Algérie / Appel à la conscience des médecins

La pandémie Covid-19 est une véritable catastrophe humanitaire comme chacun le sait. Les pays les plus développés de la planète sont désemparés devant ce fléau, cependant toutes les personnes indispensables au bon fonctionnement des états sont mobilisées et en particulier les personnels de santé.

Notre pays n’échappe pas à cette terrible maladie et il n’est pas comme une partie de notre population le pense à l’abri sous prétexte que nous avons une foi infaillible en Dieu. Mais force est de constater, ces dix derniers jours, qu’une partie du personnel de santé, dont les médecins, fait défaillance. Nous avons vu ces derniers temps une multiplication d’arrêts de travail déposés par des confrères et beaucoup d’entre nous savent que la plupart de ces documents sont faits par complaisance. Comment peut-on avoir un tel comportement  ? Même si certains ne prennent pas en considération les textes qui exemptent les personnels de santé des différentes dispositions qui concernent les fonctionnaires et autres nous devons d’abord répondre aux véritables critères qui déterminent un médecin.

Nous sommes, de par l’essence de notre profession, sensés soigner toutes les catégories de la population et ce quelles que soient les circonstances (cf. Serment de Hippocrate). Ces médecins oublient qu’ils sont tous les jours confrontés à des maladies dangereuses telles que le VIH, la tuberculose qui devient de plus en plus résistante aux traitements conventionnels, l’hépatite B et autres infections. Ont-ils peur pour eux et leurs familles ?

Nous avons tous peur car nous sommes humains, mais nous devons assumer notre devoir, et ce, tant sur le plan civique que religieux (pour ceux qui se disent croyants et pratiquants). Que dirions-nous d’une armée qui refuse le combat en tant de guerre ? La guerre que nous menons actuellement est contre un virus et la première armée en ligne est le personnel de santé. Que dire aussi de certains chefs de service qui ne viennent même plus tous les jours dans leurs services, alors qu’ils sont censés mener une équipe qui va de l’agent de sécurité au professeur en médecine, en passant par l’agent d’entretien.

Les chefs de service sont là pour donner l’exemple et pour encourager leurs équipes. Certains services sont inaccessibles aux patients sous prétexte du Covid-9. Mais que faisons-nous des pathologies cardio-vasculaires, des diabètes décompensés, des accidents vasculaires cérébraux et des tumeurs qui ne vont pas attendre la fin de la pandémie. Nous sommes en train de penser à la mortalité du Covid-19 en négligeant peut-être la mortalité liée à ces pathologies qui tuent tous les jours dans le monde un grand nombre de patients.

Certaines spécialités ne se sentent pas concernées par le Covid-19 mais nous sommes avant tout tous docteurs en médecine et donc tous susceptibles d’être appelés en cas de besoin (voir le cas de l’Allemagne où des cardiologues ont des formations pour apprendre à manipuler des respirateurs).

Prenons exemple sur les pays fortement touchés par la pandémie où les médecins retraités se sont portés volontaires pour rejoindre les soignants ainsi qu’une bonne partie de la population pour aider à l’exemple de sportifs de haut niveau comme certains rugbymen de l’équipe de France qui activent comme agent d’entretien dans les hôpitaux ! J’appelle tous les médecins qui ont répondu présent durant ces temps difficiles (dieu merci ils sont nombreux) à dénoncer l’attitude de certains collègues indélicats qui ne jouent pas le jeu et ce quel que soit leur grade (d’ailleurs certains ont commencé à la faire via les réseaux sociaux), il ne s’agit pas de délation mais de préserver l’honneur de notre profession. Il faut absolument que les médecins du travail soient sollicités pour jouer leur rôle en étudiant minutieusement au cas par cas, en appliquant les lois en vigueur et en toute impartialité, les différents arrêts de travail émanant des médecins et autres personnel de santé.

J’appelle aussi la tutelle à se préoccuper de ces comportements, qui portent préjudice à la corporation médicale, et de prendre les dispositions qui s’imposent. Il est évident que cette tutelle doit nous procurer tous les moyens de protection afin que nous puissions mener à bien notre mission qui est de sauver le maximum de vies.

Certains d’entre nous ont posté, sur les différents réseaux sociaux, des appels à la population pour qu’elle reste chez elle afin de respecter le confinement et qu’ils sont là pour elle ; ce qui est une initiative très louable car elle contribuera très certainement à freiner l’extension de l’épidémie puisque le confinement est très probablement la meilleure solution pour notre pays. Mais d’un autre coté nous devons tenir notre engagement en répondant présent dans nos différents services. D’autres proposent des sites avec des conférences pour les recommandations et l’information, ce qui est une bonne chose en soi mais je leur conseille «de faire le ménage» d’abord à leur niveau en leur âme et conscience. Cette épidémie ne doit pas servir de tremplin à des opportunistes qui heureusement ne constituent qu’une minorité des médecins algériens (nous savons qu’ils sont peu nombreux mais malheureusement ô combien si puissants !).

Cette situation exceptionnelle peut-être pour le XXIe siècle (mais le monde a déjà vécu de telles catastrophes à l’instar de la peste, le typhus ou la grippe espagnole) va, je l’espère, nous aider à améliorer notre système de santé mais surtout de mettre à nu les opportunistes et les tricheurs qui contribuent largement à la mauvaise réputation de la médecine dans notre pays. Nous menons une «guerre» contre un virus et par conséquent nous sommes en tant que médecins les premiers soldats pour la mener. Je suis convaincue que ma réflexion est celle aussi de la majorité de mes confrères et en particulier ceux de la wilaya de Blida qui ont été confrontés en premier à ce fléau.

Par  Souad Bakhti , Neurochirurgien


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