Algérie / Terreur et manipulation pour imposer la présidentielle du 4 juillet (contribution)

Par Youcef Benzatat  

La désignation unilatérale par le système de Bensalah en tant que président par intérim et la tenue d’élections présidentielles le 4 juillet ont été unanimement rejetées par le peuple lors des manifestations du 12 avril, les considérant illégitimes et estimant qu’il lui revient souverainement de décider des actions à mener pour réaliser une véritable transition démocratique. Malgré ce rejet catégorique, le système persiste dans son obstination à refuser de lui restituer sa souveraineté et entend poursuivre son action, sous le prétexte de se conformer à la Constitution, alors que le peuple ne reconnaît plus la légitimité de cette Constitution et entend se doter d’une nouvelle qu’il aura lui-même adoptée souverainement, contrairement à celle qui est en vigueur, qui lui a été imposée dans sa forme initiale et par les différents amendements qu’elle a subis sans son consentement.

Cette obstination du système à persister dans son autisme s’apparente à un tutorat autoritaire dont l’objectif évident serait de se maintenir et garder la main sur la conduite de l’Etat. Dans le cas contraire, et s’il était vraiment sincère dans les choix qu’il a adopté pour la gestion de cette crise, sans sournoiserie ni fuite en avant, il se serait vite rendu compte que la souveraineté appartient au peuple et qu’aucune Constitution n’est au-dessus de la volonté populaire, si ce peuple décide à un moment de son histoire de la révoquer et d’en adopter une nouvelle. Car une nation dynamique est une nation qui progresse et évolue en fonction de ses acquis et des transformations qu’elle a pu réaliser ou aux blocages auxquels elle a été confrontée au cours de son histoire. L’Algérie se trouve justement en ce moment, après l’échec d’une expérience d’un demi-siècle d’indépendance, à un tournant majeur de son histoire où l’ordre ancien est devenu obsolète et doit laisser la place à un nouveau qui correspond à ses besoins, à ses attentes, à ses ambitions et à ses rêves et désirs.

N’ayant pas pu imposer ses choix par son discours de légitimation, erroné et sournois, il lui faudra dans ce cas, pour préserver cet ordre ancien dans lequel il occupe une place privilégiée et qui lui assure une domination sans partage sur la société, faire face à la détermination du peuple de poursuivre la contestation de sa légitimité et celle de ces présidentielles du 4 juillet dans son désir inaliénable de fonder une nouvelle République sur de nouvelles bases institutionnelles et constitutionnelles. Pour y parvenir, il faudra qu’il puisse convaincre une partie de la population pour aller voter ce jour du 4 juillet, afin de lui permettre d’élire un représentant du système choisi dans ses rangs ou parmi sa clientèle potentielle, en s’appuyant sur la fraude électorale comme il a toujours su faire et dont il maîtrise à la perfection les étapes et les rouages.

Mais comment parvenir à démobiliser près de 40 millions d’Algériennes et Algériens et amener une partie à revenir sur leur rejet de ces élections et de bien vouloir y participer dans une courte durée de moins de trois mois ? Un délai incongru de tout point de vue pour réaliser une telle opération électorale. Il serait impossible de réviser les listes électorales à temps, qu’il faudra revoir de fond en comble, étant donné l’irrationalité par lesquelles elles étaient établies par le passé et de permettre aux candidats de s’organiser et de présenter un programme électoral convenablement ficelé à leurs électeurs potentiels, sachant que les partis politiques traditionnels, que ce soit de l’alliance présidentielle ou de l’opposition, sont décriés et rejetés par le peuple à leur tour. Une contradiction insurmontable qui ne fait que dévoiler les intentions sournoises d’un système de pouvoir aux abois et qui n’a d’autres choix que la fuite en avant pour sauver sa mainmise sur la conduite des affaires publiques.

Les événements qui se sont produits ces dernières semaines, et particulièrement ceux du 12 avril, nous donnent des indices assez plausibles pour comprendre les méthodes par lesquelles le système compte parvenir à démobiliser la population et amener une partie à participer à la figuration électorale qui se profile le 4 juillet. D’autant que la désobéissance civile s’accélère et qui lui rend la tâche plus compliquée encore. Notamment la récente déclaration du club des magistrats, une composante importante du processus électoral, qui refuse de superviser les élections du 4 juillet, le président d’APC de Yakouren qui refuse de collaborer à la préparation de ces élections, ainsi qu’un début de paralysie du gouvernement par l’empêchement de l’activité de ses membres lors de leurs sorties sur le terrain par les populations locales.

Parmi ces événements, la grande manipulation de la présidentielle elle-même, où le système incite la population à créer des partis politiques par le biais desquels il compte certainement injecter de nouvelles formations politiques pour remplacer les partis de l’alliance présidentielle devenus inopérants car rejetés par la population. Chose surprenante, depuis le 22 février, aucune manifestation d’islamistes n’a eu lieu et, brusquement, au même moment où les forces de sécurité reçoivent l’ordre de commencer à réprimer, un groupe islamiste surgit ce même jour du 12 avril, revendiquant un Etat théocratique et défilant le Coran à la main. L’incidence sur l’état d’esprit des manifestants peut être fortement traumatique dans la mesure où elle est susceptible de réveiller les démons de la décennie noire dans l’imaginaire collectif, comme elle peut pousser à la contagion et au ralliement d’éléments islamistes dormants ou indécis.

En même temps, et comme par hasard, la DGSN annonce d’une manière spectaculaire l’arrestation de terroristes lourdement armés qui avaient l’intention de commettre un carnage parmi les manifestants en précisant que leurs armes ressemblaient à celles ayant été utilisées pendant les années 1990. Une précision révélatrice de l’intention de terroriser la population et de la dissuader de poursuivre la participation aux manifestations du vendredi dans le but d’affaiblir la mobilisation.

On peut très bien concevoir que des parties mal intentionnées auraient bien voulu commettre des attentats contre les manifestants, mais on ne peut justifier de tels actes qui apparaissent plutôt à l’avantage du système, qui pourrait en faire un alibi pour proclamer l’état d’exception et fermer définitivement l’accès à l’espace public, rendant toute manifestation impossible, sinon dans l’affrontement avec les forces de l’ordre, ce qui est contraire aux moyens de lutte prévus par le peuple pour mener sa révolution à bon port.

C’est, d’ailleurs, le vœu du système de vouloir pousser la population à l’affrontement. Fait flagrant, un jeune parmi le groupe d’adolescents qui ont attaqué ce jour les forces de l’ordre et détruit le véhicule de police, curieusement abandonné sans surveillance pas loin de l’endroit où a eu lieu l’affrontement avec la police, aurait déclaré avoir été payé pour participer à cette meute.

Trop de faits simultanés et concordants pour ne pas soulever l’hypothèse de l’intention du pouvoir de pousser au pourrissement, par la terreur des manifestants et la manipulation tous azimuts. Une attitude inconsciente et irresponsable.

Y. B.  (Photo mise en avant : De nombreux incidents ont émaillé les dernières manifestations. PPAgency)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *