Algérie / La transition démocratique, «une nécessité, pas un choix !»

CONFERENCE DES FORCES DEMOCRATIQUES ET PROGRESSISTES

Les partisans d’une transition de rupture avec la gouvernance en place veulent se faire entendre le plus fort possible, eux qui soutiennent proposer “une alternative” capable de “traduire” les profondes aspirations du mouvement populaire en cours dans le pays depuis le 22 février écoulé, à savoir le départ du système.
M. Kebci – Alger (Le Soir)- Et tout se décline dans l’intitulé même des instigateurs de la démarche, les forces de l’alternative démocratique comme pour se distinguer de l’autre conglomérat, les forces du changement. Ce que, d’ailleurs, le président du RCD a soutenu, hier mercredi, lors de son intervention à la conférence de ce conglomérat composé de sept partis et d’une organisation des droits de l’Homme qui a vu la participation de nombre d’acteurs politiques, syndicaux et associatifs et de personnalités nationales. «Nous nous inscrivons dans une transition constituante qui consacrera la rupture avec le système en place et pas une transition dans le système qui permettra à ce dernier de se pérenniser comme le préconise le pôle des forces du changement», affirme clairement Mohcine Belabbas pour qui il s’agit d’établir «un rapport de force à même de faciliter le départ du système en place et ne pas se contenter d’un simple lifting des figures du système».
Un «rapport de force» qu’il faudra établir avec le mouvement populaire avec lequel, comme le soulignera avec force Djamel Zenati, il faudra «établir des passerelles pour matérialiser ses mots d’ordre tant l’aspiration démocratique est profonde». Pour l’ancien député et cadre dirigeant du FFS, il y a nécessité d’offrir des «perspectives» au peuple algérien tant le «danger plane sur le pays». Il plaidera pour des «négociations» en assumant les «clivages de fond», préconisant «une transition sans institutions» avec des «préalables» dont l’ouverture des champs médiatique et politique et la libération des détenus politiques et d’opinion. Ce que, pour sa part, plaidera l’avocat Mokrane Aït-Larbi.
De son côté, le Premier secrétaire national du FFS a estimé qu’il s’agit, à travers cette conférence, d’«arriver à un pacte politique fruit d’un consensus à même de servir de socle principal à la période de transition dont il s’agira de cerner les contours et sa consécration sur le terrain à travers les prochaines rencontres de concertation».
Pour sa part, l’ancien officier de l’ALN, Lakhdar Bouregaâ, a estimé que le système en place «n’a d’autre souci que son propre sauvetage », se référant à de «nombreuses expériences avec lui».
Pour Me Noureddine Benissad, l’Etat profond a déjà choisi son candidat à la prochaine élection présidentielle, d’où son «empressement à la tenue de ce scrutin le plus vite possible, considérant que le rapport de force est en faveur du peuple. Ceci, même si, relativise le président d’une aile de la Laddh (Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme), la transition démocratique n’est pas acquise. D’où l’impératif de mener un travail pédagogique pour vulgariser ce concept et ainsi faire face à la campagne de diabolisation de la démarche». Car, argue-t-il, «la transition démocratique est une nécessité pas un choix».
Prenant la parole au nom du pole des forces du changement, Abdelaziz Rahabi a relevé la nécessité d’un «dialogue global, devant déboucher sur l’organisation d’élection présidentielle transparente selon des mécanismes et des garanties». Faute de quoi, avertit l’ancien diplomate et ex-ministre, «la crise du pays ne fera que s’aggraver».
La conférence d’hier à laquelle ont pris part, outre ses initiateurs, nombre de représentants d’organisations syndicales Cnapest, Satef, SNPSP, Confédération des syndicats algériens (CSA), de collectifs comme Nabni, Forum de la 2e République, SOS disparus et de personnalités comme Nacer Djabi, Nacer Greffou, Aouicha Bakhti, Slim Othmani, Mourad Ouchichi, sera sanctionnée par un document de travail qui sera proposé à d’autres formations de l’opposition. Il faut préciser que cette conférence était prévue initialement au centre touristique Azur-Plage, à l’ouest de la capitale. Mais, faute d’autorisation des services compétents de la wilaya d’Alger, elle s’est déroulée au siège national du RCD. Le pôle des forces de l’alternative démocratique se compose, pour rappel, du RCD et du FFS, du MDS, du PLD, du PST, du PT et de l’UCP, ainsi que de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh), aile que préside Me Noureddine Benissad.
M. K.


