L’Afrique n’a reçu que 1% de la production mondiale de doses : Apartheid vaccinal

Pour le directeur général de l’OMS, il n’est plus tolérable que les plus riches s’approprient les doses qui manquent dans le reste du monde. Les États-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada ou encore le Japon ont pu compter sur la livraison de près 2,5 milliards de doses depuis le début de la pandémie. Pendant ce temps, le mécanisme de mutualisation à destination de 92 pays pauvres (Covax) n’a pu leur fournir au total que 178 millions de vaccins. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fait les comptes du nouveau péril que font courir les injonctions pour les troisièmes doses.

Selon un document interne, révélé par Nature, l’institution multilatérale estime que, si les 11 pays les plus riches de la planète décidaient de faire une troisième injection à leurs citoyens de plus de 50 ans, cela nécessiterait 440 millions de doses supplémentaires prélevées sur la production mondiale. Un volume qui doublerait si tous les pays riches s’aventuraient sur cette voie… Ce sont sans doute ces perspectives qui ont poussé, en fin de semaine dernière, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, à réclamer un « moratoire au moins jusqu’à la fin septembre » des injections de troisièmes doses dans les grandes puissances capitalistes. « Nous ne pouvons pas tolérer que les pays qui ont déjà utilisé l’essentiel de la production mondiale de vaccins en récupèrent encore plus, alors que les personnes les plus vulnérables dans le monde demeurent non protégées, s’indigne-t-il. Nous avons besoin de la coopération de toutes et tous, et en particulier de cette poignée de pays et de multinationales qui contrôlent toute la production mondiale. »

En Afrique où les très rares pays qui, comme le Maroc, le Zimbabwe, Djibouti ou les Seychelles, atteignent un taux de couverture vaccinale de 10 % le doivent à leur accès aux vaccins chinois, la patience a atteint ses limites. Et la charité accordée au compte-gouttes par les grandes puissances attise désormais la colère. Dans un article remarqué dans une revue norvégienne, Catherine Kyobutungi, une épidémiologiste ougandaise, qui, à Nairobi (Kenya), dirige le Centre de recherche sur la population et la santé en Afrique, a tenu à rappeler que l’Afrique n’a reçu « que 1 % de la production mondiale de vaccins » et surtout fustigé un Covax « paternaliste, axé sur les donateurs et fondé sur une mentalité de pays riches aidant les pays pauvres ». Face aux défaillances de la solidarité mondiale, l’Union africaine a décidé de lancer son propre programme d’achat de vaccins, en passant sa première commande pour un volume de 220 millions de doses à la multinationale Johnson & Johnson.


In   L’Humanité du 11 août 2021


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *