Qui est isolé ? La guerre en Ukraine dans son contexte géoéconomique – Jacques Sapir

 

   La guerre entre la Russie et l’Ukraine a mis en évidence une profonde fracture entre le monde « occidental » » et le reste du monde [1]. Cette fracture survient dans un contexte de démondialisation accélérée. Cette dernière est devenue une évidence depuis la crise des subprime de 2008-2010 qui n’a jamais été surmonté complètement. Elle s’est accentuée avec l’épidémie de la Covid-19 et, aujourd’hui, avec les conséquences de la guerre résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Se réveillent alors de vieilles peurs. Et si cette démondialisation annonçait le retour au temps des guerres ?

Mais ces peurs ne sont que l’autre face d’un mensonge qui fut propagé par ignorance, pour les uns, et par intérêts, pour les autres. Le commerce n’a jamais effacé la guerre, même en Europe. On oublie trop rapidement la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie, et ce sans parler de la terrible guerre qui ravagea l’Afrique centrale [2], de la guerre du Darfour [3], des guerres du Moyen-Orient, de celle toujours en cours au Yémen. La liste est, hélas, longue. Que signifie l’expression de « démondialisation » que l’on utilise pour qualifier le contexte géoéconomique dans lequel se déroule cette guerre ?

La mondialisation que nous avons connue depuis près de quarante ans a résulté de la combinaison de la globalisation financière, qui s’est mise en place avec le dé-tricotage du système hérité des accords de Bretton Woods en 1971-73, et de la globalisation marchande, qui s’est incarnée dans le libre-échange. Elle a conduit à une surexploitation des ressources naturelles plongeant plus d’un milliard et demi d’êtres humains dans des crises écologiques qui vont chaque jour empirant. Elle a provoqué la destruction du lien social dans un grand nombre de pays et confronté là aussi des masses innombrables au spectre de la guerre de tous contre tous, au choc d’un individualisme forcené qui laisse présager d’autres régressions, bien pires encore [4].

La guerre en Ukraine survient alors dans un contexte économique et politique international qui a profondément évolué ces vingt dernières années, et en particulier depuis 2010. Ce contexte est marqué par une accélération du mouvement de démondialisation, déjà apparent en 2010 mais considérablement renforcé, et d’un mouvement de désoccidentalisation du monde.

Le constat que l’on peut tirer des dix dernières années est que la mondialisation, ou globalisation, a engendré de telles forces de contestation, forces qui ne se sont pas limitées à l’idéologie, forces qui se sont avérées profondes et puissantes et qui n’ont fait que se renforcer, qu’un point de basculement a été atteint. La mondialisation s’est d’abord enrayée, puis elle s’est inversée. Cela fut patent lors de la crise de la Covid-19. La démondialisation a donc commencé dans les faits. Elle porte en elle, aussi, une « désoccidentalisation » du monde [5]. C’est un phénomène important, qui se traduit par le renforcement considérable des économies extra-européennes mais aussi par leur autonomisation vis-à-vis de « l’occident », mouvement qui ne semble pas avoir été réellement compris.

Qu’est-ce que la démondialisation ?

Qu’appelle-t-on donc aujourd’hui « démondialisation » ? Il convient de revenir sur le sens du mot, mais aussi de la notion décrite par le mot. Certains confondent ce terme avec une interruption, volontaire ou fortuite, des flux d’échanges qui courent tout à travers la planète. Ils confondent ainsi un protectionnisme, qui peut être amplement justifié dans la théorie économique [6], et la pratique de l’autarcie qui, elle, est bien souvent annonciatrice de guerres. Ils se trompent aussi sur la nature du lien qui lie la croissance du PIB à l’échelle mondiale est le volume des échanges. Rappelons ici que la richesse est issue des processus de production. Si ceux-ci n’ont pas eu lieu au préalable, pas de commerce et pas de profit. La richesse est liée à la croissance de la productivité du travail et celle dernière prend son origine dans les transformations perpétuelles du processus de production. Le commerce facilite la transformation de cette richesse en profit monétaire. Il est une réponse à l’écart qui peut se creuser entre le volume des investissements initialement consentis pour la production et un marché trop étroit pour rémunérer au niveau attendu les capitalistes et les fonds investis.

Le commerce international permet donc la réalisation de profits parfois supérieurs aux attentes initiales parce qu’il permet de profiter d’opportunités, d’exploiter des situations de rente, de mettre en concurrence des travailleurs qui sont dans des conditions fort différentes, de forcer des travailleurs à entrer en dépendance avec les producteurs de biens étrangers. Cela ne veut pas dire que le commerce crée à lui seul de la valeur, comme le soutiennent les thuriféraires de la mondialisation. Mais, surtout, ils oublient que ces échanges, échanges de biens, de services, mais aussi échanges culturels voire échanges financiers, sont bien plus ancien que le phénomène nommé « mondialisation » ou « globalisation ». Ainsi, nous avons connu des situations où les échanges internationaux coexistaient avec des formes importantes de protection de l’économie national [7]. La « mondialisation », pour ne garder que ce seul mot, ne se réduit donc pas à l’existence de ces seuls flux.

Ce qui avait fait émerger le phénomène de la mondialisation, et l’avait constitué en un « fait social » global, était un double mouvement. Il y avait à la fois la combinaison, mais aussi l’intrication, des flux de marchandises et des flux financiers ET le développement d’une forme de gouvernement (ou de gouvernance) où l’économique semblait devoir l’emporter sur le politique. En effet, la « mondialisation » se caractérise par un double mouvement où l’on voit les entreprises tenter de prendre le pas sur les États et les normes et les règles sur la politique. Ce processus aboutit en réalité à la négation de la démocratie. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater une reprise en mains par les États de ces flux, un retour victorieux du politique. Ce mouvement s’appelle le retour de la souveraineté des États. Or, la souveraineté est indispensable à la démocratie [8]. Nous avons de multiples exemples d’États qui sont souverains mais qui ne sont pas démocratiques ; pour autant nulle part on a vu un États qui était démocratique mais n’était pas souverain.

Le processus de démondialisation économique s’est donc accéléré ces dernières années. Il a commencé à se manifester ouvertement avec la crise financière internationale de 2008-2010 et ses conséquences. En fait, c’est de cette crise que l’on peut dater un point de rupture dans les diverses données statistiques.

Graphique 1

Source : OMC et FMI

Cela ne signifie pas que les tendances à cette démondialisation n’existaient pas avant. Cependant, il a fallu une crise financière mondiale, qui a été une crise de la mondialisation tant dans ses causes que dans son déroulement, pour que ces tendances se manifestent ouvertement. On peut ainsi constater la stabilisation puis la baisse de la part des échanges mesurés en pourcentage du PIB mondial. Si le commerce a augmenté fortement en 2018, il restera en 2019 sous le niveau de 2014. Il faut donc remarquer que la forte croissance que l’on avait connue de 2002 à 2008 a été durablement interrompue par la crise de financière de 2007-2008.

Ce mouvement est lié au flux des exportations mondiales (et à l’échelle du monde, toute exportation et aussi une importation, ce qui fait que le montant global des exportations est aussi le volume du commerce mondial). Il ne pouvait être encore perçu dans les années 2010-2011 parce que l’on se trouvait à l’époque dans une phase de récupération après la crise. Le montant des exportations est ainsi passé de 6,1 trillions de dollars américains à 16,1 trillions de 2001 à 2008 soit une augmentation de 2,6 fois. Mais de 2008 à 2017, ce montant est passé de 16,1 à 17,7 trillions, soit une augmentation de seulement 10%, inférieure de fait à celle du PIB mondial dans la même période. Même l’accroissement ultérieur, qui le portera à plus de 19 trillions à la fin de 2018, commencera à s’inverser avant que ne survienne la crise de la Covid-19. Pour l’année 2019, le recul est d’environ -3%. Le ressort de la croissance portée par l’extension, chaque jour plus large, du commerce international semble donc bien cassé.

Le point intéressant ici est bien la baisse du pourcentage de ces exportations mondiales rapportées au Produit Intérieur Brut mondial. On était ainsi passé de 18,9% à plus de 25% de 2002 à 2008. On est retombé autour de 22% en 2017 et à 21,4% en 2019. La crise de la Covid-19 aura donc porté le coup de grâce [9], pour des raisons bien décrites par M. Kemal Dervis dans une tribune publiée en juin 2020 par la Brookings Institution [10], mais n’aura certainement pas été à l’origine du mouvement.

De plus, des responsables américains ont déclaré que la sécurité économique était une forme de la sécurité militaire [11], et qu’elle était une partie intégrante de la sécurité nationale [12]. Ce n’est pas faux, et cela fut en fait théorisé au début des années 1990 par deux chercheurs de la RAND corporation, l’un des plus influents « think tank » des États-Unis [13]. Ceci constitue en réalité la souveraineté économique en un objectif légitime pour tout gouvernement. Cette déclaration symbolise parfaitement le retour du politique qui est le signe de la démondialisation.

La faillite du G-7 : de juin 2018 à la situation actuelle

Le jeu des États-Unis, qui semblent s’être ralliés depuis la Présidence Trump à une vision plus protectionniste des échanges doit alors être expliqué. Il s’inscrit dans la décadence progressive des institutions, comme le G-7, mises en place dans les années 1970.

Si le Président des États-Unis, Donald Trump, a pris en effet le risque de dresser contre lui ses anciens alliés, comme il l’a fait en provoquant la crise du G-7 de juin 2018, c’est parce qu’il a fait un choix : celui de considérer les forums mondiaux comme le G7 étaient dépourvus de toute légitimité et de toute utilité. Son objectif était d’obtenir de la Chine un accord général aboutissant à une forme de partage du monde. Il visait l’équivalent d’un « nouveau Yalta », en référence à la conférence où les sphères de domination des alliés occidentaux et de l’URSS furent définies. Si, pour atteindre cet objectif, il devait fouler aux pieds des institutions comme le G-7, cela n’avait pas pour lui beaucoup d’importance. Il est ainsi faux de dire que Donald Trump était irréfléchi et n’avait pas de stratégie [14]. Ce discours, que l’on a entendu en boucle dans la presse française, est d’une rare stupidité et ne fait pas honneur à ceux qui le tiennent.

Donald Trump avait bien une vision et une stratégie, même si ses méthodes doivent plus au monde des affaires dont il est issu qu’aux lambris dorés et aux moquettes feutrées de la diplomatie traditionnelle. Il convient de comprendre l’une et l’autre, sans nécessairement les approuver, pour pouvoir imaginer leurs répercussions sur les relations internationales et peut-être aussi pour pouvoir s’y opposer. Mais, la réalité s’impose, et s’imposera de plus en plus. Le premier discours de Joe Biden aux diplomates américains montre aussi qu’au-delà du style, et le successeur de Trump est de ce point de vue bien plus en accord avec les us et coutumes diplomatiques, que le nouveau Président des États-Unis entend bien continuer une politique entièrement conçue pour la suprématie américaine [15].

Nous voici donc revenus à la problématique de Yalta. Ce partage du monde se fera très vraisemblablement sans les européens, qui restent fidèles, pour l’heure et ce jusqu’à la caricature, à l’idéologie de la « mondialisation ». Les pays de l’Union européenne payent, aussi, la foi mal placée qu’ils ont mise dans des institutions tant obsolètes que dangereuses. Et cela ne s’arrête pas au G-7. Les États de l’Union Européenne, qui sont aussi majoritairement des pays de l’OTAN, subissent déjà et vont subir les contre-effets des sanctions prises contre la Russie du fait de son agression contre l’Ukraine.

Tant l’UE que l’Euro méritent de figurer ici en bonne place parmi les organisations devenues obsolètes [16]. De ce point de vue, il convient de souligner les aspects extrêmement néfastes de la domination allemande sur l’Union européenne, une domination qui s’exprime tant par les normes que ce pays impose que par les instruments qu’il contrôle comme l’euro [17]. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a ainsi reconnu, dans un rare éclair de lucidité qu’il convient de saluer, que l’euro avait profité essentiellement à l’Allemagne [18] La politique de l’Allemagne est, dans les faits, en train de détruire l’Union européenne, et avec elle l’idée d’une coopération européenne [19], ainsi que l’on a pu le voir dans les tensions qui ont émergé entre la France et l’Italie mais aussi entre l’Italie, la Pologne et la Hongrie et la France et l’Allemagne. Ces tensions sont réapparues avec la guerre en Ukraine, comme le montre l’incident qui a opposé début avril 2022 la France et la Pologne [20].

Au-delà de ces problèmes propres à l’UE, L’échec du G-7 signe l’épuisement du « modèle occidental », en fait du modèle anglo-saxon, de la mondialisation, tandis que le succès de la réunion de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) indique clairement que le temps des Nations (et pas de n’importe lesquelles) est revenu. Ceci confirme une tendance qui était notable depuis la fin des années 2000 [21]. Il est donc clair que le processus de démondialisation est aujourd’hui engagé de manière irréversible [22].

Il convient alors de revenir sur le G-7 et sur l’histoire, compliquée, de cette institution. Le G-7, issu d’une forme d’organisation internationale qui s’était mise en place après l’éclatement du système de Bretton-Woods en 1973, s’était donné pour objectif d’être la tour de contrôle de la mondialisation, la plate-forme d’où on pourrait piloter la globalisation. C’est dire l’importance qu’a pu avoir cette institution. Or, elle a connu un échec patent dont elle pourrait ne pas se relever. Cet échec était inscrit dans des politiques désormais par trop divergentes et des intérêts top opposés entre les pays du G-7 et dans le cours de la politique américaine qui s’inscrit dans un mouvement général de retour à la décision politique. Cet échec était donc prévisible.

Il faut le constater, sur de nombreux sujets qu’il s’agisse de la question du « multilatéralisme », de celle de la participation de la Russie ou encore de la question climatique, les sujets de discordes ont dominé. Notons d’ailleurs que, contrairement à ce que à voulu faire croire la presse française le conflit n’a pas été une opposition de Donald Trump à ses six partenaires. Il n’y a pas eu, en dépit de ce que disent certains médias français, de « front uni » contre Donald Trump. Cela a pu être vérifié dans les faux semblants qui ont accompagné le sommet de septembre 2019 qui se tint à Biarritz et que l’on a, un peu rapidement, présenté comme un succès. Emmanuel Macron avait fait tout son possible pour que ce nouveau G-7 se déroule sans vaisselle cassée ni éclats de voix qui puissent parvenir jusqu’aux oreilles des journalistes. Las, il ne fallut que quelques semaines pour voir réapparaître des divergences majeures, que ce soit au sujet de la taxe sur les grandes sociétés de l’Internet (la fameuse « taxe GAFA »). L’accord qui fut ultérieurement trouvé cache mal la perpétuation des divergences [23].

Graphique 2

Source : FMI

Outre cette perte de légitimité il a aussi beaucoup perdu de son importance économique, comme on peut le voir sur le graphique 2. Alors que le G-7 pesait plus de 50% de l’économie mondiales dans les années 1980 et plus de 46% en 1992, sa part s’est par la suite réduite. En 2000, elle n’était plus que 43,6%, pour tomber à 34,4% en 2010 et 31,2% en 2020. Cela s’applique aussi à ce que l’on peut appeler un « G-7 élargi », comprenant la Corée du Sud et l’Australie. Or, il y a un lien évident entre l’impuissance du G-7, les querelles permanentes entre ses membres, et cette perte d’influence dans le PIB mondial. De fait, quand le G-7 a expulsé la Russie en 2014 [24], il a probablement signé son acte de décès.

L’entrée de la Russie se justifiait bien plus politiquement qu’économiquement dans les années 1990. Le symbole était clair : celui de la fin de la guerre froide. En s’ouvrant à l’ancien adversaire, les pays du noyau originel du G-7 affirmaient leur volonté de sortir d’un « entre soi » qui n’était plus politiquement tenable. C’était la condition d’une possible transformation du G-7 en un gouvernement économique mondial, même si cette transformation aurait impliqué l’entrée d’autres pays importants (on pense à l’Inde, mais aussi à l’Indonésie) pour pouvoir s’accomplir. A terme, le G-7 et le G-20 auraient dû fusionner. Cela semble désormais impossible aujourd’hui tant les oppositions se sont durcies avec la guerre en Ukraine.

Un modèle dépassé ?

En expulsant la Russie du G-8 en 2014, les pays du noyau d’origine ont donc signifié au monde l’échec de cette transformation. En renouant avec les démons de « l’entre soi », en cherchant à transformer ce qui aurait dû être un forum en un club politique fermé, les pays occidentaux ont montré leur incapacité à saisir le renouvellement du monde qui est en train de survenir devant nous. Il est d’ailleurs intéressant que la Russie n’ait été nullement intéressée par un retour au sein du G-7 [25]. Elle a, elle, tirée les leçons des transformations de l’économie mondiale de ces quinze dernières années et elle entend privilégier le G-20 qui désormais s’oppose au G-7, comme l’avait indiqué à la télévision russe son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov : « Au sein du G20, les ultimatums ne marchent pas et vous avez besoin de parvenir à des accords (…) Je pense que c’est le format le plus prometteur pour l’avenir » [26].

Cette déclaration est importante. Elle va au-delà d’une simple réaction visant les pays du G-7. Les dirigeants russes ont compris très tôt la notion de multipolarité du monde. Dans son livre, Le Jeu Russe, publié en 2019, Alexeï Pouchkov rappelle la place centrale que tient cette notion de multipolarité pour la diplomatie russe [27]. Une meilleure compréhension de cette diplomatie, de ses lignes fondamentales depuis la fin des années 1990, aurait peut-être pu éviter aux pays du noyau originel du G-7 de commettre, avec « l’expulsion » de la Russie, ce qu’il faut bien appeler, avec du recul, une erreur fatale. Car, cette notion de multipolarité était déjà centrale dans la « déclaration à la conférence de Munich sur la sécurité en Europe » que fit Vladimir Poutine, ce que l’on appelle pour faire court le « discours de Munich », en 2007 [28]. Ce discours est l’un des textes les plus importants de la diplomatie russe, même si les idées qu’il contenait étaient en fait déjà connues. Alexeï Pouchkov montre bien ses effets structurants sur la politique étrangère russe [29].

Ce discours a été présenté souvent comme le signe d’un retour des dirigeants russes à une mentalité de guerre froide. En réalité, le contenu de ce discours est bien autre chose que l’annonce d’un nouvel affrontement russo-américain. Il s’agit d’un texte programmatique, qui a soulevé d’ailleurs l’intérêt de nombreux participants de la conférence, et en particulier du ministre des Affaires étrangères allemand. En un sens, Vladimir Poutine est le dirigeant politique qui a certainement tiré avec le plus de cohérence les leçons de ce qui s’est joué entre 1991 et 2005.

Deux points importants s’en dégagent, la constatation de l’échec d’un monde unipolaire et la condamnation de la tentative de soumettre le droit international au droit anglo-américain [30], et à l’emprise des États-Unis, un thème qui a une résonnance toute particulière pour les Français et plus généralement les européens depuis quelques années. On sait que les États-Unis ont pénalisé de nombreuses entreprises européennes depuis 2013-2014 au nom de l’application extraterritoriale de leur propre droit. Cette vision de la place centrale de la notion de multipolarité du monde contemporain se combine alors avec une vision claire du rôle de la souveraineté [31].

Il faut aussi alors lire l’article écrit en 2021 pour Russia Today par Fyodor Lukyanov, le directeur de la revue Russia in Global Affairs et le directeur scientifique du Club Valdaï, au sujet des réactions, ou plus précisément des non-réactions de la Russie aux critiques occidentales au sujet de l’emprisonnement de l’opposant Alexey Navalny :

« Dans les années 1990, lorsque la Russie moderne a émergé des cendres de l’Union soviétique, l’Occident était dominant. Il offrait le seul modèle réaliste. Les temps ont changé, mais Bruxelles ou Washington ne s’en sont pas encore aperçus.

Aujourd’hui, la situation a radicalement changé. Une bonne illustration est la façon dont la Russie a répondu aux critiques à la lumière de l’affaire Alexey Navalny. Auparavant, confronté à des situations similaires (…) Moscou a tenté de justifier ses actions auprès des chercheurs occidentaux en utilisant leur propre argumentaire – même si parfois les responsables russes peuvent être trop rigides et trop émotifs lorsqu’ils défendent leur cause.

Maintenant, c’est différent. Les commentaires critiques de l’Occident sont soit ignorés, soit ridiculisés. La Russie a changé – mais de plus grands changements dans les affaires mondiales semblent également faire partie de l’explication. L’ordre mondial libéral enraciné dans le pouvoir des institutions et des normes a pris fin. C’était un modèle avec ses propres normes sociales et politiques que l’on croyait universelles. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, presque chaque nation suit une voie souveraine différente et cherche maintenant à gagner plus de contrôle politique, économique et idéologique au niveau national » [32].

Le constat fait par Lukyanov est implacable. Il est à mettre en parallèle avec l’attitude de la Russie face aux réactions occidentales à la guerre en Ukraine. Ici aussi, la Russie semble ignorer – relativement – les critiques émises par les pays occidentaux.

Le texte de Lukyanov renvoie aussi à des observations que l’on pouvait faire après le « discours de Munich » de Vladimir Poutine en 2007 [33]. Ce dernier avait mis en garde contre l’instrumentalisation de « l’ordre mondial libéral » par les États-Unis et leurs alliés. Ce qui se produit désormais depuis de nombreuses années n’est que la conséquence de la dé-légitimation du cadre international qui avait émergé dans les années 1990 et qui avait permis l’essor de la mondialisation.

La montée en puissance de « l’autre monde »

Face à l’échec du G-7 lors de la réunion de 2018, le succès de la réunion de l’OCS qui se tenait au même moment présente un contraste saisissant. Elle était le signe que l’on assistait bien à un basculement du monde. Car l’OCS est la première, et quasiment la seule, organisation internationale à dimensions tant politique qu’économique et militaire post-Guerre froide.

Graphique 3

Source : FMI

Elle est ouvertement fondée sur une volonté de coopération d’États souverains et limite au strict nécessaire la production de normes en son sein. Son succès produit un symbolique effet de miroir du fait de la quasi-simultanéité des deux réunions. Non que les conflits n’existent pas entre les nations membres ou associées à l’OCS. Mais, enfin, ces conflits ont été maîtrisés. La Chine et l’Inde y cohabitent, de même que l’Inde et le Pakistan, ce qui n’est pas un mince exploit. Existe-t-il donc tant d’organisations régionales qui peuvent se prévaloir de tels succès ?

Cette organisation a aussi une dimension militaire, comme le montrent les manœuvres qui sont régulièrement organisées en Asie. Et l’on peut y voir, ici, l’avantage d’une structure respectant la souveraineté des Nations, admettant l’expression ouverte des intérêts nationaux et, à partir de là, permettant d’aboutir à des compromis, sur une structure – le G-7 – prétendant faire d’une raison supranationale, la logique économique et financière, le guide de l’ordre du monde. Rappelons, aussi, que l’OCS est en grande partie fondée par les pays des BRICS, ce groupe qui rassemble la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil et l’Afrique du Sud.

Dans ce groupe, les trois principaux pays, Chine, Inde et Russie, sont en effet membres de l’OCS. Or, le processus d’internalisation des économies apparaît de manière accélérée pour les pays des BRICS. Le taux d’ouverture, ou d’externalisation, de ces économies, qu’on le calcule à partir des exportations ou des importations, n’a cessé de baisser ces dernières années. Ceci est particulièrement significatif quand on sait que les BRICS incluent deux pays dont le poids dans le commerce mondial est élevé, la Chine et l’Inde. Le succès de l’OCS, tient donc à son caractère pragmatique. A la différence du G-7, l’OCS ne prétend pas à l’existence d’une raison supérieure d’où découlerait des règles impératives pour les Nations. C’est un point important, un point que l’on peut même considérer comme crucial. En un sens, ce point traduit l’opposition de deux philosophies des relations internationales.

Dans la vision qui est aujourd’hui prônée par l’Union européenne, et qui fut celle défendue par le G-7 jusqu’à l’arrivée de Donald Trump, l’existence d’une raison supérieure – en réalité la « rationalité économique » telle qu’elle est conçue par l’idéologie néolibérale – devait s’imposer à tous. Dans la vision qui est défendue par la charte de l’OCS, on prend en compte la construction des intérêts nationaux dans le cadre politique de chaque pays et l’on tente de concilier ses différents intérêts nationaux. De fait, on se situe dans un cadre des relations internationales où chaque pays à des droits qui doivent être respectés. On est donc bien plus proche de Grotius [34] et de la tradition issue du traité de Westphalie [35] que de l’idée que des normes économiques pourraient diriger le monde. Rien n’est donc plus étranger pour les pays membres de l’OCS que l’affirmation péremptoire d’une raison descendant du ciel vers ces pays. Cela explique bien des choses quand on examine le comportement de la Russie, mais aussi de l’Inde [36] et de la Chine, dans le cours de la guerre en Ukraine.

L’OCS est donc une organisation de coopération [37]. Elle ne se fonde pas sur la prétention d’un partage des souverainetés, une idée qui recouvre constamment la négation de la souveraineté, mais elle pose en principe le fait que la coopération réciproque est le meilleur instrument pour gérer les différences d’intérêts [38]. L’OCS s’est ainsi dotée à la fois d’institution de sécurité mais aussi d’institutions de développement économique, comme d’une banque d’investissement. Les huit nations qui composent l’OCS [39] réunissent 41,4% de la population mondiale et 23% du PIB mondial. Elles comptent donc assurément. Et, la montée progressive en puissance de l’OCS face à la désagrégation du G-7 nous en dit beaucoup sur ce qui est en train de se jouer actuellement.

La désoccidentalisation du monde

De fait, les organisations issues de la domination « occidentale » sur le monde, comme le G-7 mais aussi en un sens l’OTAN, ont épuisé leurs possibilités et n’ont plus de potentiel. Si cette évolution, et même cette transformation, est évidente d’un point de vue économique, elle est aussi perceptible d’un point de vue politique. Ces organisations ne sont plus à même d’hégémoniser le monde actuel.

L’opinion publique de ces divers pays ne représente plus « l’opinion mondiale » mais un simple avis régional. C’est en tous les cas le constat que l’on peut tirer avec la guerre en Ukraine, mais aussi avec les événements qui sont en train de se dérouler en Afrique où la combinaison de l’influence russe et chinoise est en train d’expulser les anciennes puissances coloniales, comme on le voit au Mali [40]. Globalement, cette guerre met en lumière non pas tant l’isolement de la Russie, mais celui des pays « occidentaux » [41]. Les conséquences, à terme, sont importantes. Fondamentalement, ce que l’on appelle « l’occident » au sens large, c’est-à-dire l’ensemble des pays alignés sur les États-Unis, n’apparaît plus aujourd’hui comme capable d’imprimer sa marque sur la marche du monde. En cela, nous sommes bien en présence d’une « désoccidentalisation du monde ».

Inversement, on constate une montée dans la puissance et l’influence des organisations qui se sont construites soit à partir de pays « non-occidentaux », soit directement (c’est le cas de l’OCS) contre les organisations « occidentales ». Ici aussi, pour l’instant, aucune de ces organisations, et aucun des pays qui les composent, n’ont pu conquérir une hégémonie sur l’ensemble du monde. Mais, sans doute, cela n’était pas le but. Le simple fait de tenir en échec les organisations « occidentales », de les forcer à reculer sur divers terrains, du politique à l’économique en passant par le militaire, suffit amplement. Car, si une chose unissait, et unit toujours, les pays qui sont membres de ces organisations « de l’autre monde », c’est bien l’opposition à l’hégémonie occidentale, et singulièrement à celle des États-Unis. En cela, ces organisations ne cherchent pas à créer un ordre « en miroir » de celui des organisations « occidentales ». La « désoccidentalisation du monde » n’est donc pas seulement la perte de l’hégémonie par les puissances occidentales, mais aussi la construction d’une nouvelle forme d’organisation du monde, moins structurée, moins idéologisée aussi. La lutte pour l’hégémonie n’était pas seulement une lutte pour le pouvoir, mais autour du principe même d’hégémonie.

Assurément, l’occident, tel qu’on l’a défini dans ce texte, reste une force importante, que ce soit dans les domaines militaires, et n’oublions pas que les États-Unis restent la première puissance militaire au monde, économiques, financiers ou technologiques. Mais, cette force est de plus en plus limitée. Même dans le domaine militaire, les États-Unis sont confrontés au fameux « pouvoir égalisateur de l’atome » qui limite leurs capacités. Outre la Chine et la Russie, l’Inde et le Pakistan, pour l’OCS, sont des puissances nucléaires. Cette force n’est plus unique, en particulier comme source d’innovations et de nouvelles technologies, ni même principale.

La guerre menée par la Russie en Ukraine rend évident la perte de l’hégémonie mondiale par « l’occident », dont le discours est largement délégitimé dans une grande partie du monde. Il l’est même, et c’est important de le souligner, dans une partie du monde « occidental » [42]. De fait, se produit une forme plus subtile d’isolement de l’occident, qui continuera pour un temps à fonctionner comme un ensemble relativement homogène et cohérent, jusqu’à ce que l’effet d’attraction de « l’autre monde » introduise en son sein des facteurs de désagrégation. Il continuera à produire son discours auto-justificateur comme avant, mais ce dernier sera moins efficace, moins entendu, et peu à peu, se rigidifiera et perdra sa capacité à intéresser d’autres personnes que les plus convaincues.

Le fait que la Russie ne semble guère intéressée de nous convaincre nous, « occidentaux », et qu’elle ne déploie pas des efforts significatifs en ce sens, ne signifie pas nécessairement que la construction de son discours ne puisse atteindre les niveaux de sophistication requis mais plus simplement qu’elle considère désormais l’opinion publique « occidentale » comme secondaire. Elle oriente son discours désormais vers « l’autre monde ». Et il est vrai que les 450 millions de membres de l’Union Européenne, les 330 millions des États-Unis, les 200 millions, ou peu s’en faut, de Coréens, Japonais et Australiens, même mis ensemble, pèsent peu face aux 1,4 milliards d’indiens, aux africains, aux latino-américains.

Cette désoccidentalisation du monde sera cependant particulièrement problématique pour les européens qui, de centre du monde, ou du moins habitant dans des pays avec une certaine centralité « atlantique », vont se rendre compte à terme qu’ils ne sont plus que des habitants de pays périphériques ou en voie de le devenir. Le réveil, ici, sera dur et la tentation de s’enfermer dans le déni de réalité, forte. Cependant, on peut penser que les pays qui sont déjà eux-mêmes périphériques au sein du continent européen et « atlantique », qu’ils le soient géographiquement ou qu’ils aient conscience de l’être politiquement, seront les premiers à remettre en cause cette unité de façade que prétendent construire et l’UE et l’OTAN. Le devenir de pays comme l’Autriche [43], la Hongrie, la Pologne, mais aussi la Grèce, se posera d’ici quelques années.

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Ceci constitue donc l’essence même du nouveau contexte dans lequel se déroule la guerre en Ukraine. On peut considérer que celle-ci résulte, en partie, de ce changement de contexte. Très clairement la Russie n’aurait pas décidé d’entrer en guerre si nous avions toujours été dans un monde unipolaire, avec la domination des forces « atlantiques ». Elle aurait cherché à défendre ses intérêts par d’autres moyens. Mais, il est cependant clair que cette guerre va accélérer ce changement, et probablement lui donner une tournure beaucoup plus antagonique que ce qui était prévisible avant l’ouverture des hostilités. De ce point de vue, il nous faudra penser aussi cette guerre comme une formidable accélérateur et de la démondialisation et de la désoccidentalisation du monde. Nos élites politiques seront-elles à la hauteur de l’instant historique, et sauront-elles se défaire des pesanteurs du monde « occidental » ? On peut, hélas, en douter.

NOTES

[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/11/guerre-en-ukraine-entre-la-russie-et-l-occident-les-ambiguites-d-une-partie-du-monde_6121561_3210.html

[2] Voir le cas de la guerre du Kivu, Autesserre S., « Penser les Conflits Locaux: L’Echec de l’Intervention Internationale au Congo, » inL’Afrique des Grands Lacs : Annuaire 2007-2008, Paris: L’Harmattan, pp. 179 – 196, 2008

[3] Voir par exemple Lavergne M., Darfour : impacts ethniques et territoriaux d’une guerre civile en Afrique, http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fgeoconfluences.ens-lsh.fr%2Fdoc%2Fetpays%2FAfsubsah%2FAfsubsahScient4.htm%23popup1

[4] Voir J. Généreux, La Grande Régression, Seuil, 2010.

[5] Barma N., Chiozza G., Ratner E. et Weber S. (2009), “A World Without the West? Empirical Patterns and Theoretical Implications”, in Chinese Journal of International Politics, n° 2, Vol.4, 2009, pp. 525-544.

[6] Voir, Sapir J., Le Protectionnisme, Paris, Humensis-PUF, coll. Que-Sais-Je, 2022.

[7] Perez Y., Les Vertus du protectionnisme, Paris, L’Artilleur, 2020.

[8] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2017

[9] Déclaration de Mme Carmen Reinhart , l’économiste en cheffe de la Banque Mondiale, 21 mai 2020, https://www.bloomberg.com/news/videos/2020-05-21/reinhart-says-covid-19-is-the-last-nail-in-the-coffin-of-globalization-video

[10] https://www.brookings.edu/opinions/less-globalization-more-multilateralism/

[11] http://valdaiclub.com/a/highlights/real-us-trade war/?utm_source=newsletter&utm_campaign=76&utm_medium=email

[12] Voir https://www.state.gov/advancing-americas-economic-security-and-national-security/

[13] Neu C.R. et Wolf C., The economic dimension of national security, Santa Monica, The Rand Corporation, 1992.

[14] Goldberg, J, ‘A Senior White House Official Defines the Trump Doctrine’, The Atlantic, 11 juin 2018.

[15] https://www.lefigaro.fr/international/avec-joe-biden-l-amerique-veut-regagner-sa-place-dans-le-monde-20210205

[16] Voir, Joseph Stiglitz : « Il faudra peut-être abandonner l’euro pour sauver le projet européen », entretient avec Benoît Georges, in Les Echos, 16 septembre 2016.

[17] Husson E., Paris-Berlin, La Survie de l’Europe, Paris, Gallimard, 2019.

[18] Voir, « Emmanuel Macron in his own words – The French president’s interview with The Economist », 7 novembre 2019, https://www.economist.com/europe/2019/11/07/emmanuel-macron-in-his-own-words-english

[19] Cafruny, A, Europe’s Twin Crises: The Logic and Tragedy of Contemporary German Power, in Valdai Paper 10, 2015; Ryner, M et Cafruny, A, The EU and Global Capitalism: OriginsDevelopment, Crisis, London: Palgrave, MacMillan, 2017.

[20] https://www.lepoint.fr/monde/guerre-en-ukraine-la-pologne-convoque-l-ambassadeur-francais-08-04-2022-2471443_24.php

[21] Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, Paris, Le Seuil, 2008

[22] Sapir J., La Démondialisation, Le Seuil, Paris, 2011 (1ère édition) et 2021 (2ème édition).

[23] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/en-france-la-taxe-gafa-pourrait-rapporter-un-demi-milliard-d-euros-en-2022-20210922

[24] http://www.lefigaro.fr/international/2014/03/24/01003-20140324ARTFIG00370-g7-la-russie-exclue-du-club-des-puissants-apres-l-annexion-de-la-crimee.php

[25] https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-russie-ne-compte-pas-reintegrer-le-g8_2015762.html

[26] https://www.europe1.fr/international/la-russie-na-pas-lintention-de-reintegrer-le-g8-selon-serguei-lavrov-3676556

[27] Pouchkov A., Le Jeu Russe sur l’échiquier global, Paris, ODM éditions, Essai, 2019.

[28] L’éditeur français du livre d’Alexeï Puchkov a d’ailleurs fait figurer en annexe le texte du discours de Munich, texte dont j’avais montré, dans un ouvrage déjà ancien, toute l’importance. Voir Sapir J. Le Nouveau XXI Siècle – Du siècle américain au retour des Nations, op.cit.

[29] Voir ma recension du livre de A. Puchkov https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-dalexei-pouchkov-a-bastien-lachaud-deux-points-de-vue-sur-la-question-de-la-russie-par-jacques-sapir/

[30] Sapir J. Le Nouveau XXI Siècle – Du siècle américain au retour des Nations, op.cit.

[31] https://fr.sputniknews.com/international/201806061036682564-poutine-russie-souverainete/

[32] Lukyanov F., « The ‘Liberal World Order’ is dead, but fallout from ill-fated visit of EU’s Borrell to Moscow proves much of West still in denial », 9 février 2021, https://www.rt.com/russia/515015-borrell-moscow-visit-fallout/

[33] Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, Op.Cit..

[34] Grotius H., Le droit de la guerre et de la paix, Paris, PUF, 2005

[35] Kratochwil F., «Of Systems, Boundaries, and Territoriality: An Inquiry into the Formation of the State System», in World Politics, vol.34,no1,1986,p.27-52. Holsti K.J., Peace and War: Armed Conflicts and International Order,1648–1989, Cambridge, Cambridge University Press,1991. Voir aussi Dupuy R-J., Le Droit international, Paris, PUF, 1963

[36] Tan W., “India is snapping up cheap Russian oil, and China could be next”, 27 mars 2022, https://www.cnbc.com/2022/03/28/russia-india-india-buys-cheap-russian-oil-china-could-be-next.html et “Indian Oil Finalises Deal To Import Crude Oil From Russia”, https://www.ndtv.com/business/biggest-indian-oil-company-finalises-deal-to-import-3-million-barrels-of-crude-oil-from-russia-2831042.

[37] Goyard-Fabre S., « Y a-t-il une crise de la souveraineté ? », Revue internationale de philosophie, vol. 45, n° 4, 1991, p. 459-498

[38] « L’OCS est un modèle de coopération internationale, selon un rapport_French.news.cn » (http://french.xinhuanet.com/2018-05/27/c_137210279.htm ) sur french.xinhuanet.com

[39] Soit la Chine, la Russie, l’Inde, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Pakistan. Ont statut d’observateurs l’Afghanistan, l’Iran, la Mongolie et le Belarus.

[40] https://www.lepoint.fr/afrique/mali-russie-et-chine-bloquent-a-l-onu-un-texte-soutenant-les-sanctions-de-la-cedeao-12-01-2022-2460174_3826.php

[41] https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/guerre-ukraine-vue-sud

[42] https://www.lefigaro.fr/international/en-allemagne-des-corteges-de-la-honte-en-soutien-a-la-russie-20220410

[43] https://www.lemonde.fr/international/live/2022/04/10/guerre-en-ukraine-en-direct-le-chancelier-autrichien-a-moscou-lundi-pour-rencontrer-vladimir-poutine-l-economie-ukrainienne-s-effondre_6121421_3210.html

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