Algérie / L’ONU réclame une enquête et la fin des détentions arbitraires

    Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a demandé, vendredi, aux autorités algériennes de mettre immédiatement fin aux violences contre des manifestants pacifiques et les arrestations arbitraires.

Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.   Photo ONU/Jean-Marc Ferré

« Nous sommes très préoccupés par la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie et par la répression continue et croissante contre les membres du mouvement pro-démocratique du Hirak », a déclaré Rupert Colville, un porte-parole du Haut-Commissariat lors d’un point de presse de l’ONU à Genève.

Selon les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet, les manifestations, qui se poursuivaient en ligne à la suite de la pandémie de Covid-19, ont repris dans les rues ces dernières semaines, les autorités réagissant de la même manière répressive qu’en 2019 et 2020.

Le Haut-Commissariat accuse les forces de sécurité algérienne d’un usage excessif de la force. Il estime que des centaines d’individus ont été arrêtés depuis la reprise des manifestations le 13 février 2021.

Le Haut-Commissariat a également reçu « des allégations de torture et de mauvais traitements en détention, y compris de violences sexuelles ». Par conséquent, il appelle à cesser tout recours à la violence contre des manifestants pacifiques et « à mettre un terme aux arrestations et détentions arbitraires ».

32 individus sont actuellement détenus et certains sont passibles de longues peines

Les services de Mme Bachelet demandent instamment aux autorités « de libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes arrêtées ou détenues arbitrairement pour avoir prétendument soutenu Hirak, et d’abandonner toutes les charges retenues contre elles ».

Par ailleurs, le Haut-Commissariat a fait état de « rapports crédibles» selon lesquels près d’un millier de personnes ont été poursuivies pour avoir participé au mouvement du Hirak ou pour avoir publié des messages critiques à l’égard du gouvernement sur les réseaux sociaux. Selon les mêmes rapports, «au moins 32 individus sont actuellement détenus pour l’exercice légitime de leurs droits fondamentaux, et certains d’entre eux sont passibles de longues peines, tandis que d’autres sont toujours en détention provisoire ».

Ces derniers développements font écho à la situation qui s’est produit en 2019 et 2020, lorsque « au moins 2500 personnes ont été arrêtées ou détenues dans le cadre de leur engagement pacifique ». De même, les procédures pénales engagées en 2019 et 2020 contre des militants, des défenseurs des droits de l’homme, des étudiants, des journalistes, des blogueurs et des citoyens ordinaires qui ont exprimé leur opposition se sont poursuivies pendant les deux premiers mois de 2021.

Des journalistes ont été arrêtés pour avoir couvert ou fait des reportages sur le mouvement de protestation, et 16 médias en ligne indépendants connus pour leurs reportages critiques ont été bloqués, constate encore l’Agence onusienne.

Face à cette situation, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU réclame des enquêtes « rapides, impartiales et rigoureuses » sur les allégations de torture et de mauvais traitements en détention. Il demande aussi à Alger d’abroger les textes qui sont utilisés pour poursuivre des personnes qui ne font qu’exprimer leur opinion et exercent leur droit de réunion pacifique.


   Qui du Hirak ou du gouvernement algérien s’essoufflera le premier?


         L’engagement des gouvernements à interdire la torture manque de crédibilité dans le monde entier (expert de l’ONU)

 

Les gouvernements du monde entier ne font pas preuve « d’engagement crédible en faveur de l’interdiction absolue » et universelle de la torture et des mauvais traitements et que la plupart sont sur « la défensive, dédaigneux ou évasifs face aux allégations de tels abus », a déploré, lundi, un expert indépendant des Nations Unies.

« Au fil des ans, neuf allégations de torture et de mauvais traitements sur dix officiellement transmises aux gouvernements de toutes les régions du monde ont été complètement ignorées ou n’ont pas reçu de réponse permettant de prévenir, d’enquêter ou de réparer efficacement la violation en question » a déclaré Nils Melzer, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.

S’adressant au Conseil des droits de l’homme à Genève, il a ajouté que les réactions des gouvernements aux allégations et aux demandes qui leur sont transmises vont du silence complet au rejet agressif, au déni sans fondement, à l’obstruction bureaucratique et même à des formes sophistiquées de faux-semblants.

« Le dénominateur commun de tous ces schémas est qu’ils assurent l’impunité aux tortionnaires et privent les victimes de réparations et de réparations », a détaillé M. Melzer.

Dans un rapport présenté au Conseil des droits de l’homme, M. Melzer a déclaré que, sur la base de quelque 500 communications officielles transmises aux États entre 2016 et 2020, 90% des réponses ne répondaient pas systématiquement aux normes de coopération requises par le Conseil.

80% des demandes de visites dans les pays ignorées, reportées ou refusées

Un manque de coopération similaire persiste également lorsque les rapporteurs spéciaux demandent des visites officielles dans les pays, en particulier dans les États où la torture et les mauvais traitements seraient fréquents.

« Environ 80% de nos demandes de visites de pays ont été ignorées, reportées ou refusées par les gouvernements. Cela nous a empêchés d’effectuer des visites de contrôle indépendantes là où elles étaient le plus nécessaires », a fait valoir M. Melzer. Même les États qui ont adressé des invitations permanentes à des experts des Nations Unies ignorent ou rejettent les demandes de visites de pays, manquant ainsi à leurs propres engagements.

Or « l’interdiction absolue et universelle de la torture et des mauvais traitements n’est pas une sorte de slogan déclaratoire à répéter et à célébrer régulièrement lors des conférences internationales. Mais qu’elle requiert inévitablement la détermination politique de prendre des décisions difficiles et « le courage d’affronter des vérités inconfortables – pas ailleurs, mais chez soi ».

Face à cette situation, l’expert indépendant onusien a recommandé que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU dirige un processus multipartite visant à identifier des normes génériques convenues pour évaluer et améliorer l’efficacité de l’interaction des États avec les experts des droits de l’homme mandatés dans tous les domaines de leur travail, y compris, en particulier, les communications officielles, les visites de pays et les rapports thématiques.


NOTE :

Les rapporteurs spéciaux, les experts indépendants et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et exercent leurs fonctions à titre individuel.


 

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