et du Pacifique

    Quinze pays, dont la Chine et le Japon, ont signé le plus important accord commercial au monde en termes de PIB, le Partenariat régional économique global (RCEP), qui concernera plus de deux milliards de personnes. L’Inde en est la grande absente.

 

A l’occasion de la clôture d’un sommet virtuel de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui avait débuté le 12 novembre, 15 pays d’Asie et du Pacifique ont signé le 15 novembre 2020 un important accord commercial promu par la Chine.

Ce Partenariat régional économique global (RCEP) devient l’accord commercial le plus important du monde en termes de produit intérieur brut (PIB), selon des analystes cités par l’AFP, et concernera plus de deux milliards d’habitants. Il vise à créer une gigantesque zone de libre-échange entre les dix Etats de l’ASEAN (Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos et Brunei), la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Lire aussi La France rejette le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur

Je suis heureux qu’après huit années de négociations complexes, nous puissions terminer officiellement aujourd’hui les négociations du RCEP

«Je suis heureux qu’après huit années de négociations complexes, nous puissions terminer officiellement aujourd’hui les négociations du RCEP», a déclaré le Premier ministre vietnamien Nguyen Xuan Phuc, dont le pays assure la présidence tournante de l’ASEAN. Dans les circonstances mondiales actuelles, le fait que le RCEP ait été signé après huit ans de négociations apporte un rayon de lumière et d’espoir au milieu des nuages Ce pacte, dont l’idée remonte à 2012, est considéré comme la réponse chinoise à une initiative américaine aujourd’hui abandonnée.

«Le RCEP consolide les ambitions géopolitiques régionales plus larges de la Chine autour des Nouvelles routes de la soie [Belt and Road Initiative en anglais] », analyse le professeur de la Business School de l’Université nationale de Singapour, Alexander Capri. «C’est en quelque sorte un élément complémentaire» de cet instrument-phare de la stratégie d’influence de Pékin sur le monde, estime Alexander Capri.

«Dans les circonstances mondiales actuelles, le fait que le RCEP ait été signé après huit ans de négociations apporte un rayon de lumière et d’espoir au milieu des nuages», a estimé le Premier ministre chinois Li Keqiang après la signature virtuelle. Et d’ajouter : «Cela montre clairement que le multilatéralisme est la bonne voie et représente la bonne direction de l’économie mondiale et du progrès de l’humanité.»

Un accord appelé à atténuer le coût de la crise sanitaire Le Partenariat régional économique global, dont les membres représentent 30% du PIB mondial, sera «une étape majeure pour la libéralisation du commerce et de l’investissement» dans la région, selon l’économiste en chef pour l’Asie et le Pacifique du consultant IHS Markit, Rajiv Biswas.

Lire aussi L’accord de libre-échange entre l’UE et le Vietnam entre en vigueur au grand dam des ONG

La signature de cet accord intervient alors que les dix membres de l’ASEAN sont frappés de plein fouet par la crise économique causée par la pandémie de Covid-19. Ceux-ci espèrent beaucoup de ce partenariat, qui devrait leur permettre de stimuler leurs économies en rendant leurs produits moins chers à l’exportation, et en facilitant la vie de leurs entreprises via une harmonisation des procédures.

Le Covid a rappelé à la région pourquoi le commerce est important et les gouvernements sont plus désireux que jamais d’avoir une croissance économique positive Toutefois, beaucoup de signataires luttent encore contre le coronavirus et espèrent que le RCEP les aidera à atténuer le coût de la crise sanitaire, qui a donné un énorme coup de frein à leurs économies. L’Indonésie, par exemple, est récemment entrée dans sa première récession depuis deux décennies, tandis que l’économie philippine s’est contractée de 11,5% en glissement annuel au troisième trimestre 2020.

«Le Covid a rappelé à la région pourquoi le commerce est important et les gouvernements sont plus désireux que jamais d’avoir une croissance économique positive», a déclaré Deborah Elm, directrice exécutive de l’Asian Trade Center, une société de conseil basée à Singapour. L’accord comprend également la propriété intellectuelle, mais exclut tout ce qui touche à la protection des travailleurs et à l’environnement.

L’Inde se retire, par crainte de la puissance du marché chinois L’Inde devait également rejoindre ce pacte commercial sans précédent, mais a décidé l’an dernier de s’en retirer par crainte de voir des produits chinois à bas prix envahir son marché. New Delhi a toutefois la possibilité de rejoindre cet accord plus tard. Ce pacte commercial est aussi largement considéré comme un moyen pour la Chine d’étendre son influence dans la région et d’en déterminer les règles, après des années de passivité de la part des Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump.

En janvier 2017, Washington s’était retiré du grand projet concurrent, le Traité de libre-échange transpacifique (TPP), promu par son prédécesseur démocrate Barack Obama.

LIRE AUSSI Les agriculteurs américains menacés par la guerre commerciale de Trump.


par Mikhail Gamandiy-Egorov

Le Partenariat régional économique global (RCEP) représente tout simplement l’accord commercial le plus important au niveau mondial en termes de PIB. Promu par la Chine, c’est désormais une réalité.

L’accord en question concerne une vaste zone de libre-échange entre les pays membres de l’Asean (Indonésie, Singapour, Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Cambodge, Birmanie, Laos, Brunei), ainsi que la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. A noter que le RCEP représente ni plus, ni moins, 30% du PIB mondial.

Selon nombre de médias occidentaux, ce grand pacte commercial est considéré comme le moyen pour la Chine d’étendre encore plus son influence dans la région et d’en fixer les règles, face à la « passivité » étasunienne.

Selon le correspondant pour l’Asie du Sud-Est et l’Inde du quotidien allemand Handelsblatt, Mathias Peer, grâce à cet accord la Chine étendra massivement son influence dans la région concernée. Toujours selon lui, tout en allant à l’avantage évident de Pékin, les conditions pour les entreprises US et européennes seront susceptibles de devenir au contraire plus compliquées.

Pour Gareth Leather, économiste spécialisé de l’Asie au sein du cabinet de conseil en recherche économique basé à Londres, Capital Economics, le RCEP « permet à la Chine d’émerger comme un fleuron de la mondialisation et du multilatéralisme », ainsi que d’être encore mieux placée pour définir largement les règles commerciales régionales.

Il est possible d’être d’accord sur un certain nombre de points avec les dits analystes occidentaux, mais il serait probablement important de rappeler que ce que recherche la Chine ce n’est probablement pas tant d’être le « fleuron  de la mondialisation », du moins telle qu’elle a été longtemps vue au sein de l’establishment occidental, mais bel et bien de renforcer encore plus le multilatéralisme – aussi bien dans les échanges économiques internationaux, et de façon encore plus générale dans les relations internationales.

C’est une approche logique – car si les USA, et plus généralement l’Occident politique, aient perdu sur la scène internationale le droit de s’autoproclamer « communauté internationale » et de jouer le rôle de gendarme planétaire sur la scène géopolitique mondiale, il n’empêche que les élites occidentales ont toujours espérer que via leurs leviers économiques existants, il leur sera possible de faire retarder au maximum le plein avènement du monde multipolaire. D’ailleurs, les diverses sanctions économiques occidentales visant les Etats souverains partisans du concept multipolaire, ne font que le confirmer.

Et c’est là que l’on arrive à tout le paradoxe de cette approche de l’establishment occidental, en premier lieu étasunien. S’étant longtemps autoproclamé « communauté internationale », tout en étant une minorité planétaire évidente, les élites occidentales ont très vite démontré que toutes les belles paroles sur l’égalité de tous, la libre concurrence dans le commerce international, n’étaient que des valeurs promues du moment que l’Occident pouvait en garder la mainmise et en être de loin le principal bénéficiaire. Mais face à des Etats devenus des adversaires géopolitiques, mais également géoéconomiques, le ton a rapidement changé.

De façon générale, si l’Occident s’est longtemps permis de regarder de façon moqueuse les divers processus d’intégration en cours dans l’espace non-occidental, aujourd’hui l’heure est clairement à l’inquiétude, ou du moins à un pragmatisme amer. Et ce pour la simple et bonne raison que tous ces processus d’intégration régionale et internationale, formés ou en poursuite de formation, deviennent inévitablement des alternatives fiables au concept unilatéral occidental.

Les BRICS, l’Union économique eurasiatique, l’Organisation de coopération de Shanghai et d’autres – ne font que confirmer que l’avenir du monde ne peut être que multipolaire. Désormais, avec le RCEP une nouvelle page s’ouvre. Pour autant, le fait que deux pays considérés comme étant occidentaux fassent partie dudit accord, en l’occurrence l’Australie et la Nouvelle-Zélande, confirme une chose simple : le partenariat multilatéral est ouvert à tous. À condition évidemment de comprendre que seule une véritable relation d’égal à égal aura un avenir dans le monde contemporain.

source : http://www.observateurcontinental.fr


 Zone Asie-Pacifique : un partenariat économique historique qui confirme la perte d’influence des États-Unis


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *