Algérie / Mustapha Bouchachi : « Le pouvoir doit faire plus que la libération des détenus »

La libération des détenus est un pas positif, mais insuffisant, estime Me Mustapha Bouchachi. « Il faut aller plus loin que la libération des détenus. Quand on libère des détenus et en même temps on en arrête d’autres et on ferme les accès à la capitale, qu’est-ce que cela signifie-t-il ? Le système poursuit ses pratiques faites d’arrestations et d’atteintes aux libertés, dont la liberté d’expression », explique l’avocat et militant des droits de l’Homme dans un entretien paru dans l’édition de ce dimanche 1er mars du quotidien el Khabar.

« La libération des détenus ne signifie pas que la nature du système a changé. Il doit montrer des signes de bonne volonté en décrétant des mesures concrètes pour rendre aux gens leurs libertés confisquées », ajoute-t-il.

Sans ces préalables, dit-il, il ne peut y avoir de dialogue avec le pouvoir : « Personne ne refuse le dialogue mais il faut se demander si le pouvoir cherche à dialoguer pour casser le hirak ou pour permettre sa continuité. Les dernières consultations ont démontré que le pouvoir n’a aucune intention de dialoguer. Il doit d’abord rendre aux gens leurs libertés confisquées, permettre aux activistes qui ne partagent pas ses points de vue de tenir leurs réunions publiques, laisser les médias couvrir le hirak… ».

La structuration du hirak, estime Mustapha Bouchachi, ne pourra se faire que lorsque le pouvoir aura fait part de sa disponibilité à écouter le peuple et à concrétiser ses revendications.

À propos des relaxes prononcées par la justice, l’avocat les considère comme des initiatives personnelles d’une infime minorité de juges, « la grande majorité continuant encore à arrêter et à condamner ».

Concernant sa rencontre controversée avec Ali Belhadj, Me Bouchachi assure qu’elle ne cache aucun projet politique. « Ali Belhadj subit des atteintes graves à ses droits (…) La visite vient en prolongation de mes positions en tant que militant des droits de l’Homme en faveur de tous ceux qui ont été spoliés de leurs droits sans prendre en compte leurs orientations politiques ou idéologiques. Il n’y a aucun projet politique derrière cette visite », explique-t-il.

Interrogé sur l’état d’esprit de Karim Tabbou, qui sera jugé le 4 mars, Bouchachi, qui est par ailleurs l’avocat du coordinateur de l’UDS, révèle que celui-ci a toujours le moral et qu’il a hâte d’expliquer devant le tribunal qu’il a été emprisonné pour ses positions politiques.


>> Zeghmati évoque le hirak, promet la fin des « atteintes aux libertés »

Intervenant ce samedi 29 février lors d’une rencontre à Alger avec les présidents de cours, procureurs généraux et cadres centraux du ministère, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a promis la fin des « atteintes aux libertés » et la moralisation de la vie publique par la poursuite de la lutte contre la corruption.

« Le peuple nous a chargés d’une mission très lourde, celle de lutter contre la corruption, de moraliser la vie publique et le recouvrement des droits en mettant fin d’une manière définitive aux atteintes aux libertés et à la prédation des richesses nationales », a déclaré Belkacem Zeghmati, qui n’a pas manqué de jeter quelques fleurs au hirak populaire.

« La scène nationale connaît depuis plus d’une année un mouvement inhabituel, appelant à une réforme globale des institutions de l’État et à la moralisation de la vie publique de manière à renforcer les bases de l’État démocratique et garantir les droits et libertés », a-t-il rappelé, soulignant que le peuple « aspire à une Algérie nouvelle où la citoyenneté aura tout son sens ».

« Pendant toute cette période, ajoute-t-il, les voix des citoyens n’ont pas cessé de réclamer une justice indépendante conformément aux dispositions de la Constitution ». « Une justice, poursuit-il, qui respecte les droits de l’Homme et garantit l’équité des jugements, une justice fondée sur la légitimité et protégeant la société et le citoyen dans le cadre de la loi ».

Pour Zeghmati, « la justice a pu réaliser en un laps de temps court des acquis que tout le monde peut constater ». « Nous devons persévérer dans cette voie et procéder à la réforme de la justice, que ce soit en matière des ressources humaines, de la modernisation de ses moyens ou de la révision des textes de loi qui la régissent », a-t-il indiqué.

« Comme dans de nombreux pays, la justice fait face à un défi important, celui de se mettre au diapason de notre époque, marquée par l’essor des nouvelles technologie. La solution aux problèmes qu’elle rencontre est donc tributaire de sa capacité à moderniser les outils de son fonctionnements », a conclu le ministre.


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