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Un pacte qui fera date

Forces de l’alternative démocratique

Les Forces de l’alternative démocratique ont pu arriver à s’entendre sur une feuille de route à même de consacrer le changement du régime auquel aspire le peuple algérien et qu’il ne cesse, par millions, depuis le 22 février dernier de réclamer.
M. Kebci-Alger (Le Soir) – Consacrer un changement hors du système et pas dans le système conformément à ce que réclament pacifiquement des millions d’Algériens qui, chaque vendredi depuis le 22 février écoulé, battent le pavé dans l’ensemble des wilayas du pays, tel est le souci des forces démocratiques et progressistes qui, pour la première fois, se sont entendues comme pour ne pas être en marge de la formidable révolution tranquille qui les interpelle plus que tout autre camp politique.
Ainsi, le RCD, le FFS, le PT, le PST, le MDS, le PLD, l’UCP, la Laddh et un conglomérat d’acteurs associatifs, syndicaux et autres personnalités nationales ont convenu, à l’issue de leur conclave de mercredi dernier, d’un pacte politique pour une véritable transition démocratique. Une démarche qui se distingue nettement des autres initiatives lancées par-ci et par-là, notamment celle des forces du changement qui plaident pour un retour, le plus vite possible, au processus électoral.
« Nous, partis politiques, personnalités et représentants de la société civile qui militent pour la souveraineté populaire et l’alternative démocratique, réunis le 26 juin 2019 à Alger, saluons la mobilisation et la détermination du peuple algérien, plus que jamais décidé à imposer pacifiquement un changement radical du système autoritaire», estiment les partisans d’une rupture avec le système en place, insistant sur la «nécessité de préserver le caractère pacifique, unitaire et national du mouvement populaire dans le but d’instaurer un processus constituant souverain qui prend en compte les aspirations démocratiques et sociales de l’immense majorité du peuple». Ce pourquoi ils considèrent que l’organisation d’une élection présidentielle dans le cadre du système actuel «ne servira qu’à sa régénération».
Pour eux, le caractère «pacifique et unitaire des manifestations est l’expression de la maturité politique des populations, c’est également la cristallisation des luttes contre un système liberticide et antisocial qui persiste dans le déni du droit et de la démocratie et qui a dévoyé les aspirations du peuple algérien depuis l’indépendance du pays».
Une formidable démonstration des forces populaires face à laquelle le pouvoir «multiplie les manœuvres dans l’unique espoir de mettre en échec cette déferlante citoyenne et d’empêcher toute alternative politique crédible pour un changement démocratique radical», jugent encore les signataires qui estiment que «le pouvoir réel est assumé et exercé entièrement par l’état-major de l’armée». Elles en veulent pour «preuves supplémentaires, «l’interdiction de l’emblème amazigh dans les manifestations publiques et la judiciarisation de l’action politique qui ne sont que des dérives qui visent à semer la division, la peur et la confusion».
Et parce que la majorité du peuple algérien s’est exprimée en «faveur d’un changement du système pour instaurer un Etat de droit démocratique et social», les Forces de l’alternative démocratique considèrent «qu’aucune négociation et aucune transition démocratique ne sont possibles sans la libération immédiate de tous les détenus politiques et d’opinion, la libération du champ politique et médiatique, l’arrêt immédiat des harcèlements judiciaires et des menaces contre les citoyens, les militants des partis politiques et de leurs organisations, du mouvement associatif, des syndicalistes, des militants de droits de l’Homme, des journaliste et l’arrêt immédiat du bradage des richesses nationales et la récupération des biens spoliés».
Ce qui ne saurait se réaliser sans, estiment-elles encore, «l’organisation d’une période de transition qui réunit les moyens politiques pour l’expression d’une véritable souveraineté du peuple et l’édification d’un État de droit démocratique basé sur l’indépendance de la justice, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, la non-utilisation de la religion et du patrimoine et des symboles de la Nation à des fins politiques, l’égalité en droits entre les hommes et les femmes, la non-utilisation de la violence pour la conquête et l’exercice du pouvoir, le droit d’association et le droit d’organisation syndicale soumis au seul régime déclaratif, le droit de réunion, d’organisation et de manifestation, la garantie par l’État des droits sociaux et économiques fondamentaux des citoyens, la consécration des libertés individuelles et collectives, syndicales et le droit de grève, la souveraineté populaire sur les richesses naturelles de la Nation, la consécration du rôle de l’Etat dans la conduite du développement national et la lutte contre les inégalités socio-économiques et la pauvreté, le respect de tous les pluralismes».
Ce pacte, qui fera certainement date, ne pourrait avoir de suite concrète sans l’établissement du rapport de force nécessaire, ce qui passe impérativement par des passerelles avec la rue pour une vulgarisation de ce document qui se veut une traduction politique les mots d’ordre du mouvement populaire en cours.
M. K.


La lecture d’un proche de Boumediene sur l’affaire du drapeau amazigh

24.06.2019
18ème vendredi de manifestation contre le système. (Ph :Fateh Guidoum / PPAgency)

Par Saïd N. – La polémique suscitée par les mises en garde sévères du chef d’état-major de l’ANP contre ceux qui brandissent des emblèmes autres que le drapeau national dans les manifestations populaires, suivies d’une campagne de répression, puisqu’au moins 19 personnes ont été placées sous mandat de dépôt, risque de dominer le débat pour encore plusieurs semaines.

Les avis sont partagés entre ceux qui pensent que le vice-ministre de la Défense nationale a commis un «dérapage» dont il n’a pas mesuré les conséquences et ceux qui estiment que c’était, au contraire, un «coup bien calculé» à travers lequel il visait un objectif précis. C’est l’avis, notamment, de l’ancien conseiller de Houari Boumediene et ex-ministre de la Culture, Mahieddine Amimour, qui compare les protestations provoquées par le dernier oukase du général Ahmed Gaïd-Salah à un «référendum populaire» voulu par ce dernier pour estimer la popularité de ses adversaires politiques qu’Amimour circonscrit dans la catégorie des «laïco-francophones».

Selon lui, il s’agit du «deuxième référendum» du genre, après celui du 18e vendredi, où les manifestants auraient, d’après lui, brandi «massivement» le drapeau national et des portraits du fondateur de l’association d’Abdelhamid Ben Badis, devenu symbole de l’identité arabo-islamique, en réaction à un message de Gaïd-Salah où il appelait à une Algérie «novembriste et badisséenne», écrit-il dans une longue tribune parue dans le quotidien panarabe Raï Al-Yawm.

Amimour tente-t-il de manipuler l’opinion, puisque le chef d’état-major avait seulement parlé, dans son discours en question, de l’«Algérie novembriste», ce qualificatif – «badisséenne» – ayant été utilisé par Ahmed-Taleb Ibrahimi dans une de ses récentes déclarations ?

Selon l’analyse de Mahieddine Amimour, la supériorité en nombre du drapeau national dans les manifestations, comparé à celui de l’emblème amazigh, «sonne comme un verdict final» d’une étrange compétition qui se joue dans la rue face à un pouvoir qui, lui-même, se cherche.

S. N.


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