L’Afrique centrale à l’épreuve de l’intégration régionale

La réforme de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) a été validée ce 18 décembre à l’issue d’un sommet extraordinaire au Gabon. Après plusieurs échecs dans le processus d’intégration des pays de la zone, la CEEAC veut, grâce à cette révision, mieux faire face aux défis de la région. Pour quelle efficacité? Décryptage.

© AFP 2019 STEVE JORDAN

Les pays de l’Afrique centrale vont-ils enfin réussir leur réforme en vue d’une meilleure intégration? Les onze chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), réunis en session extraordinaire ce 18 décembre à Libreville au Gabon, ont adopté à l’unanimité les projets de réforme de cette institution d’intégration régionale.

«La CEEAC sera désormais dotée d’une architecture institutionnelle à la hauteur des défis à relever», a déclaré Ali Bongo Ondimba, Président gabonais et président en exercice de cette organisation sous-régionale.

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Créée en 1983, la CEEAC compte 11 États membres: l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, la République du Congo, la République démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Rwanda, Sao Tomé-et-Principe et le Tchad. Trente-six ans après sa création, les États membres sont convaincus de l’impératif pour l’institution sous-régionale de s’arrimer aux nombreuses mutations conjoncturelles.

Arrivée du Président camerounais Paul Biya, également président de la Cemac, au sommet extraordinaire de la Cemac à Yaoundé le 22 novembre 2019.
Vers une monnaie commune de la Cemac: «Le franc CFA a l’avantage de la stabilité» © PHOTO. TOCH / ARRIVÉE DU PRÉSIDENT CAMEROUNAIS PAUL BIYA, ÉGALEMENT PRÉSIDENT DE LA CEMAC, AU SOMMET EXTRAORDINAIRE DE LA CEMAC À YAOUNDÉ LE 22 NOVEMBRE 2019.

Le sommet de Libreville a modifié le traité instituant la CEEAC pour le moderniser et l’adapter au contexte actuel. Les textes adoptés portent sur le protocole du traité instituant la commission de la CEEAC –en remplacement du secrétariat général–, le Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (COPAX), le règlement financier, le cadre organique et le statut du personnel révisé de la Communauté. Commentant pour Sputnik les réformes adoptées, notamment la mise sur pied d’une commission en lieu et place d’un secrétariat général, avec des pouvoirs plus étendus, Wannah Immanuel Bumakor, universitaire camerounais et expert des relations internationales se montre peu enthousiaste quant à ces mesures.

«Ce n’est pas seulement aujourd’hui que la question de la création d’une commission à la place d’un secrétariat général a été évoquée. C’est une mesure qui a été proposée il y a environ 20 ans mais qui n’a pas été mise en œuvre. C’est pour cette raison que vous remarquerez que la CEEAC depuis 36 ans a été un gros échec dans la mise en œuvre des politiques pouvant faciliter l’intégration», souligne le spécialiste des relations internationales. 

Pour lui, ces mesures longtemps annoncées ne peuvent être efficaces que si les dirigeants de la région opèrent un changement d’attitude dans une sous-région réputée pour ses lourdeurs administratives.

«L’intégration dans la sous-région ne sera efficace que s’il y a un changement d’attitude des dirigeants. Et cette révolution doit commencer au niveau de chaque pays membre. Ils doivent mettre en œuvre des réformes politiques et économiques d’abord au niveau de leurs États respectifs, pour accélérer leur développement, avant de les harmoniser au niveau de la région», suggère l’expert.

En effet, la nouvelle réforme institutionnelle de la CEEAC a été ordonnée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres, réunis en mai 2015 à N’Djamena, au Tchad. La conférence avait approuvé la proposition faite par le secrétariat général «d’initier une réforme profonde de la CEEAC». Pour les initiateurs de cette réforme, il s’agit de mettre, dans un cadre juridique et institutionnel unique et harmonisé, toutes les composantes du processus de l’intégration régionale au sein de la CEEAC. Il s’agit de l’intégration économique, commerciale et politique, de la stabilité sociale ainsi que de la paix et de la sécurité.

Une ambition à la traîne dans cette partie du continent qui continue d’accuser un retard par rapport à d’autres ensembles sous-régionaux (EAC, SADC, CEDEAO…), perçus comme plus dynamiques. Et pourquoi ?

«Depuis plus de trois décennies, même la simple libre circulation des personnes n’est pas encore une réalité entre ces pays. Nous attendons toujours le passeport du citoyen de la sous-région proposé depuis des années mais qui n’a pas encore été mis en œuvre. Cette lenteur dans le processus d’intégration dans la sous-région est simplement due au manque de volonté politique des dirigeants de ces pays. Comme d’habitude, la gouvernance est au cœur du problème. Ici, les égoïsmes nationaux sont légion. Les dirigeants préfèrent mettre en œuvre des politiques qui leur permettent de rester au pouvoir plutôt que d’améliorer les conditions de vie des citoyens», estime Wannah Immanuel Bumakor.

Au cours de ce sommet extraordinaire, un engagement a été pris pour assurer l’autonomisation financière de l’institution. Les pays membres sont encouragés à collecter et à reverser à la commission la taxe communautaire d’intégration (TCI).

Les onze pays membres ont six mois pour ratifier ce nouveau traité. Le prochain sommet de la CEEAC est prévu au cours du premier semestre de l’année 2020.


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